PERSPECTIVE PROFESSIONNELLE MILITAIRE

J6 Imagerie/CFC

Collège des Forces canadiennes, à Toronto.

Arrondir les pointes de la Feuille d’érable : la conception émergente et la pensée systémique dans les Forces armées canadiennes

par Ben Zweibelson, Kevin Whale et Paul Mitchell

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Ben Zweibelson est directeur de programmes (Entrepreneur) de conception et d’innovation à la Joint Special Operations University (JSOU) du U.S. Special Operation Command (USSOCOM), à Tampa (Floride). C’est un ancien officier d’infanterie de l’Armée américaine et il est diplômé de la U.S. Army School of Advanced Military Studies. Il termine maintenant ses études doctorales en philosophie par l’intermédiaire de la Lancaster University et il met l’accent sur le mouvement du design militaire.

Le brigadier-général Kevin Whale est un pilote de l’aviation tactique de l’ARC et il a occupé des postes d’état-major et de leadership aux niveaux tactique, opérationnel et stratégique au Canada et en déploiement à l’étranger. Il possède un baccalauréat ès sciences en physique et une maîtrise ès sciences en leadership organisationnel. Il sert actuellement dans l’ARC à titre de directeur général et de commandant de la composante spatiale.

Paul Mitchell, Ph. D., détient un baccalauréat ès arts (avec distinction) de l’Université Wilfrid-Laurier, une maîtrise ès arts en études de la guerre, obtenue au King’s College de Londres, et un doctorat de l’Université Queen’s à Kingston. Il travaille au Collège des Forces canadiennes depuis 1998, et il y a d’abord été directeur adjoint des études, puis le premier directeur des études, poste qu’il occupe encore aujourd’hui.

« Dans de nombreux systèmes, le bond créatif se produit comme quelque chose d’indescriptible qui transcende la raison … il faut un certain courage pour en nier l’existence. [La créativité] est une île mystérieuse dans une mer d’irrationalité, même pour des navigateurs passionnés. Malheureusement, quiconque s’engage dans l’analyse du processus de conception finira par quitter cette île s’il tente d’envisager ce processus comme étant une démarche conditionnée et influençable, assujettie à la planification et au contrôle. » [TCO]
Horst Rittel1
« La réflexion n’a lieu que quand les circonstances ne sont pas familières et que les vieilles solutions ne fonctionnent plus. » [TCO]
Karl Weick2
« Le défi de la pensée systémique réside dans la capacité de repérer les tendances en analysant le système dans son ensemble au lieu de se concentrer sur des événements ou des facteurs isolés […] » [TCO]
Bill Bentley et Scott Davy3

Introduction

Au cours des quinze dernières années, l’ensemble du domaine militaire et du secteur de la défense, y compris les théoriciens, les praticiens et les milieux universitaires, ont emprunté une voie différente pour comprendre la complexité et les nouvelles caractéristiques de la réalité. Tant dans les hautes sphères des organisations qu’au niveau des engagements micro-tactiques des soldats sur les champs de bataille du monde, des forces armées diversifiées et de plus en plus nombreuses sont maintenant obligées de trouver des processus novateurs, un nouveau langage et des méthodologies assez perturbatrices pour faire voler en éclats les moyens vétustes de comprendre la réalité. Pour les forces armées du XXIe siècle, des petits groupes et des réseaux de praticiens d’expérimentation appliquent des techniques conçues sur mesure pour aborder l’innovation, la pensée divergente, la créativité et la réflexion critique et le faire de façons qui s’écartent beaucoup des normes traditionnelles et acceptées dans les milieux institutionnels4. Dans ce creuset de transformations émergentes, les forces armées essaient d’appliquer la théorie des systèmes à l’intérieur d’un processus transdisciplinaire désigné par les expressions générales « conception (ou design) » ou « réflexion conceptuelle ».

La conception, en tant que discipline moderne, existe depuis l’époque lointaine de la Seconde Guerre mondiale, où les forces armées ont essayé pour la première fois de réfléchir aux contextes complexes au moyen d’une méthodologie systémique pour améliorer le commandement, le contrôle et le développement5. Bien qu’elle soit issue d’un contexte militaire, la conception, au XXe siècle, était essentiellement une discipline civile tant dans le secteur privé que dans les milieux universitaires6. Ce n’est que récemment que les forces armées ont commencé à mettre à l’essai une approche explicitement militaire de la conception, approche qui s’écarte de la planification traditionnelle. Ainsi, la Force de défense israélienne a été la première, à la fin des années 1990, à opter délibérément pour autre chose que la stratégie et le processus décisionnel militaires classiques7. Depuis, les forces armées américaines et australiennes et celles de nombreux pays européens ont expérimenté ou mis au point différentes formes de conception8. L’appareil militaire canadien n’a pas fait exception, car le Collège des Forces canadiennes (CFC) a commencé à introduire la théorie du design, et divers membres des Forces armées canadiennes ont appliqué la réflexion systémique et la conception de système à des défis contemporains9.

Au profit des lecteurs ne sachant pas ce à quoi correspond la conception militaire ni comment elle diffère des processus de planification classiques, nous pourrions commencer par définir le mot « conception » en adoptant un point de vue militaire. Comme nous l’avons mentionné plus haut, la conception moderne a pris forme après la Seconde Guerre mondiale avec l’introduction de la théorie générale des systèmes et avec l’exploration multidisciplinaire de la complexité, du constructivisme social, de la philosophie post-moderne et de la théorie de la gestion. Les différents groupes de professionnels à l’origine de ce mouvement ont commencé par envisager la créativité, la pensée critique, l’innovation et le changement organisationnel de façons profondément différentes des constructions mentales traditionnelles antérieures. S’étant initialement manifestées dans les domaines de l’architecture, du génie et de la publicité10, les premières « écoles de pensée axée sur la conception » ont fini par se donner des bases solides dans les programmes de design offerts à l’UC Berkeley, à Stanford, à Carnegie Mellon et dans d’autres campus interdisciplinaires cherchant à faire reculer les limites des arts et des sciences à l’aide d’approches novatrices11. Comme l’a si bien défini Harold Nelson, diplômé de Berkeley et théoricien du design, le design « […] est l’art de créer ce qui est nécessaire, mais qui n’existe pas encore » [TCO], et cette chose ou idée non découverte mais essentielle procurera à l’organisation un avantage pour exploiter le système émergent12.

Encourager une organisation ou une entité à découvrir ou à créer quelque chose qui lui est nécessaire, mais dont elle ne voit pas le besoin au début n’est pas chose facile. Amener l’organisation en question à faire preuve d’une souplesse intellectuelle suffisante pour accepter une construction mentale novatrice qui deviendra dans le système futur l’élément ou l’idée qui lui procurera un avantage, voilà qui comporte des difficultés également, surtout dans une culture et un contexte militaires traditionnels. Pour présenter de nouvelles réalités et idées, il faut habituellement un nouveau langage, de nouveaux modèles mentaux et, souvent, l’examen critique et le bouleversement éventuel de convictions, de valeurs, de méthodologies et même d’interprétations profondément ancrées dans l’esprit des intervenants relativement à la réalité13.

