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Opinions

Un ministère de l’éducation pour la défense :

l’académie canadienne de la défense deux ans plus tard

par A. Jim Barrett, Ph.D.

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Notre premier commandant nous a raconté que son coiffeur lui a dit un jour que le titre de notre organisme lui faisait penser à un ministère de l’éducation pour la Défense1. Cette description est assez juste.

L’Académie canadienne de la Défense n’est pas la première mesure prise pour créer un « ministère de l’éducation pour la Défense ». En 1970, dans la foulée de l’unification, les Institutions d’éducation de la Défense canadienne ont été créées pour centraliser et superviser l’enseignement dispensé aux officiers2. À peine trois ans plus tard, elles ont été remplacées par une structure de commandement qui est plus ou moins demeurée en place, sous divers sigles ou acronymes, jusqu’à la création, en 1995, du Service du recrutement, de l’éducation et de l’instruction des Forces canadiennes. Celui-ci, qui se trouve à la base de Borden, n’a jamais su tirer parti des changements survenus dans le domaine des études militaires au Canada et dans le monde. Sept ans plus tard, le quartier général de ce service a fermé ses portes et, le 1er avril 2002, on inaugurait l’Académie canadienne de la Défense.

L’Académie n’est ni une réincarnation des Institutions d’éducation de la Défense canadienne ni un quartier général typique des Forces canadiennes. Elle a été conçue très différemment. L’étude préparée en 2001 par Conseils et Vérification Canada pour le compte du vice-chef d’état-major de la Défense a énoncé la plupart des principes de base de cette institution3. L’étude faisait état de trois objectifs stratégiques, de trois volets opérationnels et de neuf fonctions primordiales et comportait quatorze recommandations. Le résultat est une institution très novatrice, je dirais même révolutionnaire, reposant sur quelques idées principales:

  • Une seule agence militaire doit prendre activement en charge l’éducation des membres des Forces canadiennes;

  • Les facultés intellectuelles des membres des Forces canadiennes sont une ressource primordiale qu’il faut entretenir, perfectionner et exploiter;

  • Les membres des Forces canadiennes peuvent prendre une part active à leur perfectionnement professionnel;

  • Les programmes de formation militaire peuvent être très diversifiés;

  • Les établissements éducatifs civils offrent au personnel des Forces canadiennes de grandes possibilités de perfectionnement professionnel;

  • Un système de perfectionnement professionnel cohérent, souple et bien conçu permet de réaliser des économies importantes et d’être plus efficace.

L’Académie canadienne de la Défense représente une victoire et une consécration pour tous ceux qui ont soutenu pendant longtemps que la réforme de la défense doit s’appuyer sur un enseignement professionnel de qualité. Il lui incombe maintenant de démontrer qu’elle peut faire fonctionner un système de perfectionnement professionnel fondé sur ces principes et le gérer de manière efficace et économique.

Certes, cette tâche est une gageure, mais elle est plus facile à réaliser qu’on pourrait le croire de prime abord. Elle n’exige ni le remaniement des institutions actuelles ni de grands investissements. Les éléments essentiels sont déjà en place ou faciles d’accès. Dans le monde entier, un vent de changement souffle dans le milieu de l’éducation, y compris dans celui de l’éducation militaire, et les Forces canadiennes doivent suivre ce courant. Les technologies et les techniques d’apprentissage subissent actuellement des changements révolutionnaires. En outre, la nouvelle génération est enthousiaste et avide de connaissances.

Pour canaliser les changements, l’Académie canadienne de la Défense doit intégrer les rouages internes et externes dans des réseaux vastes et souples et les gérer au moyen d’un système ouvert, flexible et dynamique. Ce dispositif d’apprentissage remplacera les structures fermées qui caractérisaient jadis le perfectionnement professionnel des Forces canadiennes. Il est plus près d’être mis au point qu’on ne le pense, car une grande partie des éléments se mettent en place d’eux-mêmes avec un minimum d’aide ou d’encouragement.

