Sélection de la langue

Search

Revue militaire canadienne [Vol. 22, No 2, printemps 2022]
Le personnel

Caporal David Veldman/Photo des Forces armées canadiennes

Le premier maître de 2e classe Mark Stevens, premier maître de manœuvre de l’entraînement maritime (Pacifique), écoute un briefing préalable au tir avant un entraînement de tir à la mitrailleuse à bord du NCSM Harry DeWolf, le 18 octobre 2020.

Le premier maître de 2e classe (PM 2) Michelle Seaman s’enrôle dans la Réserve de la Marine royale canadienne en 1986 en tant que commis aux finances (l’équivalent du titre actuel d’administrateur des services financiers). À titre de réserviste de classe A, elle est chef nationale de l’exercice de la profession des administrateurs des services financiers de même que chef du service de l’instruction du NCSM Carleton à Ottawa (en Ontario). Dans sa carrière à temps plein, le PM 2 Seaman est membre civile de la Gendarmerie royale canadienne, à la tête du service pour les victimes d’actes criminels, soit le centre d’expertise de la Gendarmerie royale canadienne pour ce qui a trait aux victimes. Le PM 2 Seaman est lauréate de la Médaille du jubilé de diamant de la Reine, et titulaire d’un baccalauréat ès arts de l’Université McMaster et d’un certificat en gestion professionnelle des ressources humaines de l’Université Carleton.

Introduction

En août 2020, la Marine royale canadienne (MRC) annonçait l’adoption de « noms de grades ne portant pas la marque du genre en anglais […] [pour refléter] la MRC d’aujourd’hui, une organisation moderne et tournée vers l’avenirNote de bas de page 1 ». Or, ce qui aurait dû marquer un tournant décisif dans les efforts d’inclusion et de promotion de la diversité de la Marine a été entaché par des commentaires haineux en ligne. Ces commentaires ont incité le commandant de la Marine du moment à affirmer que nous ressortions de ce débat entourant les grades avec « une meilleure connaissance de notre identité, ainsi qu’avec une constatation de la réalité qui nous porte à réfléchir au fait que nous devons tous en faire plus – sur le plan individuel et collectifNote de bas de page 2 ». Il ne s’agit là que d’un exemple parmi d’autres montrant que la stratégie et le plan d’action des Forces armées canadiennes (FAC) en matière de diversité de 2016Note de bas de page 3 n’ont pas été assez loin pour abattre les obstacles systémiques et les préjugés sous-jacents qui entravent la marche des FAC vers une culture qui accueille l’inclusion et la diversité des genresNote de bas de page 4. Le rôle des premiers maîtres de 2e classe (pm 2) et des adjudants-maîtres (adjum) comme moteurs du changement organisationnel est plus important que jamais, compte tenu des récents événements qui ont ébranlé la confiance portée aux échelons supérieurs du leadership. L’on examinera cette question sous le jour de certaines des raisons qui ont empêché les FAC de créer un milieu favorable à la diversité et à l’inclusion; l’on recommandera ensuite des mesures à prendre collectivement et individuellement; et l’on précisera le rôle que les pm 2 et les adjum peuvent jouer pour inspirer le changement nécessaire à la mise en place d’une culture favorable à l’inclusion des genres.

Pour comprendre le rôle que jouent les leaders des FAC dans le changement de culture, il sied d’étudier l’inclusion et la diversité des genres dans le cadre qui dicte les comportements nécessaires à un bon leadership et une organisation efficace.

Le contexte

À ce jour, la stratégie et le plan d’action des FAC en matière de diversité lancés en 2016 n’ont pas permis d’instaurer une culture de diversité et d’inclusion, car l’intention signalée dans la stratégie n’a pas été appuyée par des efforts individuels et collectifs conformes au Cadre d’efficacité des Forces canadiennes (FC) relatif au bien-être et à l’engagement de leurs membres et à l’ethos militaireNote de bas de page 5,Note de bas de page 6. Le plaidoyer sur la diversité des FAC doit être étayé par des mesures qui résulteront en la mise en œuvre de changements systémiques sur le plan des politiques, des procédures, de la formationNote de bas de page 7 et des processus de perfectionnement, sous peine de perpétuer, en lieu et place d’une culture d’inclusion, une culture d’exclusion néfaste pour le bien-être et l’engagement des membres de l’organisationNote de bas de page 8,Note de bas de page 9.

