OPINIONS

Le Capitaine Robert Semrau sort d’une salle d’audience militaire du terrain d’aviation de Kandahar, en Afghanistan, le 26 juin 2010.

Photo de La Presse Canadienne no 9104235 prise par M. Bill Graveland.

Le Capitaine Robert Semrau sort d'une salle d'audience militaire du terrain d'aviation de Kandahar, en Afghanistan, le 26 juin 2010.

Monsieur Robert Semrau, anciennement capitaine, est-il, du point de vue éthique, le seul responsable d’avoir achevé un blessé? Commentaires sur l’article du Lieutenant‑colonel (à la retraite) Peter Bradley, Ph. D.

par Rémi Landry

Est-il justifiable du point de vue moral d’achever un blessé par pitié sur le champ de bataille?, Revue militaire canadienne, vol. 11 (hiver 2010), p. 7 à 14. 1

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Introduction

Mon intention est de poursuivre la réflexion que mon vieux copain de plus de trente ans a publiée à l’hiver 2010 sur la moralité d’achever un blessé sur le champ de bataille.

Dans un premier temps, je tiens à souligner la clarté et la justesse des arguments soulevés par le professeur Bradley. J’y reconnais la marque du chercheur accompli qui, au fil des ans, a su approfondir sa réflexion sur l’éthique militaire, que la conjoncture nationale, il faut bien l’avouer, met régulièrement à l’avant-scène dans le quotidien de la profession militaire.

Mes observations introduiront deux nouvelles perspectives qui auraient dû être intégrées à une évaluation intégrale de la portée éthique du geste posé par le Capitaine Semrau en octobre 2008. Au préalable, je tiens à préciser que la réflexion proposée par le professeur Bradley correspond aux principes de l’éthique militaire canadienne gouvernant le processus décisionnel, tels qu’ils sont véhiculés dans les publications officielles2. Mais voilà, il me semble que l’on présume de l’universalité de l’application de ces principes, peu importent l’environnement culturel et le cadre opérationnel au sein desquels nos militaires sont appelés à travailler. Cela laisse à penser que, quel que soit le contexte, il est toujours possible de prendre une décision qui respecte parfaitement le code de conduite militaire canadien3. Se pourrait-il que la situation à laquelle a fait face le Capitaine Semrau ait été un cas typique du dilemme des actions préjudiciables4, lequel reconnaît que toutes les options envisagées causeront un tort ou un préjudice?

Deuxièmement, l’analyse offerte ne concerne que l’imputabilité du militaire et présume que l’institution militaire et les supérieurs immédiats du Capitaine Semrau sont sans reproche et n’assument aucune responsabilité dans les actions de ce dernier. Certes, c’est le Capitaine Semrau qui a consciemment et délibérément commis cet acte, mais c’est l’institution militaire qui l’a sélectionné et encadré tout au long de sa préparation et de son séjour en Afghanistan. Si aucun reproche lié au comportement du Capitaine Semrau ne peut être associé à un quelconque manquement de la chaîne de commandement, ses représentants pourraient-ils avoir une responsabilité éthique dans le geste posé, ou seraient-ils à l’abri de fautes éthiques?
J’entends donc appuyer la position du professeur Bradley en présentant les effets que l’analyse de ces perspectives pourrait avoir sur son évaluation éthique du cas étudié. Rappelons qu’il s’agit de l’étude d’un cas fictif dont les ressemblances avec la situation du Capitaine Semrau se limiteront aux circonstances présentées et à l’environnement décrit par le professeur Bradley, auxquels s’ajouteront certaines données connues. Je terminerai l’analyse par une brève conclusion.

L’éthique canadienne est-elle trop exigeante5?

Plus que jamais, il faut pouvoir intégrer le contexte opérationnel à l’environnement décisionnel au sein duquel le militaire évolue, afin de relativiser son comportement éthique6. En effet, le professeur Bradley aborde son analyse selon un contexte canadien, qui sous-entend que les règles de conduite de l’éthique canadienne s’appliquent rigoureusement peu importent l’environnement et les structures dans lesquels les militaires évoluent. Mais qu’advient-il lorsqu’un militaire doit opérer à l’extérieur du cadre canadien et qu’il doit faire siens les us et coutumes d’une culture étrangère, afin de s’y intégrer et dans le but de garantir le succès de l’opération, en faisant abstraction de ses convictions? Et qu’advient-il si ces mœurs et pratiques culturelles étrangères vont à l’encontre des nôtres et sont incompatibles avec les principes éthiques et le code de conduite canadien7? Que devons-nous faire : désobéir à un ordre légitime d’un supérieur canadien, avalisé par les autorités canadiennes, et refuser de servir dans un cadre arbitraire et possiblement non éthique? Faut-il, au contraire, s’intégrer en reconnaissant la légalité de l’opération et en admettant qu’il faudra commettre certains écarts de conduite, non voulus, dans le but de contribuer à mettre fin à une injustice encore plus grande que celle occasionnée par les écarts commis?

Il est évident que, dans de telles circonstances, les militaires feront régulièrement face à des dilemmes, quand leurs actions pourront entraîner des conséquences tant bonnes que mauvaises, et qu’il faudra alors s’en remettre à la doctrine du double effet8. Cette dernière permet de déterminer si la décision choisie génèrera autant, sinon plus, de bien que de mal, et sera donc éthiquement acceptable. Malgré la rigueur de cette doctrine, il faut reconnaître la difficulté d’évaluer correctement la portée et les conséquences véritables des actions à exécuter. De plus, rien ne garantit que l’évaluation morale qui sous-tend le processus décisionnel sera la même pour tous. Considérant le peu de temps dont il dispose, la complexité du processus décisionnel qu’il doit réaliser et l’étendue des conséquences du geste à accomplir dans de telles circonstances, le militaire est soumis à un niveau de stress tel que seule l’expérience permet de bien le gérer et de réagir promptement. Contrairement à ses supérieurs, il ne bénéficie d’aucun appui direct pour prendre sa décision, si ce n’est de son instinct et de son expérience.

