Le personnel

Un officier de liaison canadien avec un officier ukrainien, le 16 mai 2016

Photo du MDN AK51-2016-036-001, prise par le capitaine J.P. Coulombe

Réflexions d’un officier de liaison

par James McKay

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Le lieutenant-colonel J.R. McKay, C.D., Ph. D., est professeur adjoint et doyen associé de la Faculté des arts du Collège militaire royal du Canada. Il est également réserviste et occupe actuellement le poste de conseiller de la Réserve en matière d’instruction collective au Centre de doctrine et d’instruction de l’Armée canadienne, de même que celui de directeur adjoint (Réserve) du Corps d’infanterie royal canadien.

Introduction

Le présent article vise à partager des réflexions sur mon expérience récente à titre d’officier de liaison du Commandement des opérations interarmées du Canada (COIC) auprès de l’U.S. European Command. Les postes d’officier de liaison sont assez rares et généralement perçus comme une récompense à la suite d’une longue carrière, ou encore comme une tâche facile pour un officier supérieur entre deux affectations d’importance au Canada. Cependant, ces perceptions ne tiennent pas compte de la réalité où, dans de nombreux cas, l’officier de liaison agit à titre de porte-parole des Forces armées canadiennes au sein des quartiers généraux étrangers et jouit d’une grande indépendance. De plus, les officiers de liaison sont souvent des représentants personnels du commandant supérieur. Ces affectations s’avèrent essentielles puisqu’elles permettent de consolider quotidiennement les relations entre les alliés.

Je traiterai des tâches des officiers de liaison au sein des quartiers généraux militaires étrangers aux niveaux opérationnel et stratégique, des ’points de vue interprétatif et normatif, dans le but de donner un aperçu des défis et des avantages liés à ces fonctions. J’examinerai d’abord les écrits scientifiques militaires de langue anglaise sur les officiers de liaison’, puis je résumerai les fonctions d’un officier de liaison. Je me pencherai ensuite sur les difficultés auxquelles est confronté le quartier général hôte, puis je présenterai une synthèse de ces difficultés et des solutions proposées.

Les écrits

Étonnamment, les écrits scientifiques militaires font peu état des officiers de liaison, bien qu’on en traite parfois dans les travaux sur les alliances et les coalitions ainsi que leur maintien durant les grands conflits. Par exemple, un auteur note que durant la guerre du Golfe de 1991, le processus décisionnel mis en place pour veiller à la collaboration efficace des membres occidentaux et arabes de la coalition était soutenu par un nombre accru d’officiers de liaison1. Un autre auteur explique que les communications dans un contexte de coalition reposent sur les relations avec les autorités des autres pays, mais qu’elles sont liées à l’éducation militaire professionnelle2. Dans le même ouvrage, il décrit l’officier de liaison comme le « télescope guidé » du commandant qui aide ce dernier à exercer le commandement et contrôle des forces. Il reprend ensuite la question de l’éducation militaire professionnelle d’un bassin potentiel d’officiers de liaison et fait un lien direct avec la classification d’« officier étranger responsable de zone » de l’U.S. Army3. Même si j’éprouve un grand respect pour ces officiers américains professionnels, talentueux et extrêmement bien formés, il ne faudrait pas voir ici un plaidoyer en faveur de la mise sur pied d’un groupe semblable d’officiers au sein des Forces armées canadiennes, étant donné que leur taille et leur portée plus modestes rendent cette option irréalisable. De tels documents suggèrent que les officiers de liaison contribuent à la mise sur pied et au maintien de l’interopérabilité. Bien que l’on ait bien souvent tendance à associer l’« interopérabilité » avec la technologie, ce terme englobe également les procédures et, dans ce sens, les officiers de liaison permettent à leurs propres forces et aux forces du pays hôte de collaborer de façon plus efficiente et efficace4. Pour reprendre les propos de Scales, « la solution pour dissiper le brouillard et éliminer les frictions d’une guerre de la coalition ne repose pas sur la technologie, mais plutôt sur des subalternes de confiance qui peuvent traiter efficacement avec les partenaires de la coalition5. » [TCO] Dans un ouvrage sur la guerre réseaucentrique, Paul Mitchell, du Collège des Forces canadiennes, a décrit l’officier de liaison comme un capteur dont l’utilité est régie par la situation politique entre deux pays6. Mitchell a précisé ultérieurement cette idée en indiquant que les officiers de liaison remplissaient une fonction pilier en s’assurant que les lacunes liées à l’information sur les opérations sont corrigées7. Il s’agit peut-être de la fonction la plus importante d’un officier de liaison, mais aussi de la plus difficile à réaliser, en raison du statut ambigu du poste, qui se situe entre l’officier hiérarchique et l’officier d’état-major, ainsi que des défis en matière d’échange d’information posés par une myriade de règlements sur la sécurité et la possibilité d’interprétations multiples.

