COMMENTAIRES

Photo du MDN prise par le caporal Dominic Duchesne-Beaulieu/RP20-2018-0028-009

Un avion CF-18 Hornet décolle de la base aérienne Mihail Kogalniceanu, en Roumanie, pendant l’opération Reassurance, le 27 septembre 2018.

Le vérificateur général sur la question des avions de chasse ~ Les parlementaires sur la question de la recherche et sauvetage

par Martin Shadwick

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Le vérificateur général, feu Michael Ferguson, n’était pas étranger aux caprices de l’approvisionnement de la défense canadienne en général, pas plus qu’à la sélection d’un successeur à notre bon vieux chasseur CF-18 Hornet de McDonnell Douglas (devenu depuis Boeing) en particulier. Dans son rapport du printemps 2012 – le premier de M. Ferguson à titre de vérificateur général – l’équipe d’audit avait examiné la participation du Canada au Programme de l’avion de combat interarmées et le processus décisionnel concernant l’acquisition d’avions Lockheed Martin F-35 Lightning II. Le rapport qui a suivi a redonné vie aux critiques de ceux qui doutaient déjà du F-35 comme du processus ayant mené à sa sélection par le gouvernement de Stephen Harper au milieu de l’année 2010, modifiant du coup considérablement la vision et les enjeux politiques de l’acquisition proposée.

Très critique, le rapport du printemps 2012 a conclu que le ministère de la Défense nationale n’avait pas géré le processus de remplacement de la flotte des CF-18 avec une diligence raisonnable et que Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (devenu depuis Services publics et Approvisionnement Canada) n’avait pas fait preuve de diligence raisonnable en tant que responsable des achats du gouvernement. Le rapport faisait état de toute une litanie de « faiblesses importantes dans le processus décisionnel » utilisé par le ministère de la Défense nationale. Par exemple, les documents requis ainsi que les étapes principales n’avaient pas été suivis dans l’ordre, des décisions clés ont été prises sans les autorisations nécessaires et sans documents à l’appui, et les documents d’information ne renseignaient pas les principaux décideurs, les organismes centraux et le ministre sur les problèmes et les risques associés au choix du F-35 pour remplacer le CF-18. Par ailleurs, la Défense nationale n’a pas non plus fourni de renseignements complets sur les coûts aux parlementaires et lorsque la Défense nationale a décidé de recommander l’achat des F-35, elle était trop engagée dans le développement de l’appareil et le programme JSF pour être en mesure de lancer un processus concurrentiel équitable.

© Lockheed Martin photo/Liz Lutz

Un avion F-35 Lightning II, construit par Lockheed Martin.

Le plus récent rapport, déposé en novembre 2018, visait à déterminer si la Défense nationale avait géré les risques liés à la flotte des avions de chasse du Canada de manière à pouvoir respecter les engagements du pays auprès du NORAD et de l’OTAN jusqu’à ce qu’une flotte de remplacement soit opérationnelle. À cette fin, le rapport a examiné les mesures prises par la Défense nationale pour gérer ces risques, notamment l’utilisation d’aéronefs pour un usage provisoire, la dotation et les niveaux d’expérience des pilotes et des techniciens, l’amélioration de la capacité, de l’interopérabilité et des exigences réglementaires, la gestion de la durée de vie structurelle de la flotte de CF-18 jusqu’à leur mise hors service en 2032, les limitations s’appliquant aux modalités de pilotage d’un aéronef et aux endroits où il peut voler (restrictions techniques et opérationnelles). Nous n’avons pas examiné le processus que le gouvernement [Trudeau] a lancé en 2017 pour acheter les 88 avions de chasse de remplacement. Nous n’avons pas fait un suivi de la recommandation formulée dans notre rapport de 2012 sur le remplacement des avions de combat du Canada. Nous n’avons pas non plus examiné la participation continue du Canada au programme d’avions de combat interarmées.

