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Véhicules blindés russes pendant un exercice russo-tadjik dans la région de Khatlon au Tadjikistan, près de la frontière qui la sépare de l’Afghanistan, le 30 mars 2017.

Nouvelle guerre hybride ou bonnes vieilles tactiques? Le débat Gerasimov et la réaction de la Russie à l’environnement opérationnel contemporain

par Andrew J. Duncan

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Le major Andrew J. Duncan, CD, fait partie du Bureau de liaison et du renseignement des Forces canadiennes (Washington) et occupe actuellement le poste d’officier de liaison à la Defense Intelligence Agency.

Introduction

En février 2013, le Voyenno-Promyshlennyy Kurier (Courrier militaro-industriel) a publié un article du chef de l’état-major général russe, Valery Gerasimov, intitulé « La valeur de la science dans la prospective » [TCO]. Dans cet article, paru dans une revue militaire comptant un vaste lectorat militaire, le général Gerasimov expliquait son point de vue relativement à l’environnement de sécurité contemporain1. Bien qu’ignoré par la plupart des analystes occidentaux à l’époque, cet article est devenu l’objet d’intenses débats après l’annexion de la Crimée en 2014. Si certains soutenaient que Gerasimow avait simplement décrit les enjeux que présentait l’environnement opérationnel contemporain, d’autres croyaient que l’article recelait une stratégie en vue de l’annexion de la Crimée et des actions subséquentes dans l’est de l’Ukraine. On soutenait notamment que l’article de Gerasimov justifiait le recours à la « guerre hybride » pour affronter les adversaires de la Russie.

Fait troublant, le débat sur Gerasimov et la guerre hybride comporte des problèmes conceptuels qui peuvent mener à l’élaboration de modèles erronés des forces russes et à une mauvaise compréhension des actions de ce pays. Plus précisément, la guerre hybride est un concept occidental qui ne fait pas partie de la pensée militaire russe; celui-ci ne rend donc pas adéquatement les perspectives et les pratiques de la Russie. Les récentes actions de la Russie depuis la fin de la Guerre froide laissent plutôt supposer la continuité des concepts soviétiques d’opérations dans la profondeur, de mesures actives et de contrôle réflexif. Le concept des opérations dans la profondeur explique en partie l’accent que place dernièrement la Russie sur l’intégration de tous les éléments de sa puissance nationale pour exercer une pression sur un État cible, et le principe des mesures actives justifie le recours à des forces de substitution et à certains types d’opérations d’information. En ce qui concerne la théorie du contrôle réflexif, elle donne un sens aux actions russes dans le domaine de l’information qui, d’un point de vue occidental, peuvent sembler déroutantes et contradictoires. Même si la Russie utilise simultanément ces trois concepts dans ses interventions, la présente analyse portera sur le recours aux opérations dans la profondeur lors de la deuxième guerre d’Ossétie du Sud, en 2008; sur les mesures actives associées à la crise de l’Ukraine orientale et sur la théorie du contrôle réflexif appliquée à l’annexion de la Crimée.

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Le général Valery Gerasimov, chef de l’état-major général des forces armées russes, et le premier sous-ministre de la Défense de la Russie.

Qu’est-ce que la « doctrine Gerasimov »?

Le général Gerasimov commence son article de 2013 en affirmant que les guerres ne sont plus déclarées et qu’une fois qu’elles sont déclenchées, elles suivent un modèle méconnu2. Il décrit ensuite les événements du « Printemps arabe », qu’il qualifie de typiques de la guerre du XXIe siècle; il explique que, du point de vue de la Russie, ces événements ont été déclenchés par l’Occident, pour les raisons suivantes :

[…] sa vaste utilisation de mesures politiques, économiques, informationnelles et humanitaires ainsi que d’autres moyens non militaires, qui sont mis en application en coordination avec la capacité potentielle de la population de se soulever. Tout ceci s’accompagne de moyens militaires dissimulés, dont des actions susceptibles de créer un conflit informationnel et des opérations menées par des forces d’opérations spéciales. Le recours ouvert aux forces – bien souvent sous le couvert du maintien de la paix et du règlement de la crise – ne vient qu’à une certaine étape, et vise principalement le succès pour régler le conflit3. [TCO]

Gerasimov note également l’émergence de groupes de forces mobiles de types variés, qui mettent à profit des systèmes de renseignement et de commandement et de contrôle complexes dans le but d’éviter des engagements de front. Il affirme que « le recours aux actions asymétriques s’est répandu, ce qui élimine les avantages de l’ennemi dans un conflit armé » [TCO]. Ces forces asymétriques, intégrées à des capacités de « frappe globale », à des entrepreneurs privés du domaine militaire et à l’usage habile d’éléments de puissance nationale de type non militaire, présentent un enjeu de taille pour la Russie4. Gerasimov mentionne également le besoin « perfectionner les formes et les moyens de mise en application des groupes de forces » [TCO]. Il affirme que :

[…] l’espace d’information ouvre de larges possibilités de diminuer le potentiel militaire ennemi par des moyens asymétriques. En Afrique du Nord, nous avons été témoins de l’utilisation des technologies pour influencer les structures d’État et la population à l’aide des réseaux d’information. Il est indispensable de perfectionner les activités qui se déroulent dans l’espace d’information, y compris la défense de nos propres [objectifs]5 [TCO].