Cependant, ce sont deux auteurs suédois qui ont le mieux réussi à décrire simplement les fonctions d’un officier de liaison. Faisant appel à un concept tiré de la littérature sur l’administration des affaires, ils ont soutenu que les officiers de liaison étaient en fait des « passeurs de frontières », c’est-à-dire des intermédiaires entre deux organisations. Les auteurs ont également soutenu que ces passeurs de frontières remplissaient deux fonctions simples : gérer la circulation de l’information entre les deux organisations tout en représentant les intérêts de l’organisation qui les a affectés8. Ils ont indiqué que cela paraissait quelque peu contradictoire. En effet, cet état de fait place les officiers de liaison dans une situation où ils doivent prendre des décisions sur la manière et le moment de partager des renseignements précis tant avec leur propre organisation qu’avec celle du pays hôte, en plus de maintenir une distance minimale avec les hôtes afin de protéger leur propre organisation des effets d’un conflit entre les deux organisations9. Bien que leurs idées soient essentiellement corroborées par des sources suédoises dans le contexte des opérations de soutien de la paix, elles s’appliquent à un éventail de contextes dans lesquels les officiers de liaison peuvent être appelés à intervenir. Le terme « passeur de frontière » est une description pertinente, mais il ne reflète pas bien le contexte militaire. Ainsi, deux questions essentielles se posent : qu’est-ce qu’un officier de liaison et quelles sont ses fonctions?

Qu’est-ce qu’un officier de liaison?

Les officiers de liaison sont comme des invités de confiance envoyés de leur propre quartier général à un autre afin de représenter les intérêts du commandant dont ils relèvent. Leur statut n’est pas toujours bien compris par l’ensemble des participants, y compris des officiers de liaison eux-mêmes. Je m’estime chanceux, car tant le personnel du COIC que mon prédécesseur ont effectué une excellente passation des responsabilités. Malgré le décalage horaire, j’ai compris les enjeux même s’il m’a fallu un certain temps pour comprendre pleinement mes fonctions et la façon d’apporter une valeur ajoutée. Voici le premier défi. En dépit des grands efforts des prédécesseurs en vue d’assurer la continuité, c’est en tentant de les remplir au fil du temps qu’on en apprend davantage sur ses fonctions. Il existe peu d’instruction officielle, s’il y en a, contrairement aux fonctions de commandant ou d’officier d’état-major. Les officiers de liaison ne sont ni des membres du personnel intégrés ni des militaires qui participent à un échange et qui sont affectés à des postes d’état-major. Leur chaîne de commandement demeure celle de la formation dont ils relèvent. Ils doivent fournir deux types de renseignements à Ottawa. D’abord, ils doivent transmettre des renseignements sur l’atmosphère, un terme « fourre-tout » visant à décrire l’impression des hôtes sur la situation quotidienne ou les efforts canadiens. Ensuite, ils doivent fournir des renseignements qui ont une incidence directe sur les opérations canadiennes, notamment les situations en cours, les activités futures et les échéanciers, de même que les enjeux qui requièrent notre attention. De façon générale, cela nécessite une série de comptes rendus, de réponses à des demandes de renseignements (DR) et de conversations avec le personnel canadien pour obtenir des précisions sur les comptes rendus.

Un officier de liaison canadien avec un commandant supérieur britannique, en Roumanie, le 19 avril 2016

Photo du MDN RP004-2016-0009-342, prise par le caporal Guillaume Gagnon

Quelques défis

Pour les hôtes, la présence d’un officier de liaison étranger comprend des avantages et entraîne des coûts. Le défi, avec lequel doivent composer tous les quartiers généraux qui accueillent des officiers de liaison étrangers, consiste à faire en sorte que les avantages de la présence de ces officiers dépassent largement les coûts. Le quartier général hôte doit établir ce qu’il attend d’un officier de liaison. Dans l’ensemble, il s’agit de déterminer la contribution du pays de l’officier de liaison dans la zone d’opérations ainsi que la capacité de communiquer avec les alliés et les partenaires à la suite du déclenchement d’une crise. Par conséquent, le pays hôte doit pouvoir tirer profit d’une telle présence, mais le problème de la portée rend la tâche plus difficile. La taille et la portée des activités canadiennes sont modestes en comparaison avec celles des Américains, ce qui signifie que la transmission des renseignements nécessaires est plutôt facile et rapide. Certains pays hôtes peuvent avoir l’impression que les avantages ne s’avèrent pas si considérables. Les hôtes doivent également déterminer la façon de s’organiser et d’interagir avec les officiers de liaison étrangers. Ils doivent donc définir le commandement et contrôle, le rythme de bataille et les locaux. Au cours des dix dernières semaines de mon affectation, j’ai assuré temporairement la liaison avec le U.S. European Command de même qu’avec le U.S. Africa Command. Cela m’a permis de comparer les approches des deux quartiers généraux. Dans les deux cas, les officiers de liaison étrangers étaient accueillis par les services des plans, mais ces derniers ont adopté différentes méthodes d’organisation et d’interaction avec les officiers de liaison. D’un côté, l’approche était centralisée, et les officiers de liaison étrangers étaient réunis physiquement et hiérarchiquement au sein d’une même direction qui relevait d’un officier américain de niveau O-6 (grade de Colonel ou de Captain [Navy]), qui disposait d’un état-major restreint pour l’aider. Dans ce quartier général, le directeur du personnel organisait mensuellement une série de réunions, et les autres réunions étaient tenues par l’entremise de l’officier responsable du pays. De l’autre côté, le quartier général avait adopté une approche plus « libre ». En principe, les officiers de liaison étrangers relevaient de l’une des directions du personnel responsable des plans, mais ils travaillaient en étroite collaboration avec un chef d’état-major adjoint responsable des officiers de liaison ainsi que les états-majors hôtes qui étaient le plus touchés par leur pays. L’attribution des bureaux était fondée sur la disponibilité, et non sur la centralisation. Dans le cadre de cette approche, les réunions avaient lieu de façon hebdomadaire. Les deux approches comportent leurs avantages. Pourtant, les deux quartiers généraux semblaient chercher à obtenir un meilleur rendement par rapport aux efforts fournis relativement aux officiers de liaison étrangers, et ils ont tous deux tiré des conclusions différentes sur la façon de procéder.