Dans son « message global », le rapport souligne qu’en 2016, le gouvernement du Canada a ordonné à la Défense nationale d’avoir suffisamment d’avions de chasse disponibles chaque jour pour respecter le plus haut niveau d’alerte du NORAD et l’engagement du Canada envers l’OTAN simultanément. Cette directive exigerait que la Défense nationale augmente de 23 p. 100 le nombre d’avions de chasse disponibles pour ses opérations. Ce nouveau besoin opérationnel est survenu à un moment où l’Aviation royale canadienne faisait face à une pénurie croissante de pilotes et de techniciens formés et expérimentés. De plus, la flotte actuelle de CF-18 a déjà plus de 30 ans, les CF-18 vont continuer de devenir plus vulnérables et il n’y a aucun plan pour améliorer leur capacité de combat. Pour avoir le nombre d’aéronefs nécessaire pour répondre aux nouvelles exigences opérationnelles, le gouvernement a concentré ses efforts sur l’augmentation du nombre d’aéronefs. Le plan initial du gouvernement était d’acheter 18 nouveaux chasseurs Boeing F/A-18E/F Super Hornet même si l’analyse de la Défense nationale indiquait que ce plan n’aiderait pas l’Aviation royale canadienne à répondre au nouveau besoin opérationnel et aggraverait la pénurie de personnel. Le gouvernement prévoit maintenant acheter à l’Australie des avions de chasse F/A-18A/B Hornet d’occasion qui ont le même âge et les mêmes limites opérationnelles que les CF-18 que l’Aviation royale canadienne utilise actuellement. Par ailleurs, la Défense nationale prévoit consacrer près de 3 milliards de dollars, qui viennent s’ajouter aux budgets existants, pour prolonger la durée de vie de la flotte actuelle et pour acheter, exploiter et entretenir des appareils pour un usage provisoire. Toutefois, elle n’a aucun plan pour surmonter les plus grands obstacles au respect de la nouvelle exigence opérationnelle, à savoir la pénurie de pilotes et le déclin de la capacité de combat de ses aéronefs. Même si la Défense nationale a des plans pour contrer certains risques, les investissements décidés ne suffiront pas pour lui permettre d’avoir chaque jour un nombre suffisant d’appareils disponibles afin de répondre au niveau d’alerte le plus élevé du NORAD et honorer dans le même temps l’engagement du Canada envers l’OTAN. Comme il fallait s’y attendre, le rapport de 2018 a constaté que la force de chasse du Canada n’était pas en mesure de satisfaire à la nouvelle exigence opérationnelle instaurée par le gouvernement, soit avoir chaque jour un nombre suffisant d’appareils disponibles pour répondre au niveau d’alerte le plus élevé du NORAD et honorer dans le même temps l’engagement du Canada envers l’OTAN. La force de chasse ne pouvait pas satisfaire à l’exigence, parce que la Défense nationale manquait déjà de personnel et que les CF-18 étaient vieux et de plus en plus difficiles à entretenir. Nous avons aussi constaté que la solution proposée par le gouvernement, à savoir acheter des aéronefs pour un usage provisoire, ne permettra de régler ni la pénurie de personnel ni le vieillissement de la flotte.

En effet, dans ce qui est sans doute l’une de ses observations les plus tranchantes, le rapport de 2018 a révélé que l’analyse de la Défense nationale a démontré que l’achat des Super Hornet ne permettrait pas à lui seul au Ministère de se conformer à la nouvelle exigence opérationnelle. Le Ministère a affirmé que les Super Hornet diminueraient dans un premier temps le nombre d’aéronefs disponibles chaque jour, au lieu de l’augmenter, parce que les techniciens et les pilotes devraient être retirés des CF-18 pour recevoir une formation sur les nouveaux appareils. L’analyse de la Défense nationale soutenait aussi qu’une fois la flotte de Super Hornet mise en service, le Ministère ne serait toujours pas en mesure de préparer les aéronefs nécessaires chaque jour pour répondre à la nouvelle exigence, en raison de la pénurie de personnel formé pour entretenir la flotte de CF-18. Le Ministère a indiqué qu’il avait besoin de plus de techniciens et de pilotes qualifiés, et non d’un plus grand nombre d’avions de chasse.

De plus, selon la Défense nationale, l’achat des F/A-18 australiens lui permettrait d’avoir un plus grand nombre d’appareils et de pièces de rechange pour contribuer à la gestion de la flotte de CF-18. Toutefois, cet achat ne réglera pas les faiblesses fondamentales de la flotte : le déclin de la capacité de combat des aéronefs et la pénurie de personnel. Il faudra modifier et mettre à niveau les F/A-18 australiens pour qu’ils puissent rester en service jusqu’en 2032. Ces modifications amèneront les F/A-18 au même niveau que les CF-18, sans toutefois améliorer la capacité de combat de ces appareils. Par ailleurs, la Défense nationale ne dispose toujours pas d’un nombre suffisant de techniciens pour entretenir ces appareils ni de pilotes pour les faire voler. À notre avis, l’achat d’aéronefs pour un usage provisoire n’aide pas la Défense nationale à satisfaire systématiquement à la nouvelle exigence instaurée en 2016. Sans un plus grand nombre de techniciens et de pilotes, cette mesure aura un effet minime sur les opérations de la force de chasse.

