Critiques de livres

Couverture du livre The Patrol

Couverture du livre The Patrol

The Patrol: Seven Days in the Life of a Canadian Soldier

par Ryan Flavelle
Toronto: HarperCollins Publishers Ltd.
251 pages, 29,99 $ (livre relié)
ISBN-10 : 1443407178
ISBN-13 : 978-1443407175

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Critique de Marshall S. Horne

Même si la mission de combat canadienne en Afghanistan est terminée, toute une génération de soldats canadiens vivront le reste de leur vie avec le souvenir de cette mission. La plupart de ces militaires ne raconteront probablement leur expérience avec le monde extérieur. Ces souvenirs sont simplement trop personnels pour les partager avec ceux qui ne savent pas ce que c’est que de transporter un fusil d’assaut C7A2 dans un vignoble afghan. Cependant, certaines personnes, telles que le caporal-chef (maintenant sergent) Ryan Flavelle, récemment diplômé du programme de maîtrise en études stratégiques du Centre d’études stratégiques et militaires de l’Université de Calgary, font partie d’une minorité de militaires qui ont participé à la guerre en Afghanistan et qui acceptent de raconter leur expérience personnelle à un public plus large. Ainsi, des mémoires comme l’ouvrage The Patrol: Seven Days in the Life of a Canadian Soldier in Afghanistan permettront à la population canadienne de comprendre la nature de la guerre en Afghanistan ainsi que la réalité d’un soldat membre d’une patrouille.

En 2008, en tant que réserviste au sein du 746e Escadron des communications, le cplc Flavelle a fait partie du personnel de renfort du 2e Bataillon, Princess Patricia’s Canadian Light Infantry (PPCLI), dans le cadre d’une rotation de sept mois. En qualité de signaleur du commandant de la compagnie Bravo, il a passé la majeure partie de son affectation au « château des ombres », mieux connu sous le nom de base de patrouille de Sperwan Ghar, dans le nord de la province de Kandahar. Le cplc Flavelle a vécu, travaillé et effectué des patrouilles au cœur du conflit afghan, loin des Tim Hortons, des centres commerciaux et de « l’incroyable ennui » de l’aérodrome de Kandahar (KAF). Bien que le cplc FLavelle propose fréquemment dans l’ouvrage The Patrol des réflexions sur sa nostalgie de la maison, l’Afghanistan et le domaine militaire canadien en général, il a concentré son récit sur une seule patrouille de combat de sept jours entre Sperwan Ghar et Mushan, qui a été le point central de son expérience en Afghanistan et qui lui a permis de se percevoir « comme un homme ».

L’ouvrage The Patrol est exceptionnel pour plusieurs raisons, dont la plus évidente est la façon détaillée de décrire la patrouille de combat en Afghanistan. En termes simples, la patrouille est une tradition et un rituel chez les fantassins. On peut facilement en apprendre les principes de base : garder ses distances, couvrir les portes et s’aligner. Cependant, le cplc Flavelle met en évidence de manière flagrante que la patrouille représente davantage un défi physique et mental qu’un défi technique ou tactique. La chaleur continuelle de l’Afghanistan, le poids d’un fourbi de 70 kilogrammes, la soif insatiable et la menace constante d’engins explosifs improvisés (IED) ne sont que quelques exemples des difficultés. À bien des égards, on ne pense aux combattants talibans qu’après-coup. Malgré cela, l’ardeur des soldats à subir n’importe quelle épreuve sans broncher fait partie intégrante de la tradition liée à la patrouille. Montrer tout signe d’hésitation ou de faiblesse perturbe le rituel et remet en question la capacité d’un soldat aux yeux de ses pairs. À un moment dans le récit, le cplc Flavelle risque de succomber à un coup de chaleur plutôt que d’admettre sa faiblesse en demandant une aide médicale immédiate. Ce n’est que l’un des nombreux exemples d’endurance personnelle mentionnés par l’auteur.

L’ouvrage The Patrol a ceci de particulier qu’il décrit les nombreux conflits identitaires qui existent au sein des militaires canadiens. À titre de réserviste membre du personnel de renfort, le cplc Flavelle se sent souvent exclu des liens étroits qui unissent les membres de la Force régulière du PPCLI. En tant que signaleur, le cplc Flavelle se définit comme un « accro de la technologie », plus à l’aise de réparer une radio que de passer du temps dans le « vestiaire de gars » avec les militaires de la Force régulière. Il qualifie ces derniers de « guerriers », mais rejette rapidement – peut-être trop rapidement – l’idée qu’il fait partie de ce groupe. Le cplc Flavelle indique plutôt qu’il est honoré d’avoir vécu et effectué des patrouilles avec de tels guerriers dévoués.

Une autre contradiction existe entre les officiers et les militaires du rang de l’équipe pangouvernementale (expression péjorative non définie) du KAF. On considère avec un dédain instantané quiconque porte l’insigne de la feuille d’érable rouge, des pantalons bouffants ou une casquette de campagne, signes évidents de militaires qui ne vont pas à l’extérieur du périmètre de sécurité et qui n’ont pas, par conséquent, partagé le fardeau lié à la patrouille militaire de l’Armée de terre. Cependant, la contradiction possiblement la plus intéressante est la distinction que fait le cplc Flavelle entre la « vieille » armée et la « nouvelle » armée. Plus précisément, l’auteur conteste l’idée selon laquelle les militaires d’aujourd’hui font partie, d’une certaine façon, d’une armée plus douce, plus gentille et plus conciliante. Au sujet des plus anciens membres de la « vieille » armée, le cplc Flavelle se plaint qu’il est fatigué de les entendre raconter à quel point ils étaient souls durant les opérations de maintien de la paix à Chypre. Bien qu’il y ait certainement eu des dangers liés à la mission canadienne de maintien de la paix à Chypre, il est tout simplement impossible de les comparer à ceux liés à la guerre en Afghanistan. Le cplc Flavelle ajoute que Chypre est une « destination vacances ». La « nouvelle » armée peut sembler douce aux yeux de certains, mais les dangers opérationnels auxquels ont dû faire face les militaires en Afghanistan sont sans précédent depuis la Corée.

En fin de compte, la force de l’ouvrage The Patrol découle de deux éléments distincts. Elle provient d’abord de la nature des souvenirs du cplc Flavelle. Principalement, la puissance de l’ouvrage réside dans sa profondeur, et non dans son ampleur. Au lieu de résumer les grandes lignes de son affectation de sept mois à l’étranger et de simplement fournir des renseignements superficiels et les faits saillants de son expérience à la guerre, le cplc Flavelle met l’accent sur l’événement particulier qu’il gardera incontestablement gravé dans sa mémoire. De plus, le lecteur peut mieux comprendre la patrouille, la vie d’un soldat canadien et la guerre en Afghanistan en général qu’il ne l’aurait fait grâce à des récits plus superficiels et volumineux. La deuxième force de l’ouvrage vient du portrait honnête et sans artifice que trace le cplc Flavelle des activités liées à la patrouille. Les émotions sont pures, et l’auteur ne tente pas de faire figure de héros ni de justifier la guerre en Afghanistan par des motivations politiques. Le cplc Flavelle essaie seulement de se comprendre lui-même et de comprendre son état physique et mental en fonction des événements.

Cet ouvrage est profondément personnel, sensible et candide, ce qui apporte un vent de fraîcheur. Je le recommande fortement à toute personne intéressée à la participation militaire du Canada en Afghanistan et à celles qui s’interrogent sur la nature et les traditions de la vie de soldat.

Marshall S. Horne est un candidat de troisième année au doctorat au Centre d’études stratégiques et militaires de l’Université de Calgary.