Songeons aux réactions initiales suscitées par le téléphone intelligent, les services de transport avec chauffeur tels qu’Uber et l’arrivée de Netflix au début des années 2000. Dans tous ces exemples, de grandes entreprises et des industries tout entières ont mal compris ou rejeté l’énorme possibilité que leur offraient ces nouveaux concepts, parce que les résultats de ces derniers remettaient carrément en question des convictions sacro-saintes sur la « façon dont le monde fonctionne », ou que le succès futur de ces concepts ne pouvait pas être imaginé à ce moment-là. L’entreprise Blockbuster Vidéo est passée du summum de la réussite, en 2005, à la faillite en 2010, après avoir raté à deux reprises l’occasion d’acheter Netflix. Motorola a littéralement appris à Apple comment fabriquer des téléphones en 2005, puis elle a vu Apple déclencher une révolution des téléphones intelligents en 2007 avec l’iPhone, puis dominer ce qui avait autrefois été son marché14. Dans la foulée des téléphones intelligents et des plates-formes des médias sociaux sont arrivés les services de transport avec chauffeur tels qu’Uber qui dévastent aujourd’hui l’industrie traditionnelle du taxi15. À l’heure actuelle, « le verdict se fait encore attendre » au sujet des inventions telles que les devises virtuelles, les imprimantes 3D, les drones et l’expansion de l’intelligence artificielle dans de nombreux domaines. Pourtant, ces inventions, et de nombreuses autres n’ayant pas encore été imaginées, transformeront à n’en pas douter de nombreux aspects clés de notre réalité complexe actuelle et elles ne se manifesteront que de façons non linéaires et imprévues.

Quand ces innovations perturbatrices se sont manifestées à l’origine, les industries traditionnelles et les acteurs dominants ont été trompés par leurs propres attentes relatives à la façon dont l’avenir était censé se concrétiser, et ils ont été surpris quand des changements radicaux se sont produits sous l’effet de l’innovation et de la transformation des systèmes. En rétrospective, cependant, cette évolution devient encore plutôt évidente et plus linéaire qu’il n’y paraît. Ce paradoxe empêche la réflexion conceptuelle d’être accueillie favorablement, en ce sens qu’il n’est pas possible de cerner précisément et de codifier les processus non linéaires et novateurs, ou de les intégrer dans des méthodologies linéaires qui permettraient à l’organisation de « planifier encore une fois l’avenir comme il est censé se matérialiser16 ». [TCO] Malgré une histoire assez bien racontée des applications modernes du design dans les disciplines civiles et universitaires depuis les années 1950, les forces armées n’ont réussi qu’à la fin des années 1990 à introduire une méthodologie de conception militaire en bonne et due forme en tant que solution de rechange complète et systémique au processus décisionnel traditionnel et réductionniste axé sur l’analyse17. La conception dans le contexte des applications militaires a été limitée, en raison de nombreux obstacles institutionnels profonds et d’aspects culturels de la profession militaire18. Toutefois, il existe quelques exemples naissants et un intérêt grandissant dans les milieux militaires quant aux moyens à prendre afin de poursuivre davantage la conception dans la pratique.

Le présent article présentera au lectorat un de ces exemples illustrant comment une escadre de l’Aviation royale canadienne (ARC) a appliqué des éléments de la pensée systémique et de la conception malgré la résistance institutionnelle, organisationnelle et culturelle. Ironiquement, au moment où cet exemple était mis en plan au niveau tactique, le Collège des Forces canadiennes venait tout juste de commencer à faire des expériences de conception aux fins de la réforme de l’éducation et il se heurtait lui aussi à des obstacles institutionnels tout aussi persistants19. Aujourd’hui, c’est-à-dire des années plus tard, la conception dans le domaine de l’éducation et son application en 2019 demeurent assez embryonnaires dans les Forces armées canadiennes, mais le présent article fournira une brève explication du mouvement du design militaire dans son ensemble et de la façon dont les Forces armées canadiennes sont de plus en plus mises en présence des concepts fondamentaux20.

Stringer/Reuters/RTXEXTL

Un poste de contrôle gardé par l’armée libanaise dans le village d’Ainbouswar, le 4 août 1993; il s’agissait d’une position stratégique pour les activistes pro-iraniens du Hezbollah (Parti de Dieu) après avoir combattu les forces israéliennes durant la guerre de Sept jours (opération Accountability) dans le Liban-Sud, en juillet 1993.

Une brève histoire de la conception militaire : du Liban à Toronto en une décennie

La conception militaire a vu le jour avec la création du groupe de réflexion de la Force de défense israélienne (FDI) appelé « Institut de recherche sur la théorie opérationnelle » (IRTO). Sous la direction du brigadier-général Shimon Naveh, l’IRTO a élaboré, à la fin des années 1990, une approche de la complexité axée sur la conception militaire et appelée « Conception systémique des opérations » (CSO); cette approche s’est écartée de la planification et de la stratégie linéaires traditionnelles fondées sur l’analyse21. Des visionnaires avaient antérieurement exploré des solutions de rechange à la logique militaire qui mettait l’accent sur les objectifs et les moyens à prendre pour les atteindre – songeons par exemple à celle proposée dans les années 1980 par le colonel John Boyd, pilote de chasse de la U.S. Air Force et stratège militaire – mais la FDI représentait la première tentative en bonne et due forme axée sur la conception et faite par une organisation militaire22. Cependant, en raison des perturbations internes politiques et intellectuelles pendant les préparatifs de la guerre du Liban en 2006, la CSO a soudainement été mise au rancart, et le groupe d’intellectuels radicaux de Naveh a été exclu de la FDI23. Cependant, ce concept initial du design a intrigué deux pays qui se débattaient dans le chaos de l’insurrection irakienne.

PeerPoint/Banque de photos Alamy/A46M27

Des soldats des Forces de défense israéliennes en patrouille dans les collines surplombant Ramallah, en Cisjordanie, avril 1997.

