Les forces armÉes canadiennes de demain

Un soldat devant un véhicule blindé « Coyote »

Photo 160724-F-LX370-019 de l’U.S. Air Force, prise par Justin Connaher

Les compétences de base et l’Armée de terre : une relation complexe, mais porteuse de fruits

par Christopher Young

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Le major Christopher Young, CD, est officier de l’arme blindée (Lord Strathcona’s Horse) et compte plus de 30 ans de service dans l’Armée canadienne. Il est actuellement affecté au Centre de guerre terrestre de l’Armée canadienne au sein de l’équipe des concepts chargée de se pencher sur l’Armée de demain. Il poursuit des études doctorales au Département d’histoire de l’Université Concordia, et sa thèse concerne les effets des interventions occidentales sur le développement d’Haïti.

Introduction

« Les FC ont une compétence de base, et celle-ci consiste à se battre quand il le faut1. »

L’Armée canadienne a récemment adopté le concept des compétences de base et les décrit comme des « […] fonctions ou groupes de fonctions les plus importantes qui définissent l’objectif fondamental de l’Armée de terre de demain2 ». L’objectif premier de toute armée consiste d’abord et avant tout à garantir la sécurité de son pays. L’Armée canadienne y parvient en se dotant des capacités nécessaires pour mener et gagner les guerres que livre son pays. Pourtant, ces capacités sont perçues, du moins selon la conception actuelle des relations internationales, comme un outil de dernier recours.

En vertu de son mandat qui consiste à garantir la sécurité du pays, l’Armée de terre pourrait être appelée à mener des combats en sol canadien, advenant un scénario extrêmement improbable de dernier recours. De façon plus typique, elle protège le pays en participant à des opérations expéditionnaires visant à contribuer à la paix et à la sécurité internationales. Cela l’amène souvent à mener des activités et des opérations qui exigent des compétences autres que celles habituellement associées à la conduite de la guerre. De plus en plus, ces compétences sont plus judicieusement liées à ce que l’on a appelé la « construction de la nation ». Par conséquent, bien que la conduite de la guerre fasse effectivement partie des missions fondamentales de l’Armée de terre et que cela puisse en fait constituer une compétence de base, il se pourrait bien que ce ne soit pas son unique compétence de base.

But

Le présent article a pour objectif d’explorer la relation à la fois simple et complexe qui existe entre l’Armée de terre et les compétences de base. Je propose de commencer par examiner de façon générale le concept des compétences de base tel qu’il a évolué dans divers milieux, y compris le monde des affaires et celui des forces armées, puis d’étudier les divers cadres de compétences employés dans ces milieux, dans le but de cerner les pratiques exemplaires liées à l’élaboration des compétences de base.

Contexte

Jusqu’ici, dans le court laps de temps écoulé depuis l’adoption du concept des compétences de base par l’Armée de terre, ce but s’est manifesté dans un cadre selon lequel ces compétences étaient presque exclusivement axées sur le combat rapproché ou la conduite de la guerre. En 2003, dans la publication intitulée La Force de demain : vision conceptuelle des capacités de l’Armée de terre, la Direction – Concepts stratégiques (Opérations terrestres) (DCSOT) a expressément décrit la compétence de base de l’Armée de terre comme « le combat terrestre pour s’engager dans la bataille et vaincre en temps de guerre3 ». Cette compétence a été présentée comme le résultat d’un désir de faire en sorte que l’Armée de terre ne perde pas de vue « […] les éléments qui importent le plus et qui constituent l’essence de son identité et de sa raison d’être4 ». Cela a marqué, en partie, le début de la tendance à fusionner compétence et but : en effet, on lit ensuite dans la publication susmentionnée que « […] l’Armée de terre a en fin de compte pour but fondamental de défendre le pays et les intérêts vitaux de celui-ci. Elle doit donc se fier à sa compétence de base […] ».

En 2011, l’Armée de terre définissait ses compétences de base de la façon suivante : « […] la capacité de gagner les combats rapprochés; la capacité d’exécuter des engagements rapprochés (tâches de stabilité); la capacité d’établir les conditions essentielles pour assurer le succès lors des combats et des engagements rapprochés5 ». Les trois compétences ont été définies par rapport au combat, et rien n’indiquait comment ou par quel processus elles avaient été choisies. En 2014, les dirigeants de l’Armée de terre avaient ramené cette liste à une seule compétence, à savoir « la capacité de livrer des combats rapprochés et [de] réussir à neutraliser l’ennemi dans l’ensemble du spectre des opérations6 ». Plus simplement, la compétence de base de l’Armée de terre se résumait alors tout simplement à la conduite de la guerre.

Cette décision – définir la conduite de la guerre comme la compétence de base – a suscité un certain malaise. En 2014, la stratégie de l’Armée de terre précisait ce qui suit :

« [Bien que] le but premier de l’Armée de terre du Canada [soit] de défendre le pays et de protéger les intérêts nationaux […], [c]ela ne signifie pas pour autant que l’Armée de terre existe uniquement pour se battre et faire la guerre […] [L]’Armée de terre […] doit donc être prête à appuyer des missions de sécurité intérieure […] ainsi qu’à soutenir de l’extérieur des opérations de sécurité internationale, qu’elles soient de combat, de stabilisation ou d’aide7. »

La stratégie susmentionnée définissait ensuite la guerre ou les opérations de combat comme étant « sans contredit la tâche fondamentale ou principale » de l’Armée de terre; cependant, elle cernait aussi ce que ses auteurs ont appelé les « missions secondaires » dans le cadre des opérations de stabilisation et d’aide8. Enfin, l’élément le plus révélateur de la stratégie est c’est sans doute le suivant : « L’agilité à faire la transition et la capacité de s’adapter à de nouvelles situations opérationnelles seront des caractéristiques essentielles que devront posséder les chefs et les soldats9. » Par extrapolation, il devrait être évident que l’Armée de terre, en tant qu’institution, devrait se doter de compétences semblables qui lui permettraient d’effectuer la transition et de s’adapter aux circonstances facilement. Cet énoncé intriguant précise en outre que l’Armée de terre doit comprendre plus en profondeur la place des compétences de base dans son cadre stratégique concernant la transition et l’adaptation, et il attire l’attention sur la nécessité d’élaborer un cadre pour rationaliser et valider le choix de la compétence de base ou des compétences de base (un élément qui manque à l’heure actuelle).

