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Le Grand Nord

Aurore boréale

Photo aur_038a, prise par Jan Curtis. www.geo.mtu.edu

Aurore boréale.

Un regain d’intérêt pour la sécurité de l’Arctique canadien?

par Rob Huebert, Ph. D.

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Introduction

Au cours de l’été 2002, les forces canadiennes ont mené leur premier exercice interarmées dans l’Arctique après plus de 20 ans d’inaction. Trois ans plus tard, en août 2005, deux navires de guerre canadiens sont entrés dans la baie d’Hudson pour la première fois depuis plus de 30 ans. Les forces armées attendent avec impatience le lancement, en 2006, de RadarSat II, qui donnera au Canada la capacité sans précédent de détecter les navires de surface dans les eaux du Grand Nord. En outre, le gouvernement a reconnu récemment, dans l’Énoncé de politique internationale de la Défense et des Affaires étrangères, la nécessité d’accroître la sécurité dans l’Arctique. La couverture médiatique accordée à diverses questions de sécurité et de souveraineté, comme le différend avec le Danemark au sujet de l’île Hans, a nourri ce regain d’intérêt pour la sécurité dans l’Arctique. Tout cela indique que le Canada redécouvre la nécessité d’accroître ses capacités de défense dans le Nord.

La sécurité du Nord pose depuis toujours un problème aux décideurs et aux militaires canadiens. Compte tenu de la superficie du territoire, de la complexité des menaces et des conditions climatiques, il paraît presque impossible d’assurer la sécurité de cette région. On a souvent l’impression que les dirigeants politiques et les planificateurs de la défense ont choisi la politique de l’autruche. Lorsqu’ils ont pris des décisions, c’était généralement en réaction à des actes posés par l’un des voisins du Canada, comme les États-Unis ou l’ancienne Union soviétique. Même quand le gouvernement a décidé d’agir, il s’est souvent montré peu enclin à consacrer les ressources nécessaires à l’application de ses décisions.

Malgré ce bilan peu reluisant, le gouvernement et les forces armées commencent apparemment à prendre au sérieux la sécurité de l’Arctique. Pour comprendre les mesures qu’adopte actuellement le gouvernement, il faut répondre aux questions suivantes : Quel est le contexte historique de la sécurité dans l’Arctique canadien? Le Canada est-il parvenu à protéger ce territoire? Améliore-t-il ses mesures de protection? Dans l’affirmative, pourquoi et maintiendra-t-il ces efforts à long terme?

Une carte

collection de la RMC

Le Grand Nord canadien.

Le contexte historique

On sait peu de choses sur la sécurité de l’Arctique avant l’arrivée des Européens, mais il semble qu’il y a eu des conflits mineurs entre les Inuit et les Dénés. Les historiens ont également signalé certains conflits entre les Inuit et les premiers explorateurs européens, comme Martin Frobisher et Henry Hudson1.

L’histoire moderne de la sécurité de l’Arctique canadien s’ouvre sur l’attaque japonaise contre la base navale de Pearl Harbour, en 1941. N’ayant pas réussi à couler les porte-avions stationnés dans cette base, les Japonais ont tenté de nouveau d’engager le combat contre la flotte américaine au début de l’été 1942. Leur stratégie a consisté à prendre l’île américaine de Midway, ce qui a obligé les États-Unis à riposter en position de faiblesse, leur flotte de porte-avions étant inférieure. Les Japonais espéraient ainsi écraser et couler les porte-avions américains. Pour désorienter l’ennemi, ils ont aussi lancé une attaque de diversion sur les îles Aléoutiennes Attu, Agattu et Kiska. S’ils ont été totalement défaits à la bataille de Midway, leurs attaques contre les îles Aléoutiennes ont été victorieuses et ils ont occupé ces îles jusqu’à l’invasion américano- canadienne de l’archipel pendant l’été 19432. Au cours de l’occupation japonaise, les gouvernements du Canada et des États-Unis craignaient que les îles servent de base pour d’autres avancées en Amérique du Nord. Ils ont décidé de construire une voie reliant l’Alaska au réseau routier nord-américain, qui permettrait le transport des effectifs, des munitions et des autres biens nécessaires à toute nouvelle avancée des forces japonaises. La route devait couvrir une distance de 2 288 kilomètres, de Dawson Creek, en Colombie-Britannique, jusqu’à Fairbanks, en Alaska3. Sa construction a débuté en mars 1942 et s’est dûment terminée huit mois plus tard4.