De nombreux exemples historiques et contemporains qui illustrent mon propos me viennent à l’esprit : les Canadiens qui ont été parachutés lors de la Seconde Guerre mondiale afin de joindre les rangs de la résistance française et, entre autres, le coût humain du sabotage qu’ils ont contribué à causer; plus récemment, en Afghanistan, les tireurs embusqués qui ont dû repérer et éliminer délibérément des cibles humaines; en Libye, les pilotes de CF18 qui ont bombardé des cibles stratégiques sans être absolument certains qu’il n’y aurait pas de pertes de vie civiles; et enfin, les opérations de combat de tout temps qui ont lieu dans des zones habitées.

Un soldat assure la sécurité du périmètre à Nakhonay, où des patrouilles ont effectué des fouilles à la recherche de caches d’armes et de matériel nécessaire à la fabrication d’EEI

Photo du MDN no IS2011-2002-05 prise par le Caporal-chef Angela Abbey.

Un soldat assure la sécurité du périmètre à Nakhonay, où des patrouilles ont effectué des fouilles à la recherche de caches d’armes et de matériel nécessaire à la fabrication d’EEI

Rappelons brièvement les faits connus sur la situation du Capitaine Semrau. À l’époque, il était un officier subalterne occupant les fonctions de mentor auprès d’une unité afghane. Ses responsabilités lors des missions afghanes de combat consistaient principalement à accompagner et à conseiller les troupes afghanes sur les divers protocoles à suivre, à servir de point de contact avec les autorités locales de la FIAS et, comme plus haut gradé canadien, à commander les membres de son équipe de mentorat. Précisons que l’acte répréhensible est survenu quelques mois après l’arrivée du Capitaine Semrau dans le théâtre9. Ainsi, selon les conventions internationales applicables au cas qui nous intéresse, l’administration des premiers soins et l’évacuation médicale de tous les blessés sont la responsabilité première du commandant afghan et, à un niveau moindre, celle de tous les combattants présents, tant afghans que canadiens.

Compte tenu de l’attitude passive et indifférente des troupes afghanes et même des Canadiens envers le taliban blessé, telle qu’elle a été décrite par les membres de l’équipe de mentorat, on peut présumer qu’une pareille situation a pu se produire lors d’opérations précédentes et que des talibans gravement blessés ont pu être abandonnés sans recevoir les soins requis. Il s’agit là d’un comportement illégal et totalement contraire aux règles de conduite canadiennes10. Je ne peux que présumer que, conformément à ces règles de conduite, ces actions illégales ont été signalées tant aux autorités afghanes qu’aux autorités canadiennes, sans pour autant que ce type de comportement disparaisse. Cette hypothèse pourrait expliquer que le Capitaine Semrau, ayant des états de service exemplaires11, dont une période d’affectation précédente en Afghanistan avec les forces britanniques, ait décidé d’agir de la sorte. En effet, confronté au dilemme des actions préjudiciables et en accord avec la doctrine du double effet, il aurait choisi de mettre fin aux souffrances du taliban blessé, en priorisant le respect de la dignité humaine12.

Je tiens à réaffirmer que je n’ai pas suivi le procès du Capitaine Semrau et que le contexte que je décris ici n’est qu’une hypothèse servant à illustrer mon argumentation. Si l’on suppose que le Capitaine Semrau n’avait que deux options13, soit d’abandonner un taliban agonisant blessé à l’abdomen et aux jambes par des tirs de canon de 30 mm14 ou de mettre fin aux jours de cet homme afin d’écourter ses souffrances, l’acte d’achever un blessé apparaît sous un éclairage différent, qui n’exclut toutefois pas la responsabilité individuelle. Personnellement, dans les mêmes conditions, mon humanisme me dicterait de lui enlever la vie le plus rapidement possible, même si l’acte s’avérait des plus traumatisants. En effet, est-il plus réconfortant de quitter ce blessé agonisant sans lui prodiguer de soins, parce qu’il faut poursuivre la mission, et s’en remettre au destin en espérant un miracle? Dans ce contexte, quelle est la solution la plus fautive : ne rien faire ou accélérer la mort du moribond? Les deux sont tout aussi criminelles, mais l’une semble être plus humaine. En effet, selon les conventions internationales, nous avons l’obligation de venir en aide à un blessé, peu importe son affiliation; donc, quitter les lieux sans rien faire équivaut à transgresser cet impératif et constitue une faute tout aussi grave que de lui enlever la vie.

Un hélicoptère d'attaque AH-64 Apache Longbow.

Photo du MDN no IS2011-2002-05 prise par le Caporal-chef Angela Abbey.

Un hélicoptère d'attaque AH-64 Apache Longbow.

En se limitant aux deux options retenues, on peut affirmer que le Capitaine Semrau contribue directement à une exécution, quelle que soit sa décision. Cela étant dit, décider de ne rien faire engage sa responsabilité et, à un moindre niveau, celle des autres membres de son équipe, tandis que mettre fin aux jours du blessé n’entraîne que la sienne. Et que dire de la responsabilité de l’officier afghan, dont le comportement a sans doute été la cause première de ce geste illégal?

