AvertissementCette information est archivée à des fins de consultation ou de recherche.

Information archivée dans le Web

Information identifiée comme étant archivée dans le Web à des fins de consultation, de recherche ou de tenue de documents. Elle n’a pas été modifiée ni mise à jour depuis la date de son archivage. Les pages Web qui sont archivées dans le Web ne sont pas assujetties aux normes applicables au Web du gouvernement du Canada. Conformément à la Politique de communication du gouvernement du Canada, vous pouvez la demander sous d’autres formes. Ses coordonnées figurent à la page « Contactez-nous »

Opinions

F35

Lockheed Martin Corporation

De nouveaux chasseurs pilotÉs pour le Canada

par Lloyd Campbell

Imprimer PDF

Pour plus d'information sur comment accéder ce fichier, veuillez consulter notre page d'aide.

Quand j’étais chef du développement des Forces (de 1996 à 1998), le Bureau du vérificateur général du Canada nous a persuadés de la nécessité de mettre en place des scénarios de planification des forces pour soutenir les énoncés des besoins opérationnels et la planification fondée sur les capacités, entre autres tâches. Quand nous nous sommes mis à l’œuvre, j’ai exhorté les membres du personnel à fonder les scénarios sur des faits dans toute la mesure du possible. J’ai agi ainsi non seulement par souci de réalisme, mais aussi pour déjouer les détracteurs qui auraient pu essayer de nous « couper l’herbe sous le pied » en remettant en question la légitimité de certains scénarios, et par là même, des besoins opérationnels qui en découlent.

Alors que le personnel affecté au projet s’attendait à peiner à la tâche, il me semble que nous avons facilement trouvé des scénarios qui touchaient pratiquement l’ensemble du spectre des opérations. Les années 1990 ont été riches en événements, à défaut de guerre en bonne et due forme dans un théâtre d’opérations, et la majeure partie des Forces canadiennes (FC) a été engagée dans différentes missions de combat et de quasi-combat. Ainsi, les chasseurs CF18 Hornet ont participé à deux conflits : la guerre du Golf en 1990-1991, par suite d’une décision du gouvernement conservateur, et la campagne aérienne au Kosovo en 1998, cette fois par suite d’une décision du gouvernement libéral. Bien entendu, depuis, le Canada et le monde entier ont connu le 11 Septembre, le conflit en Afghanistan et d’autres événements internationaux majeurs.

Voici de quoi rappeler aux Canadiens à quel point nos forces ont été actives ces 20 dernières années, menant des opérations qui ont découlé de crises totalement imprévisibles. Nous ne devrions pas avoir à revenir sur le passé, mais certains commentaires émis après l’annonce de l’acquisition de F35 Lightning II ont prouvé qu’il est dans la nature humaine d’oublier, et même assez rapidement. En effet, plusieurs ont alors prétendu que le Canada n’aurait pas besoin des capacités multiples que représente le F35 avant au moins quarante ans. Quelle perspicacité!

Le présent article, qui vise à démontrer pourquoi le Canada doit conserver des chasseurs pilotés et pourquoi le F35 constitue un investissement judicieux dans sa forme actuelle, se base librement sur un texte de 2010 de ce qui était alors l’Aviation Affairs Committee (AAC) de l’AFAC et publié dans le numéro d’été 2010 d’Airforce Magazine1.

Lieutenant général Campbell

Collection de l'auteur

Quiconque a déjà piloté un avion à réaction chérira toujours les avions à réaction. Le Lieutenant général Campbell se familiarise avec un CT155 Hawk, un avion d'entraînement à réaction perfectionné des Forces canadiennes.

En quoi consistent les opérations de chasse?

Le contrôle aérospatial est la fonction opérationnelle principale de toute force aérienne. En temps de paix, la capacité de contrôle aérospatial sert à assurer la sauvegarde de la souveraineté. En période de tension, elle sert à restreindre l’accès à un espace aérien particulier, par exemple, par l’instauration d’une zone d’exclusion aérienne, comme ce fut le cas en Bosnie à la fin des années 1990. En temps de guerre, cette capacité permet d’atteindre une supériorité aérienne, confère une liberté d’action dans l’environnement aérospatial (et en surface dans le cas des forces amies), et prive les adversaires d’une telle liberté2.

