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Revue militaire canadienne, [Vol. 21, No 4, automne 2021]
Le leadership

Photo du MDN par le caporal Tina Gillies/WT2010-0136-13

Le lieutenant-général Peter Devlin, chef d’état-major de l’Armée de terre, et l’adjudant-chef Giovanni Moretti, sergent-major de l’Armée de terre, visitent l’élément de soutien national (ESN) pendant les séances d’accoutumance au feu de l’exercice REFLEXE RAPIDE à la Base des Forces canadiennes Wainwright, en Alberta, le 5 septembre 2010.

L’adjudant-chef (Adjuc) Necole Belanger, MMM, CD, agit actuellement à titre d’adjudant-chef du Commandement du renseignement des Forces canadiennes (COMRENSFC). Elle s’est enrôlée dans les Forces armées canadiennes en 1987 en tant qu’officier de la Police militaire. Elle a occupé des postes supérieurs en 2013, notamment celui d’adjuc de l’État-major interarmées stratégique, d’adjuc de l’Équipe d’intervention stratégique dans le cadre de l’opération HONOUR, d’adjuc de la 16e Escadre et d’adjuc de l’Académie canadienne de la Défense. L’Adjuc Belanger a complété avec très grande distinction un baccalauréat au Collège militaire royal et un programme de deux ans en droit et administration de la sécurité au Collège d’arts appliqués et de technologie Loyalist. Elle a également rédigé plusieurs articles sur le leadership, dont les suivants : Le premier maître/l’adjudant-chef stratégique accidentel, « Le leadership inclusif » : Si nous le bâtissons, servira-t-il? et Being a Member of the Profession of Arms: A RCAF CWO’s Perspective.

Selon la publication intitulée Au-delà de la transformation : Modèle stratégique d’emploi des pm 1/des adjuc, le concept d’équipe de commandement se définit généralement comme « un ensemble distinct composé d’au moins deux personnes qui se sont engagées, avec dynamisme, de façon interdépendante et avec souplesse, à atteindre une mission/un but/un objectif commun et important, à qui l’on a confié des fonctions ou des rôles précis, et dont la durée de vie en tant que membre est limitéeNote de bas de page 1 ». La publication indique également que « la combinaison d’un commandant et d’un pm 1 ou d’un adjuc » et la fusion de leurs ensembles de compétences individuelles forment le niveau supérieur de leadership, que ce soit au niveau tactique, opérationnel ou stratégiqueNote de bas de page 2. Bien qu’il existe des équipes de commandement à des niveaux hiérarchiques inférieurs, je viserai seulement les premiers maîtres de première classe/adjudants-chefs (pm 1/adjuc) supérieurs.

Le présent article remet en question l’hypothèse selon laquelle les pm 1/adjuc sont prêts à remplir les fonctions liées à l’équipe de commandement au-delà du niveau tactique immédiatement après leur nomination. Je crois qu’il existe une lacune et une occasion manquée d’accroître l’efficacité de l’équipe de commandement, en particulier en ce qui concerne les pm 1/adjuc qui occupent des postes institutionnels clés dans lesquels ils peuvent se sentir hors de leur élément en raison de la dichotomie entre la chaîne de commandement militaire – que la plupart connaissent – et l’unité de commandement ainsi que le système de gouvernement au niveau stratégique ou institutionnel. L’article vise à mettre en lumière les complexités associées à chaque niveau supérieur de leadership au sein du Corps des pm 1/adjuc et pourrait s’avérer utile pour les pm 1/adjuc qui occupent actuellement des postes supérieurs. Il constituera également une bonne base d’étude pour les futurs pm 1/adjuc supérieurs. J’effectuerai une comparaison entre les différents rôles et forces complémentaires des officiers et des militaires du rang (MR) qui collaborent pour former ces équipes. J’espère que le fait de présenter ces points de vue permettra d’accroître l’efficacité de la relation au sein des équipes de commandement.

Une dynamique intéressante

Tout en reconnaissant l’importance du leader ultime de toute équipe de commandement – le commandant – nous devons voir au-delà de cette position unitaire de façon à ce que les rôles et les responsabilités des commandants et des pm 1/adjuc demeurent clairsNote de bas de page 3. Les fonctions des commandants sont facilement définies par leurs responsabilités et clairement prévues par la loi. Le cas des pm 1/adjuc n’est pas aussi simple. Les pm 1/adjuc n’assument aucune autorité en tant que tel; leur autorité provient du commandant et ils l’exercent au nom de ce dernier. Cela ne signifie pas que les pm 1/adjuc n’ont pas d’autorité ou sont impuissants; ce n’est assurément pas le cas. Les pm 1/adjuc s’appuient sur leur pouvoir personnel au sein de l’organisation pour entreprendre des activités au nom de leur commandant. Le pouvoir personnel est décrit dans la doctrine sur le leadership comme l’influence d’une personne sur ses subalternes et est fondé sur la force de caractère, la confiance et les compétences acquises au cours de son perfectionnementNote de bas de page 4. C’est le recours des pm 1/adjuc à ce pouvoir personnel et à l’autorité découlant de leur commandant qui rend cette relation intéressante. Cette dynamique n’existe nulle part ailleurs au gouvernement ou même dans une grande entreprise, ce qui peut expliquer pourquoi les rôles des pm 1/adjuc sont toujours imprécis et difficiles à codifier.