Cependant, aucun d’entre eux n’a trouvé de solution au problème posé par la sécurité. Sans entrer dans les détails liés à la sécurité physique et aux mesures à prendre, cela représente une forme de coût associé à l’interaction. Notre allié américain prend la sécurité très au sérieux. Ainsi, selon le la cote de sécurité du personnel visé, l’accès peut être rigoureusement contrôlé. Un certain nombre de secteurs sont désignés « zones NOFORN » (ne pas diffuser auprès d’étrangers). Cela signifie, selon le cas, que les étrangers ne peuvent pas entrer dans ces zones, qu’ils peuvent y entrer sous escorte uniquement ou que tous les occupants de ces zones doivent être avisés de la présence d’un étranger par un système de sécurité. Par conséquent, on n’interagit avec les membres du personnel occupant ces zones qu’en cas d’absolue nécessité. Il s’agit d’une arme à double tranchant. Bien que ce moyen permette d’assurer la sécurité, il peut faire en sorte que certains membres du personnel soient isolés des officiers de liaison et qu’ils ne perçoivent pas les occasions d’en tirer des avantages. L’échange d’information est également régi par les mesures de sécurité. La sensibilité des renseignements dicte les moyens de les transmettre (système sécurisé ou système sans classification). Cela se traduit par un ensemble d’instructions de traitement pour l’ensemble des renseignements et permet de déterminer quels renseignements peuvent être transmis et à qui. Bien qu’il soit relativement facile et rapide d’accéder au système sans classification, obtenir l’accès au système sécurisé américain peut nécessiter beaucoup plus de temps. J’ai eu la chance de l’obtenir en quelques jours alors que des collègues ont dû attendre des semaines. Cet accès m’a permis de communiquer efficacement et rapidement avec mes hôtes.

Cependant, le simple fait d’avoir obtenu l’accès au système ne signifiait pas que j’avais un grand nombre de renseignements à transmettre. Bien que l’état-major à Ottawa ait pu transmettre efficacement les renseignements nécessaires, j’avais besoin d’obtenir un portrait complet. Je n’ai eu un accès direct aux systèmes sécurisés canadiens que bien plus tard, même s’il était possible de l’obtenir en cas d’urgence. Nos systèmes ont tendance à exploiter des dépôts centraux d’information auxquels tous les utilisateurs peuvent avoir accès, au besoin. Au début, comme je n’avais pas accès au système, je devais persuader des collègues de m’envoyer du matériel. Dans l’ensemble, ces collègues collaboraient, mais cela entraînait un retard dans les réponses aux questions de mes hôtes. Cela retardait également mes collègues à Ottawa qui devaient passer du temps à transmettre les renseignements demandés. Cette procédure posait un autre défi : ma capacité de prouver que je représentais un avantage net pour mes hôtes dépendait de la possibilité de répondre à leurs questions et de leur fournir des renseignements sur les perspectives, les activités ou les opérations canadiennes. À certains égards, les tâches de liaison peuvent s’apparenter à de la négociation, car l’officier de liaison doit apporter suffisamment d’avantages (par l’entremise de l’échange d’information et d’une intervention en cas de crise) afin de prévaloir sur les coûts liés à leur présence. À certaines occasions, je pouvais avoir un aperçu des calculs effectués au quartier général hôte. Par exemple, on a volontairement décidé d’accorder aux officiers de liaison étrangers un plus grand accès aux briefings de mise à jour quotidiens, ce qui occasionnait un surplus de travail pour le personnel responsable de ces briefings. On a donné aux officiers de liaison étrangers la possibilité de donner des briefings; initialement, en tant que groupe, nous n’étions pas en mesure de fournir beaucoup de renseignements. La situation a été rectifiée quand on a demandé que les briefings des officiers de liaison étrangers aient lieu selon un calendrier établi par pays. J’ai donné deux briefings. L’un de ces briefings consistait en un résumé des activités militaires relativement modestes du Canada dans la zone d’opérations. Le mois suivant, je devais donner un autre briefing, de sorte que je devais réfléchir aux renseignements qui pourraient s’avérer utiles pour mes hôtes. J’étais émerveillé par les capacités des autres officiers de liaison étrangers à donner des briefings informatifs et pertinents. Cela dit, les efforts de leur pays dans la zone d’opérations étaient plus vastes et de nature plus variée que les efforts canadiens. Heureusement, le deuxième briefing a eu lieu le jour suivant les élections fédérales de 2015. Compte tenu des fuseaux horaires, j’ai donc donné le briefing sur les résultats des élections quelques heures à peine après la fermeture des bureaux de scrutin en Colombie-Britannique et au Yukon. Voici un autre exemple : dans une tribune ouverte, un subalterne a posé une question publiquement à son supérieur à propos de l’échange d’information avec les pays étrangers. Il a suggéré que certains étaient beaucoup moins disposés à transmettre des renseignements et que les États-Unis devaient en cacher davantage. La réponse du supérieur a été habile : celui-ci a simplement répondu qu’ils « dirigeaient l’effort ». Ces deux exemples montrent que, dans certains quartiers généraux, on s’inquiète du fait que les États-Unis ne tireraient peut-être pas d’avantages nets de leurs relations avec les autres pays.