© Boeing/Photo BI411093

Un FA-18F Super Hornet Block III de Boeing.

Le rapport de novembre 2018 proposait deux recommandations. Premièrement, la Défense nationale devrait élaborer et mettre en œuvre des stratégies de recrutement et de maintien en poste des techniciens et des pilotes de la force de chasse pour lui permettre de satisfaire aux exigences opérationnelles et de se préparer au passage à la flotte de remplacement. Et, deuxièmement, la Défense nationale devrait analyser les améliorations à apporter aux CF-18 pour en assurer la pertinence opérationnelle jusqu’en 2032, et devrait faire approuver celles qui sont adéquates et réalisables. Dans sa réponse publiée, le ministère de la Défense nationale a accepté les deux recommandations. En réponse à la première recommandation, le Ministère mettra en œuvre des plans pour augmenter le nombre de techniciens et de pilotes dans la force de chasse. Des mesures initiales ont déjà été prises, telles que l’initiative de renouvellement du maintien des capacités des chasseurs, qui ajoutera plus de 200 techniciens aux escadrons de premier échelon, ainsi que les nouveaux efforts de recrutement, et la stratégie et les initiatives de maintien en poste devant être achevés à l’automne 2019. Dans le cas de la seconde recommandation, la Défense nationale cherche à faire approuver un certain nombre de mises à niveau afin de répondre aux exigences réglementaires et d’interopérabilité lui permettant de continuer à piloter les CF-18 jusqu’en 2032. De plus, l’ARC effectue une analyse pour évaluer les mises à niveau nécessaires pour le combat pouvant être mises en œuvre afin de faire face aux défis croissants posés par l’évolution des menaces. Cette analyse, qui devrait être achevée d’ici le printemps 2019, tiendra compte des projets de transition vers de futurs besoins en matière d’avions de chasse au milieu des années 2020. Ces mesures ont fait l’objet d’un communiqué de presse distinct publié par le ministre de la Défense nationale, Harjit S. Sajjan, le 20 novembre 2018. Le ministre a ajouté ­– ce qui soulèvera vraisemblablement des questions plus générales quant à l’utilisation de la diversification des modes de prestation des services en milieu militaire – que l’initiative relative au personnel de maintenance fera appel à la maintenance de deuxième échelon sous contrat pour ramener plus de 200 techniciens aux escadrons de premier échelon. Il a également souligné qu’une solution durable au problème de capacité de chasse des FAC ne sera apportée qu’une fois que nous aurons à la fois fait l’acquisition de futurs chasseurs et augmenté le nombre de techniciens et de pilotes qualifiés avec de l’expérience pour permettre à l’ARC de fournir un nombre suffisant d’aéronefs prêts à l’action.

Il y a peut-être deux leçons importantes à retenir du rapport du vérificateur général de novembre 2018. La première, comme le ministre l’a reconnu dans sa déclaration, est qu’une « solution durable » aux multiples défis du Canada en matière de capacité de chasse n’est pas près d’être trouvée.

La seconde apparaît dans la conclusion finale du rapport. Ce dernier conclut que la Défense nationale n’a pas pris de mesures suffisantes pour gérer les risques liés à la flotte des avions de chasse du Canada de manière à pouvoir respecter les engagements du pays auprès du NORAD et de l’OTAN jusqu’à ce qu’une flotte de remplacement soit opérationnelle, notamment en raison de facteurs indépendants de sa volonté. Vu l’incertitude entourant la date de remplacement de la flotte d’avions de chasse et l’élargissement des exigences opérationnelles instaurées par le gouvernement en 2016, la Défense nationale se retrouve dans une situation qui compliquera la gestion des risques jusqu’à ce qu’une flotte de remplacement soit opérationnelle. Essentiellement, le rapport de 2012 était dérangeant pour le gouvernement Harper – qui, après tout, a sa part de responsabilité à propos de l’incertitude entourant la date de remplacement de la flotte d’avions de chasse – mais celui-ci concentrait davantage son attention sur des lacunes et des omissions qui étaient perçues au ministère de la Défense nationale. Le rapport de 2018, en revanche, dérange certes le ministère de la Défense nationale, mais concentre la majeure partie de ses critiques sur la façon dont certains éléments du dossier des chasseurs ont été traités par le gouvernement Trudeau, notamment son désir d’acquérir des avions de chasse provisoires. Jusqu’à présent, cependant, le rapport de 2018 n’a pas déclenché le même type de scandale politique que son prédécesseur en 2012. Est-ce que cela reflète la supériorité du gouvernement Trudeau en matière de contrôle des dommages (aidé en cela peut-être, par un certain élément de chance), ou est-ce seulement le calme proverbial avant la tempête?

