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Histoire

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Défense nationale

Un radôme du réseau DEW, vers 1956. 

Le réseau d’alerte avancé et la bataille de la perception au Canada

par Adam Lajeunesse

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Introduction

En décembre 1954 débutait la construction du réseau d’alerte avancé (réseau DEW), une chaîne de 63 stations radars et centres de communications intégrés s’étendant sur 5 000 kilomètres, depuis l’ouest de l’Alaska jusqu’au Groenland, en passant par l’Arctique canadien1. Ce projet de défense principalement américain, conçu pour détecter les incursions des bombardiers soviétiques dans l’espace aérien de l’Amérique du Nord, était à l’époque le plus important ouvrage technologique jamais entrepris dans l’Arctique canadien. Le réseau DEW n’était que l’un des nombreux projets de défense entrepris collectivement par le Canada et les États-Unis dans le Grand Nord depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Cependant, l’ampleur et les coûts sans précédent du projet, alliés à l’incapacité et au peu d’empressement du Canada à y contribuer, ont généralement été perçus comme un obstacle à la souveraineté canadienne dans l’Arctique encore plus important que tout ce qui avait pu s’y produire auparavant. Les inquiétudes du Canada à ce sujet avaient pour origine l’inexistence d’une présence canadienne crédible dans la région. Même s’il était peu probable que les Américains tentent d’usurper les droits du Canada sur ce territoire, on prenait tout de même très au sérieux une éventuelle perte de contrôle de fait. On pensait qu’un projet de construction aussi important mené unilatéralement par les États-Unis dans le Nord conduirait inévitablement à un contrôle effectif des militaires américains dans la région. Les Américains allaient administrer le territoire, le garder et l’observer puis, étant donné sa situation démographique, finiraient par le peupler. Même si le Canada avait, du point de vue juridique, conservé ses droits sur le territoire, cette affirmation du contrôle de fait par une nation étrangère aurait sérieusement miné l’image de la souveraineté canadienne dans le Nord, tant au pays que sur la scène internationale. Afin de ne pas donner l’impression de renoncer de quelque façon à sa souveraineté tout en évitant d’investir effectivement des sommes considérables dans le réseau DEW, le gouvernement canadien allait se fixer comme principal objectif de maximiser la perception d’un contrôle et d’une influence par le pays en participant à la construction et à l’exploitation du réseau. La politique du Canada consistait essentiellement à rechercher la forme plutôt que le fond, son but premier étant de promouvoir une idée et non de déployer tous les efforts pour la concrétiser. C’est cette bataille de la perception qui allait devenir à la fois l’élément moteur et l’objectif ultime de la politique canadienne en ce qui concerne le réseau DEW, depuis la conception de ce dernier jusqu’à sa dotation en personnel pendant les années 1950.

Qu’est-ce que la souveraineté?

L’idée de souveraineté est un concept malléable aux multiples facettes qui a évolué à travers l’histoire pour s’adapter aux diverses circonstances du moment. Elle repose sur un principe unique : l’exercice d’une autorité suprême par la voie d’un monopole légitime sur la force physique au sein d’un territoire donné2. Le titulaire doit cependant posséder plus qu’un simple pouvoir coercitif. Il a également besoin de légitimité, ce que le philosophe R. P. Wolff appelait « la faculté de commander3. »

La souveraineté ne peut trouver sa légitimité que lorsque le droit d’un État de contrôler son propre territoire est reconnu et accepté par la communauté internationale. Dans cette perspective, la souveraineté doit se fonder dans une légitimité dont l’origine est mutuellement reconnue. Dans l’histoire, cette origine se situe entre l’autorité divine et le droit international moderne4. La reconnaissance par la communauté mondiale du droit d’un État de contrôler son territoire signifie que l’État concerné reçoit essentiellement une garantie contre toute intervention extérieure sur le territoire en question et, ipso facto, une autorité absolue. Si cette autorité n’est pas nécessairement établie dans la pratique, elle doit au moins l’être en théorie. La souveraineté est donc une créature bicéphale. D’une part, elle est fondée sur la force et sur le contrôle; c’est de ces éléments qu’elle découle, c’est par eux qu’elle peut être imposée et c’est en majeure partie grâce à eux qu’elle se fait reconnaître. D’autre part, l’exercice de cette force ne peut être en soi la souveraineté : il n’en est que la manifestation. Ce n’est que par la reconnaissance collective de son droit de recourir à la force ou, à tout le moins, en l’absence de toute contestation de ce droit qu’on peut affirmer que la souveraineté existe. La souveraineté est donc, dans son essence même, un concept imaginé, qui n’existe que dans l’esprit de ceux qui la reconnaissent. C’est ce concept, c’est-à-dire la reconnaissance que l’Arctique canadien lui appartient en vertu de la tradition et du droit international, que le gouvernement canadien a cherché à défendre, plus que toute autre chose, contre l’empiètement des Américains sur son territoire.

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Défense nationale

Un bombardier soviétique Tu-95 Bear. 

Le contexte

L’Union soviétique a fait exploser ses premières bombes au plutonium (en 1949) et à l’hydrogène (en 1953). Depuis l’apparition d’un nouveau bombardier soviétique en 1952, le Tu-95 Bear, et, dans une moindre mesure, du bombardier Tu-34 Bull plus tôt en 1946, les centres industriels et les zones densément peuplées d’Amérique du Nord se sont retrouvés dans le rayon d’action des armes nucléaires soviétiques5. Ces évolutions concrètes de la technologie militaire et des concepts stratégiques ont propulsé l’Arctique canadien à l’avant-plan des mesures de défense pendant la guerre froide6. Dans ce nouveau paradigme stratégique, l’Arctique canadien se retrouvait dans le rôle que lui avait prédit Hugh Keenleyside en 1949, lorsqu’il disait : « Ce qu’était la mer Égée pour l’Antiquité classique, la Méditerranée pour l’Empire romain, l’océan Atlantique pour l’expansion de l’Europe de la Renaissance, l’océan Arctique le devient aujourd’hui pour ce monde d’avions et de puissance atomique7. » La guerre froide avait mis l’Arctique canadien sous les projecteurs et avait attiré une attention nouvelle et importune.