Plus loin, dans une section intitulée « Le contrôle du territoire » [TCO], Gerasimov souligne l’importance d’une approche pangouvernementale qui intègre les forces armées de la Fédération de Russie à d’autres ministères et organismes du pays pour « contrer les forces de terrorisme et de reconnaissance de diversion6 » [TCO]. Dans un schéma qui accompagne son texte, Gerasimov reprend le thème de la coopération entre les instruments de puissance nationale militaires et diplomatiques, informationnels et économiques; l’auteur y décrit l’utilisation de ces quatre instruments pour résoudre des conflits interétatiques (voir la figure 1)7.

Schéma tiré de l’article de Gerasimov dans le Voyenno-Promyshlennyy Kurier du 26 février 2013, traduit vers l’anglais par Charles Bartles, dans « Getting Gerasimov Right », Military Review, janvier-février 2016, US Army Combined Arms Center.

Figure 1 – Le rôle des mesures non militaires dans la résolution des conflits interétatiques.

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Gerasimov conclut son article en invitant le lecteur à accepter les idées nouvelles et le fait que :

[…] quelles que soient les forces de l’ennemi, leur état d’avancement et leurs moyens de mener un conflit armé, il est possible de trouver une façon de le vaincre. L’ennemi aura toujours des points faibles, ce qui suppose l’existence de méthodes pour l’affronter. […] Nous ne devons pas imiter les recettes des autres pays et nous tenir à la remorque des grandes puissances; nous devons plutôt les surpasser et nous placer en tête8. [TCO]

D’abord ignoré par les analystes militaires, l’article de Gerasimov fait maintenant l’objet d’un débat animé. La question consiste à déterminer si cet article se veut descriptif ou normatif. Les tenants de l’interprétation descriptive soutiennent que Gerasimov explique sa perception de l’approche occidentale de la guerre dans un environnement opérationnel contemporain, qui se manifeste dans le succès obtenu lors du Printemps arabe et en Libye. Cet article ne se veut pas l’expression d’une stratégie sur la conduite de la guerre par la Russie. Il tire plutôt la sonnette d’alarme à l’intention des théoriciens militaires russes afin qu’ils adaptent leur mode de pensée à ce nouvel environnement9. À l’opposé, ceux qui y voient une interprétation normative maintiennent que cet article a été un très bon guide pour les actions subséquentes de la Russie en Ukraine, et ne saurait être uniquement descriptif. Ils y voient une forme d’image « miroir » qui masque une méthode russe de conduite de la « guerre hybride » selon une approche prétendument américaine10. Même si les tenants de l’interprétation normative sont en désaccord sur certains points, ils conviennent généralement que Gerasimov décrit un modèle de guerre russe qui intègre tous les éléments de puissance nationale à une force militaire capable d’employer à la fois des forces irrégulières contestables et des forces conventionnelles axées sur la haute technologie11.

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Des véhicules blindés de transport de troupes de la Russie en route vers Gori, en Géorgie, août 2008.

La guerre hybride et les concepts soviétiques traditionnels

Bon nombre de ceux qui prennent part au débat sur l’article de Gerasimov décrivent sa supposée vision de la guerre, de même que les événements survenus en Ukraine en 2014, par l’expression « guerre hybride ». En 2007, Frank Hoffman, un chercheur supérieur attaché au Center for Strategic Research de la US National Defense University et un ancien officier qui a longuement servi au sein du Corps des Marines, définissait « guerre hybride » comme « un éventail complet de méthodes d’affrontement, soit des capacités conventionnelles, des tactiques et des formations irrégulières, des actes terroristes, y compris des attaques aveugles et de la coercition, ainsi que des troubles d’ordre criminel. » [TCO] Hoffman ajoute que la guerre hybride « peut être menée aussi bien par les forces de l’État que par différents acteurs non étatiques »12. Depuis que Hoffman a défini ce principe, les forces armées de l’OTAN ont commencé à l’accepter, et il a fait l’objet de nombreux articles et analyses13.

Toutefois, dans les publications russes, la guerre hybride n’est mentionnée que lorsque les analystes l’associent à un concept militaire occidental qui a été employé contre la Russie14. La plupart des penseurs militaires russes rejettent entièrement ce concept; ils soutiennent qu’il ne constitue rien de nouveau et qu’il est pratiqué depuis que la guerre existe15. Certains critiques soulignent également que la majorité des analyses occidentales de la guerre hybride sous-estiment le rôle des forces étatiques conventionnelles16 et que ce concept ne permet pas de saisir les manipulations politiques et informationnelles particulières auxquelles se livre la Russie à l’appui de ses objectifs17. Il est donc indiqué de décrire la perspective russe à l’aide d’un concept qui convient mieux et qui est, de préférence, présent dans la pensée russe.