Les rouages internes de ce dispositif sont le Collège militaire royal, le Collège des Forces canadiennes, les autres écoles des Forces canadiennes et le nouveau Réseau d’apprentissage de la Défense, qui a établi des Centres d’apprentissage et de carrière dans toutes les bases. Les rouages externes sont les nouveaux consortiums des universités et des collèges communautaires, les partenariats internationaux tels que le programme de formation continue en ligne, mis sur pied par le Consortium des académies de défense et des instituts de sécurité du Partenariat pour la paix4, ainsi que tout autre établissement éducatif légitime, où le personnel des Forces peut suivre une formation soit sur place, soit par Internet.

On peut déjà utiliser tous ces rouages. Le travail principal qui reste à faire consiste à relier les composantes et à adopter un système de gestion. Les obstacles ne sont ni d’ordre institutionnel ni d’ordre financier. En effet, les cadres supérieurs du ministère de la Défense et des Forces canadiennes ont clairement présenté la vision des Forces dans des documents tels que L’officier en 2020, Le Corps des MR en 2020 et la Stratégie en matière de RH militaires 2020 5. Ce qui freine le plus le processus est sans doute le lourd fardeau que l’éducation fait peser sur les Forces canadiennes. Celles-ci subissent constamment des pressions pour trouver des solutions miracles ou à court terme, ce qui les amène immanquablement à sacrifier l’avenir. Pour renverser cette fâcheuse tendance, il nous faudra une vision claire, de la confiance et de la patience. Les gestionnaires des Forces canadiennes doivent maintenant collaborer, innover et se montrer prêts à profiter des occasions au fur et à mesure qu’elles se présenteront. Le rôle de l’Académie canadienne de la Défense est de servir de guide en exerçant un leadership actif et inventif. Cette institution doit se faire l’agent du changement permanent et de la réforme, tandis que les Institutions d’éducation de la Défense canadienne ont été créées pour exécuter un grand projet.

D’après les experts et nos expériences récentes, il est important que les membres des Forces canadiennes « possèdent les capacités intellectuelles et l’esprit critique nécessaires pour comprendre le milieu dans lequel ils servent et réagir à des situations nouvelles6 ». L’organisation de la défense et le maintien de la sécurité nécessitent la formation et l’éducation d’une véritable armée de personnes. Si jamais la paix doit régner sur cette planète, il faut songer sérieusement à l’éducation des soldats. En matière de perfectionnement professionnel, les attentes seront très élevées. Le Canada y a déjà répondu en créant l’Académie canadienne de la Défense, qui est le chef de file mondial. L’Académie doit être unique parmi les quartiers généraux militaires; elle le sera certainement au sein des « ministères de l’éducation ».

Cette institution doit s’efforcer de trouver un juste milieu entre la culture militaire et la culture universitaire afin de tracer sa voie et d’éviter de tomber de Charybde en Scylla, en s’inspirant aveuglément des méthodes collégiales ou universitaires ou en adoptant une démarche purement militaire. Les processus cycliques habituels constitueront sans doute le plus grand obstacle. Sans tradition régimentaire, la mémoire militaire est courte; la mémoire universitaire ne l’est pas. Toutefois, comment l’Académie canadienne de la Défense pourra-t-elle se doter d’une mémoire collective adéquate? Personne ne le sait exactement.

Les nouveaux dirigeants militaires chercheront naturellement à aligner les activités de l’Académie canadienne de la Défense sur le mode opératoire des Forces canadiennes. De plus, les composantes de l’Académie, telles que le Collège militaire royal et le Collège des Forces canadiennes, résisteront peut-être mal à la tentation d’exercer des pressions pour revenir au statu quo qui existait avant la création de cette institution. Si l’Académie veut réussir, elle doit se faire accepter et respecter par les milieux militaire et éducatif. Inversement, elle doit pouvoir accueillir les soldats et les universitaires.