Le réseau DEW était une réaction directe à cette nouvelle menace soviétique. Sur le plan militaire, un réseau de radars au nord présentait un intérêt certain du point de vue canadien. Même si, jusqu’alors, on ne s’était jamais inquiété sérieusement d’une attaque soviétique majeure venue du nord, on présumait que, vu la proximité géographique des villes et des centres industriels canadiens et américains et en raison des étroites relations militaires et politiques qu’entretiennent le Canada et les États-Unis, le destin de ces deux pays se confondrait en cas de guerre nucléaire à grande échelle. Pourtant, l’idée d’une présence américaine en terre canadienne, peu importe ses avantages, bouleversait les politiciens canadiens.

Après avoir reçu le plan américain pour le réseau DEW, le gouvernement canadien s’est rendu compte que ses choix diplomatiques en la matière étaient plutôt limités. Le ministre de la Défense nationale de l’époque, l’honorable Brooke Claxton, résumait la question dans un télégramme adressé au secrétaire du Cabinet, Arnold Heeney : « Il pourrait être très difficile pour le gouvernement canadien de rejeter des projets de défense importants que le gouvernement des États-Unis présenterait de façon convaincante comme étant essentiels à la sécurité de l’Amérique du Nord8. » Le gouvernement du Canada, toujours soumis aux obligations qu’il avait acceptées à Ogdensburg en 1940, lorsque le premier ministre Mackenzie King avait assuré aux Américains « de faire en sorte [...] que des forces ennemies ne puissent atteindre les États-Unis à partir du territoire canadien, que ce soit par terre, par mer ou par air », ne pouvait qu’acquiescer à la demande des Américains de construire le réseau9. Dans les circonstances tant militaires que politiques de l’époque, la construction du réseau DEW, en tant que prolongement rationnel de la défense continentale, était pratiquement inévitable. Le Canada a donc été acculé à la position assez inconfortable d’avoir à choisir entre jouer un rôle important dans la construction du réseau ou accepter une influence américaine massive dans sa région arctique, ce qui risquait de remettre en question sa capacité d’exercer un contrôle effectif sur un territoire qu’il avait jusque-là négligé.

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Défense nationale

La réponse : un intercepteur tout temps CF-100 Canuck survole la base de l’Aviation royale du Canada à Cold Lake, en hiver. 

Les menaces à la souveraineté

Après presque un siècle d’indifférence générale de la part des gouvernements qui se sont succédé au Canada, la région n’avait pas les infrastructures militaires ou civiles nécessaires, ne connaissait aucun développement économique d’importance et n’était pas surveillée adéquatement. Considérant en plus sa population extrêmement clairsemée, les manifestations tangibles de la souveraineté canadienne dans l’Arctique étaient rares. Cependant, les États-Unis ne cherchaient nullement à acquérir un territoire appartenant au Canada. Les Américains en ont amplement donné la preuve quand ils ont « soigneusement évité10 » de violer la souveraineté canadienne dans le cadre des projets qu’ils ont poursuivis dans l’Arctique pendant la Seconde Guerre mondiale. Les inquiétudes du Canada provenaient plutôt de la menace à sa souveraineté de fait, laquelle pouvait être remise en question si les forces américaines étaient perçues comme exerçant leur autorité sur le territoire canadien. En 1931, la Cour internationale de justice avait statué que l’exercice de l’autorité au sein d’un territoire était le principal facteur à considérer dans les questions de souveraineté. Ce contrôle l’emportait même sur les revendications antérieures de découverte ou de contiguïté11. En l’absence d’un contrôle plus concret sur l’Arctique, on craignait sérieusement que les revendications du Canada, fondées sur la découverte et la contiguïté, puissent être invalidées aux yeux de sa propre population et de la communauté internationale si les États-Unis semblaient exercer un contrôle effectif sur la région.

Étant donné la faible population de l’Arctique, l’arrivée massive de militaires et d’entrepreneurs civils américains bouleverserait la situation démographique de la région et donnerait de plus en plus au Nord un visage américain. Les Américains assumeraient les devoirs et les responsabilités qui revenaient en propre au Canada12. L’expression concrète de la souveraineté passant ainsi aux mains étrangères, la souveraineté canadienne serait diminuée aux yeux de quiconque regarderait vers le nord et constaterait que la véritable autorité dans la région était, dans les faits sinon en droit, américaine.

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Défense nationale

Le F-86 Sabre de Canadair aussi était un chasseur-intercepteur de jour très utile à l’époque. 

Que faire?