Couverture de la Stratégie sur la diversité des Forces armées canadiennes

Sur le plan institutionnel, il incombe aux leaders d’adopter un comportement qui soit à la hauteur du contrat social et de maintenir de solides systèmes de qualité de vie et de soutien des membres de l’organisationNote de bas de page 10. En se faisant les champions de mesures concrètes – comme l’élimination des choix qui ne se déclinent qu’en un binarisme rigide au chapitre du genre et la suppression des représentations stéréotypées dans tous les documents administratifs et tactiques –, les leaders peuvent résolument aider l’organisation à s’acquitter de son obligation d’honorer le contrat social en accordant à tous les membres des FAC d’être traités avec respect pendant leur serviceNote de bas de page 11.

Au cœur du Cadre d’efficacité des FC, l’ethos militaire dicte une conduite en harmonie avec les principes éthiques et les valeurs militairesNote de bas de page 12. Pour que les FAC soient en mesure d’incarner une culture véritablement inclusive, les leaders supérieurs doivent diriger aussi bien les individus, pour entretenir une atmosphère de respect des droits individuels et de la diversitéNote de bas de page 13, que l’institution, pour établir une culture conforme à l’éthiqueNote de bas de page 14 en modelant leur propre conduite sur ces valeurs. À cette fin, il leur faudra s’armer de courage et réprouver les comportements néfastes d’autrui (qu’ils soient intentionnels ou non), repérer les obstacles organisationnels à l’inclusion, et susciter des occasions de reconnaître, d’aborder et de comprendre les partis pris inconscients et les expériences qui ont façonné leur propre point de vue et celui des autresNote de bas de page 15.

Le milieu

Le changement de culture est une entreprise ardue. Pour rompre le cycle des mêmes approches perpétuellement infructueuses, il est essentiel de comprendre le milieu de travail des FAC. L’on peut visuellement se représenter les interrelations complexes entre les systèmes des FAC et la question de l’inclusion des genres sous la forme d’un arbre conceptuel (voir l’appendice A : Arbre conceptuel – Inclusion des genres dans les FAC). Penchons-nous à présent sur cet arbre conceptuel, qui illustre une démarche systémique d’analyse de l’inclusion des genres dans les FAC.

En tant que « système de systèmesNote de bas de page 16 », les FAC opèrent dans un environnement mû par des stimuli externes qui influeront sur l’inclusion des genres, y compris la perception du public selon laquelle les FAC sont une organisation éthique digne de confiance et qui reflète la diversité du Canada (voir les coins supérieurs gauche et droit de l’arbre conceptuel). L’arbre s’articule autour du concept d’inclusion des genres (au centre, cercle bleu foncé). Cinq systèmes primaires des FAC (encadrés verts) – soit la culture organisationnelle; la stratégie et le plan d’action des FAC en matière de diversité; l’organisation du personnel militaire; le cadre d’apprentissage; et le leadership – ainsi que leurs sous-systèmes (encadrés bleu clair) rayonnent à partir de ce concept centralNote de bas de page 17.

Amabilité de l’auteure

Appendice A : Arbre conceptuel – Inclusion des genres dans les FAC

Cliquer pour agrandir l’image

En 2016, on mettait en œuvre la stratégie et le plan d’action en matière de diversité des FAC pour établir une culture organisationnelle qui « soutient la diversité et l’inclusion »Note de bas de page 18. Cinq ans plus tard, bon nombre d’exemples donnent à penser que les militaires continuent d’agir à l’encontre du Code de valeurs et d’éthique du MDN et des FACNote de bas de page 19. Si « les valeurs de base profondément enracinées chez les gens qui composent l’organisation constituent l’essence de la culture organisationnelleNote de bas de page 20 », il s’ensuit que pour instaurer une culture véritablement diversifiée et inclusive, il faut prendre des mesures concrètes pour aligner le comportement des membres de l’organisation sur le principe éthique de respect et de dignité de toutes les personnes ainsi que sur les valeurs de courage, d’intégrité et de loyauté. Non seulement cela incitera-t-il la population canadienne à accorder sa confiance aux FAC, mais ce sera aussi vecteur de confiance des membres des FAC en leur propre institution.

