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Revue militaire canadienne [Vol. 23, No.4, automne 2023] Éducation

Caporal Justin Dreimanis, Affaires publiques du Quartier général de la 4e Division du Canada

Le président du Comité militaire de l’OTAN, l’amiral Rob Bauer, présente un exposé à un groupe d’étudiants au Collège des Forces canadiennes de Toronto, en Ontario, le 16 novembre 2022.

Adam Chapnick est directeur adjoint des études au Collège des Forces canadiennes et professeur au Département des études de la défense du Collège militaire royal du Canada. Il remercie le lieutenant-colonel Anthony Robb et M. Paul Mitchell, Ph. D., pour leurs commentaires sur une version précédente du présent article.

Je rédige le présent texte alors que le Collège des Forces canadiennes (CFC) a commencé à planifier son retour à l’instruction et à l’apprentissage entièrement en présentiel dans le cadre du Programme de commandement et d’état-major interarmées (PCEMI) ainsi que du Programme de sécurité nationale (PSN) à partir de l’année scolaire 2023-2024.

Dans la mesure où le déroulement de l’instruction en ligne et en mode hybride pendant presque trois ans et demi s’est avéré difficile pour toutes les personnes concernées, je pense que la pandémie aura permis au CFC de devenir un établissement d’études militaires professionnelles plus fort et souple, et je suis certain que cette expérience a fait de moi un meilleur professeurNote de bas de page 1.

Voici trois raisons qui expliquent cette évolution :

1. Progrès dans la pédagogie et le soutien à l’apprentissage

Même si nous ne l’aurions pas tous admis, avant la pandémie, l’approche du CFC en matière de nouvelles technologies de communication sombrait dans le laxisme.

Nous utilisions de manière peu efficace un système désuet de gestion de l’apprentissage et enseignions essentiellement de la même façon en 2020 qu’à mon arrivée au Collège en 2006.

La pandémie a apporté au moins trois changements importants.

Le Centre d’information spécialisée

D’abord, cette expérience a permis de renforcer la relation entre le corps professoral, les stagiaires et le personnel du Centre d’information spécialisée (CIS). Étant donné que les stagiaires ne pouvaient pas se rendre au CIS à leur guise, nous avons dû intégrer le Centre et ses ressources numériques de renommée internationale au programme de manière plus délibérée. Cette approche a permis de consolider les liens entre le personnel du CIS et les stagiaires. Ces liens, qui se sont maintenus au fil des ans, ont mené à une meilleure utilisation des ressources du CIS et à la mise en place de programmes plus cohérents dans l’ensemble.

Grâce en partie à la pandémie, le CIS a finalement été en mesure de prendre la place qui lui revient comme partenaire à part entière dans le cadre du processus d’instruction et d’apprentissage du Collège, et celui-ci a fait la transition vers une approche de la recherche universitaire axée sur le numérique.

La classe inversée

Le CFC a adopté la méthode de la classe inversée par accidentNote de bas de page 2. En 2020, alors que nous transformions notre programme d’études afin de l’offrir en ligne, le Collège a déclaré que l’ensemble de l’apprentissage en mode synchrone devait avoir lieu dans un créneau quotidien de cinq heures (pour répondre aux besoins des stagiaires situés dans les nombreux fuseaux horaires du Canada). Afin de maximiser la participation des stagiaires pendant ce créneau, beaucoup d’entre nous ont choisi d’enregistrer nos exposés magistraux à l’avance et d’utiliser les périodes d’apprentissage synchrone pour mener des périodes de questions et réponses en direct et des séances de discussion collectives en direct. Un système de gestion de l’apprentissage grandement amélioré permettait aux stagiaires de soumettre des questions au professeur à l’avance, mais il était également possible de les poser spontanément. En prime, en tirant profit du mandat lié au bilinguisme du Collège, nous avons été en mesure de faire traduire les exposés préenregistrés.