Souvent, on dit aux pm 1/adjuc que leur rôle est un rôle d’apparat ou de « garants » de la tenue, de la conduite et de la discipline – leurs fonctions se limiteraient à celles de co-intendants de la profession des armes, de protecteurs du Corps des MR et de conseillers et confidents du commandant. Bien que ces termes expriment largement certaines fonctions traditionnelles, il subsiste un manque de compréhension commune quant au potentiel d’amélioration de l’équipe de commandement au moyen d’un éventail plus complet des tâches que les pm 1/adjuc peuvent, pourraient et devraient effectuer dans nos propres rangs ainsi qu’au niveau des officiers. La majeure partie de leurs rôles ne change pas de façon significative; la différence réside dans l’influence organisationnelle que les pm 1/adjuc exercent ainsi que dans la façon dont ils choisissent d’effectuer ces fonctions selon le poste occupé et la « valeur ajoutée » qu’ils peuvent apporter à l’équipe de commandement grâce à leur point de vue et leur expérience uniques. La portée de leur engagement à chaque niveau doit être axée sur le fait de diriger l’institution et être harmonisée avec l’autorité, les responsabilités et la responsabilisation (ARR) du commandant. Il est impératif de produire des pm 1/adjuc compétents dans les trois niveaux de leadership et en mesure de diriger non seulement des personnes, mais aussi l’institution. Cela s’avère d’autant plus essentiel au niveau stratégique. Cependant, cette particularité qui fait des pm 1/adjuc des leaders tactiques très efficaces ne se transfère pas toujours dans les autres niveaux de leadership, ce qui complique les choses. En fait, dans certains cas, cela limite leur réflexion ou leurs actions ainsi que leur efficacité aux niveaux opérationnel et stratégique.

« Bien que les approches reflèteront les diverses personnalités et que les méthodes puissent différer pour compléter l’équipe de commandement, les pm 1/adjuc au niveau stratégique remplissent de nombreux rôles. À mon avis, les trois rôles de soutien réciproques suivants sont essentiels : en tant que connecteurs, ils aident à lier la base au niveau stratégique en s’assurant que les questions, les répercussions et les idées sont harmonisées et comprises dans l’ensemble de la chaîne de commandement; en tant que conseillers, ils fournissent un point de vue critique et agissent comme un groupe de rétroaction pour bon nombre de militaires, particulièrement dans le cas de décisions complexes; et en tant que communicateurs, ils renforcent l’intention du commandant tout en offrant aux militaires sur le terrain la possibilité de faire entendre leurs voix aux niveaux supérieurs. La compréhension organisationnelle, des réseaux élargis et de solides compétences interpersonnelles, de même qu’une excellente évaluation des questions institutionnelles sont essentiels au succès à ce niveau.» [TCO]

Lieutenant-général Wayne Eyre,
chef d’état-major de la défense par intérim

Photo du MDN par le matelot de 2e classe Camden Scott/LF01-2019-0101-0301

Alors lieutenant-général Wayne Eyre, commandant de l’Armée canadienne, discute avec les participants de la concentration de tir aux armes légères des Forces armées canadiennes du Polygone de Connaught et Centre d’entraînement élémentaire à Ottawa, en Ontario, le 21 septembre 2019.

Kevin West, ancien adjudant-chef des Forces canadiennes (adjuc FC), dans son article de la Revue de l’Aviation royale canadienne (ARC) paru en 2010, « Le rôle de l’adjudant-chef dans le domaine de l’art opérationnel », a souligné le fait qu’en « l’absence de définition claire des rôles […] la zone grise entre [le corps des officiers et celui des MR] continuera d’existerNote de bas de page 5 » à des niveaux qui dépassent la sphère tactique. Il est impératif que l’institution veille à ne pas diluer ce rôle en établissant des critères stricts au moyen desquels on mettra sur pied un groupe professionnel stratégique, le « Corps des pm 1/adjuc ». Le critère le plus important énoncé dans le document concernant les directives sur le modèle d’emploi stratégique était de s’assurer que les pm 1/adjuc étaient jumelés à des commandants pour former des équipes de commandementNote de bas de page 6.