Cette situation n’est pas sans similitude avec le thème du film « Le Choix de Sophie », dans lequel l’héroïne, interprétée par Meryl Streep, est forcée de décider lequel de ses deux enfants survivra, et lequel sera envoyé dans un camp de la mort. Tout au long du film, elle se reproche le choix qu’elle a fait, alors qu’en réalité elle n’a été que la victime de cette situation, le coupable étant l’officier nazi qui l’a obligée à faire un choix non éthique. De plus, sans vouloir m’immiscer dans un débat qui fait l’objet d’une commission d’étude au Québec15, je dois dire que je vois aussi dans ce dilemme des points communs avec les questions morales soulevées par la légalisation ou la prohibition de l’assistance à l’euthanasie pour les personnes atteintes d’une maladie incurable et débilitante.

D'ailleurs, ce cas n’est pas sans me rappeler certaines situations dont j’ai été le témoin en Bosnie centrale au printemps 1993, lorsque j’étais détaché auprès de la Mission de surveillance de l’Union européenne. On nous a entre autres demandé de collaborer à une enquête sur l’existence d’un réseau de prostitution. Les résultats ont révélé que des femmes croates vivant dans une enclave à majorité musulmane qui était soumise à un embargo alimentaire imposé par les troupes croates (dont plusieurs des  membres étaient les conjoints de ces femmes), étaient contraintes de se prostituer en échange de paquets de cigarettes afin de nourrir leurs enfants. Une pénurie de cigarettes sévissait à cette époque, et un paquet se vendait près de 20 marks allemands sur le marché noir. Les familles de réfugiés bosniaques qui avaient été déplacées en Bosnie centrale refusaient à ces femmes l’accès aux files d’attente lorsqu’il y avait des distributions de nourriture dans les banques alimentaires des Nations Unies, en raison de leurs origines croates. Je me souviens aussi de discussions avec des membres du personnel des états-majors étrangers qui se permettaient de juger de la moralité des femmes yougoslaves, tandis que moi j’admirais le courage et l’abnégation dont elles faisaient preuve pour nourrir leurs enfants.

Cela me rappelle l’incapacité de la communauté internationale à protéger des civils en danger. Le personnel de la FORPRONU ne pouvait et ne devait pas leur venir en aide, car ce n’était pas inscrit dans son mandat. Je me remémore une situation particulière survenue durant cette même mission, en avril 1993 : tandis que je circulais dans un village avec un groupe d’observateurs non armés, nous avons aperçu cinq personnes couchées sur la route. J’ai alors ordonné d’immobiliser le Jeep. Au moment où je m’informais sur la situation, nous avons été la cible de tirs de plusieurs individus masqués qui s’étaient cachés derrière des bâtiments. Je n’ai donc eu d’autre choix que de quitter la scène, abandonnant ainsi à leur sort les personnes couchées sur la route. Nous n’étions pas armés, et il nous était impossible de les prendre à bord du véhicule. Quelques heures après avoir déclaré l’incident aux autorités de la FORPRONU, je suis retourné sur les lieux, mais je n’ai jamais retrouvé ces gens. Combien de fois ai-je revu mentalement cette situation et cherché à trouver la solution qui aurait permis de protéger ces pauvres gens? À ce jour, je ne sais toujours pas si mon geste était éthiquement correct ou si j’ai transgressé notre code de conduite.

Bref, malgré toute la formation sur l’éthique que nos militaires reçoivent, il semble bien que l’éthique ait ses limites en situation de conflit armé, lorsque les militaires font face à des situations où il leur faut choisir la solution qui semble avoir le moins de conséquences, selon leurs valeurs. Nous devons par ailleurs admettre que la guerre, dans sa complexité et sa nature ignoble, ne peut pas toujours être conduite selon les préceptes de l’éthique professionnelle, et qu’à l’occasion un militaire devra se contenter de choisir le moindre mal, dans le cadre d’une réflexion instinctive et selon ses valeurs personnelles. Certes, le militaire demeurera toujours responsable de ses gestes, même si le contexte et l’environnement des opérations lui sont imposés et souvent inconnus. C’est d’ailleurs cet aspect qui m’amène à considérer la responsabilité éthique de la chaîne de commandement en abordant le concept d’éthique institutionnelle.

L’éthique institutionnelle

Il incombe aux officiers supérieurs de l’Armée de terre d’anticiper l’incertitude morale inhérente à la guerre asymétrique et d’inculquer aux officiers subalternes et aux jeunes soldats des principes moraux de base sur lesquels ceux-ci pourront s’appuyer pour faire des choix moraux éclairés dans des situations ambiguës. Même si les règles générales comme notre Code de conduite sont utiles, elles ne pourront jamais se substituer aux innombrables jugements de valeur qu’exige le caractère incertain des opérations16.

Pour les besoins de mon argumentation, je qualifierai provisoirement d’« éthique institutionnelle » l’encadrement et l’apprentissage de l’éthique militaire, laquelle est aussi directement associée à l’éthos17 de la profession militaire canadienne. L’éthique institutionnelle (EI) concerne l’ensemble des fonctions requises pour la promotion et le maintien d’une éthique actualisée au sein des Forces canadiennes (FC). De plus, elle possède comme attribut d’être engendrée par la conduite éthique de l’ensemble de la haute direction des FC, ce qui comprend celle de chacun des cadres supérieurs. Ces derniers s’engagent à donner personnellement l’exemple de normes morales élevées, tout en respectant l’intégrité et la dignité de chacun de leurs subalternes. Il faut, par ailleurs, prendre conscience du fait que cette responsabilité s’accompagne d’une certaine antinomie. En effet, la haute direction est ultimement responsable du rendement des FC, tant dans le quotidien que dans l’exécution des nombreuses opérations qui leur sont confiées, de même que de l’application du Code de conduite au sein de la profession18.

