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Critiques de livres

Friendly Fire: The Untold Story Of The U. S. Bombing That Killed Four Canadian Soldiers In Afghanistan

par Michael Friscolanti

Mississauga, John Wiley & Sons, 2005
ISBN 0-470-83686-5
591 pages, 36,99 $ (livre relié)

Compte rendu du colonel Chris R. Shelley

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Couverture de livreAu moment où les pertes de vies humaines s’accumulent dans le cadre de la campagne militaire canadienne en Afghanistan, y compris un deuxième incident de « tir ami », on pourrait présumer que la pertinence du livre de Michael Friscolanti s’en trouverait diminuée. Pourtant, il n’en est rien. Toute personne ayant participé à une commission d’enquête ou ayant traité avec les plus proches parents d’un militaire tué dans un accident sera familière avec la dynamique personnelle qui anime le récit que Friscolanti fait de cet événement tragique et de ses réper-cussions. Le titre ne ment pas : le livre révèle beaucoup plus de détails sur ce triste événement que ce qu’on a pu lire dans la presse. L’utilisation exhaustive des différentes enquêtes sur l’attentat à la bombe, conjuguée à l’information recueillie dans le cadre d’entrevues personnelles avec les protagonistes et les familles des victimes, a permis à Friscolanti de donner un visage humain au drame. Journaliste sans expérience dans les affaires militaires, il apporte une perspective nouvelle en explorant les dimensions humaines de cette tragédie. La lecture en est fascinante.

Ancien journaliste du National Post, Michael Friscolanti est maintenant rédacteur principal au magazine Maclean’s. Diplômé de l’Université Lakehead et du programme de deuxième cycle de la Ryerson School of Journalism, il a été rédacteur au journal étudiant de Ryerson, The Eyeopener, et a reçu, à ce titre, le prix de journalisme étudiant de l’Association canadienne des journalistes. Il n’est donc pas surprenant que l’auteur écrive avec la perspective d’un journaliste « pour raconter l’histoire et laisser les lecteurs tirer leurs propres conclusions [...], explique-t-il. Ce n’est que des années plus tard, quand j’ai commencé à rassembler l’information pour ce livre, que j’ai constaté à quel point il restait des choses à dire sur cet événement. »

En résumé, le récit concerne les événements entourant la mort de quatre soldats canadiens et les blessures subies par huit de leurs camarades après le largage d’une bombe par deux chasseurs F-16 de l’aviation américaine. Rappelons que l’incident est survenu le soir du 17 avril 2002, pendant que les militaires canadiens effectuaient des tirs de nuit dans la zone d’instruction à la ferme Tarnak, près de Kandahar, en Afghanistan.

Les Canadiens ont été très choqués du fait qu’une bombe larguée par des forces amies a causé les quatre premières pertes de vies humaines dans le cadre de la mission afghane. L’incident et ses séquelles ont fait l’objet d’une large couverture médiatique. Friscolanti a examiné une foison de rapports officiels et a mené plusieurs longues entrevues avec les survivants, les familles concernées, les enquêteurs, les deux pilotes en cause ainsi que leur équipe d’avocats pour finalement livrer un récit passionnant. Ces décès ont été les premiers d’une longue série, à laquelle s’ajoute un deuxième incident de « tir ami » en 2006. Les Canadiens se sont peut-être un peu endurcis à force de pertes, mais ils arrivent difficilement à oublier le choc ressenti à la suite des quatre premiers décès causés, de surcroît, par un allié.

Le livre suit un ordre chronologique, depuis le soir fatidique à la ferme Tarnak jusqu’aux dernières entrevues entre l’auteur et les pilotes, en passant par les enquêtes et les audiences. Rédigé au présent, dans un style très journalistique, le livre est rempli de dialogues tirés de rapports et d’entrevues et garde toujours le lecteur dans le feu de l’action. Le matériel frôle parfois le banal – le genre de témoignages que connaissent bien les amateurs du Reader’s Digest –, mais il n’en captive pas moins l’intérêt du lecteur tout au long du récit.