À bien des égards, la construction de la route de l’Alaska prépare le terrain pour les opérations de sécurité du Canada dans cette région. Bien que la route se trouve principalement en territoire canadien (1 964 kilomètres au Canada contre 324 en Alaska), la majeure partie des travailleurs et des fonds affectés à sa construction provenait des États-Unis. Il n’est donc pas surprenant que cette voie s’appelle la route de l’Alaska plutôt que la route du Yukon ou du Nord canadien.

À la fin de la Seconde Guerre mondiale, la menace soviétique n’a pas tardé à remplacer celle que posait le Japon dans le nord du Canada. Les Soviétiques s’étant dotés tour à tour d’armes nucléaires, de bombardiers à long rayon et de missiles balistiques, l’Arctique canadien est devenu l’une des principales zones d’intérêt de la guerre froide. On craignait peu une invasion terrestre; en revanche, les bombardiers et les missiles stratégiques des forces soviétiques pouvaient attaquer directement les villes nord-américaines en suivant la trajectoire polaire. Pour se défendre contre une telle attaque, les gouvernements du Canada et des États-Unis ont conclu une série d’ententes en matière de surveillance et de protection de l’espace aérien nord-américain, prévoyant notamment la construction d’un réseau d’alerte avancé et la création du Commandement de la défense aérienne de l’Amérique du Nord, qui deviendra le Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD). Le réseau d’alerte avancé a été érigé le long de la frontière terrestre septentrionale de l’Amérique du Nord, de l’ouest de l’Alaska jusqu’au Groenland, en traversant tout le nord du Canada. Ce réseau, qui s’est enrichi de nouveaux postes de radar au fil des ans et qui a été modernisé au Canada en 1985, est devenu le Système d’alerte du Nord. En mai 1958, le Canada et les États-Unis ont convenu de créer le NORAD. En vertu de cette entente, un commandement conjoint est chargé de la surveillance et du contrôle de l’espace aérien nord-américain. Il s’agit toujours de l’une des principales ententes de sécurité conclues entre les deux pays.

Dans le cas du réseau d’alerte avancé comme dans celui du NORAD, le Canada et les États-Unis ont été sur un pied d’égalité, bien que les États-Unis aient fourni la majeure partie des fonds et de la technologie nécessaires à la construction et à l’entretien des installations. Néanmoins, on admet généralement que les deux dispositifs ont bien servi le Canada pour ce qui est de la protection du Nord. Des différends mineurs ont inévitablement surgi en cours de route, mais aucun problème grave n’a entravé la mise en œuvre de ces mesures de sécurité bilatérales5. Le réseau d’alerte avancé et le NORAD ont partiellement contribué à maintenir l’équilibre de la force de dissuasion entre les pays signataires du pacte de Varsovie et l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord pendant la guerre froide.

Une carte

collection de la RMC

Cette projection de la carte de l’Europe de l’Ouest et de l’Europe centrale témoigne de l’immensité du Nord canadien.

Toutefois, si l’on examine les mesures de sécurité que le gouvernement canadien a prises sans l’aide des Américains, on s’aperçoit qu’elles ont toujours été minimales. La force la plus importante affectée en permanence dans le Nord est celle des Rangers, une milice volontaire chargée d’assurer la souveraineté par sa présence et de fournir des moyens de surveillance. Elle est principalement formée d’Autochtones du Nord, qui, grâce à leurs connaissances exceptionnelles de cette région, peuvent se déplacer et survivre. Ces unités sont cependant peu armées et, jusqu’à tout récemment, elles ne patrouillaient pas très loin de leur collectivité d’origine6. Le déploiement permanent de forces régulières a toujours été de faible envergure. Depuis les années 1970, il y a rarement plus de 500 personnes stationnées dans la région, ce qui comprend le personnel affecté au poste d’écoute électronique de Alert et au quartier général de commandement du Secteur du Nord à Yellowknife7. Les forces canadiennes ont mené des exercices de grande envergure dans le Nord pendant les années 1960 et 1970, mais l’importance et la portée de ces opérations ont diminué vers la fin des années 1980, au terme de la guerre froide.