Pour préciser le manque de compréhension concernant les rôles des pm 1/adjuc occupant les postes les plus élevés au sein des divers niveaux d’emploi, les FAC se sont dirigées vers les pratiques des ressources humaines basées sur les compétences. Au cours des dernières années, les FAC ont entrepris de moderniser leur système de gestion de carrière. L’une des initiatives mises en œuvre est l’élaboration des profils de leaders (PL) pour les postes de cadreNote de bas de page 7. Cependant, même ces initiatives ne saisissent pas tout à fait toutes les nuances du concept d’équipe de commandement et ont tendance à s’appliquer davantage aux personnes assumant des rôles de leadership. Nous sommes donc confrontés à un dilemme. Lorsque les rôles sont trop explicites, ceux-ci limitent la capacité d’un commandant de recourir de façon pertinente au pm 1/à l’adjuc et de former une équipe cohésive qui satisfait aux exigences. Si les rôles sont trop génériques ou larges, ils ne fournissent aucune précision ou arcs définis, et on constate un écartNote de bas de page 8.

« Pour les pm 1/adjuc, le passage des niveaux tactique et opérationnel au niveau stratégique imposera des exigences accrues relativement aux compétences et à l’engagement du Corps des pm 1/adjuc. Notre rôle en tant qu’adjuc est de « prêcher par l’exemple » et d’adopter les valeurs et les comportements uniques qui visent à assurer un professionnalisme opérationnel et les compétences en leadership. Nos tâches concernent toujours nos subalternes, quel que soit le niveau.» [TCO]

PM 1 Gilles Grégoire,
adjudant-chef des Forces armées canadiennes

Photo du MDN

Adjudant-chef Crystal Krammer, équipe de commandement de la Police militaire au niveau tactique (équipe de leadership tactique).

Le PM 1 Grégoire tient à poursuivre le travail des anciens adjuc FAC. Il reconnaît cet écart et souhaite s’assurer que les pm 1/ajduc possèdent des ensembles de compétences accrus et les connaissances cognitives nécessaires pour assumer les responsabilités qui leur sont confiées dans les trois niveaux de nomination supérieure : l’équipe de direction supérieure au niveau tactique – Novice (EDST [N]), l’équipe de direction supérieure au niveau tactique – Maître (EDST [M]) et l’équipe de direction stratégique (EDS). Comme il a occupé des postes à tous les niveaux de leadership au sein des FAC, le PM 1 Grégoire sait mieux que quiconque que lorsque les pm 1/adjuc passent de la direction de personnes à la direction de l’institution, leurs rôles et leurs responsabilités ne nécessitent plus le recours aux compétences techniques acquises au sein de leur groupe professionnel, mais requièrent plutôt des compétences élargies en leadership, à la pensée critique, à la planification stratégique, à la résolution de problèmes complexes et à des communications efficaces. En plus des responsabilités accrues, les pm 1/adjuc doivent fournir des avis et des commentaires à l’institution en raison de la position unique qu’ils occupent dans le cadre des FAC. Les pm 1/adjuc supérieurs doivent formuler des commentaires éclairés, ancrés dans la pensée critique, appuyés par un raisonnement éthique et mis en contexte grâce au professionnalisme et à une expérience pratiqueNote de bas de page 9. Afin de combler cet écart, on a élaboré le cheminement privilégié des pm 1/adjuc. Ce modèle est basé sur l’acquisition de connaissances dans le cadre de la formation militaire professionnelle (FMP) séquentielle étant donné que l’enchaînement de l’instruction constitue l’un des éléments les plus importants de l’application de la théorie de l’apprentissageNote de bas de page 10.

L’auteure a conçu le cheminement privilégié des pm 1/adjuc (Figure 1) en vue d’accroître l’expérience que les pm 1/adjuc peuvent apporter et de mieux les préparer à composer avec les difficultés liées à la direction de l’institution et à la prestation de conseils aux commandants au niveau stratégique. Ce modèle conceptuel ne vise pas à forcer les MR à obtenir des diplômes, mais plutôt à établir un parcours et un enchaînement plus délibérés afin de développer une expertise et d’acquérir de l’expérience. Les anciennes pratiques séparaient souvent ces deux éléments ou mettaient l’accent sur l’un plus que l’autre. Bien que l’expérience puisse permettre d’acquérir toutes les compétences nécessaires à la nomination suivante, ce n’est pas toujours le cas, alors que l’éducation seule permet uniquement d’acquérir des connaissances et pas nécessairement une compréhension ou une mise en pratique. Il est impossible de savoir clairement quel élément est le plus pertinent ou le plus apte au succès, car il n’existe pas de solution unique. Chaque pm 1/ajduc est différent. Le plus important est la capacité d’apprendre et de mettre en pratique les connaissances tout en gardant l’esprit ouvert aux nouveaux concepts et idées, et c’est exactement ce en quoi consiste le cheminement privilégié. Ce modèle permet de pallier une lacune systémique et offre une meilleure façon de perfectionner les pm 1/adjuc. Les FAC ont besoin que les pm 1/adjuc soient productifs à tous les niveaux et que ceux-ci s’adaptent à la courbe d’apprentissage de chaque niveau. Les pm 1/adjuc ne seront pas toujours invités à prendre part aux discussions. Le cas échéant, ils doivent toutefois en profiter et non seulement présenter des idées, mais aussi formuler des opinions et des conseils. La valeur ajoutée et une efficacité accrue proviennent d’une combinaison d’expertise, d’expérience et d’éducation.