Comprendre la compétence de base : diverses perspectives

« L’adage militaire disant que «le temps consacré à la reconnaissance est rarement perdu» s’applique tout aussi clairement au type plus personnel de reconnaissance ayant lieu dans vos propres lignes10. » [TCO]

De prime abord, on peut faire valoir que l’Armée canadienne a été plutôt indifférente au concept des compétences de base. Comme il a été susmentionné, ce concept a été étudié pour la première fois en 2003 par la DCSOT dans le document intitulé La Force de demain : vision conceptuelle des capacités de l’Armée de terre11. À l’époque, le concept n’était pas bien défini, et l’on ne s’est pas beaucoup interrogé sur la probabilité de réexaminer les compétences de base à un moment ultérieur. Aspect sans doute le plus accablant, le concept, tel qu’il était présenté dans le document de la DCSOT, tendait à fusionner le but et la compétence de base, ce qui constituait une lacune importante, vu la littérature existant à l’époque sur la compétence de base.

Le concept a été réexaminé en 2009 dans L’Armée de terre : Engagés, vers l’avant (2e édition), publication dans laquelle on définissait simplement les compétences de base comme les capacités essentielles à l’Armée de terre; on peut illustrer le concept avec la figure 112.

Essentiellement, l’Armée de terre caractérisait les compétences en leur donnant le nom de « capacités ». Elle en accroissait l’importance en reconnaissant qu’il s’agissait « […] [d]es capacités critiques de l’Armée de terre puisqu’elles définissent notre apport fondamental à l’Équipe de défense engagée dans l’atteinte des objectifs de défense du Canada13 ». La doctrine officielle de l’époque ne précisait pas clairement par quel processus ces capacités avaient été définies, comment elles avaient été choisies, ou encore comment on avait décrété qu’elles apportaient une « contribution fondamentale » à la réalisation des objectifs de défense.

En 2011, cette position a été révisée : l’équivalence simpliste établie entre « capacité » et « compétence » a été supprimée. La publication Concevoir l’Armée de terre canadienne de demain : une publication sur les opérations terrestres 2021 énonçait plutôt ce qui suit : « Toutes les capacités seront conçues pour exécuter des fonctions qui offrent ou appuient ces compétences de base (voir [f]igure 2)14. »

On peut certes voir là une légère amélioration qui éloigne le concept des compétences de base de l’équation simpliste évoquée plus haut et de la redondance créée par cette équivalence. Malgré tout, la publication s’est cantonnée dans un silence doctrinal quant à la définition, à l’élaboration et à la validation du concept. Cependant, la publication a permis d’intégrer fermement le concept des compétences de base du travail prospectif à réaliser. Elle a officiellement reconnu que les compétences de base étaient essentielles à l’Armée de terre de demain : « [L’]Armée de terre de demain s’appuiera sur sa capacité d’exercer ses compétences de base15. » En revanche, elle n’a pas indiqué comment ces compétences seraient définies ni comment elles seraient rattachées au développement des capacités.

Le monde des affaires et les compétences de base

Il convient de dire que le changement de la perception de l’Armée de terre sur les compétences de base n’est pas propre à celle-ci. D’autres secteurs qui avaient adopté le concept des compétences de base ont eux aussi repensé les meilleurs moyens de s’en servir pour en tirer profit. En fait, le monde des affaires est souvent considéré comme l’un des chefs de file du domaine, le concept ayant été formulé à la faveur de l’émergence, en 1990, de l’article aujourd’hui marquant intitulé « The Core Competence of the Corporation » et signé par deux spécialistes des affaires, C.K. Prahalad et Gary Hamel16. Ces derniers ont expressément précisé que les compétences de base devaient « constituer le cœur de la stratégie de l’entreprise17. » [TCO]

Cela semble s’apparenter à l’axe de l’Armée de terre selon lequel les compétences de base, ou les capacités, ont un lien direct avec la réalisation des objectifs de l’Armée de terre. Toutefois, l’approche du monde des affaires diffère de celle de l’Armée de terre par son orientation vers l’adaptation et la compétitivité soutenue. « À long terme, la compétitivité découle d’une capacité à acquérir, à un coût moindre que celui des concurrents et plus rapidement qu’eux, les compétences de base qui engendrent des produits novateurs18. » [TCO] Ce désir de créer de nouveaux produits fait du concept un élément important de toute organisation apprenante. Comme Prahalad et Hamel l’ont indiqué, les compétences de base résultent de « l’apprentissage collectif dans l’organisation, surtout en ce qui concerne la façon de coordonner diverses habiletés de production et d’intégrer de multiples courants technologiques […] Par “compétences de base”, on entend la communication, la participation et un profond engagement à collaborer avec les divers secteurs de l’organisation19. » [TCO] Dans les milieux d’affaires, les compétences de base sont souvent mentionnées au même titre que le capital intellectuel.

Des soldats américains font feu avec une arme antichars

Photo 141011-Z-MA638-006 du Département de la Défense, prise par le Staff Sergeant Whitney Houston

Les compétences de base et l’expérience de l’armée de terre des États-Unis

Si nous délaissons le monde des affaires, nous constatons que le concept des compétences de base le mieux établi dans le monde militaire allié figure dans la doctrine de l’Armée de terre des États-Unis. Malgré cela, le concept présente bon nombre des limites et des problèmes avec lesquels l’Armée canadienne est aux prises20. Le modèle de l’Armée de terre américaine peut être illustré par la figure 3 ci-dessous.