Le commandant du COIC avec un colonel roumain, pendant l’Op « Reassurance », le 12 avril 2016

Photo du MDN RP002-2016-0030-128, prise par le caporal-chef Andrew Davis

Pistes de solution

L’une des façons de produire des résultats tangibles était de chercher à participer aux activités du quartier général, mais cela comporte certains inconvénients. Mitchell a souligné que les officiers de liaison qui agissaient comme des membres du personnel intégré prouvaient rapidement leur « valeur » aux yeux des hôtes10. Même si je crois que cela est vrai, cette approche présente certains risques. La participation canadienne aux efforts de planification peut laisser présager que le Canada apportera une certaine contribution. En d’autres termes, si le Canada n’apporte aucune contribution, la participation à la planification peut créer une fausse impression et, au bout du compte, nuire aux relations entre les pays. Agir constamment comme un membre du personnel intégré ou un officier d’échange incitera les hôtes à traiter l’officier de liaison comme s’il était un officier d’échange, c’est-à-dire comme s’il relevait d’une direction du quartier général hôte, ce qui pourrait altérer la capacité de l’officier de liaison à représenter son commandant auprès de ses pairs du pays hôte. Bien que la participation aux activités puisse susciter l’échange d’un plus grand volume de renseignements, il pourrait y avoir des répercussions en matière de représentation. Ainsi, l’adoption de tels rôles devrait constituer une mesure opportuniste, à durée et à portée limitées, plutôt qu’une mesure permanente. De plus, si les officiers de liaison commencent à remplir des fonctions d’officiers d’état-major au lieu d’agir comme interlocuteurs entre l’état-major canadien et celui du pays hôte, ils peuvent devenir des obstacles.

La capacité à transmettre de l’information en temps opportun constitue le fondement de solides relations. Cependant, cela exige du temps; voilà pourquoi l’affectation d’un officier de liaison devrait être à long terme (deux à trois ans) lorsque les conditions le permettent11. J’étais le dernier des trois officiers envoyés en déploiement pour une tâche d’une durée de 18 mois, dans le cadre de l’opération Reassurance en 2014-2015. Cette affectation s’est terminée en raison de l’affectation d’un autre officier accrédité au U.S. European Command et au U.S. Africa Command. L’approche par tâches constituait une mesure de commodité ainsi qu’une exception à la norme. Il est pertinent d’affecter des officiers de liaison pour de plus longues périodes parce qu’il faut des semaines, voire des mois, pour établir des rapports suffisants avec les hôtes afin que ces derniers constatent les avantages de la présence d’un officier de liaison étranger et qu’ils soient prêts à lui communiquer des renseignements. Beaucoup de militaires, mais certainement pas tous, estiment cela est paradoxal étant donné la nature des règlements en matière de sécurité. Le partage de renseignements n’est pas un geste naturel, et certains peuvent craindre, en silence, qu’il se retourne contre eux. La confiance s’acquiert en partie en faisant preuve de jugement dans l’emploi des renseignements reçus, de façon à ce que les hôtes se rendent compte que l’acceptation des demandes de l’officier de liaison n’entraîne pas de répercussions fâcheuses avec leurs supérieurs ou les responsables de la sécurité. De solides relations signifient également qu’une difficulté ou un problème n’interrompra pas à lui seul le transfert de renseignements bidirectionnel. En outre, l’une des tâches les plus difficiles pour un officier de liaison est de composer avec des comptes rendus ayant un ton ou comprenant des propos négatifs concernant les hôtes, même s’ils ne sont pas communiqués par l’officier de liaison. Les critiques envers les plans et les actions des alliés, quelle qu’en soit la source canadienne, peuvent parvenir très rapidement aux oreilles des hôtes en raison de l’interdépendance entre le Canada et ses alliés. Quand cela se produit, ce sont les officiers de liaison qui devraient être chargés de communiquer ces critiques aux hôtes, et non d’autres membres du personnel. Les hôtes sont beaucoup plus susceptibles d’apprécier la franchise professionnelle de l’officier de liaison sur place plutôt que d’un nom sans visage dans une capitale étrangère. Autrement dit, les commentaires négatifs émis à Ottawa et transmis à l’autre capitale suscitent souvent une réaction négative de la part des hôtes, ce qui peut miner la confiance. De quelle façon les officiers de liaison établissent-ils donc des relations? Non seulement cela nécessite du temps, mais il faut également s’assurer de ne jamais laisser passer l’occasion d’en apprendre davantage sur les membres du quartier général et de collaborer avec eux. Il ne s’agit pas seulement des relations positives de l’officier de liaison avec le personnel clé du pays hôte; c’est l’ensemble des relations, la crédibilité personnelle et la démonstration des avantages nets qui importent.

Il était important que je connaisse mes hôtes, car les structures des activités militaires américaines diffèrent de celles du Canada. En raison de la portée des forces canadiennes, nous bénéficions d’un meilleur niveau de centralisation de certaines activités particulières, comme la coopération en matière de sécurité (instruction à l’intention du personnel militaire étranger, dons d’équipement, etc.). De telles activités sont gouvernées par le personnel responsable des politiques ou par le COIC, selon leur nature. Aux États-Unis, ces activités sont contrôlées par les commandants de combat et guidées par le Pentagone au moyen d’une combinaison de délégations de pouvoirs, de contraintes et de restrictions liées aux politiques ainsi que de ressources. Le personnel de liaison doit donc comprendre les structures utilisées de même que leurs équivalents canadiens dans le cas où il faudrait établir une communication directe entre les deux pays. Dans la plupart des cas, nos structures sont plus restreintes et plus centralisées que celles de nos principaux alliés. Cela constitue également une arme à double tranchant. D’une part, nos contributions à l’étranger peuvent être perçues comme modestes en raison de leur portée; d’autre part, l’officier de liaison est susceptible d’avoir davantage de contacts et une meilleure compréhension des projets et des fonctions au sein des structures canadiennes.