Un membre de la Force opérationnelle – Kandahar assure la sécurité lors d’une patrouille à pied

Photo du MDN no AR2011-0025-088 prise par le Caporal Tina Gillies.

Un membre de la Force opérationnelle – Kandahar assure la sécurité lors d’une patrouille à pied

L’EI est donc cette imputabilité éthique que la chaîne de commandement et les cadres supérieurs qui la composent ont envers leurs subalternes dans l’exécution de leurs tâches quotidiennes. Par conséquent, le comportement éthique de ces mêmes autorités doit être révisé lorsque leurs subalternes ont des comportements inacceptables et illégaux qui ternissent l’image de la profession militaire19. Cette responsabilité éthique requiert, entre autres, que des ressources adéquates soient consacrées à l’encadrement des troupes lors de leur préparation, particulièrement pour les tâches inhabituelles se déroulant dans des environnements non conventionnels. Le devoir éthique – dont certains aspects, j’en conviens, recouvrent les responsabilités opérationnelles de la chaîne de commandement –, n’est pas pour autant illimité, mais il doit garantir un entraînement adéquat et de l’équipement approprié pour ces tâches, de même qu’un suivi convenable tout au long de leur exécution. Il importe de reconnaître que les militaires qui travaillent au sein d’une unité totalement étrangère aux modes d’opération canadiens ont des besoins forts différents de ceux des militaires qui servent dans une formation canadienne.

Par ailleurs, l’éthique individuelle de ces mêmes autorités20 devrait les obliger à s’autoévaluer lors de circonstances et d’incidents inhabituels. En outre, selon les circonstances, elle devrait les inciter à reconnaître que certaines fautes éthiques de leurs subalternes sont liées à des manquements institutionnels ou à des besoins opérationnels particuliers. Par la suite, ces autorités devraient s’engager à rétablir le degré d’imputabilité que doivent porter les membres fautifs et à corriger les lacunes institutionnelles, lorsque c’est de leur ressort21. N’oublions pas que les FC sont appelées à opérer dans des conditions de guerre où la gestion du chaos est une tâche quotidienne qu’elles doivent accomplir en respectant les conventions internationales et les lois canadiennes, lesquelles ne peuvent pas prévoir la nature de toutes les situations rencontrées et fournir un cadre de conduite approprié pour atteindre les objectifs fixés lors de ces opérations22. C’est sans doute la compréhension de ces faits qui motive les tribunaux pénaux internationaux et la Cour pénale internationale à imputer habituellement aux plus hauts gradés un degré d’imputabilité légale qui varie selon les circonstances, lorsqu’il est prouvé que des crimes de guerre ont été perpétrés par leurs subalternes. Ce n’est toutefois pas le cas ici.

Je conviens, par ailleurs, que le concept d’EI est absent des publications de la Défense nationale et que l’on est en droit de s’interroger sur sa pertinence. Mon objectif est avant tout de signifier aux cadres supérieurs que l’institution militaire a une responsabilité éthique envers l’emploi de ses ressources humaines, tout particulièrement lorsque ces dernières sont appelées à évoluer dans des environnements inhabituels. Je reconnais aussi que ce concept doit s’accompagner d’un comportement transparent et loyal de ses représentants, lesquels sont légalement subordonnés aux autorités politiques. C’est d’ailleurs ce dernier aspect du devoir des cadres supérieurs qui me pose problème, puisqu’il faut le concilier avec le respect de la dignité de toute personne. Il ne faut pas oublier que cet élément siège au sommet de la hiérarchie de l’énoncé éthique de la Défense.

En effet, comment concilier ce principe avec la nature secrète de certaines entités opérationnelles des FC et la culture institutionnelle de la suprématie de la mission inculquée à chaque militaire dès son premier jour en uniforme? À cette dimension s’ajoute la complexité des opérations militaires contemporaines, du fait de leur nature interarmées et interalliée, et la nécessité d’intégrer le caractère peu conventionnel que revêt parfois l’utilisation de la force. Il me paraît évident que ces exigences contradictoires imposées à la chaîne de commandement amènent parfois celle-ci à prendre des décisions qui comportent des conséquences prévisibles à la fois bonnes et mauvaises et qui exposent les exécutants à des paradoxes décisionnels23 et à leurs conséquences dans leur quotidien. Il suffit de considérer, entre autres, les effets du syndrome du stress post-traumatique sur de nombreux militaires qui ont servi dans des opérations guerrières récentes pour se rendre compte du plein impact de ces environnements opérationnels.

Des soldats afghans durant un exercice de contre-embuscade au Centre consolidé de mise en service de l’équipement de Kaboul. Un soldat de la Contribution du Canada à la mission de formation en Afghanistan, observe la scène

Photo du MDN no AT2011-0039-01a prise par le Caporal-chef Ror y Wilson.