La stratégie et le plan d’action en matière de diversité des FAC ont manqué d’efficacité dans leur mise en œuvre, si bien qu’ils ne se sont pas traduits par la culture organisationnelle escomptée. Malgré la communication et les initiatives mises en œuvre, il n’y a eu que peu de messages et de plans d’action ciblés aux unités, c.-à-d. peu de directives en vue de changements structurels (p. ex., toilettes non genrées). Les politiques, manuels et formulaires n’ont pas été mis à jour et continuent de refléter, dans leur formulation, un binarisme qui exclut la pluralité de genre. Une évaluation menée en 2020 a indiqué le « besoin d’informations et de données plus récentes sur l’état actuel de la diversité et de l’inclusion au sein du MDN et des FACNote de bas de page 21 ». Ces conclusions devraient déclencher un réexamen du plan de mise en œuvre et des modifications au besoin.

La mise en œuvre de la stratégie et du plan d’action des FAC en matière de diversité devrait comprendre un réexamen de l’organisation du personnel militaire – notamment le recrutement et le maintien en poste du personnel, l’administration et l’instruction du personnel – à travers le prisme de l’analyse comparative entre les sexes plus (ACS+), et mettre les pleins feux sur la diversité des identités de genre, de façon à reconnaître et à combattre la discrimination systémique. À titre d’exemple, l’on pourrait, au moyen d’entrevues d’arrivée et de départ, obtenir de l’information pouvant ensuite être réinjectée dans les boucles de rétroaction, qui sont essentielles à tout milieu d’apprentissage. Cette information pourrait aider à cerner les lacunes sur les plans de la formation, de la sensibilisation et des mécanismes de gestion du rendement aux fins d’une meilleure inclusion, ce qui permettrait de favoriser le recrutement et le maintien en poste d’un effectif plus diversifié.

Le cadre d’apprentissage permet d’assurer la « transmission continue de rétroaction et de connaissances aux processus de planification et de mise en œuvreNote de bas de page 22 » de systèmes clés qui influeront sur l’inclusion des genres. On peut employer des démarches conventionnelles ou novatrices pour le partage du savoir, y compris : des formations comme les cours d’ambassadeur de l’Espace positif, les formations en éthique fondées sur des scénarios et l’ACS+; de l’éducation et de la sensibilisation sur des sujets tels les ensembles de compétences des FAC et les principes d’alliance; et des séances de sensibilisation sur la diversité des identités de genre. Le processus du Système d’évaluation du personnel des Forces canadiennes fournit une rétroaction sur les comportements et l’occasion d’intégrer aux plans d’action un apprentissage ciblé sur l’inclusion des genres.

Les leaders à tous les niveaux soutiennent le milieu d’apprentissage en se consacrant ostensiblement à l’apprentissage et au perfectionnement individuelsNote de bas de page 23. Les leaders ont la difficile tâche de s’adonner à l’introspection pour déceler leurs propres partis pris inconscients, reconnaître leurs erreurs et apporter les changements nécessaires. Dans leur rôle de leaders d’individus et de l’institution, les pm 2 et les adjum donnent de la rétroaction à leurs subalternes, à leurs pairs et à leurs supérieurs, assument la responsabilité de leurs propres actes de façon à motiver et à guider des comportementsNote de bas de page 24 conformes à l’éthique et aux valeurs des FAC, et favorisent une culture organisationnelle inclusive et propice à la diversité.

Analyse des problèmes

Aux fins du présent article, l’on a cerné trois principaux problèmes qui ont empêché la stratégie et le plan d’action des FAC en matière de diversité de 2016 d’opérer les changements nécessaires à la création d’une culture organisationnelle qui « soutient la diversité et l’inclusionNote de bas de page 25 ».

Avr Caitlin Paterson/Photo du MDN

Les membres de la BFC Borden et du Corps du Génie électrique et mécanique royal canadien (GEMRC) participent à un rassemblement à l’occasion du 75e anniversaire du CEMRC à Borden, en Ontario, le 15 mai 2019.