En plus du contrôle aérospatial, une autre fonction opérationnelle importante des forces aériennes est l’emploi de la force. Pendant les opérations de combat, comme lors de la campagne aérienne du Kosovo, les missions d’attaque stratégique visent à détruire et à désagréger progressivement la capacité ou la volonté d’un adversaire de faire la guerre3.

Les chasseurs servent depuis toujours au contrôle aérospatial dans l’espace aérien canadien, et ce, en partenariat avec les États-Unis, dans le cadre du commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD). Pendant la guerre froide, des chasseurs canadiens étaient également postés en Europe pour créer un effet de dissuasion en faveur de l’OTAN, contre l’Union Soviétique et les pays membres du Pacte de Varsovie. Ils y ont mené des missions à la fois de contrôle aérospatial et d’emploi de la force pendant plus de quarante ans.

La force aérienne actuelle

Les CF18 du Canada sont au cœur de la force de chasse du pays depuis près de trente ans et ils représentent aujourd’hui un des rares moyens dont dispose le Canada pour projeter sa puissance aérienne. Ces dernières années, des investissements majeurs ont permis de moderniser nos Hornet ainsi que les capteurs et les armes dont ils sont équipés, permettant de garantir leur efficacité opérationnelle jusqu’à la fin de leur durée de vie utile (entre 2017 et 2020). Si nous voulons maintenir notre capacité stratégique, nous devons absolument prendre dès maintenant des mesures en vue de commander les appareils qui viendront les remplacer à temps pour conserver notre capacité opérationnelle initiale malgré le retrait des CF18.

Pourquoi des chasseurs pilotés?

Les chasseurs offrent une puissance de feu importante à un coût différentiel de service relativement bas. Ils peuvent conférer la liberté d’action dans les airs, détruire des cibles au sol sur de vastes zones géographiques et apporter un soutien rapide aux forces terrestres en contact avec les forces ennemies. L’emploi des chasseurs canadiens en appui aux troupes s’inscrit dans un double objectif. Il découle tout d’abord de la décision des FC de mener leurs opérations au moyen de forces opérationnelles interarmées intégrées. Ensuite, il vise à s’assurer qu’une fois nos forces terrestres et maritimes engagées, elles sont adéquatement protégées, ce qui répond aux préoccupations de la plupart des Canadiens.

Les chasseurs permettent non seulement une projection de la puissance, mais ils offrent aussi une capacité de renseignement, de surveillance et de reconnaissance (RSR) qui est d’une importance fondamentale pour la gamme des missions prévues dans la Stratégie de défense – Le Canada d’abord. Les chasseurs possèdent de nombreux atouts : rapidité, agilité, portée, rapidité d’intervention, résistance et adaptabilité. Ils sont équipés de matériel de communication en constante évolution et de capteurs électroniques. Ils sont donc en mesure d’accomplir des tâches ardues d’appui aux intérêts et aux forces armées du Canada, au pays et à l’étranger.

Certains ont suggéré de remplacer la capacité actuelle de chasseurs pilotés CF18 par des véhicules aériens de combat sans pilote (UCAV), ou « drones de combat », dès la fin de la décennie. Ces derniers, ainsi que les véhicules aériens sans pilote [UAV], ont certes beaucoup évolué, mais des plateformes de technologies avancées telles que la X45 et la X47 en sont seulement à la première étape de leur développement. Ces engins ont également été construits pour des tâches de surveillance et de reconnaissance, de mise hors de combat des moyens de défense aérienne ennemis (SEAD) et de frappe (attaques de cibles terrestres), plutôt que pour des tâches de contrôle aérospatial. Par conséquent, il semble inconcevable qu’un UCAV polyvalent viable opérationnellement soit prêt à temps pour remplacer une flotte de CF18 à la fin de la décennie.

Il est également important de signaler que pour les opérations en espace aérien contrôlé, et donc lorsque les UAV circulent dans des espaces aériens commerciaux et privés, le recours à ces engins est généralement assujetti à des restrictions et ils doivent être équipés de capteurs pour écarter tout risque de collisions avec d’autres appareils. S’il semble possible que dans un avenir rapproché, on puisse séparer les engins aériens pilotés des engins non pilotés et appliquer une régulation de vol aux instruments, les opérations nécessitant des manœuvres complexes, comme celles généralement exécutées par les chasseurs, représenteront toujours un défi pour les UCAV et les UAV.