Le modèle de l’armée de terre américaine, tout comme celui de l’Armée canadienne, repose sur le regroupement. Cependant, l’Armée canadienne perçoit les compétences de base comme des « […] fonctions ou groupes de fonctions les plus importantes qui définissent l’objectif fondamental de l’Armée de terre de demain » [TCO], alors que l’armée de terre américaine les définit en termes de domaines de mission clés. Plus précisément, l’armée de terre américaine considère que les compétences de base sont « des capacités regroupées, organisées de façon fonctionnelle et rattachées à l’exécution ou au soutien d’une mission clé du département de la Défense, et que les diverses armées exécutent les tâches et les activités qui fournissent ces capacités21 ». [TCO] Les capacités fonctionnelles sont intégrées à des « domaines de capacités interarmées », et chacune d’elles devient alors une compétence de base qui appuie au moins un de ces domaines.

Les compétences de base ont été mentionnées pour la première fois dans la doctrine de l’armée de terre américaine dans les années 1990 et elles ont été intégrées à la pensée stratégique précisément pour appuyer la rationalisation ou l’externalisation des capacités ou des fonctions22. On souhaitait cerner les « choses » que l’armée de terre devait faire et conserver dans ses programmes, tout en permettant l’externalisation des autres « choses » ou leur élimination par suite des réductions des budgets de défense. En 2001, le concept englobait le domaine des « acquisitions et de la gestion des capacités ». Les compétences de base étaient fondamentalement perçues comme faisant partie de la notion des « fonctions de base et des fonctions autres23 ». [TCO] En 2005, les compétences de base avaient subi une autre révision stratégique et étaient désormais désignées comme les « constituantes fondamentales du concept opérationnel de l’armée de terre reposant sur les opérations dans l’ensemble du spectre [OES]24 ». [TCO]

Cette structure opérationnelle était à la fois tournée vers l’extérieur et axée sur les mesures à prendre pour répondre au besoin de mener des OES. Compte tenu de cela, l’armée de terre américaine a établi que deux domaines de capacités interarmées constituaient ses compétences de base : « les manœuvres interarmes et la sécurité de zone étendue »25. [TCO] Selon leur définition, les deux compétences permettaient de réaliser des effets particuliers :

« […] nous mettrons l’accent sur la capacité de notre armée de terre d’exécuter les manœuvres interarmes et d’assurer la sécurité de zone étendue – la première étant nécessaire pour prendre l’initiative et la seconde, pour consolider les gains et établir les conditions requises pour mener des opérations de stabilité, aider la force de sécurité et procéder à la reconstruction26 ». [TCO]

Comme l’Armée canadienne, l’armée de terre américaine a cessé de situer les compétences de base dans un processus interne pour les intégrer plutôt à son cadre de développement des capacités. Dans une monographie rédigée à la School of Advanced Military Studies du United States Army Command and General Staff College, le major Richard Dunning, de l’armée de terre américaine, a souligné que, parce que les diverses armées des forces américaines avaient du mal à adapter au contexte militaire le cadre conceptuel fondé sur le monde des affaires, elles ont plutôt opté pour une « interprétation qui traduisait un accent mis sur les capacités axées sur les résultats plutôt que sur des capacités internes qui en exploitaient d’autres27 ». [TCO] En 2011, en effet, l’armée de terre américaine définissait ses compétences de base en faisant référence à la capacité de maîtriser « un environnement stratégique en évolution rapide et de plus en plus compétitif […] qui a engendré des menaces hybrides […]28 » [TCO] Les compétences de base sont demeurées liées à la stratégie nationale et elles ont été définies comme telles précisément par la valeur de leur contribution à la sécurité nationale.

Un des reproches souvent formulés au sujet des compétences de base de l’armée de terre américaine – une critique qui peut aussi viser les choix faits par l’Armée canadienne – concerne l’accent exagéré que l’armée met sur le combat quand elle définit ses compétences29. Ce fait a été reconnu en 2011. Cherchant à rectifier le tir à cet égard, l’armée de terre américaine a créé ce qu’elle a appelé les « compétences habilitantes » [TCO]. En 2011, elle en avait défini sept : « soutenir la coopération en faveur de la sécurité; adapter les forces pour les commandants combattants; exécuter des opérations d’entrée; fournir un commandement de mission souple; soutenir les forces interarmées et les forces de l’armée de terre; appuyer les autorités civiles nationales; mobiliser et intégrer les composantes de la réserve30. » [TCO] Ces compétences sont maintenant considérées comme « essentielles à la capacité de l’armée de terre d’exécuter des manœuvres et de sécuriser des zones terrestres pour les forces interarmées » [TCO], et l’on peut y voir « une tentative d’améliorer les contributions de l’armée de terre fournies aux partenaires dans l’exécution unifiée de toute la gamme des opérations militaires31 ». [TCO]

Le major Dunning a repéré d’autres limites de l’approche du concept des compétences de base adoptée par l’armée de terre américaine. Il croit que le choix des deux compétences mentionnées plus haut – manœuvres interarmes et sécurité de zone étendue – était trop « abstrait » et qu’il a entraîné un manque de spécificité quant à « une compréhension des atouts tangibles ou intangibles nécessaires32 ». [TCO] De même, ces compétences n’indiquent aucunement, selon lui, de quelle façon l’armée de terre peut en tirer une valeur ou un avantage compétitifs. À son avis, « […] comme les compétences reposent sur des capacités mises en œuvre régulièrement et évaluées par rapport à la concurrence, les compétences “manœuvres interarmes” et “sécurité de zone étendue” ne répondent pas aux exigences fondamentales de la définition33 ». [TCO] Il convient de signaler que le major Dunning examine le concept des compétences de base de l’armée de terre du point de vue de la doctrine du monde des affaires; par conséquent, le choix de ces compétences, en raison du manque de spécificité, « […] n’offre pas un contexte suffisant pour comprendre qui est le client, quel est le fondement de la concurrence et ce que signifie “posséder un avantage concurrentiel” ». [TCO] Le major Dunning milite en faveur de l’adaptation de la doctrine du monde des affaires à la situation particulière des forces armées, relativement aux compétences de base. Jusqu’ici, à son avis, le concept a été à la fois mal compris et mal appliqué. Les mêmes arguments peuvent être formulés au sujet de l’approche de l’Armée canadienne et du choix du combat rapproché en tant que compétence de base.