En premier lieu, le rapport d’évaluation de la diversité et de l’inclusion de 2020 indiquait que « l’absence de compréhension de ce que la diversité et l’inclusion signifient, par exemple, les définitions et les résultats, a eu pour résultat un manque de directives et d’orientations claires et cohérentes de la part de la haute direction concernant les moyens à prendre pour progresser à cet égardNote de bas de page 26 ». L’échec de la réalisation du changement de culture souhaité est le produit de l’inefficacité de la communication à l’étape de mise en œuvre de la stratégie. Il en ressort que l’on sous-estime la complexité du changement de culture, et qu’il est important de comprendre que si l’on veut que les militaires « changent d’attitude et assimilent […] [les] messages, […] [les leaders] doivent user de leur influence et de leur pouvoir de persuasionNote de bas de page 27 ». L’absence de clarté dans le message a contribué à l’incertitude quant aux gestes et aux résultats attendusNote de bas de page 28. Le manque de confiance envers les leaders supérieurs, produit de leur inaction de longue date face aux cas d’inconduite sexuelle, a semé le doute quant à la fiabilité et la crédibilité des auteurs de ce messageNote de bas de page 29. L’on n’a pas accordé suffisamment d’attention à l’adaptation du message ni au moyen de le transmettre aux divers publics cibles des FACNote de bas de page 30. L’on ne saurait trop insister sur les incidences de ce manque d’attention, car même dans le cas d’un message bien formulé, « [le] destinataire le comprendra toujours à travers le prisme de ses propres émotions, présomptions, préjugés et croyancesNote de bas de page 31 ». Il s’ensuit que l’interprétation de la stratégie relative au changement de culture a été laissée au hasard, et que les leaders ont manqué l’occasion d’adapter le message relatif à cette initiative cruciale de manière à en « maximiser la compréhension et l’impactNote de bas de page 32 ».

En deuxième lieu, les conclusions de l’Examen externe sur l’inconduite sexuelle et le harcèlement sexuel dans les Forces armées canadiennes indiquaient que la culture créait « un milieu hostile aux femmes et aux LGTBQ », et qu’il y avait un manque de cohérence « entre les normes professionnelles élevées établies dans les politiques des FAC sur les comportements sexuels inappropriés […] et la réalité vécue par bon nombre de militaires », si bien qu’un changement culturel était indispensableNote de bas de page 33. Comme en témoignent les gros titres récemment parus sur l’inaction face aux allégations d’inconduite sexuelle aux plus hauts paliers de l’organisation militaire, la stratégie et le plan d’action des FAC en matière de diversité de 2016 se sont avérés inefficaces parce que le concept de professionnalisme militaire n’a pas suffisamment évolué pour produire le changement voulu. Les professions sont des concepts attribués par la société (Ewles et al., 2017; Rudvin, 2007) et définis par les préjugés sociétaux de la culture dominante (Davies, 1996)Note de bas de page 34. Or, l’organisation militaire est principalement dominée par les hommesNote de bas de page 35. Les systèmes et les politiques qui reflètent cette culture dominante perdurent malgré les efforts déployés pour les réformer, comme l’application de l’analyse ACS+ aux activités de l’organisation. Comme l’indique le rapport Deschamps, « [p]lusieurs membres sont convaincus que les s/off supérieurs imposent une culture du silenceNote de bas de page 36 ». Qu’il s’agisse de mépris, de conditionnement ou de survie, les officiers et les militaires du rang (MR) supérieurs qui n’incarnent pas l’éthique fondamentale du respect envers toutes les personnes ne s’acquittent pas de leur responsabilité d’intendants de la profession voulant qu’ils veillent à ce que celle-ci continue à évoluer conformément aux attentes de la population canadienneNote de bas de page 37.

Bdrc Lynn Danielson/Photo du MDN

L’adjudant-maître Joel Alo, chef de l’équipe de coopération civilo-militaire, remercie Gracy Dcunha, responsable intérimaire des soins ambulatoires, pour la visite du centre de soins de santé de Kivalliq à Rankin Inlet, au Nunavut, durant l’opération NANOOK, le 18 août 2017.

