
Sgt Matthew McGregor, Forces armées canadiennes
Des membres des Rangers canadiens conduisant des motoneiges se déplacent dans la toundra de l’Extrême Arctique lors d’une patrouille de protection du territoire près de la baie Baring (Nunavut), dans le cadre de l’opération Nunalivut 2012.
Le Lcol Jean Leroux est un membre chevronné du personnel navigant de recherche et sauvetage (SAR) de l’Aviation royale canadienne (ARC), ayant accumulé plus de 5 000 heures de vol à bord d’aéronefs à voilure fixe et d’hélicoptères de SAR. Il est commandant de bord de l’hélicoptère CH-149 Cormorant et a dirigé plus de 350 missions de sauvetage partout au Canada. Il a vécu dans l’Arctique dans le cadre de nombreuses missions opérationnelles et d’entraînement à Inuvik, à Whitehorse, à Yellowknife, à Iqaluit, à Resolute Bay, à Eureka, à Alert et dans bien d’autres communautés de la région. Il a également mené des opérations au Groenland, en Islande et en Alaska. Le commandement du 103e Escadron de recherche et sauvetage à Terre-Neuve-et-Labrador a couronné ses quatre affectations opérationnelles. Entre 2017 et 2021, il a troqué son casque d’aviateur contre un stylo et a occupé le poste de directeur des projets d’acquisition de SAR et de mobilité aérienne de l’ARC au quartier général à Ottawa. Il détient une maîtrise en études de la défense du Collège militaire royal et une maîtrise en leadership et gestion de l’Université de Portsmouth, au Royaume-Uni. Le Lcol Leroux a fait un retour en piste et est maintenant commandant du 442e Escadron de recherche et sauvetage.
Introduction
Les pays dont la superficie se compare à celle du Canada veillent à leur souveraineté non pas en définissant et contrôlant des frontières, mais plutôt en assumant la responsabilité de leur territoire. Le gouvernement du Canada a le « devoir moral de protéger » et, pour respecter son engagement, il se dote d’organismes chargés de l’application de la loi, de premiers intervenants et, dans certains cas, d’un système de SAR. Le gouvernement du Canada a aussi l’obligation juridique de fournir un filet de sécurité aux aéronefs commerciaux et au trafic maritime sur son territoire. Dans le but de s’acquitter de cette obligation, le Canada est membre de plusieurs organisations internationales, notamment l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), l’Organisation maritime internationale (OMI) et le Conseil de l’Arctique. Le gouvernement a accepté d’adopter des normes et pratiques en matière de SAR conformément aux conventions rédigées par ces organisations.
Grâce au professionnalisme et au dévouement des hommes et des femmes qui risquent leur vie tous les jours pour sauver celle des autres, le Canada fournit une capacité de SAR réussie et durable, et ce, malgré son paysage terrestre et son climat qui posent de multiples problèmes. La force de SAR du Canada se compose d’organismes gouvernementaux fédéraux et provinciaux et de bénévoles engagés, qui chaque année s’unissent pour répondre à plus de 15 000 appels d’urgence et apporter leur aide à plus de 25 000 personnes dans les conditions les plus difficilesNote de bas de page 1. L’immensité du territoire et la diversité du climat du Canada posent des défis uniques en matière de coordination des ressources. Ces défis s’amplifient considérablement à mesure qu’on se déplace vers le nord et qu’on s’éloigne des zones peuplées, de l’infrastructure et des ressources de SAR.
À l’échelon le plus élevé, le gouvernement fédéral assure la coordination des activités de SAR. Il a divisé le territoire du pays en trois régions de recherche et sauvetage (SRR), soit Victoria, Trenton et Halifax, pour mieux administrer cette coordination. Chacune de ces régions est contrôlée par un centre de sauvetage spécialisé, soit un Centre conjoint de coordination de sauvetage (JRCC). La SRR de Trenton, qui est la plus grande, inclut la majeure partie de l’Arctique et couvre plus de 10 millions de kilomètres carrés, depuis Toronto jusqu’à Alert; cette région se situe à la limite du territoire du Canada aux abords de l’océan ArctiqueNote de bas de page 2. Dans mon article, où je procède à un examen de la répartition géographique des SRR, je propose de subdiviser la SRR Trenton en deux régions, créant ainsi une quatrième région qui couvrirait l’Arctique. Le gouvernement devrait consacrer un JRCC à cette nouvelle région.