En 2005, Naveh et un petit groupe de théoriciens de la CSO ont commencé à enseigner la conception (le design) aux forces armées australiennes et américaines24. La U.S. School of Advanced Military Studies (SAMS) est devenue un banc d’essai pour les études sur la CSO, lesquelles ont évolué par suite d’une interprétation sélective de la CSO par les États-Unis : celle-ci a donc été appelée « design » et, plus tard, soit en 2010, « Méthodologie de la conception dans l’Armée ». L’Armée australienne a adopté une voie parallèle à celle de l’Armée américaine en simplifiant la philosophie ésotérique de la CSO et en retenant surtout la théorie des systèmes et les concepts du design architectural; ainsi, la doctrine australienne a présenté « les campagnes adaptatives » (Adaptive Campaigning) comme étant son approche conceptuelle de la complexité de la guerre25. En 2013, de nombreuses forces armées (surtout dans l’Ouest industrialisé) ont exploré les études sur la conception ou les ont introduites dans leurs écoles militaires, dans leur doctrine et dans leurs recherches, mais cela s’est souvent fait de façons divergentes et même sans que soit employé le mot « conception » (ou « design »)26. Le Canada s’est intéressé à la conception pour la première fois dès 2009. En 2013, cependant, certains professeurs du CFC ont commencé à introduire des études formelles en conception au niveau des officiers supérieurs, puis à celui des officiers des grades intermédiaires, et cet effort a tout d’abord suscité du scepticisme et de la résistance27. Au cours des années ultérieures, l’enseignement de la conception a pris beaucoup d’ampleur, et cela s’est manifesté dans l’exercice fondamental de conception appelé Shifting Sands, dans le cadre du Programme de commandement et d’état-major interarmées (PCEMI) du CFC, et dans l’exercice proposé dans le Programme de sécurité nationale (PSN) et intitulé Strategic Designer, qui a lieu en juin pendant l’année universitaire28.

L’Armée royale des Pays-Bas a commencé à intégrer certaines notions de conception en 2013 dans la formation de ses officiers supérieurs, et l’Armée polonaise a fait de même en 2016; l’Université suédoise de la Défense nationale a exploré un programme d’études semblable sur la conception en 201729. L’OTAN et de nombreux établissements militaires tels que le U.S. Air War College, le U.S. Cyber Command et la Naval Postgraduate School ont eux aussi exploré ou introduit une formation formelle en conception. Or, cette vague d’intérêt pour la conception dans les forces armées du monde n’est pas allée sans turbulences et perturbations. Bien qu’entre 2005 et 2010 à la SAMS, il y ait eu beaucoup de travaux théoriques, de recherches et d’expériences à l’égard d’une gamme variée d’approches de la conception30, depuis 2010, le programme de Fort Leavenworth s’est tourné vers une pratique conceptuelle axée sur la doctrine de l’Armée américaine, pratique qui favorise grandement une application fonctionnaliste de la planification opérationnelle31. Fort Leaventworth continue certes à offrir des cours sur la conception, mais l’étendue, l’ampleur et la profondeur de ces derniers ne sont sans doute plus aussi accentuées ou dynamiques qu’elles ne l’étaient entre 2005 et 2010, quand on faisait des expériences avec de nombreux concepts différents et avec toute une gamme de méthodologies du design32. L’Armée américaine est loin d’avoir été la seule à traverser un cycle où a fluctué l’intérêt pour la conception : en effet, l’Armée australienne a connu elle aussi une période de « grand intérêt » pour les concepts du design entre 2005 et 2008, puis cet intérêt a diminué33; il y a aussi eu au Canada une période d’intérêt marqué au début, en 200934, puis un recul ultérieur à cet égard jusqu’après 2012, année où le CFC a de nouveau axé ses programmes d’enseignement sur la conception35.

Malgré les fluctuations de l’intérêt dans diverses armées, ou les « caprices institutionnels » pendant que le mouvement du design militaire prend de la maturité, de nombreux autres acteurs continuent à explorer et à élaborer des théories et des expériences concurrentielles de la conception dans des applications pratiques au sein d’une collectivité pluralisée de professionnels. Un exemple frappant réside encore une fois au Canada, où d’éminents chercheurs, tels que Philippe Beaulieu-Brossard (Ph. D.) et Philippe Dufort (Ph. D.), ont organisé de nombreux ateliers et conférences internationaux sur la conception et aidé à réaliser un numéro complet du Journal of Military and Strategic Studies (JMSS) en 2017 et un numéro spécial de la Blue Knight Review en 2018 pour mettre en lumière des articles sur la conception rédigés par des experts de premier plan membres de la communauté de praticiens militaires. À Varsovie, à l’Institut de la tactique et de l’art opérationnels, l’Armée polonaise a amorcé en 2015 un vaste et délibéré programme d’études en conception militaire, et l’Institut compte bien devenir un centre d’excellence en Europe de l’Est pour les praticiens du domaine de la conception36. Les pays scandinaves continuent de mener des expériences sur la conception37, et il en est de même dans tout le continent européen38, dans les pays de l’OTAN39 et dans d’autres pays concernés ou alliés40.

En une décennie, les expériences originales menées par la FDI ont déclenché une vague intellectuelle de créativité et de réflexion critique et amené des écoles de pensée auparavant non reliées entre elles à travailler ensemble. Au milieu de cet échange international tourbillonnant d’idées et d’applications, plusieurs organisations militaires ont eu recours à la conception et à la théorie des systèmes, sous une forme ou sous une autre, pour affronter des défis complexes et dynamiques dans un contexte militaire. Le Canada offre un exemple que nous présenterons ici dans le cadre de cette révolution apparente dans la pensée et l’action militaires.

Pensée systémique délibérée et conception accidentelle : une application pratique dans l’ARC

En 2012, à titre de commandant de l’aviation tactique de l’ARC (1re Escadre), le brigadier-général K. Whale (il était colonel à cette époque) s’est embarqué profondément avec son équipe de planification dans ce qu’ils reconnaissent maintenant comme étant la pensée systémique délibérée et la conception accidentelle. L’équipe devait trouver une façon de réintroduire des hélicoptères de transport moyens à lourds (HELTML) dans l’aviation tactique de l’ARC41, mais dans le contexte d’un environnement stratégique caractérisé par des ressources fortement réduites; de fortes pressions s’exerçaient donc sur elle pour qu’elle trouve du personnel à même la structure existante des forces afin d’appuyer la réinsertion de cette flotte supplémentaire. Afin de rendre possible l’effort de planification complexe, l’équipe a lu et assimilé l’ouvrage La cinquième discipline et les explications qui y sont données à propos de « clarifier les aspirations…, […] engager des conversations réflexives… [et] comprendre la complexité…42 », cet ouvrage étant celui de Peter Senge, Ph. D., éminent analyste américain des systèmes et fondateur de la Society for Organizational Learning; elle a aussi étudié le succès de librairie Leading Change, signé par John Kotter, Ph. D., professeur émérite à la Harvard Business School43, avant d’entreprendre son analyse qui s’est en fin de compte avérée essentielle à leur schème de pensée et à leur engagement d’envergure à l’échelle de leur organisation, engagement qui a progressé pendant plus d’un an.

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Figure 1 : 1re Escadre – Conception de type « guerre froide ».