En troisième lieu, si la stratégie des FAC en matière de diversité et d’inclusion n’a pas entraîné le changement de culture souhaité, c’est aussi parce que l’on n’a pas appliqué la pensée systémique à la mise en œuvre de cette initiative. L’aptitude des leaders supérieurs à « optimiser une capacité de pensée systémique est lié[e] aux grands objectifs de changement culturelNote de bas de page 38 ». Si le milieu d’apprentissage s’était appuyé sur des processus établis et des mécanismes de rétroaction pour garantir que les leçons retenues orienteraient les pratiques courantes et l’apprentissage organisationnelNote de bas de page 39, l’on aurait peut-être pu constater le manque de mesures clairement définies, le manque de résultats et les plans ministériels entravant les progrès en matière d’inclusion des genres bien avant l’Évaluation de la diversité et de l’inclusion de 2020Note de bas de page 40. Nombreux sont les exemples qui dénotent le manque de progrès par rapport aux objectifs stratégiques : des formulaires administratifs qui continuent de refléter le binarisme de genre (masculin et féminin) comme seule possibilité, des micro-agressions sous forme de formules de salutation qui excluent les genres autres, voire des expressions trahissant des comportements carrément haineux… L’on n’a pas su aborder ou atténuer le décalage entre l’intention derrière la stratégie, fondée sur le principe éthique du respect envers toutes les personnes, et les exemples d’exclusion foisonnent au quotidien, faute d’un milieu d’apprentissage où les leaders s’engagent envers l’apprentissage individuelNote de bas de page 41 et effectuent des analyses critiques visant à « déterminer dans quelle mesure les croyances culturelles, les hypothèses et les pratiques connexes “tenues pour acquises” influencent les systèmes des FC, les rapports entre les systèmes et la nature des résultats qu’ils produisentNote de bas de page 42 ».

Ce qu’ont en commun ces différents problèmes, c’est que les mesures prises par l’institution et les individus ne sont pas conformes au principe de respect et de dignité universels. L’une des principales raisons de ce décalage est la priorité en matière d’ensembles de compétences établie dans le Dictionnaire des compétences des FACNote de bas de page 43. Ce dictionnaire présente les compétences « par ordre d’importance, de la plus importante à la moins importante, en fonction de la moyenne des notes de classement de tous les officiers et MRNote de bas de page 44 ». Fait révélateur, le dévouement envers l’ethos militaire se situe au quatrième rang, après la communication, la crédibilité et l’influence, et le travail d’équipeNote de bas de page 45, ce qui donne à penser que les FAC ont dévié de leur cap et que l’ethos militaire ne dicte plus une conduite conforme aux principes éthiques et aux valeurs militairesNote de bas de page 46 en tant que fondement dont découlent tous les autres comportements.

Recommandations

L’on sait, d’après diverses sources du passé comme le rapport Deschamps de 2015 sur l’inconduite sexuelleNote de bas de page 47, l’évaluation de la stratégie en matière de diversité des FAC de 2020 et les scandales impliquant les plus hauts échelons qui continuent de se faire jour, que l’organisation répète les erreurs du passé – un fait qui vient miner la confiance que lui portent ses membres et le grand public. Nous ne pouvons plus attendre la prise de mesures collectives dictées par les FAC : l’heure est venue pour nous tous d’assumer notre part de responsabilité par des actes individuels susceptibles d’être moteurs de changement.

En tant que leaders de la population comme de l’institution, non seulement les pm 2 et les adjum sont-ils idéalement placés pour prendre des mesures individuelles vers le changement culturel, mais ils en ont même le devoir. Les recommandations qui suivent ne sont pas exhaustives. Elles ont pour but de cerner des mesures précises que le cadre des pm 2 et des adjum peut s’engager à prendre pour commencer à aborder les grands problèmes cernés dans le présent article et stimuler le changement.

Ces recommandations précises reposent sur la notion que les actes sont guidés par le « concept de l’ethos militaireNote de bas de page 48 [qui] prend appui sur le respect des valeurs qui sont protégées par la Charte canadienne des droits et libertésNote de bas de page 49, et comprend le droit à la dignité et à la sécurité de la personneNote de bas de page 50 » et qu’il s’agit de la compétence suprême dont découlent toutes les autres compétences des FACNote de bas de page 51. La notion d’alliance active est en outre présentée comme une nouvelle compétence importante à l’appui des leaders.

D’après le Harvard Business ReviewNote de bas de page 52, les alliés s’efforcent d’être les moteurs d’améliorations systémiques aux politiques, pratiques et cultures de travail, et ce changement commence par l’endossement par les leaders de la responsabilité de leurs propres actes et comportements à titre individuel.

L’intention signalée dans la stratégie en matière de diversité n’a pas été corroborée par les mesures individuelles et collectives nécessaires à la réalisation du changement de culture souhaité, et c’est pour cela que les FAC continuent de se cantonner à une alliance de façade, soit le soutien professé envers la cause de la diversité mais sans les gestes concrets requis pour une alliance active, qui est ce dont on a besoin pour donner lieu au changement.

