CRITIQUES DE LIVRES

Couverture de l’ouvrage « The Hall of Mirrors: War and Warfare in the Twentieth Century »

The Hall of Mirrors: War and Warfare in the Twentieth Century

par Jim Storr
Warwick (R.-U.) : Helion & Company, 2018
311 pages, 39,01 $
ISBN : 978-1-912390-85-4

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Critique de Cole Petersen

« Que peuvent nous apprendre les guerres du XXe siècle? », demande Jim Storr au lecteur dans les premières pages de son dernier livre intitulé The Hall of Mirrors. C’est là toute une question, à laquelle tous les membres de la profession des armes devraient réfléchir, car, en dépit de toutes les discussions sur la façon dont la nature des guerres du XXIe siècle est en mutation, un examen des conflits du siècle précédent peut fournir un éclairage précieux sur ceux de demain. Storr, lieutenant-colonel à la retraite de l’Armée britannique, professeur et analyste des questions de défense, a l’habitude de poser de sérieuses questions et d’y répondre avec une perspicacité limpide et parfois, une franchise brutale. Dans son livre antérieur d’analyse militaire intitulé The Human Face of War (2009), il s’est penché sur la théorie militaire et il est depuis longtemps publié abondamment dans diverses revues professionnelles spécialisées.

La thèse présentée dans The Hall of Mirrors est la suivante : en étudiant la façon dont les guerres ont été menées, nous pouvons acquérir d’utiles connaissances sur ce qui a fonctionné et n’a pas fonctionné dans le passé « […] grâce à une analyse exacte et profonde » [TCO]. Selon Storr, cela est essentiel aux militaires professionnels, car « […] les armées ne sont pas payées pour arriver au deuxième rang; une réflexion sur les éléments qui permettent à un protagoniste de remporter la victoire constituera donc un important domaine de discussion » [TCO]. En un premier temps, Storr exécute un survol chronologique des guerres du XXe siècle en parlant tout d’abord de la guerre des Boers et de l’insurrection des Philippines, puis en passant aux deux guerres mondiales et en examinant ensuite les conflits liés à la période de la guerre froide et les efforts déployés pour se préparer à l’éclatement d’un autre conflit mondial. Toutefois, la véritable valeur du livre se manifeste après l’examen chronologique des guerres du XXe siècle, avec quatre chapitres portant sur la guerre terrestre, la contre-insurrection, la guerre aérienne et la guerre navale. Dans ces chapitres, l’auteur extrait des perspectives décrites dans les dix chapitres historiques précédents et il essaie d’en tirer des leçons et des observations utiles, dont la plupart sont encore valables aujourd’hui. Après avoir formulé ses observations sur les conflits du XXe siècle, Storr soutient que la réussite dans la guerre terrestre repose sur la capacité du commandant de savoir quand combattre et quand marcher, et il ajoute que le succès remporté en mer n’a jamais fait gagner une guerre, mais qu’il pourrait grandement contribuer à la réussite sur terre dans l’avenir.

Storr examine à fond les perceptions et les propos relatifs à la guerre aérienne en soutenant que « la guerre aérienne stratégique » a souffert à maintes reprises du fait que ses adeptes avaient trop promis et n’avaient pas produit tous les résultats escomptés; qu’elle a correspondu à des efforts essentiellement inefficaces axés sur des « raids persistants », et que – cela a été prouvé – les forces aériennes militaires sont efficaces au maximum lorsqu’elles appuient des efforts opérationnels sur terre et en mer. Son appel au démantèlement des forces aériennes et à l’affectation des aéronefs auprès des marines et des armées en fera sans doute sourciller plusieurs, mais il vaut la peine d’y réfléchir, vu l’analyse qui mène à cette conclusion.