Des soldats afghans durant un exercice de contre-embuscade au Centre consolidé de mise en service de l’équipement de Kaboul. Un soldat de la Contribution du Canada à la mission de formation en Afghanistan, observe la scène

Il me faut par ailleurs rappeler que les FC sont une des rares institutions canadiennes dans laquelle les relations interpersonnelles sont axées sur la notion de famille, laquelle entraîne, notamment, le respect et le bien-être de tous ses membres24. Par contre, le contexte interne et la conjoncture internationale des récentes décennies ont profondément changé la qualité des services offerts aux membres et à leur famille de façon à maintenir ce lien privilégié25. Cette relation particulière sert aussi de fondement à la confiance indéfectible envers la chaîne de commandement26, qui doit être établie et maintenue pour garantir une loyauté inconditionnelle, principalement au cours d’opérations de combat. Il est aussi bien connu que ce rapport est plus étroit au sein des unités de combat. Il va sans dire que tout manquement éthique des autorités supérieures peut avoir de lourdes conséquences sur ce lien privilégié.

Cela étant dit, si l’on tient à juger sur le plan de l’éthique les actes professionnels des militaires, on ne peut le faire sans s’intéresser à l’encadrement que l’EI a procuré à ces militaires et la nature des tâches qui leur ont été confiées. La situation étudiée concerne un officier subalterne dans un poste de mentor auprès d’une force étrangère. L’Armée nationale afghane (ANA) se distingue des FC tant par son mode d’opération que par sa culture et ses langues et, à cette époque, elle était sans doute dotée d’un code de conduite qui reflétait plus certaines des pratiques tribales et religieuses afghanes que les conventions internationales, du moins au niveau où évoluait le Capitaine Semrau.

Il convient donc d’ajouter à l’analyse éthique du professeur Bradley l’évaluation et les effets de la préparation que le Capitaine Semrau a reçue avant son déploiement. Il faut également se demander si le capitaine a bénéficié d’un suivi adéquat tout au long de son séjour en Afghanistan, et si ses supérieurs étaient informés des pratiques non éthiques de l’ANA. De plus, nous devons savoir s’il avait déjà signalé de tels agissements avant l’incident d’octobre et, le cas échéant, quelle avait été la réaction de la chaîne de commandement. Le Capitaine Semrau et les membres de son équipe étaient-ils réellement aptes à évoluer dans ce type d’environnement? En acceptant le rôle de mentor auprès des troupes afghanes, les autorités canadiennes connaissaient‑elles les dangers auxquels elles exposeraient quotidiennement leurs militaires, du point de vue de l’éthique, et quelles mesures ont-elles prises pour écarter ces dangers?

Il est évident que les réponses à ces questions pourraient changer notre façon de voir les événements du 19 octobre 2008. En effet, si l’on devait découvrir des lacunes dans l’encadrement fourni au Capitaine Semrau, son degré de responsabilité et le caractère éthique de ses actions apparaîtraient alors sous un jour différent.

En 1993, mon séjour en Bosnie avec la Communauté européenne m’a exposé à des situations où je ne pouvais compter que sur moi-même, dans un environnement inconnu auquel mon expérience militaire ne m’avait pas réellement préparé. Il n’en demeure pas moins que je me suis toujours senti pleinement responsable de mes actions. Il faut néanmoins convenir que, même si la responsabilité des actions est toujours liée à leur auteur, la chaîne de commandement doit assumer une part de cette responsabilité s’il est prouvé qu’elle a manqué, délibérément ou non, à ses devoirs. Certes, des situations extrêmes exigent souvent des mesures expéditives qui, même si elles étaient anticipées, ne seraient pas sans générer des dilemmes éthiques auxquels nos militaires ne sont pas toujours prêts à faire face.

Cette responsabilité partagée n’est pas une donnée nouvelle : elle a toujours été présente et a été institutionnalisée sur la scène internationale lors des procès de Nuremberg, au terme desquels des cadres du régime nazi, dont le général en chef Wilhelm Keitel, ont été condamnés pour avoir commis des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité en incitant leurs subalternes à commettre des atrocités. Selon la nature de ces dernières, je ne crois pas que toutes les personnes qui en ont commis, avec l’aval du régime nazi, ont été jugées comme ayant le même degré de culpabilité par les tribunaux allemands.

Par conséquent, il semble tout à fait approprié d’envisager, dans une perspective éthique, qu’il est nécessaire de revoir d’une certaine manière l’imputabilité des autorités supérieures, plus particulièrement dans les situations où la conduite de militaires fait l’objet de poursuites judiciaires et criminelles. En effet, la nature éthique de la mission à accomplir devra être évaluée, et il faudra s’assurer que les militaires ont reçu l’encadrement requis afin de pouvoir accomplir leurs tâches de façon éthique.

Conclusion

En conclusion, mon objectif n’est pas de disculper le Capitaine Semrau, qui sera toujours responsable de ses gestes, mais plutôt de montrer que la portée éthique de ses gestes ne se limitait pas au seul domaine de ses actions. Dans un premier temps, la nature et la complexité de la conduite des guerres modernes, soumises aux exigences de notre société en matière de respect de la vie humaine et des droits humains, engendreront de plus en plus de dilemmes des actions préjudiciables pour les exécutants. Ainsi, même l’adhésion à des interventions légales et légitimes, gouvernées par le droit international, causera forcément son lot de torts et de préjudices. Les opérations en environnement non conventionnel occasionneront aussi leur lot d’enquêtes sur la légalité des protocoles d’intervention et sur les actions s’y rapportant. Il suffit de rappeler la saga politique, qui n’est d’ailleurs pas encore achevée, concernant les accusations de mauvais traitements à l’égard des prisonniers afghans et d’infraction aux conventions internationales de la part des autorités canadiennes entre 2006 et 2008, de même que leurs nombreux rebondissements, pour appréhender le devenir et la portée éthique de ces nouveaux environnements de combat.