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Des itérations successives du premier principe, des évaluations « en profondeur » et un recadrage ont fini par mettre en lumière une structure des forces vétustes datant de la guerre froide : la structure jumelait des escadrons d’hélicoptères indépendants à des brigades de l’Armée canadienne hébergées au même endroit et reliées sur les plans fonctionnel et linéaire à un quartier général tactique de l’Escadre (Figure 1); c’était un modèle qui avait été appliqué pendant des décennies. Au fil du temps, il y avait eu des ajustements au niveau des unités pour répondre aux besoins locaux et même des modifications au niveau de l’ARC, par exemple des changements dans les spécialités chargées principalement de la maintenance de premier échelon, mais les catalyseurs du changement n’ont jamais dépassé la limite qui aurait entraîné un examen complet au niveau du système de systèmes, examen qui aurait suffi pour remettre en question le modèle dominant de la structure des forces. Pendant que l’analyse menée par l’équipe de Whale progressait, le modèle de la guerre froide s’est avéré inapplicable dans les contextes de l’heure et ultérieurement. Par ailleurs, non seulement il n’existait aucune économie de personnel possible, mais il est devenu clair que cette escadre de l’ARC avait déjà plus qu’épuisé toute économie éventuelle de personnel lors d’une transformation insidieuse qui avait eu lieu au cours des années antérieures.

Sous les pressions qui s’exerçaient sur l’organisation pour qu’elle produise des résultats opérationnels malgré la compression des ressources pendant des décennies, l’Escadre a progressivement trouvé des moyens, dans ses sous-systèmes, de contourner la structure des forces périmée et elle a jeté les bases d’une escadre interdépendante et redéfinie qui a osé produire des détachements d’aviation évolutifs et adaptés aux tâches, malgré l’inefficacité de l’ancienne structure. En fait, ce qui avait commencé comme une recherche de gains d’efficacité a abouti à de grands changements apportés aux rôles des unités et à un nouveau modèle d’emploi de l’Escadre axé sur un « système de systèmes », modèle qui a permis de réintégrer les HELTML et aussi d’accélérer et de confirmer la transformation institutionnelle qui était déjà bien amorcée (Figure 2).

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Figure 2 : Modèle de restructuration de la 1re Escadre, 2013-2017.

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Chaque escadron a dû redistribuer son matériel, ses véhicules et ses postes, ou s’en départir, pour respecter la logique du remodelage de l’Escadre; cela a éliminé l’indépendance des escadrons individuels et a même, dans un cas, provoqué une redéfinition complète du rôle d’un escadron aérien polyvalent qui est dès lors devenu un escadron de maintenance d’aéronefs sur lequel la plupart des autres escadrons ont ensuite dû compter. Ces changements ont constitué un défi culturel, au début, jusqu’à ce que chaque membre de l’Escadre arrive à visualiser son nouveau rôle dans l’ensemble du système reconçu. L’ARC en a retiré une aviation tactique plus capable et plus équilibrée qui comprenait à la fois des HELTML (CH-147F Chinook) et des appareils CH-146 Griffon polyvalents et qui a permis la meilleure production possible de détachements d’aviation adaptés à la tâche. Après que la chaîne de commandement eut donné son aval, le plan quinquennal exhaustif de restructuration qui en est résulté a été promptement mis en œuvre, et sa réalisation a été achevée en 2017; dès lors, la structure des forces de l’Escadre a été harmonisée avec sa réalité opérationnelle.

Ceux qui doutaient des mérites du modèle perturbateur en ont vu la justification dans le monde réel par suite d’un malheureux hasard au moment où l’équipe de planification achevait la rédaction de ses recommandations. En novembre 2013, le Canada a envoyé son Équipe d’intervention en cas de catastrophe (EICC) aux Philippines pour apporter une aide humanitaire aux victimes des effets dévastateurs du typhon Haiyan44. L’EICC a été renforcée par une solide force opérationnelle aérienne de l’ARC qui comprenait un petit détachement d’hélicoptères de la 1re Escadre. Le détachement a été constitué rapidement non seulement avec des aéronefs, du personnel et du matériel fournis par chaque escadron de l’Escadre, mais aussi avec des éléments de soutien qui provenaient de l’ensemble de l’aviation tactique : voilà qui a confirmé la valeur du modèle de l’escadre indépendante redéfinie!

Image du MDN TM02-2019-0074-0027, par le caporal François Charest

Un hélicoptère CH-146 Griffon et un hélicoptère CH-147F Chinook volent en formation dans le cadre de l’opération Presence-Mali, le 5 juin 2019.

Le recadrage de la structure de la force aérienne est un exemple relativement simple mais tangible du potentiel qu’offrent la pensée systémique et la conception dans le contexte militaire. Tout au long du processus, une approche axée sur la pensée systémique a été délibérément employée comme antidote à la pensée linéaire traditionnelle, approche qui a contribué à la conception du nouveau modèle organisationnel. Au lieu d’appliquer la méthodologie de l’optimisation analytique ancrée dans la doctrine militaire canadienne, Whale a encouragé son équipe de concepteurs à situer leur défi situationnel complexe dans une perspective systémique. En rétrospective, le brigadier-général Whale n’a constaté la présence d’éléments de la conception accidentelle dans l’approche de son équipe qu’au moment où il a été exposé à la théorie de la conception pour la première fois pendant qu’il assistait à une session du Programme de sécurité nationale au CFC en 2015-2016, soit bien après l’amorce de la restructuration de la 1re Escadre. L’école de pensée a puisé dans toute une gamme de méthodologies de conception, y compris certains points de vue de l’Armée américaine plus largement diffusés. En particulier, le point de vue d’experts tels que le colonel Stefan Banach et Alex Ryan, Ph. D. exprimé dans l’ouvrage The Art of Design (Figure 3)45, qui fait partie de l’introduction du CFC à la théorie de la conception, a illustré l’interaction inhérente entre la pensée systémique et la conception que Whale et son équipe avaient employée, un « heureux accident » qu’il attribue maintenant à son exposition antérieure à des éléments de la description des « modèles mentaux » par Senge46.

Figure traduite et tirée de l’ouvrage The Art of Design, Stefan Banach et Alex Ryan

Figure 3 : Éléments de la conception.

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En rétrospective, l’équipe de Whale a mis à profit une certaine forme de l’approche de Banach et Ryan – « situation problématique … cadrage… recadrage … et réflexion »47 – qui est exprimée dans diverses autres approches du design militaire en des termes différents tels que « conception systémique des opérations ». Le brigadier-général Whale, un des auteurs du présent article, réfléchit à son expérience personnelle et déclare qu’il aurait beaucoup aimé avoir été exposé à la réflexion conceptuelle plus tôt au cours de son perfectionnement professionnel, car cela aurait pu favoriser l’évolution de la pensée de son équipe qui a abouti au recadrage du modèle de la structure des forces de l’Escadre. Cela met en lumière tant la nature encore jeune du mouvement du design militaire, en ce sens que de nombreux officiers généraux d’aujourd’hui ont été peu exposés, voire pas du tout, à la conception dans la pratique ou dans le cours de leurs études, et que, du point de vue institutionnel, de nombreuses forces armées ne savent pas au juste à quel moment il conviendrait d’exposer pour la première fois à la conception leurs officiers et leurs militaires du rang, ni quelle serait la meilleure façon d’enseigner l’art de la conception ou du design48.