Le débat entre ceux qui croient que l’article de Gerasimov est une analyse descriptive de l’environnement opérationnel et ceux qui y voient un moyen adroit de communiquer un concept de doctrine a peu d’utilité pour les spécialistes du domaine militaire. Ce qui peut se révéler utile, par contre, est le fait de comprendre qu’un certain nombre des idées qui figurent dans l’article de Gerasimov pourraient reposer sur des concepts soviétiques actualisés pour le XXIe siècle. Plus précisément, des éléments clés de la présumée doctrine de Gerasimov semblent découler des concepts associés aux opérations dans la profondeur, aux mesures actives et à la théorie du contrôle réflexif. Ce sont les nouveaux moyens qu’utilise la Russie pour exercer son influence à « l’étranger proche » et dans le reste du monde.

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Le maréchal de l’Union soviétique Mikhaïl Toukhatchevski (1893-1937).

Opérations dans la profondeur

L’un des quelques penseurs militaires traditionnels auxquels Gerasimov fait directement référence dans son article est Georgy Isserson, que Gerasimov décrit comme un prophète. Isserson était un tenant de la théorie soviétique des opérations dans la profondeur, à l’instar d’autres personnalités marquantes de l’époque soviétique, comme Mikhaïl Toukhatchevski et Vladimir Triandafillov. Le concept des opérations dans la profondeur se fondait sur le principe central que le moyen le plus efficace de vaincre un adversaire consistait à soumettre sa zone d’opération en profondeur à une série de frappes successives18. Contrairement à la pensée militaire occidentale, la théorie des opérations dans la profondeur ne mettait pas l’accent sur la définition d’un centre de gravité unique sur lequel les efforts seraient dirigés. Les opérations dans la profondeur supposaient plutôt des attaques contre de nombreux objectifs différents, pour ensuite renforcer le succès au fur et à mesure qu’il était obtenu19. Au fil du temps, cette idée s’est manifestée dans la doctrine de manœuvre soviétique par le recours à une « force de percée » permettant à une « force mobile » longue portée de s’enfoncer loin dans la zone défensive tactique de l’ennemi pour envelopper les forces en défense. Le résultat serait l’effondrement des forces défensives tactiques de l’ennemi, soit par la destruction systémique ou l’isolement prolongé, pendant que la force mobile continuerait sa progression vers des objectifs opérationnels de niveau supérieur20. Bon nombre d’observateurs occidentaux ont commencé à confondre l’expression de la théorie dans la manœuvre avec la théorie en soi, mais d’autres ont soulevé une mise en garde contre une interprétation trop textuelle en remarquant que les tenants de cette théorie laissaient souvent supposer un degré élevé de souplesse21.

La théorie des opérations dans la profondeur occupe toujours une place importante dans la doctrine militaire russe, comme en font foi les récentes réformes militaires de ce pays. Dans le cadre de son programme de modernisation militaire actuel, la Russie semble avoir accordé la priorité aux Vozdushno-Desantnye Voyska (VDV), c’est-à-dire les forces aéroportées et aéromobiles. Elles constituent, pour la Russie, des forces rapidement déployables qui lui permettent d’intimider les pays situés à « l’étranger proche » et, dans un conflit conventionnel, d’exploiter le succès des forces mécanisées en attaquant dans la profondeur du territoire ennemi22.

La théorie des opérations dans la profondeur a probablement éclairé certains aspects des réformes militaires de la Russie. Toutefois, la « doctrine militaire de la Fédération de Russie » parue en 2014 semble souscrire à une coordination plus étroite des ressources étatiques pour permettre d’atteindre les buts de l’État. Dans un paragraphe qui décrit l’environnement opérationnel, il est indiqué que « […] le recours intégré à la force militaire, politique, économique et informationnelle ainsi qu’à d’autres mesures non militaires » et « […] l’effet sur l’ennemi dans toute la profondeur de son territoire, en même temps dans l’espace d’information général et dans l’environnement aérospatial, terrestre et maritime » [TCO], sont typiques de la guerre moderne. De vastes portions du document sont consacrées à la définition d’interdépendances entre les institutions militaires, économiques et politiques, qui sont décrites comme la base de la mobilisation nationale23. La stratégie nationale de sécurité porte également sur la réalisation d’approches pangouvernementales en matière de dissuasion et de sécurité nationale, de même que sur la mobilisation sociale24.