La répartition géographique des SRR par le gouvernement fédéral ne tient pas compte des politiques en vigueur. La réorganisation des régions permettrait d’accroître la qualité de la coordination, de tirer parti de l’expertise des communautés du Nord et donc, essentiellement, d’augmenter les possibilités de sauver plus de vies dans la région du Nord. En conséquence, sur la base d’une démarche pragmatique mesurée, une SRR Arctique serait la prochaine étape logique dans l’évolution du système de SAR.
Allocation des ressources
Le statu quo?
Le réchauffement climatique et la récente activité humaine accrue dans l’Arctique ont incité le Canada et d’autres États du Nord à centrer davantage leurs efforts sur cette région. L’intérêt croissant pour le Nord, alimenté par des possibilités économiques et touristiques, et les activités accrues qui s’en suivent ont soulevé les préoccupations des Canadiens et Canadiennes. Une des préoccupations principales tient à la capacité du pays d’intervenir en cas d’urgences dans la région du Nord. La politique de défense des Forces armées canadiennes (FAC), Protection, Sécurité, Engagement stipule que « [c]ette activité accrue présentera aussi des besoins en matière de sécurité, notamment en ce qui concerne la recherche et sauvetage et les catastrophes naturelles et d’origine humaine, des défis pour lesquels le Canada devra être prêtNote de bas de page 3 ». La politique de défense a annoncé que le gouvernement du Canada va « [a]ccroître la mobilité, la portée et la présence des Forces armées canadiennes dans le Nord canadien afin d’appuyer les opérations, les exercices et la capacité de rayonnement des Forces armées canadiennes dans la régionNote de bas de page 4 ». Cependant, la présence des FAC dans le Nord est coûteuse : l’ajout d’avions, de navires et de bases militaires entraîne de grandes dépenses monétaires.
La zone d’opérations de l’Arctique est énorme et se caractérise par un rude climat, une faible densité de population et un manque d’infrastructure. L’Arctique canadien représente 40 p. 100 de la masse terrestre du pays, mais seulement 0,3 p. 100 de la population y vit. Cette proportion représente environ 110 000 personnes qui vivent au Nunavut (Nt), dans les Territoire-du-Nord-Ouest (T.N.-O.) et au Yukon (Yn), l’équivalent de moins de 0,1 personne par kilomètre carréNote de bas de page 5. La plupart des missions de SAR se déroulent dans la partie méridionale du pays, où les activités et la population sont plus nombreuses. De ce fait, les ressources de SAR sont concentrées dans le sud du Canada.
Malgré l’accroissement des activités dans l’Arctique, le nombre d’incidents qui nécessitent une intervention en SAR est resté faible. Selon une étude menée par le ministère des Pêches et Océans entre 1996 et 2011, le nombre d’incidents de SAR qui ont exigé des ressources des FAC n’a pas augmenté au nord du 60e parallèle. Dans l’ensemble, le nombre d’incidents de SAR dans la région représente moins de 5 p. 100 de tous les incidents qui demandent l’intervention d’un aéronef des FAC. Pour le colonel Danny Poitras, président du Groupe consultatif sur la capacité SAR de l’ARC, ce faible taux d’incidence justifie l’allocation de ressources dans la région populeuse du Sud, au détriment de l’ArctiqueNote de bas de page 6.
De même, les activités maritimes se sont accrues, mais cela ne s’est pas traduit par un nombre plus élevé d’incidents, probablement grâce au renforcement de la sécurité des transports et aux progrès dans les technologies de surveillance et les communications. La situation met aussi en évidence une tendance intéressante : l’activité humaine accrue dans le Nord et la mise en place de l’infrastructure connexe rendent la région moins austère et plus sécuritaire.
La Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada (voir le paragraphe 131[1] et l’article 132) constitue un autre élément qui contribue à accroître la sécurité dans le Nord, et ce, malgré l’activité humaine accrue. Il est stipulé que les matelots ont l’obligation d’être de bons Samaritains si un autre navire est en détresse. Donc, la hausse du trafic dans le Nord peut être source de détresse et source d’assistance en mer. Le paquebot de croisière de luxe Crystal Serenity pendant sa traversée du passage du Nord-Ouest en 2016 en est un bel exemple. La CBC a indiqué que si la sécurité à bord du Crystal Serenity était compromise, le système de SAR du Canada ne suffirait pas. Les faits portaient à croire le contraireNote de bas de page 7. Le Crystal Serenity était escorté par le RRS Ernest Shackleton, un navire britannique paré à intervenir en cas d’urgences puisqu’il est équipé d’une salle d’opération et qu’il compte des équipes médicales et deux hélicoptères de bordNote de bas de page 8. Le Crystal Serenity était autosuffisant et avait une capacité de SAR et de soins médicaux qui lui permettaient de venir en aide aux autres navires qui traversaient les mêmes régions du Nord.
Le Crystal Serenity était parmi les plus grands paquebots de croisière de luxe à s’aventurer dans l’Arctique et ses préparatifs de départ étaient irréprochables grâce à de nombreuses années de recherche et de collaboration avec les autorités des États-Unis, du Canada et du Danemark (Groenland), ce qui inclut des études des itinéraires, des plans d’évacuation massive, des exercices d’intervention en SAR et, finalement, une simulation de mission complète au centre d’entraînement maritime à St. John’s, à Terre-Neuve. De plus, la société Crystal Cruises a affecté quatre officiers réputés de navigation dans les glaces, de l’équipement de survie et des rations en quantité supérieure aux exigences prescrites, du matériel d’intervention en cas de pollution par hydrocarbures et des embarcations de sauvetage gonflables à coque rigideNote de bas de page 9. Il serait naïf de penser, au Canada et dans d’autres États du Nord, que tous les aventuriers et voyageurs disposeront dorénavant de ces moyens coûteux d’autoévacuation. À l’opposé, rappelons-nous le paquebot de croisière russe Gorky qui a percuté un iceberg au large de l’Islande en 1989, un accident qui a forcé l’évacuation de 1 000 passagers par les autorités de la Norvège.

Cavalier Marc-André Leclerc, 5 GBMC, Forces armées canadiennes
Un membre du 12e Régiment blindé du Canada est à l’affût des signes de la présence d’ours polaires au camp de Crystal City, au cours de l’exercice GUERRIER NORDIQUE, à Resolute Bay, au Nunavut, le 28 février 2019.
En faut-il plus?
Le Nord semble peut-être de plus en plus sécuritaire au fur et à mesure que la fréquence des activités augmente, mais le manque d’installations gouvernementales permanentes de SAR dans l’Arctique demeure un sujet de préoccupation. Au vu de l’accroissement des activités dans la région, la gouvernance actuelle en matière de SAR a alimenté bon nombre de débats et de demandes concernant la création, au sein des FAC, d’une unité primaire de SAR dans le NordNote de bas de page 10. En raison des froids extrêmes et du manque d’accès aux soins de santé, les personnes en détresse dans l’Arctique ont de moins bonnes chances de survie que les personnes impliquées dans un incident dans le Sud. Cela est d’autant plus vrai s’il s’agit d’un écrasement d’avion ou d’un incident de navigation puisque, dans les deux cas, il faut prodiguer des soins immédiats aux victimes et les protéger contre les intempéries.