Cela nous ramène à la fonction clé d’un officier de liaison, c’est-à-dire la gestion du transfert d’information entre le Canada et le pays hôte. Dans l’ensemble, cela prend la forme de demandes de renseignements (DR) d’un pays à l’autre. Un système de suivi s’avère essentiel, car il contribue notamment à éviter la perte de DR. Un officier de liaison devrait être prêt à transmettre les DR à Ottawa, car elles peuvent très facilement passer inaperçues ou surprendre d’autres membres du personnel. Par exemple, malgré ma présence à titre d’officier de liaison du COIC, d’autres membres du personnel demandaient directement des renseignements, au risque de laisser dans le noir certains membres du personnel clé du COIC. Ainsi, dans une certaine mesure, j’étais pris entre l’arbre et l’écorce, ce qui constituait un autre défi. D’un côté, je devais tenir le COIC au fait de la situation, et de l’autre, je ne voulais pas invoquer les procédures et freiner le processus décisionnel à Ottawa. Au fil du temps, j’en suis venu à utiliser la fonction « copie conforme » (envoi à plusieurs destinataires) ainsi qu’un sommaire de la source, de la nature et des réponses aux DR dans le cadre d’un compte rendu hebdomadaire. Ce n’est qu’à la fin de mon affectation que j’ai compris à quel point ces deux solutions étaient utiles à la chaîne de commandement. Par ailleurs, le respect des convenances élémentaires avec le personnel est essentiel à la gestion des DR. Il y a toujours une raison derrière une DR, ce qui signifie l’existence d’un délai. L’étiquette peut être aussi simple qu’accuser réception de la demande et fournir une estimation du temps prévu pour y répondre. C’est là une façon polie de faire savoir à l’auteur de la DR qu’à moins que celle-ci ne soit véritablement urgente, il faut un certain temps pour trouver, demander et traiter les renseignements, ainsi que pour les traduire de la terminologie du pays hôte à celle du Canada, ou vice versa. Pour maintenir de solides relations avec les hôtes, un officier de liaison ne peut pas simplement faire irruption dans le bureau d’une autre personne et lui présenter des demandes, car cela n’est pas sans conséquence à long terme. Bref, la recherche de renseignements nécessite du temps, et je crois que l’officier de liaison doit avant tout savoir gérer les attentes de ses collègues et de ses supérieurs à Ottawa. Enfin, tous les renseignements fournis doivent être exacts, pertinents et brefs. Plus la réponse est longue, plus il est probable que les destinataires n’aient pas le temps de la lire entièrement ou d’en tirer les éléments les plus pertinents.

Trois officiers de liaison – un Polonais, un Canadien et un Américain – réunis en Pologne, le 7 mai 2014

Photo du MDN IS2014-7174-001, prise par Jacek Szymanski

La gestion des moyens de communication est essentielle. Les officiers de liaison sortants doivent pleinement comprendre les plans principaux/substitutifs/de contingence/d’urgence (PACE) concernant les systèmes sans classification et les systèmes sécurisés, les communications vocales et de données, de même que les coordonnées des points de contact pertinents au Canada. Toute lacune, particulièrement en ce qui a trait aux systèmes sécurisés nationaux, doit être palliée de façon prioritaire. Les alliés du Canada ont tendance à communiquer le plus souvent au moyen des systèmes sécurisés, et l’efficacité de l’officier de liaison se trouve grandement réduite si ce dernier n’y a pas accès. Mitchell décrit de façon éloquente l’environnement de l’information dans lequel les officiers de liaison doivent agir :

Les domaines stratégiques ou nationaux permettent l’échange d’information à l’intérieur des frontières d’un pays, et ont tendance à se constituer de réseaux rigoureusement configurés et hautement sécurisés qui ne permettent qu’un accès restreint, voire aucun, aux partenaires externes. Les domaines alliés ou bilatéraux autorisent un certain niveau d’échange entre deux domaines nationaux, étant donné qu’ils sont fondés sur des accords d’échange d’information préétablis. Bon nombre d’entre eux sont des réseaux établis de façon permanente qui se « croisent » et permettent d’échanger des courriels et parfois de naviguer sur le Web12. [TCO]

Naturellement, le traitement approprié des renseignements conformément aux règlements du Canada et du pays hôte constitue un important volet de cette fonction. Le traitement inadéquat des renseignements fournis par les hôtes détruira les relations et réduira grandement l’efficacité d’une personne qui doit représenter les intérêts des Forces armées canadiennes.

Selon le lieu où l’officier de liaison se trouve, plusieurs fuseaux horaires peuvent le séparer d’Ottawa. Il est très facile d’envoyer des courriels 24 h sur 24. Cependant, de nombreux membres du personnel à Ottawa qui doivent interagir avec les officiers de liaison possèdent des appareils BlackBerry et peuvent être très irrités de recevoir des courriels courants au petit matin, heure de l’Est. L’habitude de rédiger des messages courants puis de les envoyer plus tard, au moment opportun, permet d’éviter cela.