La prépondérance des opérations dans la profondeur qui sous-tend les réformes militaires de la Russie et l’accent que met celle-ci sur l’intégration pangouvernementale peuvent également avoir des applications offensives, ce qui s’est déjà fait dans la pratique. L’histoire récente montre que la Russie, plutôt que de s’en tenir aux forces militaires, est plus que prête à frapper l’adversaire de plusieurs façons simultanément au moyen d’instruments de puissance nationale diplomatiques, informationnels, militaires et économiques, après la mise en application de la théorie des opérations dans la profondeur.

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Véhicules militaires russes en Géorgie, août 2008.

Dans la période précédant la guerre russo-géorgienne de 2008, la Russie a lancé une série d’actions coordonnées destinées à paralyser la Géorgie pour l’obliger à renoncer à sa politique de rapprochement de l’OTAN. Sur le plan de la diplomatie, la Russie a tenté de discréditer le président Mikheil Saakashvili en encourageant les protestations contre son gouvernement, en établissant des contacts directs avec des gouvernements non officiels en Ossétie et en Abkhazie et en levant les sanctions contre l’exportation d’armes dans ces régions25. En même temps, dans le domaine de l’information, la Russie a répandu des rumeurs d’atrocités de la part de la Géorgie en Ossétie du Sud et a justifié la présence de ses troupes dans la région par le « maintien de la paix »26. Au plan économique, la Russie a imposé à la Géorgie des sanctions visant l’énergie, le commerce et les finances en représailles pour son rapprochement avec l’OTAN27. La Russie s’est également livrée à un certain nombre d’actions militaires à petite échelle et à des exercices, en juillet 2008, dans le dessein d’intimider la Géorgie et de se préparer à une éventuelle invasion28.

L’invasion de la Géorgie par la Russie a donc été lancée à la suite de préparatifs exhaustifs sur les plans diplomatiques, informationnels, économiques et militaires, qui ont visé différents objectifs stratégiques, y compris la légitimité de la présidence de Saaksahvili, les liens de la Géorgie avec l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie, sa réputation internationale et sa santé économique. Les frappes contre ces objectifs dans la profondeur stratégique de la Géorgie l’ont affaibli au point où, à l’arrivée des forces conventionnelles russes dans ce pays, la volonté politique de la Géorgie s’est effondrée comme l’avait laissé présager la théorie des opérations dans la profondeur. Les moyens employés par la Russie semblent, dans cette description, relativement conventionnels, mais la Russie a également fait un usage considérable de la cyberguerre et des forces irrégulières dans le cadre de ce conflit29. Le recours à ce type de forces et à des « tactiques déloyales » n’était pas nouveau pour la Russie; ces actions sont tirées d’un autre concept hérité de l’époque de l’Union soviétique : les mesures actives.

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Soldats d’une unité d’artillerie géorgienne, en Géorgie, août 2008.

Mesures actives

La notion soviétique de mesures actives est un concept qui est associé à bon nombre des méthodes dites « non militaires » et « asymétriques » que décrit Gerasimov. La définition russe exacte est vague et repose en grande partie sur les souvenirs imparfaits de transfuges; toutefois, la définition occidentale des mesures actives correspond généralement à ceci :

[…] une forme de guerre politique menée par les services de sécurité et de renseignement soviétiques dans le but d’influer sur le cours des événements mondiaux. Les mesures actives vont de la « manipulation des médias aux actions spéciales qui s’accompagnent de différents degrés de violence » et comprennent la désinformation, la propagande, la contrefaçon de documents officiels, les assassinats et la répression politique30 . [TCO]

Bien que ce concept ait été élaboré pour aider à répandre le communisme par des moyens non conventionnels, bon nombre de ses éléments se manifestent dans les outils qu’utilise la Russie contemporaine pour défendre ses intérêts. Le recours par la Russie à des forces irrégulières contestables, la cyberguerre, les diasporas ethniques, la manipulation des médias, les partis politiques et les groupes d’analyse sont autant de manifestations contemporaines de ce vieux concept soviétique. L’effondrement de l’Union soviétique a stoppé l’utilisation de certaines de ces tactiques pendant un moment, mais les compétences qui les sous-tendent ont survécu au sein des services de sécurité russes, et le président Vladimir Poutine a su les exploiter au niveau national31. Loin d’être disparu, l’art des mesures actives s’exprime maintenant tant à l’échelle nationale dans la défense du régime de Vladimir Poutine que sur la scène internationale, comme outil qu’emploie la Russie pour poursuivre ses intérêts.

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De gauche à droite : Le ministre de la Défense de la Russie, Sergei Shoigu, le président Vladimir Poutine, et le colonel général Oleg Salyukov, commandant en chef des Forces terrestres russes, après un défilé du Jour de la victoire qui marquait le 72e anniversaire de la victoire remportée sur l’Allemagne nazie à la fin de la Grande Guerre patriotique de 1941 à 1945. Le défilé a eu lieu sur la place Rouge de Moscou, le 9 mai 2017.