Soldats canadiens et des civils afghans

Photo du MDN no IS2011-1027-04. 30776_

Soldats canadiens et des civils afghans

Si l’attitude qu’adopte le Brigadier Bidwell de « ne pas vouloir faire trop de mal à son l’ennemi » s’avère correcte, alors toutes les guerres que nous mènerons à l’avenir comporteront une ambiguïté. Nous devrons respecter les lois de la guerre acceptées par notre société, mais nous voudrons, et en fait nous devrons, détruire la capacité de l’ennemi à combattre et lui imposer notre volonté. 27[Traduction]

Cette ambiguïté potentielle nécessite une réflexion approfondie sur cet aspect de l’éthique, présenté sous le nom d’éthique institutionnelle. Cette dernière concerne, d’une part, la préparation et le suivi adéquat des troupes, et d’autre part, la responsabilité éthique des hauts dirigeants des FC et, sans doute, de la classe politique, qui placent les troupes dans des situations dans lesquelles leurs actions auront une portée éthiquement préjudiciable. Les autorités devront donc reconnaître les dangers éthiques auxquels ils exposent leurs subalternes et assumer leur part de responsabilité à l’égard des actions exécutées par ces derniers. Ce faisant, ils seront à même de maintenir la relation privilégiée qui les lie actuellement à l’ensemble de leurs subalternes et d’en empêcher la dégradation.

Enfin, sans remettre en question la hiérarchie des principes de l’éthique militaire canadienne, j’estime tout de même que placer délibérément des militaires dans des situations où ils devront commettre des actions préjudiciables dénote un manque de respect envers leur dignité, même si on le fait pour réaliser un objectif supérieur, tel que la sauvegarde et le maintien des intérêts nationaux.

Le Lieutenant-colonel Rémi Landry, OMM, CD, Ph. D., est actuellement professeur associé à l’Université de Sherbrooke, chargé de cours à l’Université McGill et analyste militaire pour le Réseau de l’information de Radio-Canada. Il a contribué à plusieurs reprises aux travaux du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie en qualité de témoin pour le procureur, de témoin expert et de consultant pour la défense. Ses champs de recherche sont les questions de sécurité internationale, les affaires étrangères du Canada et le ministère de la Défense nationale.

Le Capitaine Semrau sort du tribunal militaire, le 19 juillet 2010.

Photo de Reuters no RTR2GJQQ prise par M. Chri s Wattie.

Le Capitaine Semrau sort du tribunal militaire, le 19 juillet 2010.

 

NOTES

  1. Je tiens à remercier Marc Imbeault, Ph. D., professeur agrégé au CMR Saint-Jean , le Major (à la retraite) Yves Simard, professeur adjoint au CMR Saint-Jean, le Colonel (à la retraite) Pierre Cadotte, ainsi que mon épouse, Danielle, qui ont soit contribué à nourrir ma réflexion sur ce sujet au cours des derniers mois, soit relu et commenté le texte final.

  2. Voir : Canada, ministère de la Défense nationale, Code de conduite du personnel des FC, B-GG-005-027/AF-023, http:/www.forces.gc.ca/jag/publications/Training-formation/CFCC-CCFC-fra.pdf; L’éthique dans les Forces canadiennes : des choix difficiles, publié sous les auspices du chef d’état-major de la Défense par l’Académie canadienne de la Défense et l’Institut de leadership des Forces canadiennes, 2006; Servir avec honneur : la profession des armes au Canada, 2004, p. 82, http://www.cda.forces.gc.ca/cfli-ilfc/doc/dwh-fra.pdf; Énoncé d’éthique de la Défense, Programme d’éthique de la Défense, modifié le 3 mars 2011, http://www.dep-ped.forces.gc.ca/dep-ped/about-ausujet/stmt-enc-fra.aspx; et Servir avec discernement : Directives du chef d’état-major de l’Armée de terre sur l’éthique dans les opérations, Édition stratégique, 2009, http://www.army.forces.gc.ca/land-terre/downloads-telechargements/aep-peat/duty-servrir/duty-servrir-fra.pdf; tous consultés en juin 2011

  3. Louis Pojman nous rappelle que, même si les principes moraux ont une valeur et une objectivité universelles, les règles morales ne sont pas sans réserve, et la majorité d’entre elles peuvent ainsi être annulées par d’autres dans certaines situations. Louis P. Pojman, Ethics: Discovering Right & Wrong, quatrième édition, Wadsworth Canada, Thomson Learning, 2002, p. 18-19.
    Malham Wakin présente cet aspect par le concept d’obligations universelles, plutôt que de principes absolus. Il décrit ces obligations comme étant non absolues, pas toujours observables et, à l’occasion, incompatibles. Par ailleurs, elles ne sont pas pour autant arbitraires, ni subjectives ou sujettes à la relativité culturelle. Elles concernent tous les êtres humains, mais ne s’appliquent pas à toutes les circonstances possibles. « Notre règle d’action est qu’il nous est justifié d’enfreindre nos obligations morales universelles seulement lorsqu’elles sont incompatibles avec une obligation supérieure, et que nous ne pouvons les concilier. » [Traduction] Malham M. Wakin, « The Ethic of Leadership I », dans War, Morality, and the Military Profession, deuxième édition, Malham M. Wakin, (éd.), Boulder, Colorado, Westview Press, 1986, p. 195-196.

  4. « … suppose une situation dans laquelle chacune des options envisagées causera du tort ou un préjudice. Ce type de dilemme est souvent décrit comme ne faisant que des perdants. » L’éthique dans les Forces canadiennes : des choix difficiles (guide de l’instructeur), Académie canadienne de la Défense et Institut de leadership des Forces canadiennes, 2006, p. 13.