Le livre apporte une autre contribution intéressante, grâce au recours par Storr à des vignettes « hypothétiques » pour faire voir comment les événements se sont déroulés comme ils l’ont fait. Ces vignettes sont disséminées un peu partout dans l’ouvrage et elles surprendront probablement le lecteur, car elles tendent à être insérées sans avertissement. Par exemple, quand Storr décrit l’opération Market Garden, il expose comment le XXXe Corps britannique a franchi le Rhin à Arnhem, est rapidement parvenu à la Zuiderzee et a coincé la Quinzième Armée allemande dans les Pays-Bas, ce qui a permis à Patton de progresser sans opposition jusqu’au Rhin et a mis fin à la guerre à l’Ouest en décembre. « De toute évidence, cela ne s’est pas produit » [TCO], déclare Storr dans le paragraphe suivant. Il guide ensuite le lecteur pour lui faire découvrir pourquoi les événements se sont réellement passés comme cela, ce qui aurait pu arriver et pourquoi les décisions et les événements se sont enchaînés comme ils l’ont fait. Ces vignettes font réfléchir (de façon intéressante) aux questions de savoir comment et pourquoi les événements en question sont arrivés.

Par ailleurs, le livre est valable pour le professionnel en raison de la précision de la terminologie et de l’examen des données quantitatives. « Les conflits armés collectifs ont une taxonomie » [TCO], et Storr veille bien à fournir des définitions terminologiques très précises pour que les concepts soient discutés avec le vocabulaire approprié. Dans le discours professionnel d’aujourd’hui, truffé de mots à la mode et de concepts mal définis, une telle clarté terminologique aide le lecteur à situer différents aspects des conflits dans le bon contexte. L’utilisation des données par Storr est également éclairante, et elle équivaut à « montrer l’argent ». Storr essaie de démontrer l’inefficacité de l’offensive de bombardement combinée alliée en comparant la quantité mensuelle totale de bombes larguées par les Alliés, d’une part, et les statistiques sur la production de guerre allemande, d’autre part. Il torpille la notion selon laquelle les Soviétiques étaient des maîtres de la tactique et des opérations en analysant soigneusement les opérations soviétiques et l’ampleur de leurs pertes, éléments qui sont souvent « retouchés » dans les registres historiques. Le recours à une terminologie précise et à des données quantitatives dans l’ensemble du livre est utile pour dissiper de fausses perceptions et des mythes communs relatifs à la conduite de la guerre.

Le livre de Storr est utile à tout membre de la profession des armes. C’est un ouvrage réfléchi qui présente les faits et force le lecteur à remettre en question ses propres perceptions. Le livre n’est pas destiné aux lecteurs parcourant des ouvrages historiques en dilettante. Couvrir les guerres de tout un siècle en moins de 300 pages, voilà une entreprise fort audacieuse! En résumant rapidement la plupart des conflits, Storr suppose que le lecteur connaît bien l’histoire générale. Il présente aussi les faits et les événements sans recourir aux notes de bas de page, de sorte que le lecteur doit fouiller lui-même dans la littérature professionnelle pour comprendre les principales sources de l’auteur. Storr précise bien dans son introduction qu’il ne s’intéresse pas aux « discussions théoriques très argumentées » [TCO] qui aboutissent à peu de résultats effectivement utiles, et il présente une liste détaillée et une bibliographie soignée des textes et ouvrages dont il s’est servi pour analyser les guerres du XXe siècle.

En définitive, Storr apporte une contribution utile à la littérature professionnelle et il procure au lecteur des points de vue éclairants sur les conflits du XXe siècle. Le lecteur ne sera pas toujours d’accord avec lui, mais il profitera certainement de l’examen des faits et des événements que Storr emploie pour formuler ses arguments. Le livre offre quelque chose à tous les types de professionnels militaires, qu’il s’agisse d’examiner les tactiques terrestres, de comprendre comment les opérations aériennes contribuent aux campagnes ou encore de savoir quelles méthodes ont été les plus fructueuses dans les luttes anti-insurrectionnelles. Le livre compte en tout un peu plus de 300 pages; c’est donc un ouvrage facile à explorer et il ajoute avantageusement à la bibliothèque du lecteur moderne.

Le major Cole Petersen est officier d’infanterie dans le PPCLI. Il mène actuellement un examen de la structure des emplois militaires des officiers et des militaires du rang de l’infanterie, au sein de la Direction – Besoins en production de personnel.