Garde côtière canadienne

Le NGCC Cape Kuper de recherche et de sauvetage, basé dans la région de l’Ouest de la Garde côtière canadienne.

Également paru en novembre 2018, le rapport du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans sur la recherche et le sauvetage (R-S) maritimes – Quand chaque minute compte – a beaucoup moins retenu l’attention que les conclusions du rapport du vérificateur général sur la gestion du risque dans le monde des chasseurs. Ce manque d’intérêt n’est guère surprenant – la R-S peut certes devenir un enjeu politique, public et médiatique surchargé presque instantanément au Canada, mais habituellement celle-ci n’attire relativement que peu d’attention au jour le jour. Cela est bien malheureux toutefois, étant donné que le rapport du comité revêt beaucoup de valeur (notamment les recommandations concernant la Garde côtière canadienne), de même que certaines observations et conclusions très sujettes à débat concernant le rôle et les activités de R-S du Ministère et des Forces armées canadiennes.

Il va de soi que le rapport est principalement axé sur la Garde côtière. Celui-ci a accordé une attention considérable aux questions de personnel, de l’établissement des bases, de la formation, de la prévention et de la gouvernance. La recommandation la plus importante à cet égard a été que la Garde côtière canadienne devienne un organisme distinct constitué en vertu d’une loi relevant du ministre des Transports du Canada. Malheureusement, il n’a été aucunement fait mention du Secrétariat national Recherche et sauvetage dans le volet du rapport portant sur la gouvernance de la R-S. Relativement jeunes en comparaison du reste de la flotte de la Garde côtière canadienne, les principaux navires de R-S de la Garde côtière canadienne (GCC) ne sont mentionnés que de façon fugitive dans le rapport. Le comité s’est dit toutefois inquiet du vieillissement de la flotte actuelle de la GCC, notant en particulier les manques de capacités des navires polyvalents et complémentaires pouvant aussi servir aux opérations de R-S maritimes. En effet, le comité a appris que la flotte canadienne est en fait l’une des plus vieilles au monde. À l’échelle nationale, 29 p. 100 des gros navires ont plus de 35 ans, et près de 60 p. 100 des petits navires ont dépassé 20 ans de vie utile. Ils nécessitent d’importantes et longues réparations qui réduisent d’autant leur temps de service. La flotte a donc un urgent besoin de rajeunissement.

En tant que fournisseurs de moyens aériens primaires et secondaires à l’appui des missions de R-S maritimes, le MDN et les Forces armées canadiennes apparaissent de façon proéminente dans l’étude du comité. Les questions de personnel et de dotation (dont l’utilisation accrue de la diversification des modes de prestation de services), des temps de réaction et d’intervention, des bases, de la couverture des opérations de R-S et matérielles à propos des aéronefs à voilure fixe et des hélicoptères ont dominé ce segment du rapport. Pour ce qui est de la question du personnel, le rapport a pris note des défis du recrutement et du maintien en poste des équipages d’aéronefs, des techniciens et des contrôleurs aéronautiques de R-S, et il a recommandé que les Forces armées canadiennes profitent des possibilités que leur offre le Plan d’investissement de la Défense 2018 pour accroître et diversifier [en mettant l’accent sur les femmes et les peuples autochtones] leurs effectifs en recherche et sauvetage afin de faire face à l’augmentation des interventions en la matière. Il a également exprimé l’espoir que les FAC réévalueront leur temps de réaction une fois qu’elles auront comblé adéquatement ces pénuries de main-d’œuvre, grâce au Plan d’investissement pour la Défense 2018.