En paraphrasant les définitions des dictionnaires, on pourrait décrire l’Académie canadienne de la Défense comme « une société d’éminents militaires et universitaires, en service ou à la retraite, qui veille à promouvoir et à maintenir les normes en matière d’éducation militaire ». Vue sous cet angle, cette institution nous appartient à tous. Si sa vision, sa mission et ses objectifs parviennent à refléter la sagesse de la communauté de la sécurité et de la défense, elle reflétera la santé institutionnelle des Forces canadiennes.

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A. Jim Barrett, Ph. D., est directeur de la Gestion de l’apprentissage à l’Académie canadienne de la Défense.

Notes

  1. Histoire racontée par le contre-amiral David C. Morse, premier commandant de l’Académie canadienne de la Défense.
  2. En 1969, le Conseil du perfectionnement des officiers a publié le désormais célèbre rapport Rowley (Ministère de la Défense nationale, Rapport du Conseil du perfectionnement des officiers, Ottawa, mars 1969). Le rapport proposait la création d’un centre d’éducation de la Défense canadienne ouvert toute l’année à Ottawa-Hull; ce centre deviendrait ensuite une université des Forces canadiennes et bénéficierait d’une charte fédérale. En 1970, le Conseil du perfectionnement des officiers a été remplacé par les institutions d’éducation de la Défense canadienne. Le livre de Richard A. Preston, To Serve Canada, A History of the Royal Military College Since the Second World War (Presses de l’Université d’Ottawa, Ottawa, 1991) expose en détail le fonctionnement de ces Institutions d’éducation et d’autres systèmes de commandement et de contrôle. Voir également l’étude préparée par Conseils et Vérification Canada pour le vice-chef d’état-major de la Défense, Cadre de gouvernance pour l’Académie canadienne de la Défense, Ottawa, 2001, et Jean V. Allard, Mémoires du général Jean V. Allard, Éditions de Mortagne, Ottawa, 1985, p. 403.
  3. Cadre de gestion de l’Académie canadienne de la Défense. Il importe ici de résumer les objectifs stratégiques de cette institution :
    • Valoriser la rigueur en matière d’éducation militaire professionnelle;
    • Permettre aux membres des Forces canadiennes d’atteindre leur plein potentiel intellectuel;
    • Assurer des processus pédagogiques logiques et intégrés au sein des Forces canadiennes.
  4. Pour un exemple de consortium universitaire, consulter le site Web de l’Université Virtuelle Canadienne à l’adresse <www.cvu-uvc.ca>. Les sites Web se trouvant aux adresses <www.ontariolearn.com> et <www.cegepadistance.ca> donnent, quant à eux, d’excellents exemples de consortiums collégiaux. Pour en savoir plus sur le Consortium du Partenariat pour la paix, rendez-vous à l’adresse <www.pfpconsortium.org>.
  5. Ministère de la Défense nationale, Le leadership militaire canadien au XXIe siècle (l’officier en 2020) : Orientation stratégique à l’intention du corps des officiers et du système de perfectionnement professionnel des officiers des Forces canadiennes, Ottawa, 2001; Ministère de la Défense nationale, Les militaires du rang des Forces canadiennes au XXIe siècle : orientation stratégique du perfectionnement professionnel des militaires du rang des Forces canadiennes (le Corps des MR en 2020), Ottawa, 2003; Ministère de la Défense nationale, Stratégie en matière de RH militaires 2020 : Relever les défis futurs en matière de personnel, Ottawa, 2002. Plusieurs autres études importantes ont fait suite au rapport Rowley; le rapport de Conseils et Vérification Canada en fait un excellent résumé, mais, ce qui est étonnant, il ne mentionne pas le rapport de 1994 du Conseil du perfectionnement des officiers.
  6. Le site Web de l’Académie canadienne de la Défense se trouve à l’adresse <www.cda-acd.forces.gc.ca>.