La combinaison des préenregistrements et de la traduction a changé la donne. Certains stagiaires francophones (dont des officiers étrangers) pouvaient enfin écouter la majeure partie de nos exposés dans leur langue maternelle. D’autres ont choisi d’écouter les exposés dans la langue d’origine, mais ont tiré profit de la possibilité d’arrêter et de démarrer les enregistrements ainsi que de revenir à des idées qui n’étaient pas claires à la première écoute. D’autres encore ont téléchargé les exposés pour les écouter comme des balados en voiture ou au gymnase. La possibilité de poser des questions à l’avance a permis à certains des stagiaires les plus réfléchis d’organiser leurs idées et de prendre le temps de s’assurer que leurs questions étaient bien formulées.

À l’automne 2021, quand j’ai eu brièvement l’occasion de reprendre les cours en personne dans le cadre du PSN, j’ai continué d’employer la méthode de la classe inversée, simplement parce que c’était plus logique d’un point de vue pédagogique. Mes exposés sont maintenant bilingues, et considérablement plus accessibles. Assurément, les préenregistrements nécessitent plus de travail de ma part (surtout au début), mais en valent vraiment la peine. À l’avenir, je continuerai d’utiliser cette méthode dans la mesure du possible, tout comme le feront certains de mes collègues.

Les salles pour petits groupes

Même si les discussions en petits groupes ont toujours fait partie intégrante du programme du CFC, les instructeurs hésitaient souvent à diviser encore davantage les cohortes individuelles participant aux séminaires. En effet, en raison de l’aménagement physique du Collège – c.-à-d. le manque d’espace disponible pour les petits groupes à proximité des salles de classe principales – il était difficile de se séparer en petits groupes puis de se réunir tous ensemble de manière particulièrement rapide.

Les applications de téléconférence virtuelle comme Zoom et MS Teams nous ont libérés de notre dépendance à la géographie physique. En appuyant sur un bouton, on pouvait facilement établir des petits groupes, et les membres du corps professoral pouvaient passer d’un groupe à l’autre. Réunir l’ensemble des participants par la suite était tout aussi simple.

L’expérience des salles pour petits groupes a suscité un changement permanent dans notre manière de mener des discussions lors des visites d’apprentissage expérientiel du PSN.

Avant la pandémie, la cohorte de plus de 30 personnes se réunissait à la fin de la journée pour réfléchir aux apprentissages réalisés. Le succès des salles de discussions en petits groupes a inspiré la cohorte de 2020-2021 à demander que ces séances de réflexion initiales se fassent en petits groupes, pour permettre à toutes les personnes de s’exprimer et de se faire entendre.

Nous avons maintenant institutionnalisé ce processus, et depuis, les travaux écrits de réflexion sont nettement plus solides.

2. Clarification du rôle et de la valeur de l’apprentissage informel au sein de notre programme

Le CFC a longtemps fait la promotion de l’importance de l’apprentissage informel dans le cadre de l’expérience offerte. Les membres du PCEMI et du PSN sont envoyés à Toronto et y passent dix mois afin de rester loin de l’animation d’Ottawa. Ils mangent et font de l’exercice ensemble, et participent à des activités hors-programme afin de tisser les types de liens sociaux et de relations à long terme qui leur seront utiles tout au long de leur carrière.

Des membres du corps professoral et de l’état-major de la Défense ainsi que des mentors d’expérience sont disponibles pour des rencontres planifiées ou impromptues au courant de la journée, tout comme des membres du CIS. Il est possible d’avoir des conversations personnelles et de prendre des repas avec des invités distingués, tant militaires que civils. De plus, le fait de se trouver dans la ville la plus multiculturelle du Canada permet aux membres des FAC et aux officiers étrangers d’acquérir une connaissance précieuse d’un élément unique du tissu social canadien.

La perte tangible de ces occasions en raison de la pandémie a confirmé la proposition de valeur traditionnelle du Collège. Quand il est question d’études militaires professionnelles, du niveau intermédiaire au niveau supérieur, la combinaison de l’apprentissage formel et de rencontres informelles en personne, qu’elles soient organisées ou imprévues, présente des avantages clairs et irremplaçables. Transformer nos programmes de base compromettrait leur efficacité à court et à long terme sur le plan pédagogique, social et professionnel.

Avr Melissa Gloude, technicienne en imagerie des Forces armées canadiennes

Des membres des Forces armées canadiennes en déploiement au sein de la Roto 10 de l’opération UNIFIER participent à la conception du cours à l’intention des spécialistes des systèmes d’instruction, à Stare, en Ukraine, le 12 novembre 2020.