Pour l’instant, il n’est pas possible, soutient le rapport, de redéployer les ressources aériennes en R-S pour assurer une meilleure couverture stratégique, parce que la flotte actuelle est utilisée au maximum de sa capacité. Il faut donc des ressources additionnelles. Le comité a entendu dire à maintes reprises que le maintien du statu quo ne devait plus être la seule option. Des intervenants en R-S du Canada et d’autres pays ont proposé des solutions possibles, notamment :

– augmenter la flotte d’aéronefs de R-S exploités par les FAC, dans le cadre d’un méga projet gouvernemental d’acquisition d’immobilisations étalé sur plusieurs années;
– privatiser les activités de R-S aériens en remplaçant les services assurés par des aéronefs que possède et exploite le gouvernement par des services de fournisseurs civils privés, dans le cadre de contrats pluriannuels (comme cela se fait en Australie, en Irlande et au Royaume-Uni);
– recourir à des fournisseurs de services civils privés pour combler temporairement les manques de couverture, pendant la modernisation de la flotte existante ou en attendant l’achat de nouvelles ressources;
– faire appel à des fournisseurs de services civils privés pour appuyer les ressources gouvernementales existantes en R-S et étendre la couverture.

Garde côtière canadienne

Un hélicoptère Bell 429 de la Garde côtière canadienne.

Le comité ne croit pas que la réponse aux besoins particuliers du Canada passe par la privatisation des services de R-S aériens (comme au Royaume-Uni, en Irlande et en Australie) ni par un autre grand projet d’investissement gouvernemental pour l’acquisition de nouveaux aéronefs de R-S (ou la remise à neuf des vieux appareils). Il croit cependant que d’autres modèles de services – comme des partenariats public-privé exploitant au mieux les capacités et les ressources des deux secteurs – pourraient s’avérer, à court et moyen terme, des solutions novatrices et économiques pour compléter les ressources en R-S dans les régions où la couverture est faible ou insuffisante. Le comité a suggéré, par exemple, qu’avoir une compagnie privée d’hélicoptères qui serait basée dans l’Arctique canadien permettrait d’améliorer considérablement la couverture et les opérations de R-S dans cette vaste région. De la même façon, étant donné que les FAC n’ont pas assez d’aéronefs à voilure fixe pour mener des opérations de R-S dans la province [de Terre-Neuve-et-Labrador], faire appel à des ressources privées de R-S aériens, qui seraient basées à proximité [des activités maritimes en expansion], permettrait de réduire les délais d’intervention et d’améliorer les résultats. Dans la région de recherche et de sauvetage de Trenton, la couverture de R-S dans les Grands Lacs est assurée par les CH-146 Griffons, mais ces appareils font actuellement l’objet de réparations dans le cadre d’un projet destiné à prolonger leur vie utile jusqu’en 2030. On pourrait donc faire appel à un fournisseur privé pour combler les besoins en R-S jusqu’à la fin du projet. Dans les régions de R-S de Halifax et de Victoria, les hélicoptères CH-149 Cormorant qu’utilisent les FAC doivent aussi subir une révision de mi-vie. Ces mises à niveau nécessiteront la mise hors service de ces [appareils] pendant de longues périodes, de sorte qu’il risque d’y avoir des problèmes de capacité pour la couverture des opérations de R-S. Jusqu’à ce que les Cormorant soient modifiés et à nouveau opérationnels, on pourrait donc faire appel à un exploitant privé pour effectuer des missions de R-S.

En plaidant en faveur d’une injection substantielle de diversification des modes de prestation des services (DMPS), le comité a fait remarquer qu’il a eu l’occasion de rencontrer différents fournisseurs privés de services de R-S par hélicoptère, aussi bien au Canada qu’ailleurs dans le monde. Il a aussi discuté avec les autorités responsables des opérations de R-S dans les pays qui ont conclu des contrats avec ce genre d’exploitants privés. Voici, selon eux, les avantages de partenariats public-privé pour le gouvernement :

– le délai d’obtention d’un hélicoptère au moyen d’un contrat de services est plus court que le délai de livraison d’un aéronef militaire acheté;
– le fournisseur privé jouit d’une certaine flexibilité pour recruter des équipages expérimentés et les payer au tarif du marché, alors qu’il est plus difficile pour les forces armées de former et de retenir des pilotes et du personnel de maintenance;
– le coût initial d’un contrat de services est nul, alors que l’achat d’aéronefs suppose un engagement financier de départ lourd à porter;
– le gouvernement n’a pas à assumer de frais d’investissement supplémentaires pour la création d’une base d’hélicoptères permanente destinée aux opérations de R-S, puisque ces dépenses sont à la charge du fournisseur et prévues dans le calcul des honoraires du contrat;
– si un fournisseur de services perd un hélicoptère, il doit le remplacer aussitôt (en vertu du contrat) sans que le gouvernement n’ait rien à payer (alors que si la perte concerne un aéronef militaire, c’est au gouvernement d’assumer les coûts de remplacement).