Adjuc Belanger, auteure

Figure 1 : Cheminement privilégié des PM 1/adjuc.

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Les trois armées et les trois niveaux de leadership

Il ne fait aucun doute que la Marine royale canadienne (MRC), l’Armée canadienne (AC) et l’Aviation royale canadienne (ARC) ont recours de façon différente aux pm 1/adjuc. Par exemple, la MRC utilise la triade de l’équipe de commandement (le commandant, le commandant en second et le capitaine d’armes), alors que l’équipe de leadership de l’AC est composée du commandant et du sergent-major régimentaire. Quant à l’ARC, elle a recours à un commandant et à un adjudant d’escadron. Au niveau du quartier général, il peut également s’ajouter des postes d’état-major, tels que le chef d’état-major (CEM) ou le commandant adjoint (cmdtA), ce qui instaure une autre dynamique à l’équipe de commandement. Quel que soit l’uniforme porté par le pm 1/l’adjuc, une chose est certaine : pour que la relation fonctionne, le pm 1/l’adjuc doit jouer un rôle complémentaire auprès du commandant et exceller dans le volet humain du leadership – p. ex. l’établissement de liens, la communication et la motivation – tout en étant prêt à formuler des conseils et à diriger l’institution.

Au niveau de l’EDST (N), les pm 1/adjuc possèdent habituellement la plus grande expérience et la plus grande expertise technique, de même qu’une bonne compréhension des MR; par conséquent, leurs conseils s’avèrent particulièrement précieux pour le commandant. Ce dernier se fie largement aux pm 1/l’adjuc pour assurer l’instruction, le perfectionnement et la motivation des marins, des soldats et des aviateurs et veiller à ce que l’on s’occupe d’eux afin que l’organisation constitue une force de combat efficace. Les pm 1/adjuc EDST (N) adoptent presque toujours une approche « pratique ». Ils mettent généralement l’accent sur la direction de personnes, et le leadership à ce niveau est orienté « vers le bas et à l’intérieur ». Cependant, des facteurs opérationnels exercent une certaine influence. Dans ce type de relation, le commandant et le pm 1/l’adjuc sont presque toujours ensemble afin de contribuer au succès de la mission. Dans la plupart des cas, les pm 1/adjuc excellent à ce niveau de leadership; par conséquent, leurs rôles ne devraient pas changerNote de bas de page 11.

Au niveau de l’EDST (M), ce sont les officiers qui possèdent la plus grande expérience, en partie en raison de leur perfectionnement professionnel (PP) qui comprend non seulement les exigences liées au groupe professionnel, mais également de l’instruction sur le leadership, la planification stratégique, la pensée critique et l’exécution des opérations, de même que de nombreuses possibilités d’expérience au moyen d’exercices, d’affectations et de déploiements. Des cours tels que le Programme de commandement et d’état-major interarmées (PCEMI) et le Programme de sécurité nationale (PSN) préparent ces futurs leaders à diriger l’institution. Cependant, les conseils liés à l’expérience que fournissent les pm 1/adjuc revêtent toujours une grande importance et apportent un point de vue unique étant donné que ces derniers perçoivent les problèmes différemment des officiersNote de bas de page 12. À ce niveau, on doit faire preuve de créativité et de vision et avoir une grande confiance en ses capacités afin de formuler des conseils pertinents qui aideront le commandant à prendre des risques. De plus, la portée des responsabilités des pm 1/adjuc est plus grande qu’au niveau de l’EDST (N), et on doit tenir compte d’un plus grand éventail de résultats potentiels. On commence à passer de l’« acteur » au « délégant » et à apprendre à faire confiance aux subalternes et à s’y fier. En tant que membre de cette équipe, le pm 1/l’adjuc devrait tenter par lui-même à l’occasion de communiquer l’intention du commandant et de mobiliser les groupes-cibles au sein de l’organisation. À ce niveau, on commence à passer de la direction de personnes à la direction de l’institution, ce que M. Alan Okros, directeur adjoint des programmes d’études du Collège des Forces canadiennes, décrit comme le fait de traiter à l’occasion « des domaines interreliés […] “de façon ascendante à l’intérieur et à l’extérieur de l’organisation”, y compris dans les secteurs sociaux et politiques dans lesquels la profession des armes doit être exercéeNote de bas de page 13 ». En somme, le leadership opérationnel consiste à mettre en œuvre la mission et à obtenir des résultats.