Sans une présence matérielle canadienne pour imposer le contrôle du Canada, plus aucun doute ne persisterait quant à la domination américaine dans le Nord. Par conséquent, on craignait à Ottawa que, si la communauté internationale venait à percevoir l’Arctique sous le contrôlé et l’administration des États-Unis, la souveraineté canadienne serait affaiblie. Ainsi, la limitation des dégâts a toujours été au centre de la politique canadienne en ce qui concerne le réseau DEW. D’abord et avant tout, Ottawa a déployé tous les efforts pour façonner la perception de la population à l’égard du projet et de la présence américaine dans le Nord. Il était essentiel pour le gouvernement de maintenir l’image d’un contrôle canadien, même si ce contrôle était, dans les faits, délégué aux États-Unis. Pour cette raison, le gouvernement canadien a consacré énormément d’énergie à jouer sur la perception et à faire de la publicité. Les incidents mineurs, la formulation des ententes et des communiqués de presse, tout ce qui pouvait avoir un effet sur l’opinion publique était soigneusement géré et orienté pour donner de l’importance à la participation du Canada au projet du réseau DEW et même pour renforcer l’impression d’un contrôle sur celui-ci, tout en mini-misant l’apparence d’un contrôle américain en sol canadien13.

Cet effort poussé avait commencé peu après la Seconde Guerre mondiale. Afin de mini-miser l’importance de la présence militaire américaine au Canada, le ministère des Affaires extérieures a insisté pour que les bases de l’aviation américaine au Canada, quand et où elles étaient nécessaires, ne soient pas établies près des principaux centres de population. On a également demandé que les bureaux de la United States Air Force soient annexés aux consulats américains ou logés dans les locaux du ministère de la Défense nationale, mais pas dans des installations distinctes14. Le cas échéant, ces bureaux devaient se faire le plus discrets possible, et le personnel, pour qui la tenue civile était de mise, devait répondre aux curieux qu’il « travaillait sur des projets confidentiels menés conjointement par l’aviation américaine et l’Aviation royale du Canada15. » Selon un bureaucrate américain, « la volonté de cacher le fait que les forces américaines sont présentes au Canada comportait parfois des restrictions ridicules16. » Ces conditions étaient le signe de l’insécurité du Canada devant la perspective d’être perçu comme étant un partenaire mineur des États-Unis ou, pire, comme un bénéficiaire de l’aide américaine. Cette insécurité était encore plus aiguë dans le Nord, où les conditions locales conféraient aux forces américaines une importance et une visibilité hors de proportion avec leur effectif17.

Ottawa avait bien pris soin d’éviter de laisser croire que l’assistance des États-Unis pouvait constituer une « aide » de quelque nature, et les activités dans le Nord ne faisaient pas exception18. Des incidents banals, qu’il s’agisse d’un refus des Américains d’autoriser un appareil de l’aviation canadienne à atterrir sur l’un de leurs aérodromes au Canada ou de dégâts causés à un site archéologique inuit par des militaires américains, pouvaient souvent soulever de vives inquiétudes à Ottawa19. Toute action américaine donnant l’apparence d’un mépris des Américains pour la souveraineté canadienne dans le Nord, aussi minime soit-elle, ne faisait qu’accroître l’insécurité du gouvernement canadien. La plupart de ces incidents étaient sans importance, mais ils illustraient parfaitement la crainte du Canada de voir l’Arctique tomber sous le contrôle de fait de l’armée américaine. La politique du gouvernement était donc marquée par une volonté d’étouffer ces incidents dans le but de dissimuler son anxiété derrière un masque de confiance empruntée, tourné autant vers les Canadiens que vers le reste du monde20.

Afin d’atténuer l’apparence d’une hégémonie américaine dans le Nord, on s’efforçait de recourir à des termes tels que projet collectif et coopération chaque fois que l’occasion se présentait. Lorsque le réseau DEW est entré en service en 1957, la politique canadienne était de nommer autant d’officiers canadiens à des postes de commandement qu’il était possible. Même si c’est l’aviation américaine qui assume le commandement ultime du réseau, le fait de pouvoir montrer des Canadiens en position d’autorité pouvait donner l’impression que le réseau DEW n’était pas sous le contrôle exclusif des Américains. Pourtant, même si l’entente de mise en œuvre autorisait le Canada à fournir le personnel des stations, l’Aviation royale du Canada n’a jamais compté suffisamment d’effectifs formés pour s’acquitter de cette tâche21. Les quelques hommes que le Canada avait affectés au réseau DEW étaient là surtout pour symboliser le contrôle national et l’occupation du territoire et ils représentaient un élément essentiel de la stratégie du gouvernement pour renforcer l’image d’une présence canadienne. En 1959, dans une allocution prononcée devant le Parlement, le ministre de la Défense nationale, George Pearkes, a évoqué la présence des quelques agents de la Gendarmerie royale du Canada dans la région pour donner l’illusion d’une occupation canadienne. « Dans toutes les stations du réseau DEW, vous voyez maintenant la tunique rouge de la Gendarmerie royale du Canada22 », avait-il déclaré. Pourtant, à ce moment, il y avait moins de 200 agents répartis dans l’ensemble du Nord canadien23.

Selon un rapport des Affaires extérieures de l’époque, « l’objectif principal de la participation du Canada est de signifier à la population canadienne que les États-Unis ne sont pas autorisés à entreprendre des projets d’envergure au Canada sans un contrôle effectif canadien24. » Cette politique est résumée fidèlement dans un document d’orientation gouvernemental de 1954, qui affirme :

« Il importe que le reste du monde sache que l’Arctique canadien n’est pas une Ultima Thule, mais qu’il est effectivement occupé, administré et exploité par le gouvernement et la population du Canada. Cet aspect doit être mis en évidence dans tous les documents publics au sujet du Nord, qu’il s’agisse de plans stratégiques à long terme ou de nouvelles d’actualité25. »

La réaction canadienne devant l’arrivée des Américains dans l’Arctique était donc surtout d’ordre psychologique, la participation du Canada ayant principalement pour but de donner l’apparence d’un contrôle canadien et non de prendre le contrôle lui-même.