L’avenir du perfectionnement des officiers des Forces armées canadiennes au XXIe siècle est prometteur, car le CFC offre maintenant des cours sur la conception aux officiers du grade de major dans le cadre du Programme de commandement et d’état-major interarmées (PCEMI), dans le volet des Études avancées sur la conduite de la guerre interarmées, et des activités « liées à la conception » sont incluses depuis 2015 à l’intention des officiers choisissant le volet des Études sur la politique institutionnelle. Par conséquent, des cohortes plus jeunes d’officiers supérieurs ont maintenant été exposées aux possibilités et aux avantages offerts par cette nouvelle épistémologie opérationnelle. En outre, d’ici 2020, le PCEMI aura été refondu de telle façon qu’il inclura la réflexion conceptuelle dans le « groupe fondamental » plus large d’activités offertes à tous les étudiants choisissant ce programme.

Conclusion

Confrontés à la complexité de « vilains » problèmes qui constituent un élément inéluctable de la guerre moderne et des opérations militaires, les chefs et les planificateurs des forces armées doivent s’adapter et envisager des façons novatrices d’exploiter la pensée critique. Les façons traditionnelles de se préparer à la guerre et les processus décisionnels linéaires typiques de l’époque de la guerre froide ne suffisent plus et risquent d’entraver la croissance et l’innovation nécessaires au XXIe siècle. Il se peut que le mouvement du design militaire, avec sa nature multidisciplinaire et sa logique axée sur la pensée systémique, soit considéré comme une menace pour les moyens ritualisés de planification et d’action dans les organisations militaires. Pourtant, la conception militaire a pour objet de perturber, d’innover et de fournir l’organisation « qui est nécessaire mais n’existe pas encore » [TCO]. Dans le contexte de cette réalité, les Forces armées canadiennes ont commencé à explorer la conception émergente tant accidentelle que délibérée, dans le cadre des études militaires professionnelles, et c’est là un fait très prometteur. Pour ce qui est des options pédagogiques militaires, la souplesse et l’ouverture d’esprit canadiennes face à de nombreuses méthodes et théories militaires et civiles en matière de conception favorisent une expérimentation plus large qui s’éloigne du cycle militaire ritualiste de la pensée convergente, de la codification et de l’endoctrinement axés sur un seul concept universel plutôt que sur des solutions de rechange.

En introduisant la théorie de la conception, le CFC fait fond sur les concepts pionniers israéliens de la CSO et sur les évolutions ultérieures de ceux-ci pour rendre possible et intégrer la réflexion conceptuelle et la pensée systémique dans le contexte militaire canadien, et ce n’est certes pas trop tôt. Comme l’a illustré l’exemple de la redéfinition de la structure des forces au niveau de l’escadre dans l’ARC, la complexité du monde réel provoque déjà le recours à la pensée non linéaire pour trouver des solutions novatrices. À chaque niveau de la « logique » militaire dans les contextes très dynamiques et fluides, de brillants cerveaux et des équipes multidisciplinaires sont de plus en plus, sinon à leur corps défendant, attirés par de nouvelles façons de penser pour remplir leur tâche consistant à « chercher ce qui est nécessaire mais n’existe pas encore » [TCO].

Quand la pensée linéaire traditionnelle échoue, ce ne sera qu’en adoptant de nouvelles façons de réfléchir, en faisant preuve de créativité et en appliquant les techniques de la réflexion critique que les planificateurs militaires produiront les résultats souhaités, émergents et transformateurs qui leur permettront d’éviter les perturbations du genre de celles causées par Uber ou Netflix, dans le contexte des opérations militaires complexes, sinon dans celui de la sécurité nationale même. L’introduction en bonne et due forme et en évolution de la conception au CFC devrait élargir la gamme des avantages éventuels que la théorie de la conception a à offrir aux Forces armées canadiennes, et en accélérer la concrétisation. Les notions liées au design militaire ont mis une décennie à franchir la distance entre le Liban et Toronto; cela peut paraître long, mais c’est le temps qu’il faut pour en saisir les nuances. L’émergence de la pensée systémique et de la conception dans la planification et les programmes d’études militaires se manifeste partout dans le monde, et maintenant, les Forces armées canadiennes se sont jointes à ce mouvement.