Dans une étude menée au début des années 2000, on fait deux observations en matière de SAR. Premièrement, on observe une hausse des besoins liés à la capacité de SAR. Deuxièmement, on estime que les délais d’intervention actuels des FAC/de la Gendarmerie royale du Canada (GRC)/de la Garde côtière du Canada (GCC) sont peut-être trop longs. On tire la conclusion que le décalage entre les ressources de SAR disponibles et la hausse des activités dans le Nord pourrait entraîner une intervention inappropriée en cas d’urgencesNote de bas de page 11. De plus, peu de progrès ont été réalisés au cours des deux dernières décennies pour améliorer l’intervention du Canada dans des opérations de SAR dans le NordNote de bas de page 12. La situation est problématique puisqu’elle crée des écarts dans l’accès aux ressources au sein de la population selon l’emplacement géographique.
Politiques
Je propose dans le présent article un concept qui se divise en deux étapes, c’est-à-dire délimiter une région de SAR de l’Arctique et mettre sur pied un JRCC consacré à cette région. La première étape est un simple exercice sur papier et consiste à redéfinir les frontières des régions dans le document de politique intitulé Canadian Air and Maritime Search and Rescue Manual (CAMSAR). Les nouvelles frontières, qui pourraient entrer en vigueur en un rien de temps, témoignent clairement de la vision des Canadiens et Canadiennes en ce qui concerne la recherche et sauvetage dans l’Arctique. La deuxième étape, qui doterait la région nouvellement définie de son centre de sauvetage, est un processus qui exige beaucoup de ressources et qui aura la plus grande incidence. La création d’un SRR Arctique est non seulement rentable, mais elle répond également à la démarche politique adoptée par le gouvernement à l’égard de l’Arctique. La politique étrangère du Canada pour l’Arctique « décrit en détail les manières dont le Canada fera preuve de leadership et travaillera en collaboration avec les autres intervenants pour assurer une gestion responsable et consolider les assises d’une région réceptive aux intérêts et aux valeurs du paysNote de bas de page 13 ».
Trois des quatre piliers s’appliquent ici. Le premier concerne la souveraineté, ce qui confirme, encore une fois, que les services militaires de SAR dans le Nord constituent des moyens efficaces et abordables de veiller à la souveraineté du territoire revendiqué. Le deuxième concerne la promotion du développement économique et social pour donner des moyens d’agir aux habitants du NordNote de bas de page 14. Un JRCC Arctique situé à Iqaluit ou ailleurs dans le Nord répondrait aux critères de ce pilier. Il fournirait un bassin d’emplois très stables où les connaissances et compétences des Autochtones de la région constitueraient un atout inestimable. Il y a beaucoup à apprendre de l’ingéniosité et de la capacité d’adaptation de la population nordique. La politique pour l’Arctique soutient qu’une économie créative, dynamique et durable dans le Nord et que l’amélioration du mieux-être social des habitants de la région sont essentiels pour libérer le vrai potentiel du Nord canadienNote de bas de page 15. De plus, Protection, Sécurité, Engagement met au premier plan l’importance de la population du Nord. La politique se lit comme suit : « [c]omme les collectivités autochtones sont au cœur de la sécurité dans le Nord, nous chercherons également à élargir et à resserrer nos relations importantes avec ces collectivités […] Ces efforts viseront également à favoriser une participation des populations locales aux opérations et exercices courantsNote de bas de page 16 ».
Le dernier pilier de la politique du Canada pour l’Arctique, « [a]méliorer et décentraliser la gouvernance : habiliter les résidants du Nord », fait rayonner la SRR Arctique. Il vise une plus grande autonomie économique et politique des habitants du NordNote de bas de page 17. Donc, la mise sur pied d’un réseau coordonné en SAR renforcera la position des habitants du Nord.
Will Greaves a indiqué que la souveraineté dans l’Arctique devait être conceptualisée dans l’optique des habitants de la région, que les points de vue de ces derniers devaient être au centre de l’élaboration de politiquesNote de bas de page 18. Les membres d’une organisation située dans le sud de l’Ontario ne possèdent pas des connaissances aussi profondes et riches sur l’environnement unique du Nord que la population locale. Le transfert de la gouvernance du Sud au Nord dans le réseau de SAR est une étape facile à réaliser et importante vers l’atteinte de l’objectif fondamental de la politique étrangère du Canada pour l’Arctique, qui est d’assurer le mieux-être de la population du Nord.