En général, les Canadiens se sont montrés bien disposés envers la coopération multilatérale sous diverses formes. Une part de l’anxiété causée par le réseau DEW venait du fait que la présence des forces américaines dans le Nord laissait croire que la souveraineté canadienne était usurpée par une puissance étrangère clairement identifiée. Pour cette raison, le gouvernement canadien s’est efforcé assez tôt de lier le réseau DEW à des institutions multinationales. En mars 1955, Lester B. Pearson, alors secrétaire d’État aux Affaires extérieures en visite à Washington, invitait ses collègues américains à conférer à l’Arctique le statut d’une région de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN). Il est allé jusqu’à proposer de demander aux pays européens de fournir des troupes pour le réseau et a personnellement suggéré que les Pays-Bas y déploient de 200 à 300 militaires26. Même si, pour des motifs politiques et militaires, le réseau DEW n’a jamais été intégré officiellement à l’OTAN et même s’il n’y avait pas non plus de « commandement multilatéral », comme l’influent Winnipeg Free Press l’avait laissé entendre, on a réellement tenté de minimiser l’impression d’hégémonie américaine dans le Nord en situant le réseau DEW dans un paradigme multilatéral, avec lequel les Canadiens ont toujours été plus à l’aise27. Dès le départ, les publications du gouvernement canadien ont commencé à lier le réseau DEW à l’OTAN, à la sécurité collective, aux Nations Unies et même à la paix mondiale. La tactique n’était pas nouvelle, et ce n’était pas non plus la dernière fois qu’on allait l’employer pour rendre un accord bilatéral avec les États-Unis plus acceptable aux yeux des Canadiens. La déclaration commune des gouvernements canadien et américain concernant l’achèvement du réseau Pinetree et le début de la construction du réseau DEW, en 1954, illustre cette tentative de situer un accord de défense essentiellement bilatéral dans un contexte multilatéral plus rassurant :

« La défense de l’Amérique du Nord fait partie de la défense de la région de l’Atlantique Nord, envers laquelle le Canada et les États-Unis sont engagés en tant que signataires du Traité de l’Atlantique Nord. Donc, les accords de coopération pour la défense de ce continent et pour la participation des forces canadiennes et américaines à la défense de l’Europe sont simplement les deux faces d’une même pièce, les deux parties d’un objectif mondial, préserver la paix et défendre la liberté28. »

En 1959, le rapport du ministre de la Défense nationale, en plus d’établir un lien entre les réseaux d’alerte par radar et l’OTAN, d’une part, et la préservation de la paix mondiale, d’autre part, tentait de lier le réseau DEW aux Nations Unies29. Dans les déclarations publiques, des efforts concertés visaient à s’assurer que le réseau DEW ne constituait pas un projet isolé. L’idée qu’il s’agissait d’un projet de l’OTAN, ou qui était au moins associé à l’OTAN ou à la politique de l’Organisation des Nations Unies, pouvait compenser la présence américaine dans l’Arctique canadien puisque, à l’époque, une brigade ainsi qu’une division aérienne canadiennes étaient aussi déployées sur le territoire de la France, un autre allié de l’OTAN.

Et pourtant, les stations du réseau DEW étaient différentes des bases militaires de l’OTAN réparties dans toute l’Europe. Les installations de l’OTAN en Europe étaient payées par tous les membres, et non par un seul pays, comme c’était le cas des stations de l’Arctique30. C’est ainsi que l’apparence d’un contrôle par une nation étrangère se trouvait diluée dans le contexte européen. Ce qui comptait le plus pour le Cabinet canadien, cependant, c’était le fait que les bases de l’OTAN en Europe étaient situées dans des secteurs densément peuplés. Ils représentaient donc :

« une petite fraction de l’ensemble de l’activité humaine dans ces secteurs et, par conséquent, ne constituaient d’aucune façon une menace à la souveraineté des États où ils étaient situés; par contre, il était tout à fait dans le domaine du possible que, dans les années à venir, les installations américaines soient à peu près la seule forme d’activité humaine dans les vastes étendues désertiques de l’Arctique canadien31. »

Certains avaient demandé, autant à la Chambre des communes qu’au ministère des Affaires extérieures, qu’on investisse dans l’Arctique le temps et les ressources qui permettraient au Canada d’exercer un contrôle physique plus que symbolique et d’éviter de livrer la région aux Américains32. Toutefois, cela revenait à prêcher dans le désert, puisque l’immense majorité des politiciens et des bureaucrates hésitaient devant le coût d’une participation à parts égales (ou même significative) au réseau DEW. Cette réaction face aux dépenses que représentait le réseau DEW était loin d’être déraisonnable. Le budget total du Canada pour la défense en 1953-1954 n’était que de 1,8 milliard de dollars, et une participation au projet, même limitée à 50 p. 100, aurait exigé une augmentation des dépenses militaires d’environ 6 p. 100. Si l’on tient compte qu’en 1953 celles-ci représentaient déjà 50 p. 100 de l’ensemble des dépenses gouvernementales et 10 p. 100 du produit intérieur brut, et ce, à un moment où le pays traversait une légère récession, une telle augmentation était politiquement, sinon économiquement, irréaliste33. Cette estimation supposait en outre que le montant de 200 millions de dollars proposé au gouvernement américain pour confier la construction du réseau à la Western Electric, une société privée à l’affût de contrats lucratifs, était exact.