Notes

  1. Jean-Pierre Protzen et David Harris, The Universe of Design: Horst Rittel’s Theories of Design and Planning, New York, Routledge, 2010, p. 123.
  2. Karl Weick, « Organizational Communication: Towards a Research Agenda », dans Communication and Organizations: An Interpretive Approach, Linda Putnam et Michael Pacanowsky (sous la dir. de.), Beverly Hills, Sage Publications, 1983, p. 25.
  3. Bill Bentley et Scott Davy, Military Decision-Making and Soft Systems Methodology, in Decision-Making: International Perspectives, Peter Greener. Ph. D., et lieutenant-colonel Jeff Stouffer (sous la dir. de), Presses de l’Académie canadienne de la Défense, 2009, p. 26.
  4. Philippe Beaulieu-Brossard et Philippe Dufort, « Introduction to the Conference: The Rise of Reflective Military Practitioners », Hybrid Warfare: New Ontologies and Epistemologies in Armed Forces, Collège des Forces canadiennes, Toronto, Université d’Ottawa et Collège des Forces canadiennes, 2016; Christopher Paparone, « How We Fight: A Critical Exploration of US Military Doctrine », dans Organization, vol. 24, no 4 (2017), p. 516–533 - voir le site <https://doi.org/o0r.g1/107.171/1773/5103505804814716769933853>; Grant Martin, « Deniers of ‘The Truth’: Why an Agnostic Approach to Warfare Is Key », dans Military Review, février 2015; Anders Sookermany, « On Developing (Post) Modern Soldiers: An Inquiry into the Ontological and Epistemological Foundation of Skill-Acquisition in an Age of Military Transformation », thèse de doctorat en philosophie, 2013; Ben Zweibelson, « Three Design Concepts Introduced for Strategic and Operational Applications », dans National Defense University PRISM, vol. 4, no 2, 2013, p. 87–104.
  5. La conception est en fait intemporelle dans le contexte de l’histoire du genre humain. Les outils de pierre ont été le fruit de la créativité de l’être humain qui a ainsi modifié l’environnement pour répondre à ses besoins. Dans le contexte de la guerre, les forces armées recourent constamment à la conception, tacitement. Les innovations tactiques introduites entre le printemps de 1915 et la fin de la Première Guerre mondiale illustrent des cycles de conception tacite : les deux camps cherchaient alors à transcender l’immobilisme opérationnel imposé par des conditions industrielles, par les tirs d’artillerie indirects à longue portée et par les armes automatiques. Ces efforts ont en fin de compte donné lieu aux « tactiques des troupes de choc », à la guerre blindée, aux défenses souples et aux opérations multinationales. Richard L. Currier, Broché, New York, Arcade Publishing, 2015, p. 1-28; Jonathan M. House, Combined Arms Warfare in the Twentieth Century, Lawrence (KS), University Press of Kansas, 2001, p. 31-63; Jonathon Bailey, « The First World War and the Birth of Modern Warfare », dans The Dynamics of Military Revolution, MacGregor Knox, Williamson Murray (sous la dir. de), Cambridge, Cambridge University Press, 2001.
  6. Ben Zweibelson, « Designing through Complexity and Human Conflict: Acknowledging the 21st Century Military Design Movement », dans Design Lecture with Phil Gilbert and Ben Zweibelson on Military Design and IBM Design Movements, SPADE 2018 : Rethinking Defense and Security in the Digital Age, Copenhague, Danemark : IBM, 2018.
  7. Ofra Graicer, « Self Disruption: Seizing the High Ground of Systemic Operational Design (SOD) », dans Journal of Military and Strategic Studies, vol. 17, no 4, juin 2017, p. 21–37; Shimon Naveh, Entrevue avec le brigadier-général (à la retraite) Shimon Naveh, transcription numérique, 1er novembre 2007; Philippe Beaulieu-Brossard, « Systemic Operational Design or How I Began to Worry about the Dual Use of Critical Concepts », (plan dressé pendant des travaux sur le terrain, 1er juin 2015), p. 3.
  8. Paul Mitchell, « Stumbling into Design: Action Experiments in Professional Military Education at Canadian Forces College », Journal of Military and Strategic Studies, vol. 17, no 4, juin 2017, p. 84–102; Aaron Jackson, « Towards a Multi-Paradigmatic Methodology for Military Planning: An Initial Toolkit », dans The Archipelago of Design Blogs (blogue), 4 mars 2018 – voir le site <http://militaryepistemology.com/multiparadigm2018/>; Ben Zweibelson et coll., « The Emergent Art of Military Design: Swedish Armed Forces and the Contemporary Security Environment », The Royal Swedish Academy of War Sciences: Proceedings and Journal, no 3, 2017; Philippe Beaulieu-Brossard, « Encountering Nomads in Israel Defense Forces and Beyond » (ébauche non publiée fournie par l›auteur, 2016; Christopher Paparone, « Design and the Prospects for Deviant Leadership », Small Wars Journal, 8 septembre 2010, p. 1–9; Jeffrey van der Veer, « MilitaryEpistemology.Com », site pédagogique, Design Thinking in the Royal Netherlands Army (blogue), 16 juillet 2018 – voir le site <http://militaryepistemology.com/design-thinking-in-the-royal-netherlands-army/>.
  9. « Canadian Forces College 2013-2014 Joint Command and Staff Programme DS/CF 548 Lesson Plan: Advanced Joint Warfighting Studies », document interne non publié du Collège des Forces canadiennes, mars 2014; Philippe Beaulieu-Brossard et Philippe Dufort, « Conclusion: Researching the Reflexive Turn in Military Affairs and Strategic Studies », dans Journal of Military and Strategic Studies, vol. 17, no 4, juin 2017, p. 273–289; Ben Zweibelson, « Processus canadien de conception militaire en 2015 : sortir des sentiers battus grâce aux carrés sémiotiques », dans Le Journal de l’Armée du Canada, vol. 17, n° 2, 2017 – voir le site < http://www.army-armee.forces.gc.ca/fr/journal-armee-canada/journal-armee-index.page.>
  10. Bernard Tschumi, Architecture et disjonction, Orléans : Éditions HYX, 2014; Victor Papanek, Design pour un monde re´el : e´cologie humaine et changement social, Paris, Mercure de France, 1974; Bruno Latour, « Visualisation and Cognition: Drawing Things Together », ouvrage non daté publié par l’auteur lui-même - voir le site < http://www.bruno-latour.fr/); Bruno Munari, L’art du design, Paris, Pyramyd, 2012; Herbert Simon, Les Sciences de l’artificiel, troisie`me e´dition, Paris, Gallimard, 2004.
  11. Klaus Krippendorff, « Propositions of Human-Centeredness; A Philosophy for Design », dans Doctoral Education in Design: Foundations for the Future: Proceedings of the Conference Held 8-12 July 2000, La Clusaz, France, Staffordshire (R.-U.), Staffordshire University Press, 2000; Papanek, Design pour un monde re´el : e´cologie humaine et changement social; Jean-Pierre Protzen et David Harris, The Universe of Design: Horst Rittel’s Theories of Design and Planning, New York, Routledge, 2010.
  12. Harold Nelson et Erik Stolterman, The Design Way, deuxième édition, Cambridge (MA), The MIT Press, 2014.
  13. Antoine Bousquet et Simon Curtis, « Beyond Models and Metaphors: Complexity Theory, Systems Thinking and International Relations », dans Cambridge Review of International Affairs, vol. 24, no 1, 2011, p. 43–62; Christopher Paparone, « On Metaphors We Are Led By », dans Military Review, vol. 88, no 6, décembre 2008, p. 55–64; Haridimos Tsoukas et Mary Jo Hatch, « Complex Thinking, Complex Practice: The Case for a Narrative Approach to Organizational Complexity », dans Human Relations, vol. 54, no 8, août 2001, p. 979–1013.