Le comité a pris note d’une mise en garde importante selon laquelle une compagnie privée d’hélicoptères pourrait tenter de recruter des ressources humaines ayant l’expertise requise directement au sein des FAC, qui ont déjà actuellement beaucoup de difficulté à embaucher du personnel et à le garder. Les personnes interrogées par le comité ont insisté sur le fait qu’une compagnie privée devrait être autosuffisante et se constituer ses propres effectifs. Il a également été mentionné qu’un exploitant privé pourrait avoir à bord de ses hélicoptères des équipages mixtes incluant des membres des FAC. Les personnels militaire et civil de R-S pourraient aussi s’entraîner ensemble régulièrement. Mais plus important encore, l’exploitant civil travaillerait sous le commandement et le contrôle des FAC.

De l’avis du comité, il est raisonnable d’exiger une amélioration des services de R-S au Canada. Il croit que les compagnies privées d’hélicoptères pourraient combler certains manques dans la couverture de R-S, surtout dans l’Arctique canadien et à Terre-Neuve-et-Labrador. Le comité a donc recommandé que le ministère de la Défense nationale lance un projet pilote autorisant un exploitant privé d’hélicoptères civils à effectuer des missions de recherche et de sauvetage aériens dans l’Arctique canadien et à Terre-Neuve-et-Labrador. L’évaluation du projet pilote, avec ses coûts et ses avantages, devrait être rendue publique.

Il serait difficile pour un observateur objectif de critiquer la conclusion centrale du comité selon laquelle la privatisation en profondeur de la R-S aéronautique – comme au Royaume-Uni – serait la réponse aux besoins particuliers du Canada. Ceci étant dit, on pourrait contester, remettre en question ou demander des éclaircissements au sujet de certaines des autres constatations et observations du comité. Certaines, comme l’inexactitude du nombre de Cormorant dans la flotte canadienne, sont mineures. D’autres sont beaucoup plus fondamentales. Le rapport du comité, par exemple, indique qu’un autre grand projet d’investissement gouvernemental pour l’acquisition de nouveaux [aéronefs] de R-S (ou la remise à neuf des vieux appareils) ne serait pas la réponse aux besoins particuliers du Canada, mais il n’est pas clair à quelles dépenses il fait référence. Rien n’indique officiellement qu’il fait référence à l’acquisition du CC-295, ou au projet de mise à niveau et de renforcement à mi-vie du Cormorant (bien que le rapport semble quelque peu confus quant au statut exact de la mise à niveau à mi-vie du Cormorant et, ce qui est important et curieux, ne mentionne aucunement l’élément de renforcement essentiel de ce projet). Les préoccupations au sujet des dépenses gouvernementales en cette ère de prudence financière sont une chose, mais le comité aurait-il l’intention de nous suggérer, par exemple, que l’acquisition de CC-295 de R-S subséquents ou la maximisation du potentiel secondaire du CC-130J Hercules pourraient nous « mettre dans la rue »?

La demande d’un projet pilote de DMPS pourrait être éclairante, mais il est parfois difficile de se défaire de la conviction que le comité a plus qu’adéquatement consulté déjà différents fournisseurs privés de services de R-S par hélicoptère, aussi bien au Canada qu’ailleurs dans le monde, ainsi que les autorités responsables des opérations de R-S dans les pays qui ont conclu des contrats avec ce genre d’exploitants privés, mais qu’il a peut-être aussi été moins diligent à rechercher les avis – et cela ne veut pas nécessairement dire le personnel de recherche et sauvetage des FAC en service – d’intervenants pouvant avoir des opinions certes différentes, mais plus objectives et globales quant aux avantages allégués de la diversification des modes de prestation de services. Le comité pourrait aussi découvrir que ces combleurs de lacunes à court et à moyen terme en DMPS de R-S pourraient, par défaut, développer un degré inattendu de permanence.

Martin Shadwick a enseigné la politique de défense canadienne à l’Université York de Toronto pendant bon nombre d’années. Il a déjà été rédacteur en chef de la Revue canadienne de défense et il est actuellement le commentateur attitré en matière de défense à la Revue militaire canadienne.

Garde côtière canadienne

Le NGCC Cape Naden de recherche et de sauvetage travaillant de concert avec un hélicoptère Bell 429.