  5. Plusieurs des alliés du Canada ont un code d’éthique similaire à celui des FC et, même si le respect de la dignité de toute personne est omniprésent dans la hiérarchie de leurs principes éthiques, il n’occupe pas la première place comme c’est le cas dans les FC. Lieutenant-colonel Jeff Stouffer et Stefan Seiler, Ph. D. (dir.), L’éthique militaire : Points de vue internationaux, Kingston, Ontario, Presses de l’Académie canadienne de la Défense, 2010

  6. « “Je dois respecter les règles, le mandat, et l’orientation politique”, mais, ajoute-t-il d’un air pensif, “J’examine chaque objectif… au bout du compte, c’est une question de jugement… et je suis responsable, je suis responsable devant le Canada, je suis responsable devant l’OTAN, et surtout, je suis responsable devant moi-même”. “Prenez une mauvaise décision et les mauvaises personnes meurent, ou il y a trop de victimes.” Et, ajoute le Général Bouchard, “je veux que ceux qui me connaissent le mieux puissent me regarder et me dire ‘Tu as bien agi.’” » [Traduction] Paul Koring, Commandement de la Force interarmées alliée, Naples, Italie. Canadian directing war in Libya calls it ‘… a knife-fight in a phone booth’ Globe and Mail. http://www.theglobeandmail.com/news/politics/canadian-directing-war-in-libya-calls-it-a-knife-fight-in-a-phone-booth/article2057706/page1/, consulté le 13 juin 2011.

  7. « ...les mentors militaires canadiens ont déployé beaucoup d’efforts pour enseigner à la “nouvelle armée” de l’Afghanistan le respect des droits de la personne, a dit le général [Brigadier-General Ahmed Habibi, le commandant des troupes afghanes qui ont combattu aux côtés des troupes canadiennes]. “Ce sont les Canadiens qui nous ont appris comment traiter des prisonniers de guerre”, dit-il. “Tous nos fantassins le savent maintenant. Les Canadiens nous ont enseigné comment agir selon les principes démocratiques.” » [Traduction] Matthew Fisher, Afghan commander credits Canada with weakening Taliban, Postmedia News, 13 juin 2011. http://www.globalnews.ca/world/
    Afghan+commander+credits+Canada+with+weakening+Taliban/4939059/story.html
    . Consulté le 13 juin 2011.

  8. Cette doctrine affirme qu’il est toujours moralement mal de commettre intentionnellement un acte néfaste dans le but d’amener des conséquences positives, mais qu’à l’occasion, il est acceptable d’accomplir un geste qui aura certaines conséquences négatives. Pour être admissible, le geste accompli doit obéir à quatre règles : il doit être moralement bon ou neutre, ses effets négatifs ne doivent pas être le moyen utilisé pour obtenir les conséquences positives, ses effets néfastes – même s’ils sont prévisibles – doivent être involontaires, et ses conséquences positives doivent être au moins équivalentes, sinon supérieures, aux conséquences négatives. Louis P. Pojman, p. 45-49.

  9. Le Capitaine Semrau est arrivé en Afghanistan en août 2008, et l’intervention afghane s’est déroulée en octobre 2008. Captain Robert Semrau: One of Canada's finest dismissed from the military, Assoluta Tranquillita, le lundi 21 février 2010, http://assolutatranquillita.blogspot.com/2011/02/captain-robert-semrau-one-of-canadas.html, consulté le 21 février 2011.

  10. Porter secours à un combattant blessé est un réflexe cultivé qui devient naturel chez nos militaires, et il est difficile de comprendre que des soldats d’expérience, dont, entre autres, l’Adjudant Longaphieune, membre de l’équipe de mentorat, n’aient pas eu la réaction de se porter au secours de cet homme, sauf si l’on présume que ce n’était pas la première fois que l’équipe se trouvait dans une telle situation. Les autres scénarios non retenus, compte tenu de la période d’entraînement préalable au déploiement et de la sélection auxquels tous les membres de l’équipe ont été soumis, étaient un manque flagrant de professionnalisme, un fort degré d’incompétence ou une préparation inadéquate à cette mission.

  11. « M. Perron [Lieutenant-colonel Jean-Guy Perron, juge militaire] a passé 65 minutes, mardi, à expliquer les motifs de son jugement. Il a décrit Semrau comme un officier exemplaire dont le courage et le leadership ont été signalés par de nombreux soldats. Le geste posé par le capitaine Semrau “n'était pas dans sa nature”, a ajouté le juge, tout en soulignant que cela ne diminuait pas la gravité de la faute. » John Ward, Le capitaine Semrau expulsé de l'armée canadienne, La Presse Canadienne, Gatineau, 5 octobre 2010, http://www-stg.cyberpresse.ca/actualites/dossiers/le-canada-en-afghanistan/201010/05/01-4329709-le-capitaine-semrau-expulse-de-larmee-canadienne.php, consulté le 2 juin 2011. 

  12. « …Vous avez personnellement échoué à obéir à l'un de nos plus importants principes : celui de l'utilisation de la force en accord avec des ordres légitimes, a dit le juge. Vous avez pu être déchiré entre vos valeurs morales personnelles et vos devoirs en tant que soldat canadien… » Ibid.

  13. Les informations dont nous disposons laissent à penser qu’il aurait été possible de demander une évacuation médicale auprès des forces britanniques; y avoir fait appel aurait occasionné un retard et aurait sans doute eu des répercussions sur la poursuite de l’opération.