  14. Nathan Eddy, « Apple, Android Comprise 82% of Smartphone Market Share: NPD Group », eWeek, 14 décembre 2011. Site consulté la dernière fois le 1er août 2017 : http://www.eweek.com/mobile/apple-android-comprise-82-of-smartphone-market-share-npd-group. Motorola possédait 36 % du marché des téléphones intelligents à la fin de 2006, mais ce pourcentage est tombé à 1 % en 2009. En 2011, Apple avait conquis 29 % de ce même marché et a ensuite connu une croissance exponentielle après avoir beaucoup appris de Motorola dans la coentreprise du téléphone Rokr.
  15. Tim Stenovec, « More proof that Uber is killing the Taxi industry », dans Business Insider, 7 janvier 2016. Site consulté la dernière fois le 1er août 2017 : http://www.businessinsider.com/more-proof-that-uber-is-killing-the-taxi-industry-2016-1.
  16. Karl Weick, « The Role of Imagination in the Organizing of Knowledge », European Journal of Information Systems, vol. 15, 2006, p. 446–452; Sally Maitlis et Scott Sonenshein, « Sensemaking in Crisis and Change: Inspiration and Insights from Weick (1988) », dans Journal of Management Studies, vol. 47, no 3, mai 2010, p. 551–580.
  17. Ofra Gracier, « Between Teaching and Learning: What Lessons Could the Israeli Doctrine Learn from the 2006 Lebanon War? », dans Experticia Militar, octobre 2017, p. 22–29; Alex Ryan, « A Personal Reflection on Introducing Design to the U.S. Army », The Medium (blogue), 4 novembre 2016 – voir le site <https://medium.com/the-overlap/a-personal-reflection-on-introducing-design-to-the-u-s-army-3f8bd76adcb2>; Ben Zweibelson et coll., « The Emergent Art of Military Design: Swedish Armed Forces and the Contemporary Security Environment », dans The Royal Swedish Academy of War Sciences: Proceedings and Journal, no 3, 2017; Shimon Naveh, Entrevue avec le brigadier-général (à la retraite) Shimon Naveh, transcription numérique, 1er novembre 2007.
  18. Anna Grome, Beth Crandall et Louise Rasmussen, « Incorporating Army Design Methodology into Army Operations: Barriers and Recommendations for Facilitating Integration », U.S. Army Research Institute for the Behavioral and Social Sciences, rapport de recherche 1954, mars 2012; Ryan, « A Personal Reflection on Introducing Design to the U.S. Army »; Mitchell, « Stumbling into Design: Action Experiments in Professional Military Education at Canadian Forces College »; Ofra Graicer, « Beware of the Power of the Dark Side:The Inevitable Coupling of Doctrine and Design », dans Experticia Militar, octobre 2017, p. 30–37; Alice Butler-Smith, « Operational Art to Systemic Thought: Unity of Military Thought », dans Cluster 3 [Hybrid Warfare: New Ontologies and Epistemologies in Armed Forces, Canadian Forces College, Toronto (Canada) : ouvrage interne non publié du Collège des Forces canadiennes, 2016], p. 1–5.
  19. Mitchell, « Stumbling into Design: Action Experiments in Professional Military Education at Canadian Forces College »; Beaulieu-Brossard et Dufort, « Conclusion: Researching the Reflexive Turn in Military Affairs and Strategic Studies »; Beaulieu-Brossard, « Encountering Nomads in Israel Defense Forces and Beyond ».
  20. Ben Zweibelson, Aaron Jackson et Simon Bernard, « Teachers, Leave Them Kids Alone: Debating Two Approaches for Design Education in Military Organizations », dans Blue Knight Review, numéro spécial, 2018, no 2, 27 janvier 2018) – voir le site <http://www.cmrsj-rmcsj.forces.gc.ca/cb-bk/art-art/2018/art-art-2018-4-eng.asp>; Zweibelson, « Processus canadien de conception militaire en 2015 : sortir des sentiers battus grâce aux carrés sémiotiques »; Beaulieu-Brossard et Dufort, « Conclusion: Researching the Reflexive Turn in Military Affairs and Strategic Studies »; Mitchell, « Stumbling into Design: Action Experiments in Professional Military Education at Canadian Forces College ».
  21. Shimon Naveh, Jim Schneider et Timothy Challans, The Structure of Operational Revolution: A Prolegomena, A Product of the Center for the Application of Design (publication interne : Booz Allen Hamilton, 2009); Graicer, « Beware of the Power of the Dark Side: The Inevitable Coupling of Doctrine and Design »; Graicer, « Self Disruption: Seizing the High Ground of Systemic Operational Design (SOD) »; Robert Dixon, « Systems Thinking for Integrated Operations: Introducing a Systemic Approach to Operational Art for Disaster Relief » (monographie, mars 2006).
  22. Certains historiens militaires pourraient faire valoir que des exemples antérieurs se sont produits, mais l’application délibérée de la CSO par la FDI dans la majorité de ses forces armées et la méthodologie novatrice que la CSO a mise de l’avant correspondent clairement à la première intégration complète, par une organisation militaire moderne, de disciplines, d’un langage et de concepts reconnus en matière de design.
  23. Graicer, « Self Disruption: Seizing the High Ground of Systemic Operational Design (SOD) »; Graicer, « Between Teaching and Learning: What Lessons Could the Israeli Doctrine Learn from the 2006 Lebanon War? »; Eyal Weizman, Hollow Land: Israel’s Architecture of Occupation, New York, Verso, 2007; Naveh, Entrevue avec le brigadier-général (à la retraite) Shimon Naveh.
  24. Ryan, « A Personal Reflection on Introducing Design to the U.S. Army »; Shimon Naveh, « The Australian SOD Expedition: A Report on Operational Learning » (Manuscrit non publié, 10 décembre 2010); Graicer, « Self-Disruption: Seizing the High Ground of Systemic Operational Design (SOD) »; Alex Ryan, « The Foundation for an Adaptive Approach », Australian Army Journal for the Profession of Arms, vol. 6, no 3, 2009, p. 69.
  25. Ministère de la Défense de l’Australie, Adaptive Campaigning: The Land Force Response to Complex Warfighting, Canberra (Australie) : Quartier général de l’Armée australienne, 2007; Ryan, « The Foundation for an Adaptive Approach »; Michael Bassingthwaighte, « Adaptive Campaigning Applied: Australian Army Operations in Iraq and Afghanistan », U.S. Army School of Advanced Military Studies Monograph, 19 mai 2011.
  26. Sookermany, « On Developing (Post) Modern Soldiers »; Zweibelson et coll., « The Emergent Art of Military Design: Swedish Armed Forces and the Contemporary Security Environment »; Ben Zweibelson, « ‘Design’ Goes Dutch: Royal Netherlands Army Consideration for Unconventional Planning and Sensemaking », dans Royal Netherlands Atlantisch Perspectief Journal, vol. 29, no 6, 2015, p. 31–35; Jelte Groen, « Systemic Operational Design: Improving Operational Planning for the Netherlands Armed Forces » (monographie, mars 2006); Stephan De Spiegeleire et coll., « Designing Future Stabilization Efforts », HCSS Research Project for the Dutch Ministry of Defense, 2013-2014. La Haye (Pays-Bas), Hague Centre for Strategic Studies, 2014) – voir le site <http://hcss.nl/sites/default/files/files/reports/HCSS_Designing_Future_Stabilisation_