Des chasseurs F-16 de l’USAF en vol

US DoD photo 140410-F-RH756-699, prise par le Staff Sergeant Jonathan Snyder

Les compétences de base et le United States Marine Corps (USMC)

En 2011, le USMC a cerné six compétences de base dans la publication intitulée The Marine Corps Vision and Strategy 2025 et les a rattachées clairement à sa stratégie. Plus précisément, les compétences de base au sein du Marine Corps sont évoquées relativement à la culture de l’organisation, qui repose sur la mentalité expéditionnaire. Les compétences de base sont liées à la question : « Que fait le Marine Corps? » et sont décrites comme suit :

  • Assurer une présence navale avancée constante et être toujours prêt à intervenir à titre de force nationale en disponibilité opérationnelle.
  • Employer des forces interarmes intégrées dans toute la gamme des opérations militaires et pouvoir fonctionner au sein d’une force interarmées ou multinationale.
  • Fournir des forces et des détachements spécialisés qui serviront à bord de navires de guerre, dans des stations et au cours d’opérations à terre.
  • Exécuter des opérations interarmées d’entrée forcée depuis la mer et élaborer des capacités et une doctrine liées aux forces de débarquement amphibies.
  • Exécuter des opérations expéditionnaires complexes dans des villes du littoral et d’autres environnements difficiles.
  • Diriger des opérations interarmées et multinationales et rendre possibles des activités interorganisationnelles34.

À la lecture de ces six compétences, il est clair que les leaders du USMC établissent une équation plutôt simple selon laquelle les compétences de base équivalent à des capacités de base. Les six « compétences » décrivent des capacités que le Marine Corps possède et elles répondent effectivement à la question posée ci-dessus : « Que fait le Marine Corps? » Cependant, la question qu’il faudrait formuler est la suivante : « Qu’est-ce qui fait du Marine Corps une formation unique en son genre? Fait plutôt intéressant, la United States Marine Corps Doctrinal Publication (MCDP) 1-0 commence à répondre à cette question dans la section suivante concernant la « projection de la puissance », ce qui fait entrevoir la véritable compétence de base du Marine Corps, en fonction du caractère unique de ce dernier.

Les compétences de base et la United States Air Force (USAF)

Passons maintenant à la United States Air Force (USAF). Celle-ci intègre également les compétences de base à son processus de planification stratégique. Elle les définit comme « la combinaison des connaissances professionnelles, de l’expertise propre à la puissance aérienne et des capacités technologiques qui produisent des résultats militaires supérieurs35. » [TCO] Il n’est pas surprenant que le processus des compétences de base de la force aérienne ne soit pas statique : l’évolution technologique, l’expertise en mutation et la transformation des réalités politiques entraînent toutes des changements au chapitre des compétences de base. En 1997, par exemple, l’USAF avait désigné six compétences de base : « la supériorité aérospatiale; l’attaque à l’échelle mondiale; la mobilité rapide à l’échelle internationale; l’engagement de précision; la supériorité en matière d’information ainsi que le soutien au combat souple36. » [TCO] En 2014, cette liste avait été ramenée à trois compétences : « former des aviateurs; appliquer la technologie au combat, et intégrer les opérations » [TCO], ce qui, comme dans le cas des compétences habilitantes de l’armée de terre américaine, était lié à six « capacités distinctes », à savoir « la supériorité aérospatiale; l’attaque à l’échelle mondiale; la mobilité rapide au à l’échelle internationale; l’engagement de précision; la supériorité en matière d’information; le soutien au combat souple, auxquelles s’ajoutent les valeurs fondamentales37. » [TCO]

Un soldat canadien surveille attentivement les environs à bord d’un véhicule de combat

Photo PA01-2016-0139-077 du MDN, prise par le sergent Jean-François Lauzé

Leçons retenues et création d’un cadre pour l’Armée de terre

Tant le Canada que les États-Unis ont axé les compétences de base de leurs forces armées sur la conduite de la guerre. Parallèlement, le malaise éprouvé concernant cette approche a amené l’armée de terre et la force aérienne des États-Unis à faire la distinction entre les compétences de base et les compétences habilitantes. Dans son ensemble, toutefois, les compétences de base cernées par les quatre armées des États-Unis – de même que l’Armée canadienne – établissent une relation plus ou moins directe et simpliste entre les notions de capacité et de compétence. Aucune entité n’a indiqué le cadre par lequel les compétences ont été élaborées, et aucune n’a défini la relation entre la définition des compétences et le cadre de développement des capacités. Enfin, dans le cas de l’armée de terre et de la force aérienne des États-Unis, comme dans celui de l’Armée canadienne, la désignation des compétences de base a reposé sur un modèle de regroupement qui attribue une valeur aux capacités en fonction de leur relation avec les domaines de mission clés. Cela comprend la notion de niveau de regroupement, ce qui permet de différencier les compétences de base et les compétences habilitantes.

Les écrits sur l’expérience américaine montrent que le concept a été adapté à la lumière des expériences et des publications des milieux d’affaires, et plus précisément sous l’influence de Prahalad et de Hamel. Cela signifie que tout cadre de compétences de base équivaut à un processus interne dans l’intention de repérer « les points forts internes de l’organisation38 ». [TCO] Compte tenu de cette intention, le cadre de compétences de l’Armée de terre devrait remplir deux fonctions élémentaires : établir un processus pour définir les compétences de base de l’Armée de terre, puis un processus pour valider ou rationaliser ces dernières.