Recommandation – Problème no 1

L’absence de communication efficace a mené à l’impossibilité de mettre en œuvre la stratégie en matière de diversité pour cause de confusion sur ce que « la diversité et l’inclusion signifient, par exemple, les définitions et les résultats, [ce qui] a eu pour résultat un manque de directives et d’orientations claires et cohérentes de la part de la haute direction concernant les moyens à prendre pour progresser à cet égardNote de bas de page 53 ».

Matelot de 1re classe Valerie LeClair/Photo du MDN

Des membres du Navire canadien de Sa Majesté (NCSM) Winnipeg participent à un ravitaillement en mer (REM) avec l’United States Navy Ship (USNS) Charles Drew (T-AKE-10, un transporteur de marchandises solides de classe Lewis and Clark) dans la région de l’Asie-Pacifique durant l’opération NEON, le 16 novembre 2020.

L’on recommande que les pm 2 et les adjum abordent avec les leaders supérieurs de leur unité la mise sur pied d’équipes consultatives en matière de diversité et d’inclusion relevant directement du commandant de l’unité. À titre d’exemple, la Réserve navale a récemment établi de nouvelles équipes consultatives sur la diversité et l’inclusion à l’intention du commandementNote de bas de page 54 pour influencer la prise de décisions au niveau de l’unité. Les équipes consultatives établiront des communications rendues efficaces par une compréhension commune des termes et des résultats attendus; des mécanismes de rétroaction permettant de modifier les ordres, les procédures et la formation ou d’en créer de nouveaux de façon à refléter la diversité propre à l’unité; et une tribune pour que les voix de la diversité puissent se faire entendre et agir sur le changement. Les pm 2 et les adjum sont aussi encouragés à prêter main-forte et à participer (lorsque cela s’avère approprié) à des discussions informelles comme des réunions consultatives ou des causeries au coin du feu entre des publics variés en termes de nombre de participants, de communauté d’intérêts et de grades pour veiller à ce que les opinions des gens de tous grades et de tous points de vue soient entendues. Afin de contrôler l’efficacité de ces activités, l’on peut mener un sondage sur le climat organisationnel dans l’ensemble de l’unité pour évaluer le degré de compréhension de la question de la diversité et de l’inclusion en son sein et les sentiments que cette question inspire, et ainsi établir un référentiel. Des sondages de suivi pourraient ensuite être menés aux douze mois pour évaluer les progrès.

Recommandation – Problème no 2

Le professionnalisme militaire n’a pas évolué de façon à refléter la diversité; par conséquent, des systèmes et des politiques à l’image d’une culture à domination masculine demeurent en place malgré le déploiement d’efforts comme l’application de l’ACS+ aux activités de l’organisation pour les réformer.

En tant qu’intendants de la profession, on recommande que les pm 2 et les adjum se penchent sur leur sphère d’influence pour déterminer quels changements pourraient être apportés ou encouragés, que ce soit dans les systèmes ou dans l’application de politiques qui reflètent mieux les principes de l’inclusion. Voici quelques exemples de mesures possibles : la définition de différents pronoms personnels pour se présenter; la révision du matériel didactique pour en retirer les formulations binaires et les stéréotypes; la facilitation de la délivrance d’uniformes tant masculins que féminins aux personnes à l’identité de genre mixte; l’encouragement d’occasions d’éducation et de sensibilisation allant au-delà des approches de formation conventionnelles à l’appui de l’apprentissageNote de bas de page 55, par exemple des discussions informelles, des conférences de spécialistes et des expériences d’apprentissage interactives et fondées sur des scénarios; et un mentorat pour les superviseurs sur l’interprétation du code vestimentaire à la lumière de la diversité des identités de genreNote de bas de page 56. L’on devrait mettre à profit les réseaux professionnels pour optimiser l’échange de connaissances à l’échelle des FAC, peu importe l’armée ou l’élément (unités de la Réserve et de la Force régulière)Note de bas de page 57, et solliciter régulièrement la rétroaction des membres des unités à tous les échelons en leur donnant l’occasion de soumettre des commentaires anonymes concernant les incidences positives ou négatives de ces mesures.