Une SRR Arctique cadre également avec les conventions internationales. En effet, l’Arctique s’étend au-delà du territoire du Canada et est une vaste région que se partagent de nombreux États de l’Arctique, à savoir le Canada, le Danemark, la Finlande, l’Islande, la Norvège, la Fédération de Russie et la Suède. En 1996, ces pays ont formé le Conseil de l’Arctique, une tribune intergouvernementale qui encourage la coopération, la coordination et l’interaction entre les États de l’Arctique, les peuples autochtones de l’Arctique et les autres habitants de l’ArctiqueNote de bas de page 19. En mai 2011, à Nuuk, au Groenland, le Conseil de l’Arctique a signé sa première entente exécutoire négociée dans l’Arctique, laquelle a joué « un rôle important […] pour la sécurité du transport et l’amélioration de la coopération dans le but de venir en aide aux personnes en détresse dans l’ArctiqueNote de bas de page 20 » [TCO].
Les États membres du Conseil de l’Arctique soulignent que la recherche et sauvetage est une priorité et un moyen de relier les communautés. La recherche et sauvetage est un sujet de préoccupation constant qui exige la coopération entre eux, leur permettant ainsi d’agir comme une seule entité. Le centre de sauvetage de la SRR Trenton représente le Canada au Conseil. Même si Trenton atteint ses objectifs, un groupe de professionnels en SAR de l’Arctique, comme le JRCC Arctique que je propose, formerait l’organisation idéale pour exercer un leadership à titre de spécialistes du domaine dans l’ensemble de la communauté internationale.
Solution
Une présence en SAR permanente dans l’Arctique devra essentiellement se fonder sur le modèle des bases situées dans les latitudes plus basses, ce qui inclut des avions et des installations consacrés aux interventions de SAR dans le Nord. Il faudra déterminer la combinaison optimale d’équipement et à cette fin, et faire des recherches sur l’équipement pour qu’il soit adapté à l’environnement d’opérations de l’Arctique. Les recherches pourraient porter sur les véhicules aériens sans pilote (UAV) et les ressources traditionnelles de SAR. Il y aura du travail à faire en matière d’approvisionnement et de sélection des sites, mais dans un avenir prévisible il faudra utiliser les ressources des autres bases de SAR. Concrètement, la gestion et la coordination de la nouvelle SRR n’exigeraient pas immédiatement du nouvel équipement des FAC ou de la GCC. Au besoin, le JRCC Arctique aurait accès aux ressources du Sud, comme c’est le cas pour la coordination actuelle des incidents de SAR dans le Nord par la SRR Trenton. Les équipes actuelles du JRCC utilisent les ressources les mieux adaptées à la tâche. Si, par exemple, un marin est porté disparu au large de Resolute Bay, un CC-130H Hercules de Trenton et un CH-149 Cormorant de Gander pourraient participer aux opérations. La solution ne repose que sur l’utilisation de la bonne ressource au bon moment. Une base de SAR et des ressources aériennes en permanence dans l’Arctique augmenteraient l’efficacité de l’intervention. Dans cet article, j’avance l’idée qu’une SRR Arctique administrée dans le Nord permettrait d’établir et d’élargir des besoins précis pour accroître les ressources gouvernementales dans l’Arctique et, finalement, y installer une base de SAR appropriée qui serait exploitée par les FAC/la GCC.
Les trois SRR actuelles et les centres de sauvetage associés sont illustrés dans la figure 1.

Source : Examen quadriennal des activités de recherche et de sauvetage, Secrétariat national Recherche et sauvetage
Figure 1 : Délimitation actuelle des frontières des régions de recherche et sauvetage (SRR) du Canada et les Centres conjoints de coordination de sauvetage (JRCC) qui y sont associés.