Pour plusieurs à Ottawa, les Américains n’étaient pas « pleinement conscients de l’ampleur des problèmes34 » que comportait la construction dans l’Arctique, et on craignait fortement que le coût final soit largement supérieur aux prévisions du gouvernement américain. La correspondance entre le ministère des Affaires extérieures et le gouvernement des États-Unis montre clairement l’hésitation d’Ottawa à s’engager dans un tel risque. La décision du Canada de permettre aux États-Unis d’assumer la totalité des coûts ne doit pas nécessairement être considérée comme une dérobade devant ses responsabilités nationales. En fait, étant donné qu’à l’achèvement du réseau, en 1957, des rumeurs non confirmées portaient le coût global de la construction (à l’exclusion du matériel et du transport) à plus de 750 millions de dollars, cette décision de s’abstenir semble avoir été prudente et avisée35. Le Canada allait plutôt consacrer ses ressources limitées à un projet qu’il estimait être un moyen plus rentable de compenser la perception que le réseau DEW constituait une renonciation à ses responsabilités en matière de défense.

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Version agrandie

• Radars du réseau DEW
Radars du réseau du centre
Radars du réseau Pinetree

Carte de Christopher Johnson

Les trois réseaux de radar d’alerte avancé, après leur achèvement. 

La ligne du Centre du Canada

La construction de la ligne du Centre du Canada (communément appelée McGill Fence) a été pour le Canada un moyen d’atténuer, à moindres frais, l’impression d’un contrôle des Américains dans l’Arctique. En 1954, l’année même où le groupe d’étude militaire canado-américain recommandait officiellement la construction du réseau DEW, le gouvernement canadien a pris l’entière responsabilité de la construction d’un réseau de stations radars le long du 55e parallèle. La ligne du Centre du Canada, un projet à la pertinence douteuse du point de vue militaire, devait compléter le réseau DEW au nord et le réseau Pinetree au sud36. Les inquiétudes liées au contrôle de l’Arctique par les Américains avaient pesé lourd dans les débats au sein du gouvernement canadien sur la construction, voire la nécessité, de ce réseau37. En 1953, le ministre de la Défense nationale Brooke Claxton a écrit au premier ministre Louis Saint-Laurent pour lui conseiller d’aller de l’avant avec la construction et de ne pas demander l’aide des Américains dans ce projet. En s’occupant seul de la construction de la ligne du Centre du Canada, soutenait-il, le gouvernement canadien pouvait contrebalancer celle du réseau DEW par les Américains, et cela coûterait moins cher qu’un projet collectif dans le Grand Nord. Un réseau de radars entièrement construit et exploité par les Canadiens fournirait à Ottawa les arguments pour soutenir que : « nous avons fait ce que nous estimions nécessaire pour la défense continentale. Si vous souhaitez en faire plus, libre à vous. [Il nous est possible de] conserver notre dignité sans avoir à y consacrer trop de matériel, trop de main-d’œuvre ni trop d’argent [...]. Cela nous permettrait de dire à notre population et aux Américains que nous étions vraiment prêts à faire tout ce qui était nécessaire pour la défense du continent38. »

Le gouvernement canadien s’est donc servi de la ligne du Centre du Canada pour défendre l’idée que les trois réseaux de radars constituaient « un système d’alerte général pour la défense continentale39 », le Canada étant responsable de la construction et de la dotation en effectif de l’un d’eux, les États-Unis, d’un autre, le troisième (le réseau Pinetree) étant une responsabilité partagée.

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Défense nationale

Construction d’un radôme du réseau DEW. 

Ottawa s’est appuyée sur la ligne du Centre du Canada pour montrer que le réseau DEW n’équivalait pas à une prise de contrôle de l’Arctique par les Américains, mais qu’il s’agissait simplement d’une partie d’un système plus vaste dont la construction avait été confiée aux États-Unis. Le fait que les États-Unis avaient l’entière responsabilité de ce réseau n’était aucunement, comme le soutenait Lester Pearson à la Chambre des communes, le signe d’une perte de contrôle ou d’une renonciation à la souveraineté :

« [L]’expérience a montré que l’exécution de ce genre de projet est plus efficace lorsque la responsabilité de toutes les phases des travaux de construction et d’installation est confiée à une seule administration. Il a donc été convenu que le Canada allait construire la ligne du Centre du Canada, tandis que les États-Unis se chargeraient du réseau d’alerte avancé40. »

En outre, en décidant de construire la ligne du Centre du Canada au lieu de contribuer au réseau DEW, le Canada évitait l’embarras d’être perçu comme un partenaire de faible poids. Dans le Grand Nord, où les coûts de construction étaient beaucoup plus élevés, pour chaque tranche de quelques millions de dollars que le Canada allait investir, la contrepartie des Américains s’élèverait à des dizaines de millions41. Selon le ministère des Affaires extérieures, même si la contribution du Canada au réseau DEW était modeste, cela « ne ferait que souligner notre participation au projet, mais à un dixième de la part42 ». La solution canadienne – construire la ligne du Centre plutôt que de participer à la mise en place du réseau DEW – avait pour but de donner l’impression que le Canada était un partenaire égal des États-Unis, puisque chacun était responsable de la construction d’une partie du système.

Il était important que la population canadienne et la communauté internationale comprennent que les divers réseaux de radars constituaient une entité unique. Le ministère des Affaires extérieures était catégorique sur un point : « Toute annonce relative au réseau d’alerte avancé devait être formulée de manière à indiquer qu’il ne s’agissait pas d’un projet isolé mais de la composante d’un système continental général43. » Tout comme les efforts déployés pour donner une dimension multilatérale au réseau DEW, le lien établi avec la ligne du Centre du Canada visait à influer sur la perception du public. Peu importe ce que le Canada avait pu faire sur le 55e parallèle, l’armée américaine continuait d’exercer un contrôle de fait sur l’Arctique canadien. Cependant, si le public canadien et la communauté internationale percevaient cette action américaine dans le contexte d’une initiative de défense plus vaste, où le Canada semblait faire sa part, l’absence du Canada dans le Grand Nord aurait beaucoup moins l’air d’une renonciation que d’une délégation de responsabilités.