F-35

Lockheed Martin Corporation

Les critiques à l’encontre du F35

Même si la nécessité de remplacer le CF18 rallie de plus en plus de personnes, le F35 retenu par le gouvernement est loin de faire l’unanimité. Les arguments invoqués sont parfois valables, mais aussi et surtout de l’ordre des conceptions erronées et des demi-vérités. Certains, y compris des personnes qui devraient être bien informées, ont sciemment alimenté la confusion au sujet des F35. Le présent article ne saurait remettre les pendules à l’heure sur toute la ligne, mais il présente une réponse à deux critiques classiques.

Les coûts du programme

La flotte de F35 est souvent présentée comme la dépense la plus importante de l’histoire du Canada en matière de défense, argument dont l’exactitude et la pertinence sont discutables. Le programme d’acquisition de F15 devrait coûter 9 milliards de dollars, soit environ 5,5 milliards pour les 65 avions en tant que tels, et 3,5 milliards pour les fonds de contingence, les coûts du programme, le soutien logistique intégré, les armes, les infrastructures, les simulations et autres frais4. Or, le programme d’acquisition de frégates canadiennes de patrouille (FCP), dont l’achat s’est fait en deux étapes, de 1983 à 1998, a coûté 9,37 milliards au prix du dollar de l’époque, ce qui revient à bien plus que 9 milliards au prix du dollar actuel. Par ailleurs, quand nous avons fait l’acquisition de cette flotte, l’ajout d’équipements n’était pas aussi complexe qu’il l’est aujourd’hui.

Il convient également de relativiser l’importance du programme d’acquisition de F15. Si l’on répartit les 9 milliards de dollars sur 40 ans (durée de vie utile de l’avion), le coût revient à 225 millions de dollars par an. Si l’on ajoute 250 millions en frais de maintenance par an, ce qui ne devrait pas entrer en ligne de compte étant donné que ce montant est déjà réservé aux CF18 actuellement, ce coût augmente à 475 millions. Aux fins de comparaison, le coût des services de transport en commun d’Ottawa s’élevait à environ 400 millions de dollars en 2010.

Enfin, il faut souligner que les fonds destinés à des programmes de dépenses en immobilisations, et dans le cas présent, d’acquisition de F35, proviennent de fonds que le gouvernement a déjà théoriquement alloués au MDN. Donc, s’il doit y avoir un débat, il devrait porter non pas sur la place des dépenses militaires dans les priorités nationales, mais plutôt sur la place de chaque programme militaire dans les priorités du Ministère en matière d’immobilisations. Dans le cas présent, le Ministère et le gouvernement ont tous deux clairement établi la très haute importance de financer le maintien d’une capacité de chasseurs. En outre, cette position correspond à celle d’autres gouvernements du pays depuis plusieurs dizaines d’années et le projet est abordable dans sa forme actuelle.

F-35

Lockheed Martin Corporation

Le F35 ne serait pas un chasseur air-air

Une des critiques les plus irritantes à propos des F35 est celle qui le réduit à un avion d’attaque air-sol n’ayant quasi aucune capacité de combat air-air. Même s’il est légitime de comparer les avantages de plusieurs plateformes – les pilotes de chasse vous diront que ce genre de débat a toujours existé – le fait est que le JSF F35, comme le F16 et le F18 qu’il remplace, a d’entrée de jeu été conçu pour servir d’avion de combat polyvalent, hautement performant tant dans les missions air-sol qu’air-air.

Le F35 possède des capacités aérodynamiques exceptionnelles, et notamment la furtivité, qui lui permettent de réduire la portée d’acquisition des chasseurs ennemis. Sa manœuvrabilité est également excellente lors des combats rapprochés. Cependant, sa grande force réside dans ses systèmes intégrés de détection défensive et offensive qui servent à détecter, identifier et contrer tout ce qui l’entoure, de jour comme de nuit. C’est dans ce domaine précis, l’avionique, que de l’avis des partisans du F15, ainsi que de nombreux pilotes, l’avion présente un avantage technologique certain sur les modèles de capacité moindre, y compris ceux dits de 4e génération et un peu plus avancés.