Cliquer pour agrandir l’imageLa SRR proposée dans l’Arctique couperait la SRR Trenton et correspondrait à la zone d’opérations du Nord des FAC, comme l’illustre la figure 2.

Source : Auteur
Figure 2 : Délimitation proposée des frontières de la région de recherche et sauvetage (SRR) Arctique
Cliquer pour agrandir l’imageDeux éléments distincts composent la gouvernance régionale de la recherche et sauvetage, c’est-à-dire une structure de commandement et contrôle (C2), ce qui inclut les effectifs et le commandant nécessaires, et un centre de sauvetage proprement dit. Par exemple, le JRCC Trenton se situe à Trenton, en Ontario, alors que le C2 de la SRR est intégré à la 1re Division aérienne du Canada, à Winnipeg. Les deux éléments sont complémentaires, mais ne doivent pas nécessairement se trouver au même endroit. Il faut poursuivre les recherches pour déterminer l’emplacement idéal du C2 et du JRCC dans l’Arctique. Cependant, il y aurait lieu d’utiliser une structure militaire de C2 déjà établie dans le Nord pour réduire les effectifs nécessaires et les coûts. Actuellement, la gouvernance de la défense dans le Nord est assurée par la Force opérationnelle interarmées (Nord) [FOIN], qui est le détachement militaire situé à Yellowknife qui supervise toutes les opérations de défense au nord du 60e parallèle. En termes de mission, la FOIN « assurera la souveraineté du Canada et contribuera aux opérations de sûreté, de sécurité et de défense dans le NordNote de bas de page 21 ». Elle est dotée du cadre et de la structure de commandement nécessaires pour assumer des responsabilités semblables à celles d’autres régions de recherche et sauvetage. Cette structure militaire de commandement peut absorber la structure de commandement de SAR pour une autre région sans trop augmenter les effectifsNote de bas de page 22.
La création d’un JRCC Arctique viendra compléter le C2, mais constituera sans aucun doute le plus important engagement financier. Le centre, qui serait un lieu de travail physique permettant la coordination des incidents de SAR dans la nouvelle région, devrait idéalement se situer à Iqaluit, au Nunavut, qui est la région nordique comptant le plus grand nombre d’incidents de SAR. De plus, la plupart des activités dans l’Arctique seraient dans l’avenir axées sur le trafic maritime accru en raison du passage du Nord-Ouest de plus en plus accessible et de la hausse du tourisme dans le Nord, c’est-à-dire du nombre d’aventuriers sur l’île d’Ellesmere, près d’Iqaluit.
Généralement, les effectifs d’un JRCC se composent de membres de l’ARC, qui essentiellement s’occupent des urgences aéronautiques, et de membres de la GCC, qui coordonnent les interventions en cas d’urgences maritimes. Le JRCC Arctique que je propose est innovateur en ce qu’il inclurait d’autres acteurs qui coordonneraient les interventions de SAR au sol et, ainsi, il serait un centre réellement inspiré du service 911 pour tous les incidents aériens, maritimes et terrestres qui se produisent dans l’Arctique. La GRC est l’organisme responsable de la recherche et sauvetage au sol dans le Nord. Le nouveau JRCC réserverait une place à la GRC dans la salle des opérations pour permettre une étroite collaboration avec l’ARC et la GCC.
Sous-élément de la Réserve des FAC, les Rangers canadiens constituent une des meilleures ressources dans le Nord canadien. Ils sont les yeux et les oreilles dans le Nord et ils effectuent des patrouilles et forment des détachements pour les missions de sécurité nationale et publique dans les régions nordiques, côtières et éloignées du CanadaNote de bas de page 23. Ils sont reconnus pour leur souplesse, leur rentabilité, leur inclusivité culturelle et leur approche communautaire, autant de caractéristiques qui leur permettent d’être un atout vital de la défense dans le NordNote de bas de page 24. Un moyen efficace de développer la capacité de SAR dans le Nord serait d’intégrer les Rangers canadiens au JRCC Arctique proposé. Ainsi, l’intégration de la science autochtone et du savoir traditionnel au processus décisionnel permettrait une meilleure intervention en cas d’urgences, et cela s’aligne sur la déclaration commune du Canada et des États-Unis en mars 2016 sur le leadership dans l’Arctique qui vise à tirer parti des connaissances et des capacités du Nord pour la prise de décisions concernant l’ArctiqueNote de bas de page 25.