En ce qui concerne la première fonction, Prahalad et Hamel ont établi ce qui est largement perçu, dans les milieux d’affaires et à l’extérieur, comme des critères universels pour cerner les compétences de base, à savoir que celles-ci doivent « procurer un accès à toute une gamme de marchés […] contribuer sensiblement à l’avantage du produit final perçu par le client […] et être difficiles à imiter pour les concurrents39. » [TCO] Ces critères ont été élaborés pour les milieux d’affaires, mais ils peuvent facilement et promptement être adaptés aux besoins de la collectivité militaire. Le premier critère – procurer un accès à toute une gamme de marchés – peut être perçu de deux façons par l’Armée de terre40. En termes très généraux, on pourrait dire que l’accès aux marchés suppose une capacité d’exécuter des OES. Par ailleurs, cet accès pourrait se rapporter à la notion de fonctionnement au sein d’un environnement interarmées, interorganisationnel, multinational et public (IIMP)41. Les deux volets sont reliés dans le grand contexte de l’approche globale des opérations et de la notion connexe de collaboration42. Cela nous procure des critères qui permettent d’affirmer que les compétences de base de l’Armée de terre facilitent l’exécution des OES dans un environnement IIMP.

Le deuxième critère – contribuer sensiblement à l’avantage du produit final perçu par le client – exige de l’Armée de terre qu’elle définisse qui sont ses clients et quels sont ses produits clés (finaux). L’Armée canadienne a un certain nombre de clients, tant au Canada qu’à l’étranger, dont elle doit tenir compte au moment de déterminer ses compétences de base. D’abord et avant tout, aux yeux de la population canadienne, l’Armée de terre, en sa qualité d’entité de la fonction publique, doit promouvoir l’efficience et l’économie tout en travaillant à l’exécution de sa mission fondamentale, soit garantir la sécurité du Canada. Ensuite, les dirigeants des Forces armées canadiennes (plus précisément, le commandant du Commandement des opérations interarmées du Canada [COIC]) font partie des clients de l’Armée de terre. Celle-ci doit pouvoir les satisfaire au moyen de ses trois fonctions clés, c’est-à-dire gérer, former et maintenir en puissance la force terrestre43. Enfin, et c’est là un élément connexe, les dirigeants du gouvernement canadien attendent de l’Armée de terre un produit utile qui soit d’un emploi souple et qui puisse s’adapter à des changements rapides, tout en demeurant efficient et économique. À l’externe, l’Armée de terre a l’obligation de répondre aux attentes de ses principaux alliés et des organisations internationales connexes telles que les Nations Unies et l’OTAN. Le produit fourni par l’Armée de terre, employé et contrôlé par l’intermédiaire du COIC, doit donc satisfaire à une norme telle qu’il continuera d’être bien accueilli par les alliances stratégiques et qu’il demeurera normalisé à un degré qui permettra à l’Armée de terre de mener des opérations au Canada et à l’étranger avec des partenaires clés.

Aucune. HTML ~ Des soldats à l’entraînement avec un hélicoptère CH147F « Chinook »

Photo VL08-2016-0020-062 du MDN, prise par le sergent Marc-André Gaudreault

La définition des produits de base de l’Armée de terre s’inscrit dans le contexte stratégique de leur emploi. Le produit final de l’Armée de terre correspond à « […] des forces de combat terrestres efficaces et polyvalentes [dont le but est] de satisfaire aux objectifs de défense du Canada44 ». Afin de fournir ce produit, l’Armée de terre s’est caractérisée comme suit : « L’Armée de terre constitue le centre de compétence des FC en opérations terrestres. Ceci inclut la disponibilité d’éléments terrestres des forces interarmées et la préparation d’autres membres du personnel militaire engagés au sein des opérations terrestres45. » Pour accomplir sa mission et mettre sur pied les forces terrestres nécessaires afin de contribuer aux opérations des Forces armées canadiennes (FAC), l’Armée de terre remplit trois fonctions clés qui permettent de produire ces forces terrestres : le développement des capacités des forces terrestres, l’instruction du personnel et des unités de l’Armée de terre pour fournir ces capacités, de même que la gestion du personnel, de l’équipement et de l’infrastructure des forces terrestres à l’appui de ces capacités.

Les FAC peuvent donc voir de façon informelle l’Armée de terre comme « l’unité opérationnelle » responsable des forces terrestres. Au niveau de l’Armée de terre, cependant, ces trois fonctions se manifestent dans ce que l’on peut appeler des « unités opérationnelles », c’est-à-dire en termes généraux, un processus de développement des capacités de la force terrestre, un système d’instruction et un système de gestion. En établissant le modèle actuel illustrant la relation entre les capacités, on obtient la figure suivante, sans oublier que cela repose sur la seule compétence de base actuellement définie par l’Armée de terre, adaptée librement au modèle des milieux d’affaires (voir la figure 4).

Le dernier critère – les compétences de base doivent être difficiles à imiter pour les concurrents – nécessite que l’on comprenne la concurrence dans le contexte de l’Armée de terre. Dans le monde des affaires, les compétences de base sont définies par rapport à l’adaptation et à la concurrence. En ce qui concerne la concurrence, nous devons comprendre pourquoi les clients préfèrent tel produit ou tel processus à celui offert par un concurrent. Pour reprendre les mots de Prahalad et de Hamel, la concurrence repose sur « […] une capacité à acquérir, à un coût moindre que celui des concurrents et plus rapidement qu’eux, les compétences de base qui engendrent des produits novateurs46. » [TCO] La concurrence concerne non seulement le coût et la différenciation, mais aussi l’adaptation à l’évolution des conditions du marché. À moins de comprendre cette dualité puis de la définir relativement aux concurrents, une entreprise échouera dans tout marché concurrentiel.