Photo du MDN par le caporal Lynette Ai Dang

Le commandant Mark O’Donohue, commandant du NCSM Calgary, le capitaine de frégate Meghan Coates, commandant en second du NCSM Calgary, et le premier maître de 1re classe Mark Chambers, capitaine d’armes du NCSM Calgary, se tiennent sur le gaillard d’avant du navire à Jakarta, en Indonésie, dans le cadre de l’opération PROJECTION, le 2 juillet 2021.

Au niveau de l’EDS, les problèmes ne peuvent pas être traités au moyen de tactiques, de techniques et de procédures (TTP). Le plus souvent, les problèmes sont épineux et rarement aussi simples que les dilemmes auxquels on est confronté au niveau tactique. Les pm 1/adjuc doivent avoir une meilleure compréhension des politiques et de l’institution afin de ne pas prendre de décisions à la hâte et d’aggraver un problème. Ils doivent cerner le problème avant d’essayer de le régler. Il s’agit d’un exercice difficile à maîtriser étant donné que les pm 1/adjuc sont habitués de réagir immédiatement et de croire qu’ils possèdent toutes les réponses. Au niveau stratégique, les pm 1/adjuc de commandement donnent le ton à l’ensemble du Corps des MR, et avec leurs commandants au niveau institutionnel, ils influencent toute la culture des FAC. Ils établissent les directives au lieu de diriger l’exécution. Ils doivent constituer des exemples remarquables et représenter des modèles de compétence éthique, professionnelle et technique. Les pm 1/ adjuc de commandement efficaces sont des bâtisseurs d’équipe qui travaillent dans des sphères multiples et doivent comprendre l’environnement interarmées, interorganisationnel et multinational. Ils doivent être des organisateurs et des influenceurs habiles ayant une grande connaissance des mécanismes du pouvoir et de l’environnement social dans lequel ils agissentNote de bas de page 14. Ainsi, presque toutes les tâches nécessitent une meilleure coordination, sont plus chronophages, ont de plus grandes répercussions et produisent des effets à plus long termeNote de bas de page 15 que la prise de décisions opérationnelles ou tactiques. Un pm 1/adjuc stratégique demeure orienté « vers le bas et à l’intérieur » alors qu’il agit en même temps « vers le haut et à l’extérieur », ce qui aide à façonner des processus et des systèmes organisationnels élargis. En d’autres termes, le leadership stratégique des pm 1/adjuc consiste à aider l’organisation à rester compétitive à long terme. Il ne s’agit pas tant d’une armée en particulier, mais plutôt des FAC dans leur ensemble. Le plus souvent, un pm 1/adjuc au niveau stratégique communiquera avec des intervenants militaires et civils de l’extérieur de leur structure de commandement, indépendamment de leur commandant, bien que les priorités du pm 1/de l’adjuc soient toujours directement harmonisées avec celles du commandant. En outre, ces pm 1/adjuc passent moins de temps seul à seul avec les soldats et doivent donc user du privilège de parler à un vaste éventail de groupes pour communiquer l’intention du commandant. Il s’agit effectivement d’un privilège étant donné que le commandant doit faire confiance à son pm 1/adjuc pour exécuter cette fonction.

Équipes de commandement – PM 1/adjuc supérieurs
Régiment contributeur MRC AC ARC FAC OTAN Ops de déploiement F rés
Niveau 0 – Institutionnel 1
Niveau 1 – Stratégique
Équipe de direction stratégique (EDS)
1 1 1 5
Niveau 2 – Opérationnel
Équipe de direction supérieure au niveau tactique – Maître (EDST [M])
2 5 2 3
Niveau 3 – Tactique
Équipe de direction supérieure au niveau tactique – Novice (EDST [N])
6 11 13 27 6 5 18

Tableau 1 : Équipes de commandement – PM 1/adjuc supérieurs [Données fournies par l’Adjuc Jenny Godin, adjuc Corps pm 1/adjuc]

Adjuc Belanger, auteure

NOTA : Certains postes particuliers de l’EDST (N) de niveau 3 font l’objet d’une évaluation pour déterminer s’ils doivent faire partie de l’EDST (M) de niveau 2. Actuellement, ces postes sont compris dans l’EDST (N).