De la même façon, la force aérienne et la marine ont joué un rôle moins important à mesure qu’évoluait la guerre froide. La marine, qui a acquis son premier brise-glace en 1954, a rapidement décidé de déléguer cette capacité à la Garde côtière. Elle en a donc été réduite à envoyer de temps à autre un navire dans l’Arctique durant la courte saison des eaux libres, en été. Ces déploiements ont pris fin en 1989. Lorsque l’URSS a constitué une flotte de sous-marins nucléaires et a commencé à la déployer dans l’Arctique, le gouvernement du Canada n’a pas fait grand-chose pour contrer cette menace. Il caressait périodiquement l’idée d’acheter des sous-marins nucléaires. En 1965, il avait envisagé la possibilité d’acheter quelques sous-marins américains de type Skipjack, mais il a vite abandonné cette idée8. Il s’est penché plus sérieusement sur la question des sous-marins au milieu des années 1980. Dans le livre blanc de 1987, il a annoncé son intention d’acheter ou de construire jusqu’à 12 sous-marins nucléaires9. Une telle flotte aurait permis à la marine de circuler partout dans l’Arctique canadien, ce qui aurait pu dissuader les sous-marins soviétiques de pénétrer dans ces eaux. Elle aurait aussi obligé les marines des forces alliées à mettre en place un plan de gestion sous-marine pour leurs opérations en eaux canadiennes afin d’éviter les collisions. Le Canada aurait ainsi pu se faire une excellente idée de l’activité sous-marine dans l’Arctique. Cependant, ce projet a été abandonné en raison de son coût et de la fin de la guerre froide, juste avant que le choix des plans ne soit arrêté.

Approvisionnements

Photo du MDN 8544

Le Grand Nord pose d’énormes problèmes de logistique. La motoneige est le moyen de transport idéal pour les opérations, mais ce Twin OtterCC138 de l’escadre 440 fournit une aide précieuse.

La présence des forces aériennes et leur capacité de déploiement dans le Nord ont aussi été systématiquement réduites durant les années 1970 et 1980. À l’heure actuelle, le 440e escadron de transport, qui compte quatre CC-138 Twin Otter du constructeur De Havilland, est la seule unité aérienne postée en permanence dans la région. Bien que ces avions aient été construits pendant les années 1960 et 1970, c’est seulement maintenant qu’on envisage sérieusement de les remplacer. Quatre emplacements avancés d’opérations ont été aménagés, à Inuvik, Iqaluit, Yellowknife et Rankin Inlet, pour servir les chasseurs du Canada et du NORAD, mais ils sont rarement en mode opérationnel. Hormis les Twin Otter, aucun avion ou hélicoptère de recherche et de sauvetage n’est stationné en permanence dans le Nord. Le nombre annuel de survols de la région par un aéronef de patrouille à long rayon d’action (d’abord l’Argus de Canadair et, plus tard, le CP-140 Aurora) a atteint un record de 22 en 1990. Toutefois, comme la menace semblait moins grave, la fréquence de ces opérations a énormément diminué, si bien qu’à partir de 1995 les forces aériennes n’effectuaient plus qu’un survol ou deux par année10.

