CRITIQUES DE LIVRES

Couverture de l’ouvrage « Vimy: The Battle and the Legend »

Vimy: The Battle and the Legend

par Tim Cook
Toronto, Random House, 2017
512 pages, 33,00 $
ISBN : 978-0735233164

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Critique de Steven Bright

La victoire à Vimy : un devoir de mémoire

Dans un rapport secret à l’intention du quartier général de l’Armée et rédigé de nombreuses années après la Première Guerre mondiale, le major D. J. Goodspeed, historien militaire canadien, déclare que le temps déforme les souvenirs. Plus précisément, il avance que la force exercée par le passé sur le présent s’affaiblit de façon directement proportionnelle au passage du temps : d’autres considérations interviennent; des contre-courants d’influence émergent; et la signification accordée par le passé à un événement particulier est rapidement mise en doute1.

Vimy: The Battle and the Legend, le dernier ouvrage de Tim Cook, l’un des meilleurs (et des plus prolifiques) historiens militaires canadiens, remet en question cette corrélation temps-répercussions.

Selon la perspective de M. Cook, la bataille de Vimy est tout aussi importante aujourd’hui qu’il y a cent ans, lorsque le Corps expéditionnaire canadien (CEC), dont les quatre divisions combattaient ensemble pour la première fois, a pris le contrôle d’une crête où des dizaines de milliers de soldats français et britanniques étaient tombés au combat précédemment.

Tel n’a pas toujours été le cas.

De fait, une grande partie de ce fascinant livre de M. Cook parcourt les diverses vagues qui ont propulsé le souvenir et la signification de Vimy au fil des ans, mues par la force et les fluctuations des conditions économiques et de l’opportunisme politique, entre autres facteurs.

Pour ce faire, M. Cook se demande pourquoi Vimy est placée sur un piédestal par rapport aux autres victoires que le CEC a remportées durant la Première Guerre mondiale et la guerre qui a suivi à peine 21 ans plus tard. Pourquoi Vimy et pas Juno Beach?

M. Cook soutient qu’il y a au moins deux raisons pour lesquelles Vimy est un moment illustre de notre histoire.

Tout d’abord, les réalisations intrinsèques de la bataille de la crête de Vimy se démarquent en raison de ce que le CEC a accompli durant les combats sanglants et embourbés auxquels 2 967 Canadiens ont succombé les 9 et 10 avril 1917.

Les grandes lignes de cette bataille sont bien connues de la plupart des lecteurs, et ce, en partie grâce aux travaux antérieurs de M. Cook, tels que At the Sharp End, et Shock Troops, un ouvrage primé en deux volumes relatant l’histoire de la Première Guerre mondiale, et à un éventail croissant de nouveaux livres d’une série de jeunes historiens canadiens. [La Grande Guerre a-t-elle déjà été aussi populaire auprès des jeunes historiens? C’est formidable.]

La description que fait M. Cook des combats à Vimy est à l’image de l’action qui s’y est déroulée. L’entraînement, les raids, les explosions mortelles, et l’épuisement physique et mental vécus par les Canadiens essayant d’atteindre leurs objectifs – les lignes noire, rouge, bleue et brune – sont d’un réalisme criant sous la plume de M. Cook. Le sacrifice de la 1re Division – qui pour franchir 4 000 mètres a perdu 2 500 hommes, soit l’équivalent d’un homme tombé par 1,5 mètre, la taille moyenne d’un soldat – met nettement en relief les pertes importantes de la bataille de Vimy.

Si l’on peut faire une petite critique, ce serait la pénurie de récits de première main du 22e Bataillon, le seul bataillon francophone à avoir participé à la bataille. Cependant, M. Cook mentionne plus loin dans son livre que le 22e Bataillon n’avait guère retenu l’attention dans le Canada francophone, bien que plusieurs milliers de Canadiens français soient morts au service du roi et de la patrie.

La signification du souvenir de la crête de Vimy est moins bien connue que la bataille, et c’est là que se distingue le livre de M. Cook.

Selon M. Cook, la résilience et l’importance de Vimy découlent de plusieurs décennies de distillation de la Grande Guerre en un seul événement, et de la représentation de cet événement en une alchimie de mémoire, de perte et de fierté nationale.

La plume expressive de Pierre Berton a certainement aidé à garder Vimy dans la mémoire du public. Comme l’écrit M. Cook, le livre que M. Berton a publié sur la bataille en 1986 a mis au premier plan les nombreux fils de souvenirs qui célébraient Vimy.

M. Cook y parvient également.

D’une écriture vive, avec des notes de bas de page à l’intention des spécialistes comme des généralistes, cet ouvrage facile à lire illustre pourquoi Vimy a trouvé écho chez tant de gens au fil des décennies. Sans l’ombre d’un doute, de nombreux Canadiens qui se sont rendus à Vimy pour les célébrations du centenaire plus tôt cette année auraient lu le récit qu’y fait M. Cook du pèlerinage de 1936 à Vimy pour le dévoilement officiel du monument commémoratif, lors duquel plus de 6 000 anciens combattants de partout au Canada avaient dû être transportés par-delà l’océan.

En 1936, tout comme en 2017, de nombreux Canadiens ont partagé une expérience humaine centrée sur Vimy. Autrement dit, comme l’écrit M. Cook, « Vimy n’a pas fait la nation. C’est la nation qui a fait Vimy » [TCO].

Le monument commémoratif sur lequel ont convergé ces pèlerins joue un rôle central dans l’ouvrage de M. Cook. Il traite des difficultés qu’a rencontrées Walter Allward en tant qu’artiste cherchant à créer un monument commémoratif qui résisterait à l’épreuve du temps et met ainsi en lumière certaines questions d’ordre très pratique concernant la commémoration de la bataille de la crête de Vimy. Qui devait-on commémorer? Et comment?

Dans Vimy, nous pouvons lire qu’il a fallu quatre ans et une grande expertise pour graver au jet de sable sur le monument le nom des 11 285 Canadiens morts en France et n’ayant pas de tombe connue, et ce, à une même profondeur pour chaque nom, malgré l’utilisation de gabarits en caoutchouc spécialement conçus.

Ce genre de bribes d’information importantes montre aux lecteurs que l’auteur connait extrêmement bien son sujet, mais veut le raconter sans empressement. Le rythme et le ton de M. Cook invitent les lecteurs à s’arrêter pour réfléchir à Vimy – ce qui est tout à fait approprié, puisque le monument commémoratif de M. Allward a le même effet.

Est-ce que le monument commémoratif nous permet réellement d’atteindre les soldats tombés au combat? Bien sûr que non.

Mais comme nous le dit M. Cook tout au long de son ouvrage important et opportun, nous pouvons – et devrions – chercher à aller au-delà des simples clichés d’édification d’une nation en apprenant ce qu’on fait les soldats ce jour-là, en comprenant ce que cela signifie pour ceux qui ont perdu un membre de leur famille, et en discutant de la signification du sacrifice et du service dans le contexte des bouleversements actuels.

Les leçons et la signification de Vimy, en grande partie grâce à Tim Cook, demeurent tout aussi pertinentes aujourd’hui. Il ne fait aucun doute que la bataille de Vimy a gagné, et non perdu, de l’importance avec le temps.

M. Steven Bright est diplômé civil du programme d’études sur la conduite de la guerre du CMR. Il est rédacteur pigiste et habite à Oakville, en Ontario.

Note

  1. D.J. Goodspeed, The Origins of the First World War, Rapport no 99, Section historique, Quartier général de l’Armée, aucune date indiquée, Site Web de la Direction – Histoire et patrimoine, www.cmp-cpm.forces.gc.ca.