    Efforts.pdf
    >; Ministère de la Défense du Royaume-Uni, Joint Doctrine Note 3/11: Decision-Making and Problem Solving: Human and Organisational Factors, Shrivanham, Wiltshire (Royaume-Uni) : Development, Concepts and Doctrine Section of the United Kingdom Defence Staff, 2011 – voir le site <www.mod.ik/dcdc.>
  27. Mitchell, « Stumbling into Design: Action Experiments in Professional Military Education at Canadian Forces College ».
  28. Zweibelson, « Processus canadien de conception militaire en 2015 : sortir des sentiers battus grâce aux carrés sémiotiques »; Beaulieu-Brossard et Dufort, « Introduction to the Conference: The Rise of Reflective Military Practitioners ».
  29. Groen, « Systemic Operational Design: Improving Operational Planning for the Netherlands Armed Forces »; Zweibelson, « ‘Design’ Goes Dutch: Royal Netherlands Army Consideration for Unconventional Planning and Sensemaking »; Przemyslaw Pazdziorek, Wojskowa mysl operacyjna w konfliktach zbrojnych przelomu XX i XXI wieku, Varsovie, Adam Marshal, 2016; Zweibelson et coll., « The Emergent Art of Military Design: Swedish Armed Forces and the Contemporary Security Environment ».
  30. Ryan, « A Personal Reflection on Introducing Design to the U.S. Army »; Butler-Smith, « Operational Art to Systemic Thought: Unity of Military Thought »; Stefan Banach et Alex Ryan, « The Art of Design: A Design Methodology », dans Military Review, vol. 89, no 2, avril 2009, p. 105–115; Stefan Banach, « Educating by Design: Preparing Leaders for a Complex World », dans Military Review, avril 2009, p. 96-114; Jeb Downing, « Systemic Operational Design », (présentation PowerPoint Microsoft, 6 janvier  2015).
  31. D’après de nombreux articles de correspondance publics et privés sur ce thème précis entre les auteurs et d’anciens étudiants, professeurs, conférenciers invités et chercheurs boursiers de la SAMS et avec des commandants de la SAMS à la retraite.
  32. School of Advanced Military Studies, Art of Design: Student Text, Version 2.0, Version 2 [Fort Leavenworth (Kansas) : U.S. Army School of Advanced Military Studies, 2010)] Graicer, « Beware of the Power of the Dark Side: The Inevitable Coupling of Doctrine and Design »; Ryan, « A Personal Reflection on Introducing Design to the U.S. Army »; Butler-Smith, « Operational Art to Systemic Thought: Unity of Military Thought ».
  33. Aaron Jackson, « A Tale of Two Designs: Developing the Australian Defence Force’s Latest Iteration of Its Joint Operations Planning Doctrine », dans Journal of Military and Strategic Studies, vol. 17, no 4, juin 2017, p. 174–193.
  34. John Anderson, « De la conception systémique des opérations (CSO) à une approche systémique de la conception et de la planification : une expérience canadienne », dans Revue militaire canadienne, vol. 12, n° 3 (été 2012); Matthew Lauder, « La conception systémique des opérations : un moyen de libérer la planification opérationnelle des chaînes de la linéarité », dans Revue militaire canadienne, Planification opérationnelle, vol. 9, n° 4, automne 2009, p. 41-49.
  35. Mitchell, « Stumbling into Design: Action Experiments in Professional Military Education at Canadian Forces College »; Beaulieu-Brossard, « Encountering Nomads in Israel Defense Forces and Beyond »; Zweibelson, « Processus canadien de conception militaire en 2015 : sortir des sentiers battus grâce aux carrés sémiotiques ».
  36. Misant sur l’aide militaire américaine, l’Armée polonaise a rapidement mis sur pied un vaste programme d’études sur la conception à l’intention de ses officiers supérieurs et aussi de ses forces conventionnelles et spéciales entre 2015 et 2018.
  37. Sookermany, « On Developing (Post) Modern Soldiers »; Zweibelson et coll., « The Emergent Art of Military Design: Swedish Armed Forces and the Contemporary Security Environment ».
  38. De Spiegeleire et coll., « Designing Future Stabilization Efforts »; Pazdziorek, Wojskowa mysl operacyjna w konfliktach zbrojnych przelomu XX i XXI wieku; van der Veer, « MilitaryEpistemology.Com »; Ben Zweibelson et coll., Over the Horizon Podcast 5 – Designing Future Security: An International Roundtable on the Military Design Movement, ITunes ou Soundcloud, Série des balados Over the Horizon consultée le 12 février 2018 - voir le site <https://overthehorizonmdos.com/2018/02/12/podcast-5-designing-future-security-an-international-roundtable-on-the-military-design-movement/.>
  39. Ben Zweibelson et Imre Porkolab, « Designing a NATO That Thinks Differently for 21st Century Complex Challenges », dans Defence Review; The Central Journal of the Hungarian Defence Forces, vol. 146, no 1, 2018.
  40. Aaron Jackson, « Innovative within the Paradigm: The Australian Defence Force’s Reinvigoration of Joint Operational Art » (ébauche non publiée et non datée fournie par l’auteur dans une correspondance personnelle); Jackson, « A Tale of Two Designs: Developing the Australian Defence Force’s Latest Iteration of Its Joint Operations Planning Doctrine »; Naveh, « The Australian SOD Expedition: A Report on Operational Learning »; Anne-Marie Grisogono, « The State of the Art and the State of the Practice: Implications of Complex Adaptive Systems Theory for C2 », Land Operations Division, Defence Science and Technology Organisation, South Australia, juin  2006, p. 1–19.
  41. Le colonel Whale a conçu l’expression anglaise « Tactical Aviation Enterprise (TAE) » (aviation tactique dans son ensemble) pour susciter une pensée systémique qui inclurait tous les groupes qui influaient sur les résultats de l’aviation tactique dans l’ARC, y compris : des éléments de l’Armée canadienne, les Forces d’opérations spéciales du Canada, le groupe du sous-ministre adjoint (Matériels), les partenaires de l’industrie, etc..
  42. Peter Senge, La cinquième discipline : levier des organisations apprenantes, Paris, Eyrolles, 2015, p. xix.
  43. J. Kotter, Leading Change, Boston, Harvard Business School Press, 1996.
  44. Opération Renaissance 13-1 : voir le site < https://www.canada.ca/fr/ministere-defense-nationale/services/operations/operations-militaires/achevees-recemment/operation-renaissance-13-1.html>.
  45. Colonel Stefan J. Banach and Dr. Alex Ryan. “The Art of Design: A Design Methodology,” in Military Review (March-April 2009), pp. 105-115.
  46. Senge, p. 8
  47. Banach etd Ryan.
  48. Jackson, « A Tale of Two Designs: Developing the Australian Defence Force’s Latest Iteration of Its Joint Operations Planning Doctrine »; Ben Zweibelson, « Professional Reading Lists: Thinking Beyond the Books and into Military Paradigmatic Biases », dans Air and Space Power Journal, vol. 30, no 2, été 2016; Graicer, « Between Teaching and Learning: What Lessons Could the Israeli Doctrine Learn from the 2006 Lebanon War? »; Graicer, « Self-Disruption: Seizing the High Ground of Systemic Operational Design (SOD) »; Mitchell, « Stumbling into Design: Action Experiments in Professional Military Education at Canadian Forces College »; Beaulieu-Brossard, « Encountering Nomads in Israel Defense Forces and Beyond ».