  14. « Un hélicoptère Apache américain avait été appelé sur les lieux et a tiré plusieurs rafales avec son canon automatique de 30 mm, qui peut tirer plus de 600 coups par minute. Un peu plus tard, sur un chemin de terre étroit en bordure d’un champ de maïs, Longaphie et Haraszta tombent sur un combattant taliban grièvement blessé entouré de soldats afghans. Alors qu’il était dans un arbre, l’insurgé avait reçu des tirs de l’hélicoptère d’attaque; il avait des blessures virtuellement mortelles à l’abdomen et aux jambes. » [Traduction] Andrew Duffy, A tale of four soldiers: the day that led to Robert Semrau's court martial, Ottawa Citizen, 18 juillet 2010, http://assolutatranquillita.blogspot.com/2011/02/captain-robert-semrau-one-of-canadas.html, consulté le 2 juin 2011.
    « Mais un tel geste ne donne pas le droit d'abattre un combattant ennemi non armé, qui avait été presque tranché en deux par des tirs d'hélicoptère, a répliqué l'ancien commandant en chef des Forces canadiennes à Kandahar. » Steve Rennie, Un soldat tente de sauver la réputation du capitaine Semrau, La Presse Canadienne, Gatineau,  26 juillet 2010, http://www.cyberpresse.ca/actualites/dossiers/le-canada-en-afghanistan/201007/26/01-4301465-un-soldat-tente-de-sauver-la-reputation-du-capitaine-semrau.php, consulté le 2 juin 2011.

  15. Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité, créée en vertu d'une motion adoptée le 4 décembre 2009 par l'Assemblée nationale du Québec, Gouvernement du Québec, http://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/commissions/csmd-39-1/index.html, consulté en mai 2011.

  16. Servir avec discernement : Directives du chef d’état-major de l’Armée de terre sur l’éthique dans les opérations, paragr. 3, p. 9.

  17. L’éthos des Forces canadiennes est le centre de gravité de la profession militaire. Il fournit un cadre éthique pour le déroulement professionnel des opérations militaires, tout en constituant la base de la légitimité, de l’efficacité et de l’honneur des Forces canadiennes. Par ailleurs, il faut reconnaître que l’institution militaire est représentée et dirigée par sa chaîne de commandement, laquelle est composée principalement d’officiers supérieurs. Notre concept d’éthique institutionnelle s’opérationnalise presque exclusivement sous l’impulsion du leadership de ses officiers supérieurs. Par ailleurs, l’éthique doit s’exercer à l’intérieur des règles militaires et des lois canadiennes. 

  18. Wakin, p. 197.

  19. La Commission d’enquête sur le déploiement des Forces canadiennes en Somalie et ses conséquences illustrent bien cet aspect.  

  20. « Puisque la fonction militaire est si directement liée à nos plus grandes valeurs humaines, ceux qui assurent le leadership de cette fonction doivent être sensibles à ces valeurs et faire preuve d’une certaine compréhension de celles-ci. » [Traduction] Wakin, p. 196.

  21. Le Major-général Penney soulève clairement le besoin des officiers généraux de s’autoréglementer et les effets dévastateurs qu’un manquement éthique de leur part a sur le moral et l’efficacité de l’ensemble de la communauté militaire. Major-général K. G. Penney, « A matter of Trust: Ethics and Self-Regulation Among Canadian Generals », dans Generalship and the Art of the Admiral: Perspectives on Canadian Senior Military Leadership, Bernd Horn et Stephen J. Harris (dir.), St. Catharines, Ontario, Vanwell Publishing Limited, 2001, p. 165.

  22. « Le Brigadier Shelford Bidwell, un officier de l’armée britannique, évoque dans ses écrits que l’éthique et les exigences professionnelles sont fréquemment incompatibles. Sa remarque que “…aucun général ayant la conscience troublée ou ne voulant pas être trop dur envers son ennemi n’a gagné de guerre” laisse entendre que l’accomplissement des tâches requises pourrait poser un important problème psychologique à certains hauts gradés de la profession des armes. » [Traduction] Norman F. Dixon, On the Psychology of Military Incompetence, Londres, Pimlico, 1976, p. 15, cité dans Ian MacFarling, Ethics and the Profession of Arms, rapport de conférence, Aerospace Centre 2000 Air Power Conference, Air Power and Joint Forces, Commonwealth of Australia, 1995.

  23. C’est sans doute pour ces raisons que le chef d’état-major de l’Armée de terre a publié en 2009 Servir avec discernement : directives du CEMAT sur l’éthique dans les opérations. Cet ouvrage traite notamment de la nature des guerres asymétriques et de ses combattants.

  24. « Une des responsabilités capitales des membres de la profession est d’assurer le bien-être des subordonnés. » Servir avec honneur : la profession des armes au Canada, p. 14. 

  25. Entre autres, depuis 2007, les Services de soutien au personnel et aux familles ont été revus afin de mieux répondre aux besoins des militaires et de leur famille, compte tenu des nouveaux besoins et des répercussions des nouvelles opérations. Voir les sites de la Défense sur ces services : http://www.canada.com/news/Somnia/4308202/story.html; http://www.aspfc.ca/fr/index.asp. De plus, le ministère des Anciens Combattants a ajouté des services adaptés aux réalités d’aujourd’hui et continue d’améliorer les services qu’il offre aux nouveaux anciens combattants des années 1990.

  26. Major-général K. G. Penney, p.155-166.

  27. Ian MacFarling.