Recommandation – Problème no 3

La stratégie et le plan d’action des FAC en matière de diversité n’ont pas produit le changement de culture voulu car on n’a pas appliqué la pensée systémique pour créer un milieu d’apprentissage propice à ce changement. Cette recommandation vise à exhorter les pm 2 et les adjum à s’investir personnellement dans l’apprentissage pour veiller à conformer leurs actes individuels aux valeurs fondamentales et aux principes de l’alliance active. Le cadre des pm 2 et adjum est probablement moins diversifié, et par conséquent, il est naturel que ses membres aient des partis pris et des préjugés bien ancrés selon leur vécu et leurs années d’expérience, puisque bon nombre d’entre eux se sont enrôlés avant que la diversité de genre et l’inclusion ne deviennent des priorités pour les FAC. Ce groupe a le potentiel d’agir sur le changement en s’engageant dans un apprentissage individuel et en effectuant des analyses critiques visant à « déterminer dans quelle mesure les croyances culturelles […] [et] les hypothèses […] “tenues pour acquisesNote de bas de page 58” » régissent leurs actes.

Caporal chef J.W.S. Houck/Photo des Forces armées canadiennes

L’adjudant-maître Geneviève Couture, sergent-major de l’élément de soutien national de la Force opérationnelle interarmées multinationale – opération Inherent Resolve, donne un briefing à des membres de l’armée de terre américaine sur l’évolution de la situation au Moyen-Orient durant l’opération IMPACT, au Camp Arifjan, au Koweït, le 20 août 2020 (la photo a été modifiée numériquement pour des raisons de sécurité opérationnelle.)

En dirigeant en première ligne, les pm 2 et les adjum peuvent être des catalyseurs du changementNote de bas de page 59 et donner l’exemple à leurs supérieurs, leurs pairs et leurs subalternes. Il s’agira d’une démarche difficile et incommodante, car elle les mettra dans une position vulnérable. Il importe néanmoins que les pm 2 et les adjum fassent la preuve d’un tel courage en s’instruisant sur les questions de genre et en prêtant l’oreille aux expériences et aux témoignages de ceux qui ont un vécu; en étant disposés à accepter de la rétroaction qui pourrait être difficile à entendre avec humilité; et en reconnaissant qu’à ce savoir se rattache le devoir de s’engager à mieux faire. Les pm 2 et les adjum doivent aussi être prêts à fournir de la rétroaction respectueuse mais franche à leurs pairs et à leurs subalternes, ainsi qu’à leur supérieurs. Les pm 2 et les adjum peuvent mesurer leurs propres progrès au moyen d’un test de partis pris implicites avant d’entamer le processus et tout au long de leur parcours d’apprentissageNote de bas de page 60.

Conclusion

Le rapport Deschamps de 2015 indique que « les FAC doivent amorcer une vaste réforme culturelle pour changer les normes de conduite sous-jacentes qui entraînent un harcèlement généralisé de faible niveau, [et] un environnement hostile pour les femmes et les LGTBQNote de bas de page 61 ». Les FAC n’ont pas réalisé de progrès visibles vers cet objectif malgré le lancement de leur plan d’action en matière de diversité de 2016. Les événements récents continuent de saper la confiance tant du public que des membres des FAC, qui doutent de la possibilité d’opérer un changement culturel au sein de l’organisation. Bien que les FAC s’efforcent tant bien que mal à améliorer leurs initiatives d’encouragement de la diversité et de l’inclusion, les pm 2 et les adjum ont un rôle important à jouer dès maintenant pour faciliter le changement. En tant que leaders d’individus et de l’institution, le cadre des pm 2 et adjum a le devoir de prêcher par l’exemple et de s’investir directement dans une réforme culturelleNote de bas de page 62.

Liste de références

A. MacIntyre et D. Charbonneau, « La communication », dans B. Horn et R.W. Walker, éd., Le précis de leadership militaire, Toronto, Presse Dundurn et Presse de l’Académie canadienne de la Défense, 2008, pp. 127-143.

B. Bentley, « L’idéologie professionnelle », dans B. Horn et R.W. Walker, éd., Le précis de leadership militaire, Toronto, Presse Dundurn et Presse de l’Académie canadienne de la Défense, 2008, pp. 378-388.

Egale, s.d., à l’adresse https://egale.ca/awareness/termes-et-concepts/.

Gouvernement du Canada, Code de valeurs et d’éthique du Ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes, à l’adresse https://www.canada.ca/fr/ministere-defense-nationale/services/avantages-militaires/ethique-defense/publications-politiques/code-valeurs-ethique.html.