L’adaptation est essentielle à l’Armée de terre. Elle va dans la foulée de notre stratégie actuelle d’emploi de la force axée sur les contributions aux opérations adaptables et dispersées (OAD). Elle fait partie intégrante de la conceptualisation des FAC concernant l’environnement opérationnel de l’avenir (EOA), qui requiert que l’Armée de terre soit capable de passer à l’action et qu’elle soit prête à faire face aux surprises et à l’incertitude. L’Armée canadienne a adopté, en ce qui concerne le développement des forces, l’approche fondée sur les capacités plutôt que sur les menaces ou l’adversaire. Ainsi, bien que les adversaires éventuels subissent en fin de compte les effets des processus ou des produits de l’Armée de terre et qu’ils semblent influer sur l’élaboration des produits de base, le fait est que l’Armée de terre crée ces produits dans le cadre des opérations dans l’ensemble du spectre. En ne faisant référence à aucune activité ou campagne particulière de l’adversaire (par exemple la contre-insurrection), l’Armée de terre peut éviter les « fonctions axées sur les résultats » et rester fidèle à la notion de désignation des compétences de base fondée sur « les points forts internes de l’organisation47 ». [TCO]

D’un point de vue interne, l’Armée de terre possède trois grands groupes concurrents éventuels, et il faut tous les comprendre pour en cerner l’influence possible sur la définition des compétences de base. Le premier de ces grands groupes est celui des autres armées : la concurrence dans l’environnement national interarmées. Dans ce groupe, la concurrence repose essentiellement sur des considérations budgétaires. Les ressources disponibles étant limitées, la justification de gros achats d’équipements devient plus compétitive, et la capacité de distinguer l’Armée de terre, la Force aérienne et la Marine devient plus importante. L’élaboration de compétences de base dans un tel environnement a elle aussi été assez simpliste au fil des années, l’Armée de terre s’étant arrêtée à l’idée que sa compétence de base est celle de l’expertise en combat rapproché48. En effet, on peut considérer que les compétences de base actuelles de l’Armée de terre – « la capacité de gagner les combats rapprochés; la capacité d’exécuter des engagements rapprochés (tâches de stabilité); la capacité d’établir les conditions essentielles pour assurer le succès lors des combats et des engagements rapprochés49 » – s’inscrivent dans cet axe historique. Cependant, cela ne vaut que si l’on considère que ces compétences sont uniques et difficiles à reproduire par le personnel de la Marine ou de la Force aérienne (concurrence).

Examinons ces mêmes compétences de base par rapport au deuxième groupe concurrent de l’Armée de terre, soit celui des principaux alliés et partenaires tels que les États-Unis, la Grande-Bretagne et l’Australie. Une telle concurrence peut rapidement entraîner la perception selon laquelle les compétences de base de l’Armée de terre ne sont ni uniques, ni particulièrement difficiles à reproduire par des pays alliés. Si l’Armée de terre abordait les compétences de base du point de vue de la concurrence alliée, l’approche logique consisterait plutôt à cerner ce qui lui permet d’apporter une contribution particulière aux opérations d’une alliance ou d’une coalition. La concurrence de l’Armée de terre peut être élargie à un contexte où l’accent est mis sur les concurrents avec lesquels le Canada participera probablement à des opérations menées par une alliance ou une coalition, notamment des opérations des Nations Unies. Dans un tel environnement, les compétences de base canadiennes pourraient comprendre davantage d’éléments intangibles, par exemple un grand respect des comportements éthiques ou la notion de maîtrise de « l’art de la conduite consciencieuse »50. En effet, si nous examinons la structure de la conduite de la guerre dans le contexte d’une coalition ou d’une alliance, la maîtrise de la guerre éthique peut être perçue comme un avantage concurrentiel. De même, notre capacité à laisser une empreinte écologique sensiblement moins profonde que celle de nos partenaires internationaux au cours d’opérations expéditionnaires peut aussi laisser entrevoir une compétence de base. La clé consiste à définir ces compétences relativement aux concurrents internationaux (partenaires) de l’Armée de terre.

Le dernier groupe à mettre en lumière est celui des soi-disant sociétés militaires privées (SMP). Comme dans le cas de n’importe quel concurrent éventuel, l’Armée de terre doit reconnaître ses capacités de base et veiller à ce que les contrats qu’elle octroie ne favorisent pas l’empiétement d’une SMP sur ses processus et ses produits fondamentaux, tous définis par la désignation de compétences de base. Il ne nous appartient pas ici de traiter des compétences de base de l’Armée de terre et de l’incidence des SMP sur les opérations, mais il conviendrait de se pencher sur ce sujet à un moment donné. J’aimerais formuler un dernier commentaire sur l’externalisation et les compétences de base : nous devons comprendre que l’externalisation est le moyen par lequel une entité, telle que l’Armée de terre, « libère » des ressources en confiant à un entrepreneur le soin d’assurer des services qu’elle fournissait auparavant. Les ressources ainsi « libérées » peuvent ensuite être consacrées à l’exécution de processus fondamentaux, ce qui permet dès lors de renforcer le développement des compétences de base. L’externalisation ne peut pas servir à céder à d’autres compétences de base.

Quelle est la voie à suivre?

À la lumière de la littérature existante et de ce que savons sur les compétences de base dans les milieux d’affaires et les forces armées, il est clair qu’en continuant de considérer les capacités de base comme un regroupement quelconque de capacités sans cadre à l’appui, l’Armée de terre ferait preuve de malhonnêteté intellectuelle et adopterait une pratique peu judicieuse. À une époque de compressions budgétaires, où il devient plus nécessaire que jamais de conserver des compétences de base, l’Armée de terre risque de perdre des domaines clés qui sous-tendent ces compétences ou encore, ce qui serait pire, de financer des domaines qui ne contribuent pas aux compétences clés, ce qui priverait des domaines essentiels de ressources rares et précieuses. On peut considérer que les compétences de base servent à remplir une fonction clé. Elles permettent à une organisation de cerner les éléments, les processus et les autres atouts essentiels à la création de ses produits fondamentaux. Faute de connaître et de protéger de tels atouts, l’organisation risque d’éliminer les éléments qui favorisent la production des produits. À cet égard, il est dangereux, par exemple, de réduire les budgets en appliquant des mesures généralisées, tout comme d’externaliser des services sans avoir terminé la désignation des compétences de base.