Il existe une preuve concluante que la Russie a pris des mesures actives en Ukraine, particulièrement dans l’est. Selon toute apparence, des agitateurs russes se seraient rendus en Ukraine dans le but d’enflammer les doléances des Russes de la région et de miner l’ordre public afin de provoquer une réaction de l’Ukraine32. Cette réaction a ensuite servi de prétexte pour lancer des forces irrégulières constituées de « patriotes » russes panslaves, de partis politiques pro-russes régionaux, de Cosaques et d’aventuriers et mercenaires, tous armés et équipés par les services et les forces d’opérations spéciales russes33. Sous la direction d’officiers du renseignement russes, des détachements de forces rebelles semblaient viser en priorité les installations de communication dans le but de museler ceux dont le discours différait de celui des rebelles, qui dépeignaient la révolte comme une réaction à une crise humanitaire manigancée par Kiev34. Entretemps, la Russie niait la moindre intervention, tout en soutenant ces forces irrégulières en leur fournissant des armes et des troupes, en plus de mener d’occasionnelles actions militaires conventionnelles directes, ce qu’elle niait également35.

La situation dans l’est de l’Ukraine présente donc tous les signes de mesures actives : manipulations politiques internes d’un État souverain, recours à la violence par l’intermédiaire de forces de substitution et manipulation de l’information, le tout coordonné dans un but commun. Contrairement aux actions de la Russie en Crimée, le conflit dans l’est de l’Ukraine ne s’est pas soldé par une victoire rapide. Il perdure encore aujourd’hui et a donné lieu à des sanctions économiques ainsi qu’à la redynamisation de l’aide de l’OTAN et de l’aide militaire à l’Ukraine et à d’autres pays de l’Europe de l’Est36. Toutefois, après avoir inspiré et contrôlé une insurrection, la Russie n’a plus qu’à attendre le bon moment pour reprendre l’initiative.

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Un militaire ukrainien assis dans son retranchement, près de Donetsk, le 16 septembre 2014.

Contrôle réflexif

Outre le recours à la violence, les mesures actives comprennent des éléments de la manipulation des médias, de la désinformation et de la propagande. Le contrôle réflexif est une théorie comportementale qui relie ces instruments informationnels les uns aux autres. Il se définit comme « un moyen de faire comprendre à un partenaire ou à un adversaire des informations préparées expressément pour l’amener à prendre volontairement une décision préalablement établie, qui est désirée par l’auteur de l’action37 » [TCO]. Concept bien établi dans la théorie militaire russe, le contrôle réflexif a vu le jour dans les années 1960. Depuis, il est devenu un domaine interdisciplinaire auquel se consacrent des publications et des experts38. La portion « réflexe » du mot réflexif renvoie à un modèle comportemental conçu pour comprendre les processus décisionnels d’une cible. Un acteur qui comprend le modèle comportemental de sa cible peut manipuler les plans, les vues et le mode de combat de cette cible39. Les fondements du contrôle réflexif, dans la théorie comportementale, mettent l’accent sur l’obtention de la décision ou du comportement recherché sans égard à la vérité, à la moralité ou à la raison40.

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Un homme regarde des graffitis réalisés pour affirmer l’intégrité territoriale de l’Ukraine et protester contre l’annexion par la Russie de la péninsule de Crimée, dans la mer Noire. Odessa, le 7 avril 2014.

Le contrôle réflexif était détectable dans les opérations d’information qui ont marqué l’annexion de la Crimée en 2014. Le premier objectif informationnel de la Russie semble avoir été de semer la confusion et l’incertitude au niveau international, au point de persuader le public externe que tous les rapports provenant de la région étaient douteux41. Cette « pollution » informationnelle fragiliserait l’opinion publique voulue par les politiciens occidentaux pour réagir avec fermeté, ce qui atténuerait une éventuelle intervention de l’OTAN et des États-Unis. Malgré les preuves manifestes que les « petits hommes verts » repérés en Crimée étaient des soldats russes, l’éthique journalistique de l’Occident obligeait les médias réputés à rapporter les démentis des représentants officiels russes, des agences de presse russes et des milliers de « cyberguerriers » dans les commentaires en ligne42. Tout cela a consolidé la légitimité de la fausse version des faits que faisait la Russie, soit celle d’un soulèvement spontané en Crimée, et a créé un doute suffisant pour miner la détermination des politiciens occidentaux :

Compte tenu de l’habitude qu’ont les dirigeants des démocraties de toujours s’en tenir à au moins un semblant de vérité, les médias occidentaux sont mal outillés pour réagir aux démentis peu plausibles et pour les rapporter adéquatement […] peu importe si ce qu’il [Vladimir Poutine] dit est entièrement faux – cette approche est efficace dans les conférences de presse, en plus d’invalider toute possibilité d’affronter ou d’attaquer Poutine, même en face à face43. [TCO].