Les défis liés au passage du niveau tactique aux niveaux opérationnel et stratégique

La préparation des pm 1/adjuc à assumer des rôles de leadership dans les trois niveaux peut s’avérer extrêmement difficile. D’abord, les possibilités d’emploi des pm 1/adjuc au-delà du niveau tactique ont toujours une portée très limitée. Ensuite, ils sont toujours incapables de comprendre clairement leurs rôles à ces différents niveaux. Enfin, et ce qui est peut-être le plus important, certains sont toujours convaincus que les commandants et les pm 1/adjuc ne devraient être jumelés qu’au niveau tactique. En tant qu’institution, nous devons permettre à nos MR d’obtenir des postes plus complexes et d’acquérir les connaissances dont ils auront besoin aux niveaux opérationnel et tactique. En tant que Corps, les pm 1/adjuc doivent souhaiter sortir de leur zone de confort et occuper divers rôles de leadership, et on doit les préparer et les encourager à le faire. Par exemple, à titre de responsable de la discipline d’une unité, une personne doit se concentrer sur différentes tâches au niveau opérationnel, p. ex. passer plus de temps sur les questions externes et jouer un nouveau rôle social au sein de l’organisation. Les leaders au niveau tactique commettent souvent l’erreur de continuer à diriger au niveau suivant sans changer de style de leadership. « Se concentrer sur ses forces est nécessaire, mais corriger les faiblesses peut permettre d’obtenir les plus grands résultats. Quitter sa zone de confort est toutefois synonyme de risques, et lorsqu’on fait déjà bien les choses, la tentation de conserver le statu quo peut être grande et mener à la stagnationNote de bas de page 16 » [TCO]. Même si les pm 1/adjuc ont la capacité de s’adapter à ce nouveau rôle, ils doivent composer avec les rôles traditionnels qu’ils ont précédemment joués dans l’organisation. Par exemple, si le pm 1/l’adjuc a la réputation d’être un « responsable de la discipline strict », les membres de l’organisation peuvent continuer d’adopter des attitudes profondément ancrées, et cette personne peut avoir beaucoup de difficulté à entreprendre un important changement de rôleNote de bas de page 17. Enfin, le principal obstacle est le fait de gagner le cœur et l’esprit de ceux qui croient que les pm 1/adjuc n’ont aucun rôle consultatif à jouer au niveau opérationnel ou stratégique. Cela ne pourra se faire que si les pm 1/adjuc, à titre individuel et en tant que Corps, mettent l’accent sur leur perfectionnement professionnel et personnel et s’ils peuvent expliquer exactement et sans équivoque quelle est leur valeur ajoutée et quel est le complément qu’ils apportent aux commandants.

« Les commandants bénéficient grandement des points de vue, de l’expérience et des conseils uniques, de même que de « l’examen critique » qu’apportent les pm 1/adjuc en tant que membres de l’équipe de commandement. Ces compétences ne devraient pas seulement faire l’objet de perfectionnement, on devrait aussi en encourager l’acquisition avant que les MR supérieurs soient affectés à des équipes de commandement de niveau institutionnel afin que les MR soient confiants et prêts à tirer le meilleur parti de l’occasion afin d’orienter, d’influencer, de communiquer et de mettre en œuvre la vision et les décisions du commandant, ainsi que de formuler des conseils connexes.» [TCO]

Cam (à la retraite) Jennifer Bennett

Photo du MDN par le caporal Michael J. MacIsaac/SU12-2018-0273-011

Alors championne de la Défense pour les femmes, la contre-amiral Jennifer Bennett s’adresse aux invités lors d’un événement dans le cadre de la Journée internationale des femmes qui a eu lieu le 6 mars 2018 au Centre de santé Perley Rideau pour les ancients combattants, à Ottawa.

La collaboration des membres des équipes de commandement pour atteindre une vision commune peut s’avérer remarquable

On dit que l’on se sent seul au sommet, mais cela ne devrait pas être le cas étant donné que les leaders sont plus efficaces lorsqu’ils sont appuyés par une équipe. Le leadership d’une unité, d’une formation ou d’un commandement est simplement trop énorme pour être assumé par une seule personne. John C. Maxwell, auteur de renom sur le leadership, souligne dans son ouvrage à succès intitulé Les règles d’or du leadership, « [p]ourquoi vous tenir en marge de votre zone des forces alors que vous pourriez être en plein milieuNote de bas de page 18? ». De solides équipes de commandement nécessitent l’établissement d’un partenariat fondé sur la confiance, une vision commune et une communication ouverte. On doit également comprendre les forces que chacun apporte au partenariat ainsi que les domaines dans lesquels l’un peut compléter ou renforcer l’autre. Jumeler le commandant et le pm 1/l’adjuc permet de former une équipe dans laquelle le tout est plus grand que la somme des partiesNote de bas de page 19.