Après son achèvement, en 1957, le réseau DEW est demeuré en service jusqu’en 1985, lorsqu’il a été modernisé et réuni avec de nouvelles stations pour former le Système d’alerte du Nord. La crainte d’une occupation américaine du Nord, et de la perte de souveraineté qui s’ensuivrait, ne s’est jamais concrétisée. Après deux saisons de construction, la majorité des Américains ayant participé au projet ont quitté la région en 1957, et les dispositions que le Canada avait prises pour préserver sa souveraineté ont démontré leur efficacité. En fait, contrairement aux inquiétudes des années 1950, le réseau DEW s’est révélé être, à plusieurs égards, un instrument utile aux revendications canadiennes de souveraineté dans l’Arctique.

Les dispositions sur la souveraineté

Avant de commencer les travaux de construction, le gouvernement américain devait accepter une longue liste de conditions détaillées, que le gouvernement canadien imposait dans le but de garantir que les activités américaines dans la région se déroulent à la façon canadienne. Ces conditions couvraient tous les aspects des activités nordiques, que ce soit l’application des lois canadiennes, l’utilisation des fréquences radio, les procédures douanières, la délivrance des permis de chasse, la protection des Inuit et la préservation de l’environnement44. L’éminent politologue canadien R. J. Sutherland estimait que l’acceptation, par les Américains, des lois et d’un contrôle du Canada dans ces régions constituait une reconnaissance de la souveraineté canadienne : « Le Canada a obtenu ce que les États-Unis avaient jusqu’alors soigneusement cherché à éviter, à savoir une reconnaissance explicite de ses revendications à l’exercice de la souveraineté dans le Grand Nord45. » Que le réseau DEW ait été à l’origine de cette reconnaissance, comme le croit Sutherland, ou qu’il l’ait imposée, comme l’affirme le professeur David Bercuson46, de l’Université de Calgary, l’acceptation des conditions exigées par le gouvernement canadien représentait une forme de reconnaissance fondamentale de la part du gouvernement américain.

Dès 1959, le Canada a été en mesure de prendre le commandement opérationnel du réseau, quoique la dotation en personnel et l’administration soient principalement demeurées l’affaire de la United States Air Force. En 1968, l’Aviation royale du Canada a assumé la responsabilité de la majorité des stations. Passé sous contrôle canadien, le réseau DEW offrait désormais au Canada ce dont il avait le plus besoin dans l’Arctique : une présence matérielle. Les énormes pistes d’atterrissage, construites pour accueillir les appareils de transport lourd de l’aviation américaine, étaient une aubaine pour les organismes militaires et civils. Grâce à ces pistes d’atterrissage, le Canada avait dorénavant accès à de nombreux secteurs de l’Arctique qui lui étaient jusque-là inaccessibles en raison des conditions géographiques47. Les stations locales offraient désormais des installations de communications et d’opérations. Elles ont servi de bases pour les missions de recherche sur l’Arctique, les opérations de recherche et de sauvetage et l’exploration commerciale. Bien entendu, les sites ont continué de remplir leur fonction première de centres de surveillance. Pendant les 28 années que le réseau DEW est demeuré en activité, il a eu un effet positif majeur sur la souveraineté canadienne dans l’Arctique. En rendant la région plus accessible et, par le fait même, plus facile à surveiller avec efficacité, le réseau a permis au Canada d’exercer un contrôle physique minimal sur sa souveraineté qui n’était pas possible auparavant48.

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Carte de Monica Muller

La modernisation du réseau : les radars à longue portée du Système d’alerte du Nord de NORAD, vers 1985. 

Conclusion

Le réseau DEW a été, à l’époque, le projet le plus ambitieux jamais entrepris dans l’Arctique canadien. Plus de 460 000 tonnes de matériel et de fournitures ont été expédiées au nord à partir du Canada et des États-Unis, dont suffisamment de gravier pour y ériger deux grandes pyramides de Kheops. Tout cela a été construit dans « l’obscurité, les blizzards et des températures au-dessous de zéro49 ». Pour le gouvernement canadien, une longue période d’indifférence à l’égard de son territoire arctique s’est traduite par une infrastructure matérielle, une présence militaire, une industrie et un contrôle physique négligeables dans le Nord. L’afflux soudain d’hommes et de matériel occasionné par la construction et l’exploitation des 63 stations radars présentait donc le potentiel de modifier radicalement l’image du contrôle canadien sur ce qui était essentiellement une terra nullius, une vaste étendue inhabitée et sans surveillance. Le Canada, n’ayant pas la capacité de payer lui-même le réseau DEW et, vu les circonstances de l’époque, n’étant pas en mesure de rejeter la proposition américaine, a consacré ses énergies à préserver l’image d’un contrôle canadien sur le projet et sur l’Arctique en général. Tous ces efforts visaient à éviter de donner l’impression, tant à la population canadienne qu’à la communauté internationale, que le Canada avait perdu le contrôle de sa zone arctique, ce qui aurait révélé la fragilité de ses revendications de souveraineté. La bataille qu’Ottawa avait menée n’avait pas pour but d’obtenir le contrôle du réseau DEW ni de s’assurer que les États-Unis respecteraient la souveraineté canadienne pendant que leurs citoyens se trouvaient dans la région. Ces deux conditions avaient été prévues et acceptées dès le départ dans les communications préalables à l’établissement du réseau50. Le Canada s’est plutôt battu pour maintenir la perception d’un contrôle canadien dans l’Arctique. Au bout du compte, la notion de la souveraineté canadienne sur la région a été maintenue et même renforcée. Le réseau DEW a permis de fortifier la position du Canada dans l’Arctique en lui procurant ce qui lui avait toujours manqué, un certain degré de présence matérielle et de contrôle physique.