Pendant que le public, dans les démocraties occidentales, tentait de comprendre les messages délibérément confus et contradictoires qui émanaient de la Crimée, la Russie influençait méticuleusement les décideurs de l’Ukraine. Alors que la tension montait, les forces armées de la Fédération de Russie ont tenu un exercice éclair près de la frontière de l’Ukraine afin de détourner l’attention de ce pays loin de la Crimée et de raviver une menace existentielle qui jouait sur des craintes nationales présentes depuis longtemps dans la population44. En même temps, la Russie s’est servi de profondes percées dans les médias des communautés russes ukrainiennes (particulièrement dans les médias télévisuels) pour alimenter le sentiment pro-russe à l’appui d’un référendum illégal sur l’annexion45. Cette série de pressions informationnelles a paralysé le gouvernement à Kiev et empêché une intervention ferme et efficace contre la saisie des installations qui se poursuivait en Crimée46.

Loin de se limiter à la gestion de la perception, le recours au contrôle réflexif par la Russie lors de l’annexion de la Crimée a sapé la capacité des politiciens occidentaux d’affronter la Russie sur ses actions. Celle-ci a su mettre à profit sa compréhension du processus de décision politique de l’Occident. Entretemps, en Ukraine, elle créait des conditions propices à un référendum illégal qui fournirait un prétexte légitime pour l’annexion, en visant les Russes de l’Ukraine pour ensuite exploiter la crainte des Ukrainiens d’une invasion militaire de leur pays. Au final, la Russie a obtenu des décisions (et des non-décisions) appuyant ses objectifs.

Vladimir Konstantinov/Reuters RTR4TIJK

Le chef prorusse de la Crimée, Sergei Aksyonov (à gauche), le président du conseil d’État de Crimée, Vladimir Konstantinov (à droite) et Oleg Belaventsev (au centre), envoyé de Vladimir Poutine en Crimée, assistent à une réunion pour célébrer le premier anniversaire de l’annexion par la Russie de la péninsule de Crimée dans la mer Noire, à Simferopol, le 16 mars 2015.

Conclusion

Le débat au sujet de l’article de Gerasimov a permis de mieux comprendre le concept de la guerre hybride et les enjeux de l’environnement opérationnel contemporain. La « guerre hybride » renvoie toutefois à une expression de l’Occident et correspond à une forme de guerre qui n’appartient pas à la pensée militaire de la Russie. Les récentes actions de ce pays en Géorgie et en Ukraine sont plutôt associées à des concepts qu’il a hérité de son passé soviétique, soit les opérations dans la profondeur, les mesures actives et le contrôle réflexif. La théorie des opérations dans la profondeur procure aux décideurs russes un cadre pour intégrer les instruments de puissance diplomatiques, informationnels, militaires et économiques de manière offensive, et les mesures actives leur offrent des moyens contestables ou ambigus de poursuivre leurs objectifs. La théorie du contrôle réflexif, de son côté, oriente le recours, par la Russie, aux opérations d’information et en explique l’approche.

Il est probable que la Russie, en vue de réaliser ses objectifs sur la scène internationale, s’inspirera de concepts issus de la Guerre froide au service de ses intérêts. Bon nombre de ces concepts sont établis de longue date et procurent à la Russie la « forme et la méthode » que Gerasimov estime nécessaires pour « […] les surpasser [les adversaires de la Russie] et nous placer en tête47 » [TCO]. Les analystes contemporains feraient une erreur en écartant ces concepts et en associant les actions de la Russie à des principes occidentaux, car cette perspective néglige des subtilités dans l’approche russe des conflits contemporains, dont les actions coordonnées simultanées, le recours à des moyens contestables et la manipulation des processus de décisions. Après des années d’opérations axées sur la contre-ingérence, la résurgence de la Russie à titre d’adversaire constitue un développement dont les forces armées occidentales se seraient bien passées. Ce qui serait encore plus malheureux serait l’incompréhension, par l’Occident, de cette résurgence.

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Un spetsnaz soviétique en Afghanistan.

