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Critiques de livres

Dresden: Tuesday, february 13, 1945

par Frederick Taylor
HarperCollins, New York, 2004. 518 pages, 41,95 $

Compte rendu de Paul Mardus

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Une couverture de livreDepuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le bombardement de Dresde par les Alliés est perçu comme une bavure dans l’effort de guerre des forces anglo-américaines, qui, par ailleurs, se sont généralement montrées clémentes. Nombre d’ouvrages sur cette attaque dénoncent la destruction de ce haut lieu de la culture, qui a fait des milliers de victimes. Toutefois, si l’on examine ces publications, on note deux faits déconcertants. D’abord, l’ouvrage le plus populaire sur le bombardement de Dresde est en fait un roman, le chef- d’œuvre psychédélique corrosif de Kurt Vonnegut, Slaughterhouse-Five. Si ce livre dépeint de manière très réaliste l’horreur de l’événement, il demeure une œuvre de fiction. Ensuite, les publications largement diffusées derrière le rideau de fer durant la domination soviétique de l’Allemagne de l’Est sont passées en grand nombre à l’Ouest, où l’on a accusé les Soviétiques d’avoir grossièrement exagéré les faits afin de ternir la réputation de ceux qui étaient leurs ennemis durant la guerre froide. Plus de 60 ans après ces bombardements, l’historien a toujours du mal à trouver des données qui ne sont pas mythiques ou fictives. Heureusement, l’ouvrage de Frederick Taylor, Dresden: Tuesday, February 13, 1945, offre une perspective nouvelle. L’auteur présente des faits, des entrevues et des documents rarement cités dans les publications antérieures et il s’appuie sur ces données pour émettre une hypothèse allant à l’encontre des théories sur la ville et les événements. Il soutient que la production de porcelaine de cette ville historique n’était pas sa seule et innocente activité, comme on l’a si souvent écrit. Dresde était un centre industriel et militaire important, participant avec enthousiasme à l’effort de guerre nazi.

Frederick Taylor connaît bien la question du national-socialisme en Allemagne, puisque, à Oxford, il s’est spécialisé dans l’histoire de l’extrême droite allemande. Il a également traduit en anglais le journal de Goebbels (1939-1941). Dans Dresden, son dernier ouvrage, il s’appuie sur sa connaissance du nazisme et sur de nombreuses sources primaires relatives à Dresde pour montrer que cette ville, qui abritait une dizaine d’usines d’armes et de munitions, représentait l’un des principaux centres militaires et industriels de Hitler. Il cite aussi les dossiers municipaux, que l’on peut consulter plus facilement depuis la chute du mur de Berlin. Selon ces dossiers, entre 25 000 et 40 000 personnes auraient été tuées lors des raids et non plus de 100 000, comme l’a dit Josef Goebbels, ministre de la propagande nazie, et comme l’ont répété les dirigeants soviétiques, entre autres.

Si Taylor offre une perspective nouvelle et très documentée de la nuit la plus tragique de Dresde, il n’insinue absolument pas que la ville et ses habitants « méritaient » d’être annihilés. Il cherche à décrire les bombardements du point de vue des généraux et des maréchaux de l’air des forces alliées et à expliquer pourquoi ceux-ci ont soumis Dresde à la puissance de tir de plus de 1 100 bombardiers lourds britanniques et américains, qui ont largué au total plus de 4 500 tonnes de bombes et de matériel incendiaire sur la ville et ses environs. Il ne passe pas rapidement sur les victimes civiles et ne les considère pas comme de simples « dommages collatéraux ». Il observe cependant que les Allemands comme les Alliés prenaient souvent pour cibles des centres très peuplés avant février 1945 et que le nombre élevé de victimes civiles n’est qu’une autre caractéristique révoltante de la nature monstrueuse de la guerre totale. Loin de passer sous silence le coût humain de cette offensive, il consacre une grande partie de Dresden à ceux qui en ont été témoins dans les airs et sur le sol; il parvient ainsi à établir un équilibre remarquable entre, d’une part, la dimension humaine des attaques et, d’autre part, les plans stratégiques et opérationnels, les faits et les chiffres, qui sont très détaillés.

Si certains historiens ne répugnent pas à remplacer les mythes par de nouveaux mythes pour attirer l’attention, le livre de Taylor, qui est rigoureusement documenté, figure en bonne place parmi les nombreux ouvrages traitant du même sujet. Dresden, qui comporte trois annexes détaillées et quelque 450 renvois minutieux, est un excellent contrepoids aux mythes et à la fiction. On ne saura peut-être jamais ce qui s’est vraiment passé lors de ces attaques notoires et quelles en ont été les séquelles. Néanmoins, l’ouvrage de Taylor met le lecteur au cœur de cette tempête de feu qui, après plus de 60 ans, est toujours marquée du sceau de l’infamie.

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Paul Mardus est étudiant au programme spécialisé d’histoire de l’université Queen’s, à Kingston, en Ontario.