Cependant, notre expérience pendant la pandémie a montré que l’apprentissage informel diffère au sein d’un groupe d’environ 30 personnes (PSN) et d’un groupe de 100 personnes (PCEMI). Les liens interpersonnels se tissent plus rapidement au sein du plus petit groupe. Par conséquent, il est possible d’intégrer des périodes supplémentaires « à la maison » dans le calendrier du PSN et de permettre aux stagiaires de passer davantage de temps avec leur famille sans nuire à leur expérience globale. Cette façon de faire est judicieuse dans un contexte où, en général, plus de la moitié des stagiaires du programme retournent à Ottawa presque toutes les fins de semaine.

Nous avons donc entamé une refonte du PSN en gardant en tête les questions suivantes : « Quels éléments du programme doivent préférablement avoir lieu en personne? » et « Y en a-t-il qui pourraient être offerts virtuellement sans compromettre les occasions nécessaires d’apprentissage informel? » Jusqu’à présent, nous avons déterminé qu’il est mieux d’offrir la majeure partie du programme à Toronto, mais que les cours pourraient se dérouler à distance pendant certaines périodes au cours de chaque rotation.

3. Amélioration de la coopération civilo-militaire

On a observé au cours des dernières années une amélioration marquée des relations civilo-militaires au Collège. À mon arrivée, il y a plus de 15 ans, on m’avait prévenu qu’un fossé considérable existait entre les autorités de commandement et le petit corps professoral. Bien que l’augmentation de la taille de ce dernier et une plus grande humilité de la part des deux camps aient progressivement converti cette relation en un véritable partenariat, l’arrivée de la pandémie de COVID-19 s’est soldée par des améliorations sans précédent.

L’attitude positive des membres du personnel militaire était motivante. Leur capacité à maîtriser les nouvelles technologies et à coordonner le renouvellement du programme du CFC a été une source d’inspiration, et leur engagement envers le travail acharné était contagieux. L’état-major militaire a fait ressortir le meilleur du corps professoral et, ensemble (avec nos homologues tout aussi engagés du CIS), nous avons réagi de notre mieux à une situation exceptionnellement difficile.

Si l’on ajoute à cela la résilience incroyable dont ont fait preuve les stagiaires, je ne peux pas imaginer que, après les trois dernières années, mes collègues éprouvent autre chose que le plus profond respect pour le travail de nos pairs militaires.

Conclusion : le travail n’est pas terminé

Il serait dommage que les progrès réalisés au cours des trois dernières années et demie fassent place à la complaisance à notre retour à l’apprentissage en personne.

À mon avis, il reste encore un travail considérable à faire afin de maximiser l’expérience des stagiaires. Les défis auxquels se sont heurtés les instructeurs militaires du PCEMI lors de l’évaluation professionnelle des stagiaires pendant que nos activités se déroulaient exclusivement en ligne m’ont amené à me demander si nous leur avions donné les moyens de réussir en tant que mentors. Bien que nous ayons fait de grands pas dans l’adaptation de notre programme d’études afin de tirer profit des avancées technologiques en matière d’instruction et d’apprentissage, je suis persuadé qu’il reste encore des progrès à faire. Je perçois chez mes collègues universitaires des signes d’épuisement professionnel qui seront longs à surmonter et nécessiteront de l’empathie. Comme presque toutes les institutions des FAC, le CFC se voit accorder des ressources toujours insuffisantes compte tenu de l’audace de ses ambitions sur les plans professionnel et de l’instruction. De plus, en raison de l’évolution rapide de l’environnement de sécurité internationale, notre programme d’études fera l’objet de changements continus. Néanmoins, je reste convaincu qu’à la suite des trois dernières années et demie, nous sommes bien placés pour servir adéquatement les FAC et la population canadienne à l’avenir.

Winston Churchill a déjà dit qu’il ne faut jamais « gaspiller les occasions que présente une bonne crise ». Il me semble que, face à une éprouvante pandémie mondiale, les membres du CFC aient pris ce conseil à cœur.

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