L’envoi de comptes rendus à Ottawa représente l’une des tâches les plus importantes d’un officier de liaison. Mon prédécesseur m’a extrêmement bien transféré ses responsabilités et, heureusement pour moi, il m’a transmis sa liste de distribution de comptes rendus. Cette liste comprenait les membres du personnel clé du COIC, de l’État-major interarmées stratégique et de l’Armée canadienne, ainsi que les attachés de défense du Canada. Malgré le décalage horaire et mon manque d’expérience à titre d’officier de liaison, il était clair pour moi que la production de comptes rendus nécessitait l’élaboration d’un réseau. Cela signifiait qu’au fil du temps, la liste des destinataires s’allongeait et qu’elle était modifiée durant la période active des affectations. J’ai tenu à jour un système de suivi pour gérer les ajouts et les retranchements des noms de membres du personnel afin de m’assurer que les comptes rendus étaient transmis de façon uniforme dans l’ensemble du réseau. En m’inspirant de mes prédécesseurs, j’ai également cherché à inclure d’autres officiers de liaison canadiens affectés à d’autres quartiers généraux afin de signaler réciproquement les objectifs, d’obtenir des points de vue de différents pays et quartiers généraux, ainsi que de dresser un portrait plus complet à l’intention de mon quartier général d’appartenance. En ce qui concerne la teneur des comptes rendus, il fallait respecter les principes clés que sont l’exactitude, la pertinence et la brièveté. Ainsi, je devais élaborer une courte présentation en diapositives. Si des précisions étaient nécessaires, il fallait la faire suivre d’un courriel concis. Les éléments dont il fallait rendre compte étaient d’une simplicité gênante : il s’agissait d’un résumé de ce qui s’était passé au cours de la semaine précédente, d’une prévision des occasions et des activités futures ainsi que des indications susceptibles d’orienter la prise de décisions ou de mesures, le cas échéant. Bien sûr, il fallait produire des comptes rendus sur l’atmosphère et les facteurs influant sur les opérations ou les activités canadiennes. Lorsqu’un élément sensible ou négatif devait être transmis, ce devait être par l’entremise de moyens sécurisés canadiens, en limitant la distribution dans la mesure du possible pour éviter le problème des critiques dont il a été question précédemment.

Les officiers de liaison ont intérêt à apprendre à connaître leurs collègues des autres pays. Afin d’éviter de fournir une liste exhaustive de pays représentés, je ferai référence à trois catégories : le Groupe des cinq, les membres de l’OTAN et les « partenaires ». Les pays membres du Groupe des cinq (Canada, États-Unis, Royaume-Uni, Australie et Nouvelle-Zélande) sont des alliés qui ont conclu un accord d’échange d’information. En raison de cet accord, les procédures liées à l’échange de renseignements sont relativement simples, et les systèmes de communication nationaux facilitent ce processus. En ce qui concerne les membres de l’OTAN, les procédures sont en place, et d’importants efforts sont consentis pour faciliter cet échange autant qu’au sein du Groupe des cinq. Cependant, l’échange de renseignements avec eux s’avère plus difficile en raison de la multiplication des destinataires potentiels. Les partenaires, qui forment la troisième catégorie, regroupent tous les alliés non membres de l’OTAN à l’extérieur de la zone d’opérations ainsi que les non-membres de l’OTAN dans la zone d’opérations. On doit traiter chaque catégorie de façon particulière pour éviter de diffuser de l’information qui ne doit pas être divulguée à tel ou tel autre pays. Cela signifie essentiellement que la présence d’officiers de liaison étrangers appartenant à ces différentes catégories oblige l’état-major hôte à déterminer le public cible en fonction de la classification et de la mesure dans laquelle les renseignements peuvent être diffusés. Cela entraîne un coût plus important pour le pays hôte. Quel que soit leur statut, les autres officiers de liaison étrangers constituent de précieuses sources d’information, et l’officier de liaison canadien qui a pris le temps de faire connaissance avec eux sera mieux reçu qu’un autre lorsqu’il leur demandera de répondre à des demandes soudaines, le cas échéant. Par exemple, afin de répondre à une DR à court préavis, j’ai dû consulter mes collègues et, ce qui est tout à leur honneur, ils m’ont fourni très rapidement une grande quantité de renseignements que j’ai résumés et transmis à Ottawa. Nos hôtes ont pris note de l’échange et se sont servis de cet exemple par la suite pour en montrer les avantages aux autres directions du quartier général. Dans le même ordre d’idées, lorsque mes homologues étrangers ont indiqué qu’ils recevaient des copies de mes comptes rendus de la part de leur propre quartier général, j’ai pu savoir lesquels de mes collègues canadiens affectés à d’autres quartiers généraux transmettaient les renseignements qu’ils étaient autorisés à partager conformément aux restrictions de sécurité de leurs hôtes.