Friscolanti explique superbement le jargon et les procédures militaires. Même un lecteur peu versé dans les expressions militaires et le lexique des mesures de contrôle de l’espace aérien sur le champ de bataille peut comprendre les questions complexes en jeu. Bien qu’il se trompe à l’occasion (qualifiant, par exemple, une carabine C8 de « mitrailleuse »), Friscolanti démontre avec une admirable facilité le fonctionnement ou le non-fonctionnement sur le terrain des menues composantes de la structure de commandement et de contrôle militaire. Les lacunes au point de vue du contrôle de l’espace aérien, des instructions spéciales et d’autres mesures de surveillance, si familières à ceux d’entre nous ayant volé en zone opérationnelle, sont bien présentées pour aider le lecteur à mieux comprendre les nuances. Les extraits d’enquêtes officielles, s’ajoutant aux déclarations des personnes concernées, donnent une bonne idée de ce qui s’est produit le soir où le major Harry Schmidt, de l’armée de l’air des États-Unis, a largué la bombe qui a tué quatre soldats canadiens.

Il serait peut-être plus précis de dire que le lecteur aura l’illusion de comprendre. Les enquêtes militaires présentent de façon ambiguë le cas des deux pilotes. Après de longues et ennuyantes missions de vol au-dessus de l’Irak et de l’Afghanistan, les tirs au sol à la ferme Tarnak offraient enfin à ces deux pilotes une chance d’être dans le vif de la guerre. Les pilotes ont invoqué l’autodéfense comme excuse pour se soustraire aux règles d’engagement qui les auraient empêchés de tirer sur ce qu’ils percevaient comme une cible terrestre légitime et de larguer une bombe sur leurs alliés canadiens. Cependant, la compréhension fait défaut pendant l’audience menée en vertu de l’article 32 par l’aviation américaine, qui doit décider s’il y a lieu de porter des accusations contre les pilotes. Les puissants avocats de l’équipe de défense ont fait de leur mieux pour brouiller les pistes, détourner la responsabilité ailleurs et généralement blâmer n’importe qui, sauf les pilotes, du décès des Canadiens. Outre le brouillage de pistes par les avocats, les accusations posaient clairement problème au juge militaire : les pilotes avaient l’intention de tuer leur cible et, par conséquent, il était peu probable qu’on les trouve coupables d’homicide causé par négligence, une accusation que les autorités de l’aviation américaine n’étaient pas prêtes à porter contre des pilotes en temps de guerre. Au final, le résultat ne satisfait personne : ni les familles, ni l’armée de l’air des États-Unis, ni les pilotes.

Michael Friscolanti prétend avoir été objectif dans sa chronique et, comme il le dit, « l’histoire de cette erreur [...], je n’en tire aucune conclusion, je ne porte aucun jugement. » Malgré cette affirmation, l’auteur a dû choisir parmi des milliers de pages de témoignages et des centaines d’heures d’entrevues pour trouver le matériel qu’il utilisera dans son livre. Somme toute, son choix est élogieux pour certains et accablant pour d’autres. La parade humaine défile devant le lecteur. Certains acteurs sont louangés et d’autres, blâmés, selon leur personnalité et leur réaction au choc provoqué par la situation. Quelques parents des victimes sont devenus obsédés par la compensation financière, tandis que d’autres se sont montrés plus dignes en public en rendant hommage à leur fils ou ami de cœur disparu. Des deux pilotes, seul le major Umbach, commandant du vol, semble s’être racheté quelque peu en offrant des excuses sans réserve aux familles à la fin de l’audience. À l’inverse, un scénariste hollywoodien n’aurait pas pu créer un « Top Gun » plus stéréotypé que le major Harry « Psycho » Schmidt, l’autre pilote. Celui-là même qui a largué la bombe se confond en justifications plus bizarres les unes que les autres et n’a manifesté aucun repentir. La lettre de réprimande envoyée au major Schmidt par le général Mosely de l’aviation américaine est classique; il serait difficile de trouver une réprobation plus percutante et, rien que pour elle, le livre en vaut la peine. À l’inverse de Umbach, Schmidt ne s’est jamais vraiment excusé et il n’en a jamais perçu la nécessité. Il donne l’impression d’un homme arrogant, incapable de se racheter.

Le résultat est à la fois troublant et peu satisfaisant. Il en est souvent ainsi dans la vie et, si c’est ce qu’a voulu présenter Friscolanti, il a réussi. Friendly Fire devrait figurer sur la liste de lectures de tout professionnel militaire.

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Le colonel Shelley, pilote d’hélicoptère tactique, est directeur de la Sécurité des vols au sein des Forces canadiennes.