L’Association canadienne des volontaires en recherche et sauvetage (ACVRS) est une autre organisation qui mérite une attention particulière. L’ACVRS représente 300 équipes et 12 000 volontaires partout au Canada et joue un rôle actif dans la recherche et sauvetage au sol au pays, ce qui inclut le Nord. Il s’agit d’une organisation enregistrée sans but lucratif et à des fins pédagogiques qui vise à soutenir, à développer, à guider, à promouvoir et à mettre en œuvre des interventions approuvées de recherche et sauvetage au sol en cas d’urgences conformément au principe sous-jacent qui est de sauver des viesNote de bas de page 26. L’association de volontaires formés compte 34 équipes de SAR au nord du 60e parallèle et possède donc une vaste expérience de l’ArctiqueNote de bas de page 27. L’ACVRS a également une place au sein du JRCC Arctique proposé. La figure 3 illustre le concept du JRCC Arctique.

Source : Auteur
Figure 3 : Structure proposée du Centre conjoint de coordination de sauvetage (JRCC) Arctique
Cliquer pour agrandir l’imageLes huit facteurs suivants sont essentiels à la réussite de la nouvelle SRR Arctique :
- Souveraineté : Prendre la responsabilité de son environnement.
- Connaissance du milieu : Tirer parti des ensembles de compétences uniques des communautés pour sauver des vies.
- Évolution historique : Voir l’évolution logique avec la hausse des activités dans l’Arctique.
- Démarche non axée sur les ressources : Utiliser les ressources des principales bases dans le Sud.
- Autonomisation des Premières Nations : Intégrer les communautés à la coordination de la recherche et sauvetage.
- Participation au conseil de recherche et sauvetage dans l’Arctique : Donner aux peuples du Nord les moyens de devenir des leaders.
- Inclusion : Inclure les FAC, la GCC, la GRC, l’ACVRS et les Rangers dans l’équipe du JRCC pour assurer la coordination synchronisée de tous les incidents de SAR dans le Nord, comme l’illustre la figure 3.
- Aspects économiques : La solution occasionne des dépenses en capital minimales.
Conclusion
La recherche et sauvetage, ou SAR, n’est pas un concept nouveau, c’est une exigence continuelle en matière de capacités. Si la tendance se maintient, la vie de 6 000 personnes sera en danger dans l’Arctique canadien au cours des 50 prochaines années, ce qui exigera la coordination des efforts, et ce nombre pourrait même être plus élevé du fait que les activités dans le Nord sont à la hausseNote de bas de page 28. Une évolution logique et graduelle s’impose au Canada, la création de la SRR Arctique par exemple, s’il veut réussir à favoriser un changement durable dans l’Arctique.
L’engagement du Canada à favoriser le développement économique et social du Nord comporte un respect profond pour le savoir traditionnel, le travail et les activités culturelles des Autochtones. Grâce à sa politique étrangère pour l’Arctique, le gouvernement envoie aussi un message clair, celui que le Canada contrôle ses terres et ses eaux arctiques et prend très au sérieux son rôle et ses responsabilités d’intendanceNote de bas de page 29. Dans l’avenir, le Canada doit encourager une meilleure compréhension du Nord sous tous ses aspects et exprimer de manière plus précise son engagement envers l’Arctique.
La création d’une SRR Arctique au moyen de la coordination des ressources dans l’Arctique est une étape cruciale pour donner aux habitants du Nord un pouvoir de décision. La proposition présente l’avantage de pouvoir être intégrée au système de SAR actuel, sans devoir en modifier la gouvernance. La solution ajoute de la valeur et améliore le système à un coût minimal.