Gouvernement du Canada, Évaluation de la diversité et de l’inclusion, 2020, à l’adresse https://www.canada.ca/fr/ministere-defense-nationale/organisation/rapports-publications/verification-evaluation/evaluation-diversite-inclusion.html.

Gouvernement du Canada, Mise en œuvre du Plan d’action national du Canada pour les femmes, la paix et la sécurité – Ministère de la Défense nationale et Forces canadiennes, 2020, à l’adresse https://www.international.gc.ca/gac-amc/publications/cnap-pnac/implementation_plans-plans_mise_ceuvre-2017-2022-dnd.aspx?lang=fra.

Gouvernement du Canada, Nouveaux grades inclusifs en anglais pour les matelots de la Marine royale canadienne, 2020, à l’adresse https://www.canada.ca/fr/ministere-defense-nationale/nouvelles/2020/08/nouveaux-grades-inclusifs-en-anglais-pour-les-matelots-de-la-marine-royale-canadienne.html.

Instructor Feedback, présentation orale ALP0018, 27 mai 2021.

K. Hachey, dans K. Hachey, T. Libel et W. Dean, éd., Rethinking Military Professionalism for the Changing Armed Forces, Cham, Springer Nature Switzerland, 2020, chap. 1 – « Rethinking Military Professionalism: Considering Culture and Gender », pp. 1-11.

K.J. Rankin et K. Rounding, Recherche et développement pour la défense Canada, Directeur général – Recherche et analyse (Personnel militaire), Dictionnaire des compétences des Forces armées canadiennes, 2019.

M. Deschamps, Examen externe sur l’inconduite sexuelle et le harcèlement sexuel dans les Forces armées canadiennes, à l’adresse https://www.canada.ca/fr/ministere-defense-nationale/organisation/rapports-publications/inconduite-sexuelle/examen-externe-sexuelle-hd-2015.html/#som, 2015.

Ministère de la Défense nationale, Le leadership dans les Forces canadiennes : Fondements conceptuels, Kingston, Académie canadienne de la Défense et Institut de leadership des Forces canadiennes, 2005a, chap. 2 – « Le leadership basé sur des valeurs », pp. 15-31.

Ministère de la Défense nationale, Le leadership dans les Forces canadiennes : Fondements conceptuels, Kingston, Académie canadienne de la Défense et Institut de leadership des Forces canadiennes, 2005b, chap. 4 – « Responsabilités des leaders des FC », pp. 45-56.

Ministère de la Défense nationale, ORESNAV 5012-1, Équipes consultatives sur la diversité et l’inclusion à l’intention du commandement, Ottawa, 2021.

Ministère de la Défense nationale, Servir avec honneur : La profession des armes au Canada, Ottawa, 2009.

M.M. Tsedale, A. Beeman, D.G. Smith et W.B. Johnson, « Be a Better Ally », Harvard Business Review, 2020, à l’adresse https://hbr.org/2020/11/be-a-better-ally.

Ministère de la Défense nationale, Le leadership dans les Forces canadiennes : Diriger l’institution, Kingston, Académie canadienne de la Défense et Institut de leadership des Forces canadiennes, 2007, chap. 2 – « La pensée systémique », pp. 22-39.

M.S. Seaman, Appendice A – Arbre conceptuel – Inclusion des genres, 2021.

Necole Belanger, « “Le leadership inclusif” Si nous le bâtissons, servira-t-il? », Revue militaire canadienne, 2018, vol. 19, no 1, pp. 32-39, http://www.journal.forces.gc.ca/Vol19/No1/PDF/CMJ191Fp32.pdf.

Parlement du Canada, projet de loi C-16, 2017, à l’adresse https://parl.ca/DocumentViewer/fr/42-1/projet-loi/C-16/sanction-royal.

Peer Feedback A, présentation orale ALP0018, 27 mai 2021.

Peer Feedback B, présentation orale, ALP0018, 27 mai 2021.

Project Implicit, s.d., à l’adresse https://implicit.harvard.edu/implicit/selectatest.html.

Signaler un problème sur cette page
Veuillez cocher toutes les réponses pertinentes :

Merci de votre aide!

Vous ne recevrez pas de réponse. Pour toute question, s’il vous plaît contactez-nous.

Date de modification :