« Le leadership de l’équipe de commandement est essentiel au succès de l’ARC à tous les niveaux. J’ai été gâté durant ma carrière et j’ai pu travailler avec des partenaires adjuc ARC exceptionnellement talentueux et intuitifs qui ont délibérément fait progresser les buts et les objectifs de l’organisation et qui ont adopté un modèle de comportement irréprochable, tout en restant à l’écoute de l’humeur et de la dynamique de l’ensemble du personnel.» [TCO]

Lgén Al Meinzinger,
commandant de l’ARC

Photo du MDN par le Mat 1 Erica Seymour/RP26-2019-0038-024

Le commandant de l’ARC, le lieutenant-général Al Meinzinger (à gauche) et l’adjuc ARC, l’adjuc Denis Gaudreault, discutent avec les troupes pendant leur visite à la Force opérationnelle aérienne – Roumanie au cours de l’opération REASSURANCE, le 15 décembre 2019, à la base aérienne Mihail Kogălniceanu.

La première chose qu’un pm 1/adjuc doit faire à la suite de son affectation à une équipe de commandement, quel qu’en soit le niveau, est de rencontrer son commandant et de nouer une bonne relation; ensuite, le pm 1/l’adjuc doit s’efforcer d’obtenir le soutien du commandant. Ce dernier doit établir une division des tâches ou déterminer les règles de base à suivre. Une vision commune et une étroite communication permettent une coopération formidable et décisive. Le pm 1/l’adjuc sait qu’il a atteint ce niveau de complémentarité lorsque le commandant lui laisse la « libertéNote de bas de page 20 » de faire le nécessaire pour faire progresser la mission en son nom. Il ne suffit pas que le pm 1/l’adjuc et le commandant comprennent leur relation; les MR et les commandants subalternes doivent également la comprendre. En fin de compte, le soutien du commandant est essentiel au succès du pm 1/de l’adjuc en tant que leader non seulement parce que les commandants sont les membres les plus puissants de l’organisation, mais aussi parce qu’ils s’attaquent à l’ensemble de la situation au quotidien. Par conséquent, les pm 1/adjuc et les commandants doivent impérativement avoir une vision commune et une étroite communication qui entraîneront une coopération formidable et décisive et accroîtront l’efficacité.

La communication, le respect mutuel, la vision commune et la confiance sont également essentiels. Les équipes de commandement les plus efficaces ont des liens et des rapports étroits, de même qu’une communication ouverte, efficace et continue. La rétroaction bidirectionnelle représente une partie importante du cycle de communication. Les pm 1/adjuc ne doivent pas craindre de communiquer franchement et régulièrement avec les commandants. Ceux-ci ne leur demanderaient pas leur avis s’ils ne souhaitaient pas connaître la réalité sur le terrain. C’est leur façon d’inviter les pm 1/adjuc à réagir avant qu’une décision soit prise. Il ne s’agit pas d’une trahison. « Par ailleurs, remettre en question une décision déjà prise n’est pas conforme à l’esprit d’équipeNote de bas de page 21 ». Les pm 1/adjuc sont essentiellement les yeux et les oreilles du commandant, et les discussions se font au nom du personnel de l’unité, de l’escadre, de la formation ou du commandement. Ils sont parfaitement placés au sein de l’institution pour prendre le pouls de l’organisation.

La confiance repose sur l’honnêteté et la fiabilité. Les pm 1/ adjuc doivent passer de la parole aux actes, ce qui leur permettra d’avoir une influence bidirectionnelle sur les membres de la chaîne de commandement. La confiance s’établit grâce à un respect mutuel, à une vision partagée et à des expériences communes. La communication permet d’établir la confiance en tenant les autres informés. Les pm 1/adjuc peuvent favoriser la confiance en structurant l’intention et l’orientation du commandant, en mettant l’accent sur les raisons. Le maintien de la confiance dépend de la satisfaction des attentes. Par conséquent, on doit s’assurer de ne pas diffuser de directives contradictoires en communiquant au moyen du « réseau des pm 1/adjuc ».

Le rôle des pm 1/adjuc dans une équipe non complémentaire

Bien que le Corps des pm 1/adjuc excelle en tentant d’affecter des pm 1/adjuc à une organisation particulière et de les jumeler avec le bon commandant, il est parfois difficile, voire impossible, d’assurer la compatibilité. Comme il a été susmentionné, la compatibilité et un solide partenariat reposent entièrement sur la confiance. L’absence d’évolution des responsabilités d’un pm 1/adjuc depuis le niveau tactique est un bon signe d’un manque de confiance. Par exemple, au niveau stratégique, le commandant ne lui fait confiance que sur les décisions concernant les MR; il ne lui demande pas son avis ou ne fait appel à lui qu’après coup; le pm 1/l’adjuc est rarement présent lors des discussions; et toutes ses actions doivent probablement faire l’objet d’une approbation, d’une surveillance étroite et d’une microgestion. Quel que soit le degré de difficulté de la relation, il est essentiel que les deux partenaires trouvent un moyen d’équilibrer les points de vue et les contributions pour que la relation fonctionne. On ne peut pas laisser au hasard le soin d’entretenir cette relation. Il n’y a qu’un seul commandant nommé, et le rôle du pm 1/de l’adjuc consiste à soutenir cet officier dans les limites de l’éthique; à l’intérieur de ces limites, le pm 1/l’adjuc doit toutefois directement pallier l’absence de relation productive.