Les officiers de liaison peuvent se trouver à l’avant-garde des opérations, c’est-à-dire participer aux démarches de planification visant à mettre sur pied une opération ainsi qu’aux premiers efforts en matière d’exécution. J’ai vécu cette situation durant mon affectation et j’en ai tiré trois leçons. La première leçon concerne le degré de participation. Au début de mon affectation, j’ai participé directement, comme l’avait fait mon prédécesseur, aux travaux de l’État-major interarmées stratégique concernant les ordres destinés au COIC en vue de l’exécution d’une opération internationale. Une fois ces travaux terminés, quand le COIC a reçu l’ordre de mettre en œuvre l’opération, ma participation à ce dossier a commencé à changer et à diminuer, étant donné que l’effort était passé des tâches de planification aux tâches d’exécution liées au déploiement de la Force opérationnelle. Une sorte de transfert des responsabilités a eu lieu entre l’état-major du COIC et celui de la Force opérationnelle, et mon rôle a consisté à assurer le suivi du déroulement de l’intégration. Cela m’amène à la deuxième leçon. L’intégration des forces, même entre proches alliés, est plus difficile que ce que l’on pourrait croire, et elle peut être influencée par un éventail de facteurs, dont les limites et les contraintes en matière de politiques, les dispositions logistiques, les mécanismes de financement, les ressources et les questions liées au soutien du pays hôte. Tous ces éléments peuvent nuire à l’intégration; par conséquent, même les officiers de liaison stratégique dans le théâtre doivent tenter de comprendre la situation au niveau tactique à une certaine distance. Ce qui mène à la troisième leçon. Appuyer la force une fois qu’elle était déployée signifie deux choses. D’abord, il fallait répondre aux DR le plus rapidement possible. Si l’état-major de la force demandait quelque chose, c’était qu’il en avait besoin pour effectuer une tâche. Ensuite, il fallait éviter de s’adresser directement à eux concernant les DR dans la mesure du possible. Les forces en déploiement sont suffisamment occupées à exécuter la mission et n’ont pas besoin du fardeau supplémentaire que représente un flot de demandes d’un officier de liaison dans un quartier général éloigné. Cependant, mes hôtes souhaitaient s’assurer que l’intégration des forces à une mission commune allait bon train et ont demandé le point de vue du Canada sur cette question. C’était l’occasion de leur fournir un avantage net.

Photo du MDN RP006-2016-0032-006, prise par le caporal Jay Ekin

Un officier de liaison canadien et un homologue roumain pendant l’opération Reassurance, le 29 octobre 2016

Les nouveaux officiers de liaison, en particulier ceux qui remplissent des fonctions liées aux plans ou aux opérations dans le cadre d’opérations internationales, devraient tout faire pour consulter un conseiller politique avant le début de leur affectation, dans le but d’acquérir une compréhension raisonnable des conventions sur le statut des forces, des accords techniques et des demandes du pays hôte visant une contribution des forces canadiennes. Même une connaissance approximative permettra aux officiers de liaison de traiter efficacement ces questions en temps opportun, étant donné que les officiers de liaison participent souvent à la planification des opérations internationales. Les questions qui ne sont pas traitées convenablement peuvent entraîner un retard dans le déroulement des opérations ou nuire aux relations avec les alliés et les partenaires.

Pour clore cette réflexion, voici des conseils sur la façon de composer avec l’indépendance que procure le fait d’être l’un des seuls Canadiens dans l’organisation. La question comporte deux volets : d’abord, aux yeux de vos hôtes, vous représentez les Forces armées canadiennes; ensuite, vous pouvez développer le sentiment d’être sous-utilisé en raison de temps morts durant lesquels on ne fera pas appel à vous. À titre de représentant des Forces armées canadiennes, vous serez peut-être appelé à répondre à un éventail de questions auxquelles vous n’êtes pas préparés. Les usages de base avec le personnel s’avèrent utiles ici : vous accusez réception de la demande, précisez les éléments à fournir, puis transférez la demande au Canada pour vérifier si l’expertise nécessaire peut être mise à profit pour apporter une réponse. Cependant, il faut garder en tête que la capacité du Canada à fournir des réponses est tributaire de sa taille de ses propres effectifs, en comparaison avec ceux de certains alliés. Par exemple, un seul commandant de combat américain est à la tête d’environ 2 000 militaires alors que le COIC en commande environ 400. Pour traiter une question concernant une spécialisation ou un enjeu particulier, un allié peut disposer d’une direction entière comparativement à une seule section ou à un seul bureau au Canada. Être l’unique Canadien rend aussi hypersensible aux visites de personnel canadien, particulièrement lorsqu’elles sont imprévues. De telles visites peuvent laisser entendre aux hôtes que notre organisation est mal coordonnée; malheureusement, cela peut arriver13. Cependant, l’accueil de visiteurs constitue une des fonctions importantes d’un officier de liaison et peut nécessiter beaucoup de temps, selon les formalités administratives requises, notamment la sécurité, le calendrier et les cahiers d’information. Les visites revêtent également une importance équivalente du point de vue de l’organisation d’appartenance de l’officier de liaison, car elles lui donnent l’occasion d’assurer directement le suivi des activités de l’officier de liaison et de vérifier l’exactitude des comptes rendus de ce dernier sur les enjeux et l’atmosphère. Les visites constituent une excellente façon d’atténuer le sentiment de sous-utilisation.

Un officier supérieur de la MRC s’entretient avec des officiers supérieurs jamaïcains.

Photo du MDN HS2016-JO52-009, prise par le caporal-chef Alexandre Paquin

De nombreux officiers de liaison n’interagissent pas souvent avec leur organisation d’appartenance. Ils ont l’impression de ne pas recevoir beaucoup de directives ou estiment qu’ils produisent des comptes rendus inutiles. Il est important de ne pas confondre avec un manque d’intérêt l’absence de réponses à un compte rendu ou de questions de suivi. Les organisations responsables sont souvent situées à Ottawa et doivent suivre le rythme quotidien des activités de la capitale. Ainsi, le personnel de ces organisations est souvent occupé à traiter les questions selon l’ordre de priorité. Si aucune réponse n’est envoyée, cela signifie que l’on a probablement lu le compte rendu et qu’on y a donné suite sans en aviser l’officier de liaison. Les membres du personnel doivent composer avec une gamme d’enjeux et n’ont donc pas toujours le temps de répondre à l’officier de liaison. En d’autres termes, vous saurez certainement si vous êtes sur la voie de l’effort principal, car vous regretterez les délais très courts que l’on vous accordera pour produire vos comptes rendus. Les fonctions de liaison fluctuent; par conséquent, beaucoup pensent qu’elles ne sont pas aussi ardues que bien d’autres. Il s’agit donc maintenant de trouver la façon de tirer profit de ces fluctuations. Les périodes creuses sont l’occasion d’approfondir notre compréhension des activités et des organisations du pays hôte au moyen de programmes de lectures volontaires, de rencontres avec le personnel et les leaders clés, ainsi que de la production de comptes rendus pour le quartier général d’appartenance. En effet, si l’on ne peut pas jouer véritablement son rôle de « passeur de frontières » en raison du niveau d’activité réduit, on peut mettre en place les conditions nécessaires pour le faire ultérieurement. Cela ne nous empêchera toutefois pas de douter de la valeur ajoutée que l’on apporte à l’état-major.