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Adam Lajeunesse poursuit une maîtrise en histoire. Il étudie actuellement la souveraineté et la sécurité dans l’Arctique à l’Université de Calgary. Sa thèse examine les relations canado-américaines dans l’Arctique canadien pendant la guerre froide.

Notes

  1. Lynden T. Harris, The DEW Line Chronicles, <http://www.lswilson.ca/ dewhist-a.htm>.
  2. Kim R. Nossal, The Patterns of World Politics, Scarborough, Prentice Hall Allyn and Bacon Canada, 1998, p. 214.
  3. Cité dans Dan Philpott, « A Definition of Sovereignty », Stanford Encyclopedia of Philosophy, <http://plato.stanford.edu/entries/ sovereignty/#1>.
  4. Philpott, « A Definition of Sovereignty ».
  5. Copie exacte du B-29 américain, le Tu-34 Bull avait une autonomie d’environ 5 300 kilomètres (Joseph T. Jockel, No Boundaries Upstairs, Vancouver, University of British Columbia Press, 1987, p. 31). Alors que la plupart des missions à bord du Tu-34 étaient à sens unique en raison de sa portée limitée, le Tu-95 Bear avait quant à lui une autonomie de vol de 12 550 kilomètres (Robert Jackson [dir.], The Encyclopedia of Aircraft, Londres, Amber Books, 2004, p. 490).
  6. R. J. Sutherland, « The Strategic Significance of the Canadian Arctic », dans R. St. J. Macdonald (dir.), The Arctic Frontier, Toronto, University of Toronto Press, 1966, p. 264.
  7. Cité dans Shelagh Grant, Sovereignty or Security?, Vancouver, University of British Columbia, 1988, p. 211.
  8. Télégramme de Claxton à Heeney, le 25 septembre 1953, dans Jockel, p. 81.
  9. Brian Cuthbertson, Canadian Military Independence in the Age of the Superpowers, Toronto, Fitzhenry and Whiteside, 1977, p. 70. [C’est nous qui soulignons.]
  10. H. L. Keenleyside s’adressant à Thomas Tynan, « Canadian-American Relations in the Arctic: The Effect of Environmental Influences upon Territorial Claims », The Review of Politics, vol. 41, no 3, 1979, p. 411. Les militaires américains ne se sont pas toujours montrés aussi sensibles que leur gouvernement, ce qui a été à la source de certaines tensions durant la guerre.
  11. Grant, p. 315, note 31.
  12. Dans une note au Cabinet, le ministère des Affaires extérieures estimait que chaque station radar aurait besoin d’un effectif permanent de 200 hommes. Par comparaison, il n’y avait que 35 Canadiens sur le site de Resolute, qui comptait la population la plus importante de tout l’archipel arctique. Il n’y en avait que 7 en tout à Alert et à Eureka. (Affaires extérieures, Note : Nouveaux projets d’aménagement dans l’Arctique, le 21 janvier 1953, vol. 19, no 694, p. 1050).
  13. Lexium, Traités canado-américains : Échange de notes (le 5 mai 1955) entre le Canada et les États-Unis d’Amérique régissant l’établissement d’un réseau lointain de guet avancé en territoire canadien, <http://www.lexum.umontreal.ca/ca_us/fr/cts.1955.08.fr.html>.
  14. M. H. Wershof, Documents relatifs aux relations extérieures du Canada, Note de la 1re Direction de liaison avec la Défense, le 1er octobre 1952, vol. 18, no 690, p. 1123.
  15. Wershof, p. 1123.
  16. Département d’État américain, Foreign Relations of the United States: Memorandum by Office in Charge of Commonwealth Affairs (Peterson), Western Europe and Canada, 1952-1954, le 19 novembre 1952, vol. 10, p. 2057.
  17. Rien n’illustre mieux cette insécurité que la façon dont ont été nommées ce qu’on appelle aujourd’hui les îles de la Reine-Élisabeth. En 1954, on craignait qu’informer les États-Unis du changement de nom des îles par les voies habituelles « puisse être interprété comme un argument à l’appui d’une affirmation de la souveraineté, plutôt que comme une simple décision administrative ». Dans une belle démonstration de nonchalance diplomatique, il a été convenu de glisser le changement de nom dans le prochain communiqué à destination de Washington (Elizabeth B. Elliot-Meisel, Arctic Diplomacy, New York, Peter Lang Publishing, 1998, p. 90).
  18. Cette tendance s’appliquait en fait à tous les projets de défense canado-américains. Dans l’entente définitive régissant la construction du réseau de radars Pinetree, la mention suivante a été ajoutée : « Les États-Unis considéreront leurs contributions au projet comme des mesures d’autodéfense et non comme une aide apportée au Canada. La répartition des coûts était basée sur l’importance relative de chacune des stations pour la défense aérienne de chaque pays. » (Affaires extérieures, Documents relatifs aux relations extérieures du Canada, Extrait des conclusions du Cabinet : Defence Program, Report from Cabinet Defence Committee, le 24 janvier 1951, vol. 17, no 651).