Richard Dunning a souligné que l’armée de terre américaine s’en est tenue à son approche des opérations axée sur les résultats et qu’elle a évité d’adopter des pratiques de gestion fondées sur les compétences de base51. Nous pourrions dire la même chose de l’Armée canadienne. En ce qui concerne cette dernière, il faut clairement définir les compétences de base en comprenant bien que nous avons choisi de mener des opérations dans l’ensemble du spectre. Il est très clair que la compétence de base actuelle de l’Armée de terre – la capacité de livrer et de gagner des combats rapprochés dans l’ensemble du spectre des opérations – demeurera. En l’absence d’une analyse convenable et rigoureuse, on ne peut pas déterminer avec certitude si l’Armée de terre doit cerner et développer d’autres compétences de base pour s’assurer qu’elle pourra exécuter des opérations dans l’ensemble du spectre dans l’environnement de sécurité de l’avenir.

Des véhicules blindés légers en patrouille

Photo LF03-2016-0079-013 du MDN, prise par le caporal Andrew Wesley

Notes

  1. J. W. Hammond, « Les choses importantes d’abord! Améliorer le leadership militaire », Actes et exposés de la Conférence sur l’éthique dans la défense canadienne, 1998. Voir le site http://www.forces.gc.ca/fr/a-propos-rapports-pubs-ethique/1998-conference-leadership-militaire.page.
  2. Il convient de souligner que le présent article porte sur la question des compétences de base institutionnelles et non individuelles, qui diffèrent tant dans les faits que sur le plan conceptuel. Armée canadienne, Concevoir l’Armée de terre canadienne de demain : une publication sur les opérations terrestres 2021, Kingston, Direction – Concepts et schémas de la Force terrestre (DCSFT), 2011, p. 99.
  3. DCSOT, La Force de demain : vision conceptuelle des capacités de l’Armée de terre, 2003, p. 178. Soulignons que ce document abordait un concept futur; ce n’était pas un article qui faisait autorité sur les compétences de base.
  4. Ibid, p. 177.
  5. Ibid, p. 57-58. Précisons que la doctrine n’a pas défini ce que l’on entend par « engagement de base ».
  6. Armée canadienne, Engagés, vers l’avant : la stratégie de l’Armée, 3e éd., 2014, p. 10. Rappelons ici que la publication Concevoir l’armée de terre canadienne de demain : une publication sur les opérations terrestres 2021 abordait des concepts futurs, tandis que le document de 2014 cité ici énonçait une stratégie de l’Armée et qu’il traduisait donc une directive. Parallèlement, l’accent doit être mis sur la nature des compétences de base, et non sur le fait que la liste est passée de trois compétences à une seule.
  7. Ibid, p. 180.
  8. Dans la publication La Force de demain : vision conceptuelle des capacités de l’Armée de terre, on emploie les mots « tâche » et « mission » de façon interchangeable. Les opérations de combat sont définies comme étant à la fois une mission principale et une tâche de base ou principale de l’Armée.
  9. Ibid, p. 182-183.
  10. Captain Sir Basil Liddell Hart.
  11. Prière de noter qu’il s’agissait d’un article conceptuel et non doctrinal.
  12. Il convient de préciser que l’Armée n’a pas été la seule à adopter une définition simple de l’expression « compétence de base ». Par exemple, le groupe Cambridge Performance Partners a publié en ligne en 2013 un document qui faisait voir une relation directe (équation) entre « ce qu’une entreprise peut faire » (capacités) et « ce qu’une entreprise peut faire mieux que toute autre » (compétences de base). Le groupe a indiqué ce qui suit : « Les compétences de base sont les capacités qui ont évolué au point de conférer à l’organisation un avantage compétitif. » [TCO] Voir le site http://www.cambridgeperformancepartners.com/storage/performance-insights/CoreCompetencies.pdf.
  13. Armée canadienne, L’Armée de terre : Engagés, vers l’avant, 2 édition, 2009, Directeur – Planification stratégique (Opérations terrestres), septembre 2009, p. 25.
  14. Ibid, p. 53. La définition que l’Armée donne du mot fonction (« Activité générale, fondamentale et continue ») a été adoptée par le Conseil de normalisation de terminologie de la Défense (CNTD). Cependant, la banque de terminologie Termium du gouvernement du Canada fournit une autre définition de ce même mot : « Rôle d’un service ou d’une unité organisationnelle au sein d’une organisation ». Cette dernière définition appartient au domaine de la gestion des affaires et elle pourrait mieux convenir dans le cadre de nos discussions, étant donné que les compétences de base se retrouvent en grande partie dans le domaine de la gestion.
  15. Concevoir l’Armée de terre canadienne de demain, p. 53.
  16. Soulignons que, quand je parle d’une entreprise ou d’une société commerciale, j’emploie les termes indifféremment l’un de l’autre, mais qu’il soit bien entendu que je parle d’entités commerciales « à but lucratif ». C.K. Prahalad et Gary Hamel, « The Core Competence of the Corporation », Harvard Business Review, vol. 68, no 3, mai-juin 1990, p. 79-91. Précisons que le Lieutenant-général Frederick Rudesheim, de l’armée de terre des États-Unis, fait valoir qu’un concept antérieur (celui des « ressources invisibles »), formulé par Hiroyuki Itami, professeur à l’Université des sciences de Tokyo, a représenté la première mouture de ce que l’on a éventuellement appelé « compétences de base ». Voir Frederick Rudesheim, « Discovering the Army’s Core Competencies », US Army War College, 19 mars 2001.
  17. Vytautas Boguslauskas et Goda Kvedaraviciene, « Difficulties in identifying Company’s Core Competencies and Core Processes », Engineering Economics, vol. 62, no 2, 2009, p. 78.
  18. Prahalad et Hamel, « The Core Competence of the Corporation », p. 281. Extrait de Cynthia A. Montgomery et Michael E. Porter, Strategy: Seeking and Securing Competitive Advantage, Boston, Harvard Business School Publishing, 1991.