Vers la fin de mon affectation, j’ai découvert que le doute n’était pas justifié et que le poste d’officier de liaison offrait réellement une valeur ajoutée. Deux ensembles d’actions apportaient le plus de valeur : fournir de la rétroaction à mes hôtes sur la collaboration entre les forces canadiennes et les forces américaines, notamment sur ce qui fonctionnait bien et sur ce qui occasionnait des frictions, ainsi que produire de simples comptes rendus hebdomadaires à l’intention du COIC sur l’atmosphère et les enjeux ayant une incidence directe sur les opérations canadiennes.

Conclusion

Mes réflexions visaient à fournir des idées et des conseils sur la façon de bien remplir les fonctions d’officier de liaison, sans pour autant divulguer de détails cruciaux sur mon expérience personnelle récente. De mon point de vue, les éléments les plus importants étaient les suivants :

  1. On doit établir de solides relations avec les hôtes et les autres officiers de liaison étrangers.
  2. Les officiers de liaison sont des « passeurs de frontières » et doivent produire des rapports sur les points de vue du pays hôte à l’intention du quartier général dont ils relèvent. Ils doivent également représenter le point de vue du quartier général d’appartenance auprès de leurs hôtes.
  3. Le maintien de la sécurité de l’information, y compris le traitement pertinent de cette information, constitue une tâche essentielle.
  4. On doit acquérir une compréhension des accords techniques et des conventions sur le statut des forces, de même que des autres aspects des opérations internationales traitées par les conseillers politiques.
  5. On ne doit pas sous-estimer la valeur que peuvent avoir des rapports exacts produits en temps opportun.

J’espère que cet article sera utile aux futurs officiers de liaison qui occuperont des postes semblables à l’avenir.

Un officier de liaison de l’ARC avec un officier brésilien, en Haïti.

Photo du MDN IS2013-5165-03, prise par le caporal-chef David Singleton-Browne

Notes

  1. Patricia Weitsman, « Wartime Alliances versus Coalition Warfare: How Institutional Structure Matters in the Multilateral Prosecution of Wars », dans Strategic Studies Quarterly, vol. . 4, été 2010, p. 120.
  2. Major General Robert Scales, membre à la retraite de la U.S. Army, « Trust, not Technology, Sustains Coalitions », dans Parameters, vol. 28, hiver 1998-1999, p. 190 et191.
  3. Ibid., p. 193 à 195.
  4. À titre d’exemple, voir : Martin Westphal et Thomas Lang, « Conducting Operations in a Mission Partner Environment », dans Joint Force Quarterly, vol. 74, 2014, p. 44 à 49. L’idée maîtresse de l’article est principalement d’ordre technologique. L’auteur suggère que les Américains doivent surmonter leur préférence pour les systèmes de communication nationaux afin d’agir en collaboration avec un vaste éventail d’alliés et de partenaires. L’auteur traite du recours aux officiers de liaison d’abord à la page 45, puis de façon plutôt négative.
  5. Scales, p. 198. L’auteur soutient que cette affirmation s’applique également aux alliances.
  6. Paul Mitchell, Network Centric Warfare: Coalition operations in the age of US military primacy, Adelphi Paper 385, London, IISS, 2006, p. 60 et 61. Il fait référence au fait qu’en 2002-2003, le niveau d’information échangé par le personnel du United States Central Command a été réduit alors que le gouvernement du Canada tardait à prendre une décision sur les contributions potentielles aux opérations en Iraq.
  7. Ibid., p. 65.
  8. Aida Alvinius, « The Inadequacy of Bureaucratic Organizations: Organizational Adaptation through Boundary Spanning in a Civil-Military Context », dans Res Militaris, vol. 3, no 1, automne 2012, p. 3.
  9. Aida Alvinius, Camilla Kylin et Gerry Larsson, « Standing on both sides: The Process of Collaboration /Liaison in Civil-Military Contexts », document présenté dans le cadre de la 1re conférence de la Société internationale des sciences militaires, Amsterdam, les 25 et 26 novembre 2009, p. 3, <http://www.diva-portal.org/smash/record.jsf?pid=diva2%3A581653&dswid=4039>, page consultée le 10 novembre 2015.
  10. Mitchell, p. 65 et 66.
  11. L’examen du Programme d’échange et de liaison réalisé en 2006 par le chef – Service d’examen a indiqué que la durée d’affectation moyenne d’un officier de liaison était de 39 mois. Voir : Chef – Service d’examen, Évaluation des programmes d’échange et de liaison à l’étranger des FC, 1258-67-2 (CS Ex), Ottawa, ministère de la Défense nationale, 2006, p. 3.
  12. Mitchell, p. 55.
  13. À ma connaissance, cela a eu lieu une fois dans un autre quartier général.