Notes

  1. Charles K. Bartles, « Getting Gerasimov Right », Military Review, janvier-février 2016, p. 30-31.
  2. Valery Gerasimov, « The Value of Science is in the Foresight: New Challenges Demand Rethinking the Forms and Methods of Carrying out Combat Operations », Robert Coalson, éditeur, Military Review, janvier-février 2016, p. 24.
  3. Ibid.
  4. Ibid., p. 24-26.
  5. Ibid., p. 27.
  6. Ibid., p. 27-28.
  7. Ibid., p. 28, figure 2.
  8. Ibid., p. 29.
  9. Bartles, p. 30, 31-33; Michael Kofman, « Russian Hybrid Warfare and Other Dark Arts », War on the Rocks, 11 mars 2016, consulté le 5 mai 2016, http://warontherocks.com/2016/03/russian-hybrid-warfare-and-other-dark-arts/.
  10. Mark Galeotti, « The ‘Gerasimov Doctrine’ and Russian Non-Linear War », In Moscow’s Shadows, 6 juillet 2014, consulté le 5 mai 2016, https://inmoscowsshadows.wordpress.com/2014/07/06/the-gerasimov-doctrine-and-russian-non-linear-war/; Victor R. Morris, « Grading Gerasimov: Evaluating Russian Nonlinear War Through Modern Chinese Doctrine », Small Wars Journal, 17 septembre 2015, consulté le 5 mai 2016, http://smallwarsjournal.com/jrnl/art/grading-gerasimov-evaluating-russian-nonlinear-war-through-modern-chinese-doctrine.
  11. Morris, section intitulée « 21st Century Warfare ».
  12. Frank G. Hoffman, Conflict in the 21st Century: The Rise of Hybrid Wars, Arlington, VA, Potomac Institute for Policy Studies, 2007, p. 7-8.
  13. À titre d’exemple, voir Damien Van Puyvelde, « La guerre hybride existe-t-elle vraiment ? », Revue de l’OTAN, 2015, consultée le 5 mai 2016, http://www.nato.int/docu/Review/2015/Also-in-2015/hybrid-modern-future-warfare-russia-ukraine/FR/index.htm; Brian Fleming, The Hybrid Threat Concept: Contemporary War, Military Planning and the Advent of Unrestricted Operational Art, monographie, Fort Leavenworth, KA, School of Advanced Military Studies, 2011; et Michael Kofman et Matthew Rojansky, « A Closer Look at Russia’s “Hybrid War », Kennan Cable No 7, Washington, DC, Woodrow Wilson International Center for Scholars, 2015.
  14. Andrew Korybko, Hybrid Wars: The Indirect Adaptive Approach to Regime Change, projet de l’Institute for Strategic Studies and Predictions, Moscou, People’s Friendship University of Russia, 2015, p. 9-10.
  15. Andrew Monaghan, « The “War” in Russia’s ‘Hybrid Warfare », Parameters 45(4), hiver 2015, p. 66-68.
  16. Ibid., p. 68-69; Kofman, « Russian Hybrid Warfare… ».
  17. Kofman, « Russian Hybrid Warfare… ».
  18. Charles Pickar, Tactical Deep Battle: The Missing Link, monographie, Fort Leavenworth, Kansas, School of Advanced Military Studies, 1991, p. 4-12.
  19. Department of the Army, FM 100-2-1, The Soviet Army: Operations and Tactics, Washington, DC, Department of the Army, 1984, p. 2-1 à 2-12. L’expression « centre de gravité » n’est pas mentionnée une seule fois lorsqu’il est question de doctrine opérationnelle et de tactique soviétique.
  20. Pickar, p. 9-10, 37.
  21. Ibid., p. 9. L’auteur paraphrase Richard Simpkin, Race to the Swift, London, Brasseys Defence Publishers, 1985, p. 62.
  22. Can Kasapoglu, Russia’s Renewed Military Thinking: Non-Linear Warfare and Reflexive Control, mémoire de recherche no 121, Rome, Collège de défense de l’OTAN, 2015, p. 8-9.
  23. Fédération de Russie, Military Doctrine of the Russian Federation, Moscou, gouvernement de la Fédération de Russie, 2014, paragraphes 15, 43-44, 48-51, 52-53.
  24. Olga Oliker, « Unpacking Russia’s New National Security Strategy », Center for Strategic and International Studies, 7 janvier 2016, consulté le 5 mai 2016, https://www.csis.org/analysis/unpacking-russias-new-national-security-strategy.
  25. Ariel Cohen et Robert Hamilton, The Russian Military and the Georgia War: Lessons and Implications. ERAP, monographie, Fort Leavenworth, Kansas, Strategic Studies Institute, 2011, p. 15, consulté le 5 mai 2016, http://web.archive.org/web/20110604002747, se trouve maintenant à l’adresse suivante : http://www.globalsecurity.org/military/library/report/2011/ssi_cohen-hamilton.pdf; et Thomson Financial, « State of emergency declared in Tbilisi », Forbes.com, 7 novembre 2007, consulté le 5 mai 2016, http://www.forbes.com/feeds/afx/2007/11/07/afx4312790.html, se trouve maintenant à l’adresse suivante : http://archive.li/NzLgl.
  26. Cohen et Hamilton, p. 15-16.