  19. R. J. Philips, Documents relatifs aux relations extérieures du Canada, Extrait de l’annexe à la note du sous-secrétaire d’État aux Affaires extérieures pour le secrétaire d’État aux Affaires extérieures, le 19 janvier 1952, vol. 18, no 743, p. 1195.
  20. Philips, p. 1194.
  21. Jockel, p. 45.
  22. Canada, Chambre des communes, Débats, vol. 11, 1959, p. 1518.
  23. Selon le rapport annuel de 1959 déposé au Parlement, la Gendarmerie royale du Canada comptait 145 membres dans les Territoires du Nord-Ouest et 52 au Yukon. Cela comprend les forces policières régulières et ne se limite pas aux agents affectés au réseau DEW.
  24. Documents relatifs aux relations extérieures du Canada, Projet d’un rapport : Canadian Participation in the Distant Early Warning Line, le 21 décembre 1954, vol. 20, no 499, p. 1065. [C’est nous qui soulignons.]
  25. Thule est une base aérienne américaine dans l’ouest du Groenland (Documents relatifs aux relations extérieures du Canada, Policy Guidance Paper: Public Information on the North, le 28 mai 1954, vol. 20, no 509, p. 1139). Le Canada ne reprendra le contrôle de la plupart des stations qu’en 1968.
  26. Foreign Relations of the United States, Memorandum of a Canada-U.S. Conversation, Western Europe and Canada, 1955-1957, le 8 mars 1955, vol. 27, p. 852.
  27. La suggestion était qu’un commandement de l’OTAN, qui comprendrait les États-Unis, le Canada, l’Islande, le Danemark, la Norvège et possiblement la Grande-Bretagne, exploite le réseau DEW (Jon McLin, Canada’s Changing Defence Policy, 1957-1963, Baltimore, John Hopkins Press, 1967, p. 54).
  28. Département d’État américain, American Foreign Policy 1950-1955: Cooperative Arrangements for Defence. The Pinetree Line: Joint Statement by the United States and Canadian Governments, le 9 avril 1954, no 40, p. 1427.
  29. George R. Pearkes, Rapport sur la Défense nationale, 1959, Ottawa, Imprimeur de la Reine, 1959.
  30. Documents relatifs aux relations extérieures du Canada, Extrait des conclusions du Cabinet, le 22 janvier 1953, vol. 19, no 695, p. 1051.
  31. Ibid.
  32. Canada, Chambre des communes, Débats, vol. 15, 1953, p. 3541; voir aussi Documents relatifs aux relations extérieures du Canada, Projet d’une note du secrétaire d’État aux Affaires extérieures pour le Cabinet, le 21 janvier 1953, vol. 19, no 694.
  33. Documents relatifs aux relations extérieures du Canada, Note du président du Comité sur les aspects économiques des questions de la défense pour le Comité du Cabinet sur la défense : Annual NATO Review, le 22 novembre 1954, vol. 20.
  34. Documents relatifs aux relations extérieures du Canada, Extrait du procès-verbal de la réunion du Comité du Cabinet sur la défense, le 12 novembre 1954, vol. 20, no 482, p. 1044, note 482 et Compte rendu de la décision du Comité de la défense du Cabinet : Item III Experimental Project « Countercharge », vol. 19, no 689, p. 1058.
  35. Voir Harris.
  36. Benjamin Rogers, Documents relatifs aux relations extérieures du Canada, Note du chef de la 1re Direction de liaison avec la Défense pour le sous-secrétaire d’État adjoint aux Affaires extérieures, le 5 novembre 1954, vol. 20, no 479, p. 1031.
  37. Documents relatifs aux relations extérieures du Canada, Extrait du procès-verbal de la réunion du Comité du Cabinet sur la défense, le 12 novembre 1954, vol. 20, no 482, p. 1043.
  38. Brooke Claxton, Documents relatifs aux relations extérieures du Canada, Lettre du ministre de la Défense pour le premier ministre, le 21 octobre 1953, vol. 19, no 718, p. 1092-1093.
  39. Note pour le ministre, Continental Defence: Distant Early Warning Line, le 17 novembre 1954, Canada-U.S. Radar Defence System – Distant Early Warning Line (dossier no 50210-C-40, partie 2), vol. 5926, série A-3-b, RG 25, Bibliothèque et Archives Canada, p. 1 Voir aussi Alexander W. G. Herd, As Practicable: Canada-United States Continental Air Defense Cooperation, 1953-1954, thèse de maîtrise, Kansas State University, 2005, p. 80.
  40. Canada, Chambre des communes, Débats, vol. IV, 1955, p. 3955.
  41. Herd, p. 51.
  42. Documents relatifs aux relations extérieures du Canada, Projet d’un rapport : Canadian Participation in the Distant Early Warning Line, le 21 décembre 1954, vol. 20, no 499, p. 1066.
  43. Documents relatifs aux relations extérieures du Canada, Extrait du procès-verbal de la réunion du Comité du Cabinet sur la défense, le 12 novembre 1954, vol. 20, no 482, p. 1046.
  44. Voir Lexium.
  45. Sutherland, p. 270-271.
  46. David Bercuson, « Continental Defense and Arctic Sovereignty, 1945-50: Solving the Canadian Dilemma », dans Keith Neilson et Ronald G. Haycock (dir.), The Cold War and Defense, New York, Praeger Publishers, 1990.
  47. Herd, p. 87.
  48. Herd, p. 88.
  49. Western Electric Company, The Dew Line Story, <http://www.porticus.org/bell/pdf/dewline.pdf>.
  50. Voir Lexium.