Critiques de livres

Couverture de l’ouvrage « Rethinking Western Approaches to Counterinsurgency: Lessons from Post-Colonial Conflict » par Russell W. Glenn

Rethinking Western Approaches to Counterinsurgency: Lessons from Post-Colonial Conflict

par Russell W. Glenn
Londres et New York : Routledge Taylor and Francis Group, 2015
330 pages, 155 $ US (livre relié), 40 $ US (version électronique)
ISBN 9781138819337 (hbk), 9781315744650 (ebk)

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Critique de Howard G. Coombs

Dans son livre intitulé Rethinking Western Approaches to Counterinsurgency : Lessons from Post-Colonial Conflict, Russ Glenn, Ph. D., explique que les leçons du passé doivent être soigneusement revues au regard des opérations contre-insurrectionnelles contemporaines. Il présente huit études de cas portant sur des insurrections récentes, sur lesquelles il s’appuie pour montrer que les circonstances entourant chaque conflit doivent être analysées en profondeur si l’on veut récolter des exemples pertinents et éviter d’interpréter les résultats obtenus de manière réductionniste. Les analyses illustrent avec à-propos la thèse de Glenn, selon laquelle chaque contre-insurrection postcoloniale est unique, car les défis à relever changent en fonction d’un large éventail de milieux, de sociétés et de menaces, et ce, même à l’intérieur d’un seul pays (p. 222).

Glenn reconnaît l’utilité d’étudier les opérations contre-insurrectionnelles postcoloniales qui ont suivi la Deuxième Guerre mondiale; néanmoins, il fait remarquer qu’en les examinant attentivement, on découvre que bon nombre de pratiques n’auraient pas pu être adoptées par les agents de contre-insurrection de l’époque postcoloniale. Par exemple, le cas de l’insurrection menée en Malaisie (1948-1960), que la plupart des étudiants en histoire militaire citent lorsqu’ils traitent du succès d’opérations contre-insurrectionnelles, fait ressortir qu’il était courant d’employer les pratiques suivantes, que l’on jugeait utiles : (1) le déplacement forcé de personnes, (2) l’imposition de punitions collectives, (3) la détention sans procès, (4) la déportation et (5) l’exécution de personnes. Malgré tout, certaines des leçons retenues de l’expérience des Malais sont toujours applicables, comme la nécessité d’adopter une approche interorganisationnelle globale pour lutter contre les insurgés.

Il y a beaucoup d’informations à assimiler dans Rethinking Western Approaches to Counterinsurgency. Les exemples de la Tchétchénie et de Sri Lanka prouvent qu’une force militaire peut écraser une insurrection à court ou à moyen terme, et parfois à plus long terme. À l’opposé, l’emploi restreint de la force peut donner des résultats positifs, comme le montre l’étude de la contre-insurrection menée dans le Sud des Philippines par les forces armées des Philippines, qui bénéficiaient des conseils des États-Unis. À partir de ce dernier exemple, si nous examinons le cas de l’Irlande du Nord, nous pouvons constater qu’il est souhaitable non seulement de faire un emploi restreint de la force, mais aussi de faire preuve de « persévérance ». Dans l’étude de cas suivante, qui porte sur la Sierra Leone, Glenn explique que le financement indépendant peut prolonger la durée d’une insurrection qui ne bénéficie pas de l’appui de la population. Ensuite, le cas des Îles Salomon montre les problèmes à résoudre une fois qu’une force militaire est sortie victorieuse d’une contre-insurrection, lorsque la gouvernance de l’administration nationale autochtone ne se révèle pas suffisamment efficace. Puis, une autre perspective nous est donnée dans le cadre de l’examen des exigences liées à la lutte menée en Colombie contre des groupes criminels insurgés qui, à un certain moment, contrôlaient 50 pour 100 du pays. Enfin, l’exemple de l’« Éveil » dans la province d’Al-Anbar, en Iraq, montre ce qui peut se produire lorsqu’une population se soulève contre des groupes qu’elle a déjà appuyés, et que les effets de la contre-insurrection peuvent se répandre. L’examen permet de constater que, de toute évidence, pour optimiser leurs chances de succès, les agents de contre-insurrection, les organismes en appui et le gouvernement appuyé doivent mener leurs actions de manière unie et coordonnée.

À partir des études de cas, Glenn établit une liste de neuf croyances revisitées qui nous aide grandement à nous faire une idée précise des opérations contre-insurrectionnelles qui étaient menées à l’époque postcoloniale. Ces croyances portent sur l’utilité de la force militaire, la primauté à accorder ou non à la conquête « du cœur et de l’esprit » dans la contre-insurrection, la longue durée de cette forme de conflit, le soutien au gouvernement du pays hôte, l’importance de faire preuve de patience, le rôle du gouvernement démocratique, la pertinence de pratiques du passé, les dangers que pose la présence de milices et la nécessité d’accroître la résilience sociale plutôt que l’infrastructure physique, pour alimenter la contre-insurrection. En plus de relever ces croyances, Glenn fait état d’un certain nombre de corollaires, d’observations et de réflexions qui viennent enrichir sa recherche.

En outre, Glenn propose une définition raffinée de l’insurrection contemporaine à partir de l’examen minutieux qu’il en fait. Il écrit que les insurrections peuvent être vues comme « un mouvement organisé qui cherche à ravir ou à éroder entièrement ou en partie le pouvoir souverain exercé par un ou plusieurs gouvernements constitués, en ayant recours durant une longue période à la subversion et au conflit armé » (p. 8) [TCO]. Cette définition permet aux lecteurs d’obtenir un portrait nuancé de la contre-insurrection, qui tient compte du large éventail des circonstances mises au jour dans le cadre des huit études de cas présentées dans le livre. Cette définition est un outil pour quiconque veut comprendre et communiquer des idées au sujet des luttes menées à l’heure actuelle.

Dans Rethinking Western Approaches to Counterinsurgency, Glenn jette un regard nouveau et éclairé par une recherche méticuleuse sur les caractéristiques qui distinguent les opérations contre-insurrectionnelles contemporaines. Son texte incite le lecteur à réfléchir sur la nature des insurrections et des opérations contre-insurrectionnelles. Les études de cas font autorité, sont bien écrites et forment un tout complémentaire. Avec la méthode présentée dans les chapitres du livre, les thèmes proposés par Glenn nous permettent d’établir la base à partir de laquelle nous pouvons examiner attentivement les opérations contre-insurrectionnelles postcoloniales et en comprendre tous les aspects. Le livre a une valeur inestimable pour quiconque s’intéresse aux études sur les conflits contemporains et aux opérations contre-insurrectionnelles. Heureusement, le coût relativement abordable de la version électronique permettra aux personnes qui souhaitent lire Rethinking Western Approaches to Counterinsurgency d’acheter leur propre exemplaire de cet ouvrage, qui sera sans doute fort prisé.

Howard G. Coombs., Ph. D., est professeur adjoint au Collège militaire royal du Canada, et il occupe un emploi de réserviste à temps partiel au sein de l’état-major du Quartier général du Centre de la doctrine et de l’instruction de l’Armée canadienne. Les deux établissements se trouvent à Kingston, en Ontario.