  19. Ibid, p. 82.
  20. Pour lire une excellente analyse des limites de l’expérience de l’armée de terre américaine concernant les compétences de base et les solutions éventuelles à adopter dans l’avenir, voir Richard E. Dunning, « The Army’s Core Competencies », Fort Leavenworth, Kansas, US Army Command and General Staff College, mai 2013.
  21. Ibid, p. 6.
  22. Ibid, p. 4.
  23. Ibid.
  24. Jeremy Sauer, Chris Stolz et Michael Kaiser, « Core Competencies for an Army of Preparation », Army, février 2014, p. 42-43.
  25. U.S. Army, Army Doctrinal Publication 1.0: The Army, 2012.
  26. U.S. Army, General Dempsey, FM 3-0 Operations. Cité dans l’article du LTG Robert L. Caslen Jr. et du LTC Steve Leonard intitulé « Beyond the Horizon: Defining Army Core Competencies for the 21st Century », paru dans Army, juillet 2011, p. 24-28.
  27. Dunning, p. 4.
  28. Les menaces hybrides sont définies comme étant « des combinaisons de groupes terroristes et criminels décentralisés et irréguliers dotés de capacités autrefois considérées comme étant le propre des États-nations. » [TCO] Voir Caslen Jr. et Leonard, p. 25.
  29. Voir Sauer, Stolz et Kaiser, p. 43.
  30. Ibid, p. 44.
  31. Ibid, p. 43. Aspect intéressant et observation faite en aparté, bien que l’Armée canadienne n’ait pas emboîté le pas aux Américains à cet égard – il n’existe aucune « compétence habilitante » dans notre doctrine –, elle a néanmoins inclus dans la publication Engagés, vers l’avant la déclaration selon laquelle « […] l’Armée doit pouvoir mettre en place les conditions essentielles qui lui permettront de réussir dans les combats rapprochés et dans les engagements rapprochés » [Engagés vers l’avant (2014), p. 10.] On ne sait pas au juste s’il s’agissait d’une allusion au besoin d’autres compétences (habilitantes), ou d’une mention flatteuse des trois anciennes compétences évoquées en 2011.
  32. Dunning, p. 43.
  33. Ibid, p. 40.
  34. United States Marine Corps Doctrinal Publication (MCDP) 1-0, Marine Corps Operations, 9 août 2011, p. 2-19 et 2-20.
  35. Propos extraits du discours prononcé le 18 octobre 1996 par le General Ronald R. Fogleman, alors chef d’état-major de l’USAF, dans le cadre du symposium de l’Air Force Association, à Los Angeles.
  36. Robert S. Dudney, « The Core Competencies of the Force », Air Force Magazine, janvier 1997, p. 24.
  37. Le site Web de l’USAF présente actuellement six « capacités distinctes », à savoir « la supériorité aérospatiale; l’attaque à l’échelle mondiale; la mobilité rapide au niveau mondial; l’engagement de précision; la supériorité en matière d’information; le soutien au combat souple, auxquelles s’ajoutent les valeurs fondamentales. » [TCO] Voir le site Web de l’USAF : http://www.airforce.com/learn-about/our-mission. Ici encore, comme dans le cas de la liste dressée par l’armée de terre américaine, on pourrait faire valoir que les compétences habilitantes de l’USAF énoncées ici étaient des missions ou des tâches, plutôt que des compétences.
  38. Dunning, p. 7.
  39. Prahalad et Hamel, 1990, p. 83-84.
  40. Du point de vue économique, un marché est considéré comme un contexte qui favorise les échanges. Il peut s’agir de systèmes, d’institutions, de processus, de relations ou d’une infrastructure particulière. Les échanges peuvent porter sur des biens, des services ou des renseignements.
  41. L’environnement IIMP est défini par l’Armée de terre comme « un cadre de partenaires interarmées, interorganisationnels et multinationaux dans un environnement public qui coopèrent à tous les niveaux de commandement afin d’atteindre des objectifs partagés ». Soulignons que l’acronyme IIMP signifie, pour l’Armée de terre, « interarmées, interorganisationnel, multinational et public », alors que pour la communauté interarmées des FAC, il signifie « interarmées, intégré, multinational et public » (Groupe d’experts en terminologie interarmées). Le terme intégré traduit l’idée qu’un but commun est atteint grâce à des efforts coordonnés et complémentaires. Voir la B-GL-300-001/FP-002, Opérations terrestres, 1er janvier 2008, section 213, para 3, p. 2-15.
  42. Le mot « collaboration » a été défini comme suit : « Processus par lequel la puissance intellectuelle, l’expérience et les connaissances collectives des équipes de commandement et d’état-major sont appliquées pour concrétiser une intention commune. » [TCO] (Définition de RDDC). Cependant, cette définition est limitée, et il conviendrait d’en élargir la portée au sein de l’approche globale des opérations. Au niveau de l’Armée de terre, cette approche met l’accent sur l’environnement IIMP.
  43. Plus précisément, cette fonction de maintien en puissance peut être perçue comme l’action de mettre sur pied des forces terrestres prêtes à mener des opérations.
  44. Engagés, vers l’avant, 2014, p. 9.
  45. Engagés, vers l’avant, septembre 2009, p. 7.
  46. Prahalad et Hamel, 1991, p. 4.
  47. Dunning, p. 7.
  48. On pourrait soutenir que la création de la famille de systèmes de combat terrestre a constitué une tentative holistique et raffinée d’élaboration d’un mode d’acquisition de l’équipement dans l’environnement interarmées, mais cela a été l’exception plutôt que la règle.
  49. Concevoir l’Armée de terre canadienne de demain, p. 53.
  50. Pareille considération fait passer la discussion sur les compétences de base directement dans le domaine du mélange des éléments tangibles et intangibles, ce qui, fait surprenant, est exactement ce qui devrait arriver (et qui, trop souvent, ne se produit pas). Des aspects tels que les valeurs culturelles du Canada que sont la tolérance et le multiculturalisme doivent être intégrés aux compétences de base, comme le système d’instruction de l’Armée de terre. Jim Storr, « Neither Art nor Science – Towards a Discipline of Warfare », RUSI Journal, avril 2001, p. 42.
  51. Dunning, p. 51.