« Les pm 1/adjuc doivent adapter leur style de leadership au niveau où ils exercent leurs fonctions afin de compléter celui de leurs partenaires de l’équipe de commandement. Ils doivent également être à l’aise dans des situations malaisantes.» [TCO]

Adjuc (à la retraite) Denis Gaudreault,
ancien adjuc ARC

Photo du MDN par le caporal Brian Lindgren

Le commandant de la Force opérationnelle interarmées – IMPACT (FOI-I) et de la Force opérationnelle du Centre (FO-C), le brigadier-général Michael Wright, et l’adjudant-chef par intérim de la FOI-I/FO-C, l’Adjuc Richard Coltart, disent au revoir aux membres de la ROTO 3 qui ont servi au sein de la FOI-I/FO-C dans le cadre de l’opération IMPACT, au Camp Canada situé à la base aérienne Ali Al Salem, au Koweït, le 16 février 2021.

Les pm 1/adjuc qui ne sont pas certains des buts, des objectifs et des résultats souhaités de leur commandant doivent absolument organiser une rencontre individuelle le rapidement possible pour mieux comprendre sa façon de travailler et connaître le meilleur moyen de le soutenir. Les possibilités présentent des risques, mais il ne faut pas craindre de les prendre, « car c’est souvent dans de tels moments décisifs que naissent les plus grands leadersNote de bas de page 22 ». Les pm 1/adjuc doivent prendre l’initiative et informer le commandant de ce qu’ils peuvent apporter pour accroître l’efficacité de l’équipe et de l’organisation, du meilleur moyen de faire appel à leur expertise et à leur expérience ainsi que de la façon dont leurs points de vue et leur contribution aidera le commandant à diriger l’organisation. Si un pm 1/adjuc a fait tout cela et qu’il croit être sous-utilisé et ne pas avoir la « liberté » d’agir, il doit se créer un créneau pour lui-même et s’assurer de ne pas agir dans des domaines dans lesquels il a peu de connaissances et aucune autorité. S’il outrepasse les pouvoirs que le commandant lui a délégués, l’équipe de commandement s’effondrera, et la relation ne sera plus du tout productive. Les seules personnes qui souffriront de cette situation sont les subalternes, tant les officiers qui relèvent du commandant que les MR qui relèvent du pm 1/de l’adjuc.

Conclusion

La vision stratégique du commandant comprend une vision institutionnelle élargie de la direction de l’organisation, alors que les pm 1/adjuc apportent leur expérience et leur compréhension du travail liées à l’exécution de chaque décision et à la mise en œuvre de la vision ou de la mission. Durant leur carrière, les pm 1/adjuc ont probablement dû composer avec des enjeux et comprennent comment les subalternes exécutent leurs tâches ainsi que la façon de faire le travail efficacement. La collaboration du pm 1/de l’adjuc et du commandant afin de régler les problèmes constitue un multiplicateur de la force dans toute organisation. Elle permet de répondre à la fois à la nécessité de voir la situation globale avec un regard neuf et à celle de comprendre les détails et la façon de faire sur le terrainNote de bas de page 23. Les pm 1/adjuc peuvent agir comme multiplicateurs de la force s’ils orientent leurs efforts vers les éléments indiqués par leur commandant. Ils doivent se rappeler qu’il ne s’agit pas d’eux personnellement, mais de leur rôle au sein d’une équipe. Ils sont là parce qu’ils fournissent des compétences techniques, du professionnalisme, de la maturité, de l’expérience et, ce qui est le plus important, un point de vue distinct et une voix à la discussion. Leur capacité de travailler en réseau et leur pouvoir personnel important renforceront la compréhension de l’institution et de la situation globale du commandant ainsi que sa capacité de réussir la mission. L’un des nombreux rôles des pm 1/adjuc, que ceux-ci exercent un leadership direct au niveau tactique, opérationnel ou stratégique, consiste à présenter le point de vue des MR et leur compréhension de l’atteinte des objectifs. La voix des pm 1/adjuc est essentielle et ajoute de la valeur à l’un des concepts d’équipe les plus essentiels des FAC. L’occasion sera perdue s’ils ne tirent pas profit de la possibilité de remplir leur rôle.

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