Un équipement clé du F35 est le système à ouvertures réparties électro‑optiques (EO DAS) de Northrop Grumman, système de connaissance de la situation à couverture sphérique de 360 degrés capable de fournir au pilote des renseignements sur les aéronefs et les missiles qui approchent, et équipé de dispositifs de vision diurne et nocturne à 360 degrés, de contrôle de tir et de repérage d’aéronefs amis ou d’ailiers lors des manœuvres tactiques. Les images recueillies par les capteurs de l’avion sont combinées pour former une image continue de connaissance de la situation de l’appareil. Par ailleurs, le système fonctionne de façon passive, et le pilote n’a donc pas à pointer le capteur pour suivre l’ennemi5.

Les avantages du F35

En réponse aux critiques émises à l’encontre du F35, le présent article a d’ores et déjà avancé de nombreux avantages de l’aéronef. Or, c’est surtout le fait que le F35 en soit au tout début de sa vie technologique qui le place dans une classe à part en Occident dans la course au chasseur de la prochaine génération. Les autres avions en lice ont tous été conçus dans les années 1990 ou avant. Acheter un de ces modèles d’ici à 2020 reviendrait en quelque sorte à acquérir en 2020 une BMW toute neuve de l’année 2000 : la voiture serait en parfait état, mais sa technologie serait dépassée. Imaginez la conserver jusqu’en 2050! C’est l’évidence même.

Conclusion

Dans les pays démocratiques, les achats de matériels militaires font toujours l’objet de débats, et le Canada, bien sûr, ne fait pas exception. Aujourd’hui, nous considérons le CF18 comme un avion qui a doté le Canada d’une capacité hors pair et qui a fourni un excellent rendement pendant près de 30 ans de vie utile. Cependant, si nous nous reportons aux années 1980, après l’annonce du choix du CF18, nous nous rappellerons que l’avion avait fait l’objet de nombreuses critiques, notamment de la part de la presse. On disait qu’il avait une portée insuffisante, qu’il n’était qu’un avion embarqué et que le Canada ne disposait pas de porte-avions, que son coût d’achat montait constamment, etc. Finalement, nous savons aujourd’hui que le CF18 s’est révélé un avion fabuleux et une valeur sûre pour la capacité de combat du Canada. Les Canadiens peuvent compter que l’appareil, récemment modernisé, continuera à bien servir le pays jusqu’à la fin.

En 2011, le F35 suscite sensiblement la même réaction que le F18 à la fin des années 1980. Le F18 représentait une dépense relativement importante, au reste plus importante encore que celle du F35, car un nombre plus élevé d’appareils avait été achetés. Le F18 inaugurait une nouvelle technologie qui n’avait encore jamais été mise à l’épreuve ailleurs et il était en concurrence avec de nombreux autres avions très performants. Au fil du temps, les succès du CF18 ont prouvé aux Canadiens que nous avions manifestement fait le bon choix. Pour autant que le développement, les essais et le prix du F35 correspondent grosso modo aux prévisions, je pense que dans 30 ou 40 ans, les Canadiens reconnaîtront qu’une fois de plus, nous aurons pris la bonne décision.

Per Ardua Ad Astra

Le Lieutenant-général (à la retraite) Lloyd Campbell

Collection de l'auteur

Le Lieutenant-général (à la retraite) Lloyd Campbell, président national honoraire de l'Association de la Force aérienne du Canada

Logo RMC

Le Lieutenant-général (à la retraite) Lloyd Campbell,CMM, CD, pilote de chasse très expérimenté, a commandé à tous les niveaux de l’Aviation canadienne, y compris celui de commandant du Commandement aérien et de chef d’état-major de la Force aérienne (CEMFA). Il est actuellement président honoraire national de l’Association de la Force aérienne du Canada (AFAC).

Notes

  1. Airforce, vol 34, no 2, été 2010, p. 30 et 31.
  2. The Aerospace Capability Framework (ISBN # 0-662-35613-6), 2003, p. 9.
  3. Ibid., p. 10.
  4. André Deschamps, « Voici le F35 Lightning II, le prochain avion de chasse du Canada », Revue militaire canadienne, vol. 11, no 1, p. 49 à 52.
  5. Pour en apprendre plus sur l’EO DAS, vous trouverez une vidéo de l’entreprise Northrop Grumman qui donne de précieux renseignements à ce sujet et sur les applications du système lors des missions air‑air du F35, à l’adresse suivante : <http://www.es.northropgrumman.com/solutions/f35targeting/assets/eodasvideo.html>. 

Haut de la page