  27. Randall Newnham, « Georgia on my mind? Russian sanctions and the end of the ‘Rose Revolution », Journal of Eurasian Studies, juillet 2015, p. 164-167.
  28. Cohen et Hamilton, p. 17-18, 23-27.
  29. Ibid., p. 26-28 et 44-49.
  30. Department of Defense, « Terms and Definitions of Interest for Counterintelligence Professionals », Public Intelligence, 9 juin 2014, consulté le 5 mai 2016, http://info.publicintelligence.net/DoD-CI-Definitions.pdf, p. 4-5. Pour obtenir d’autres définitions, voir Victor Madeira, « Russian Subversion: Haven’t We Been There? », The Institute for Statecraft, 30 juillet 2014, consulté le 5 mai 2016, http://www.statecraft.org.uk/research/russian-subversion-havent-we-been-here; et Library of Congress Federal Research Division, Soviet Union: A Country Study, Washington DC, Department of the Army, 1991, p. 779-780.
  31. Andrew Wilson, « Russian Active Measures: Modernized Tradition », The Institute for Statecraft, 3 janvier 2016, consulté le 5 mai 2016, http://www.statecraft.org.uk/research/russian-active-measures-modernised-tradition; Steve Abrams, « Beyond Propaganda: Soviet Active Measures in Putin’s Russia », Connections: The Quarterly Journal, 2016, p 17-18.
  32. Andrew Roth, « From Russia, ‘Tourists’ Stir the Protests », The New York Times, 3 mars 2014, consulté le 5 mai 2016, http://www.nytimes.com/2014/03/04/world/europe/russias-hand-can-be-seen-in-the-protests.html?_r=0, Reuters, « Pro-Moscow protest leader arrested in Ukraine’s Donetsk », Reuters, 6 mars 2014, consulté le 5 mai 2016, http://www.reuters.com/article/us-ukraine-crisis-gubarev-idUSBREA251AN20140306, et Radio Free Europe, « Ukraine Authorities Clear Kharkiv Building, Arrest Scores of ‘Separatists », Radio Free Europe/Radio Liberty, 8 avril 2014, consulté le 5 mai 2016, http://www.rferl.org/content/kharkiv-operation-ukraine-terrorism-separatist-arrests/25324984.html.
  33. Andrew Higgins, « Armed Men Seize Police Station in Eastern Ukraine City », The New York Times, 12 avril 2014, consulté le 5 mai 2016, http://www.nytimes.com/2014/04/13/world/europe/ukraine.html; Galeotti, « ‘Hybrid War’ and ‘Little Green Men’… » et Shaun Walker, « ‘We are preventing a third world war;’ the foreigners fighting with Ukrainian rebels », The Guardian, 24 septembre 2015, consulté le 5 mai 2016, http://www.theguardian.com/world/2015/sep/24/ukraine-conflict-donbass-russia-rebels-foreigners-fighting.
  34. Jill Dougherty, « Everyone Lies: The Ukraine Conflict and Russia’s Media Transformation », Shorenstein Center on Media, Politics, and Public Policy, Harvard Kennedy School, juillet 2014, consulté le 5 mai 2016, http://shorensteincenter.org/wp-content/uploads/2014/07/d88-dougherty.pdf, p. 4-5.
  35. Galeotti, « ‘Hybrid War’ and ‘Little Green Men’… ».
  36. Ibid., p. 5-6.
  37. Thomas, p.  237.
  38. Ibid., p. 237, 238-243.
  39. Ibid., p. 241-243.
  40. Ibid., p. 250. Il s’agit d’une différence importante entre le contrôle réflexif et le concept occidental de gestion de la perception, car ce dernier concept tient compte de la véracité et de l’éthique.
  41. Keir Giles, Russia’s ‘New’ Tools for Confronting the West: Continuity and Innovation in Moscow’s Exercise of Power, mémoire de recherche, Chatham House, Londres, The Royal Institute of International Affairs, 2016, p. 37-40.
  42. Ibid., p. 34.
  43. Ibid., p. 38.
  44. Adrian Croft, « NATO says Russia has big force at Ukraine’s border, worries over Transdniestria », Reuters, 23 mars 2014, consulté le 5 mai 2016, http://www.reuters.com/article/us-ukraine-crisis-nato-idUSBREA2M0EG20140323; Michael Kelley, « MAP: Here’s Why Ukraine Fears and Russian Invasion », Business Insider, 14 mars 2014, consulté le 6 mai 2016, http://www.businessinsider.com/map-heres-why-ukraine-fears-a-russian-invasion-2014-3; et Michael McGuire, « Ukrainians Fear Domination by Russia », Chicago Tribune, 22 décembre 1991, consulté le 5 mai 2016, http://articles.chicagotribune.com/1991-12-22/news/9104240761_1_ukraine-boris-yeltsin-russia-under.
  45. Bret Perry, « Non-Linear Warfare in Ukraine: The Critical Role of Information Operations and Special Operations », Small Wars Journal, 14 août 2015, consulté le 5 mai 2016, http://smallwarsjournal.com/jrnl/art/non-linear-warfare-in-ukraine-the-critical-role-of-information-operations-and-special-opera; et Kofman, A Closer Look… p. 4-6.
  46. Galeotti, « ‘Hybrid War’ and ‘Little Green Men’… », p. 4.
  47. Gerasimov, p. 29.