La capacité de faire face aux menaces qui pèsent sur la sécurité dans le Nord n’a jamais été très grande. À leur apogée, les forces canadiennes ont coopéré avec celles des États-Unis pour contrer la menace japonaise puis la menace soviétique. Pourtant, pour diverses raisons, le Canada ne s’est pas efforcé de se doter des moyens d’intervenir de façon indépendante. Premièrement, les coûts de toute intervention indépendante ont toujours été énormes. Durant les années 1950, le Canada aurait pu disposer des ressources nécessaires pour renforcer ses capacités militaires dans le Nord, mais cela aurait été au détriment d’autres capacités de défense. Comme les États-Unis étaient prêts à assumer la majeure partie des coûts, le pays ne voyait pas l’utilité de consacrer des fonds à la défense de cette région. Deuxièmement, les menaces posées par le Japon et par l’Union soviétique dans le Nord ont toujours été éclipsées par d’autres menaces qui se manifestaient à ce moment-là. Ainsi, la guerre en Europe accaparait l’attention des décideurs canadiens au moment où le Japon investissait l’Alaska. Selon l’évaluation stratégique de l’époque (qui était exacte), c’était l’Allemagne qui posait la menace la plus sérieuse pour le Canada. Dans un même ordre d’idées, durant les années 1950 et 1960, l’intervention soviétique en Europe et en Asie a occulté les menaces aérospatiales et maritimes grandissantes que posait l’URSS dans l’Arctique canadien. Troisièmement, les États-Unis percevaient la situation de la même manière que le Canada. Grâce à leur nette supériorité militaire, ils étaient davantage en mesure de fournir les ressources nécessaires au maintien de la sécurité dans le Nord. Le Canada a donc consenti à confier l’entière responsabilité de la sécurité sous-marine de l’Arctique nord-américain à la marine américaine. Quatrièmement, après la construction de la route de l’Alaska, la mise en place du réseau d’alerte avancé et la création du NORAD, les décideurs canadiens ont estimé que le gros du travail était terminé et se sont penchés sur d’autres questions. Enfin, et c’est peut-être l’élément le plus important, depuis les années 1970, la sécurité dans l’Arctique est de plus en plus envisagée sous l’angle d’un faux dilemme l’opposant à la souveraineté.

La sécurité et la souveraineté dans l’Arctique : une fausse dichotomie

Les débats sur la sécurité de l’Arctique s’appuient souvent sur une dichotomie entre les questions de sécurité et de souveraineté : les politiques en matière de sécurité compromettraient la souveraineté du Canada et vice versa. Cette perspective repose sur l’idée émise pendant la guerre froide, selon laquelle l’URSS pose une menace à la sécurité, tandis que les États-Unis peuvent mettre en péril la souveraineté. En coopérant avec les États-Unis pour protéger l’Arctique canadien, le Canada abandonnerait donc une partie de sa souveraineté au profit des États-Unis. À l’inverse, s’il cherchait à affirmer sa souveraineté face aux Américains, cela compromettrait la collaboration des Américains à une stratégie de défense contre une éventuelle agression soviétique.

En réalité, il n’y a pas deux concepts qui s’excluent mutuellement mais deux termes qui désignent la même exigence : le contrôle régional. Quoique le sens de souveraineté suscite bien des débats, ce terme renvoie en fait à la capacité qu’a un État de légiférer et de faire respecter ses lois sur un territoire donné. L’État adopte et fait appliquer ces lois pour le bien-être, la prospérité et la sécurité de ses citoyens. Le Canada a toujours revendiqué le droit de légiférer et de faire respecter les lois régissant ses zones arctiques (terres, eaux et banquise) dans le but de protéger ses citoyens contre les menaces extérieures. Seulement, le prix de la souveraineté est élevé. Comme les États-Unis se sont jadis montrés prêts à assumer la majeure partie des coûts associés à la protection de l’Arctique nord-américain contre le Japon et l’URSS, les décideurs canadiens n’ont pas eu à prendre de mesures unilatérales dans le Nord. En même temps, les différends très médiatisés qu’ont provoqués entre les deux pays la crise du Manhattan en 1969-1970 et la crise du Polar Sea en 1985 ont créé l’illusion qu’il existe en quelque sorte une différence fondamentale entre les exigences en matière de sécurité et les exigences en matière de souveraineté. Cette opposition existe uniquement parce que le Canada a négligé de consacrer les ressources requises pour contrôler la région.

Une carte

carte de la RMC, tracée par Monica Muller

Les radars à longue portée du Système d’alerte du Nord du NORAD.

La fin de la guerre froide

La fin de la guerre froide a marqué la suspension ou la réduction considérable des activités du ministère de la Défense nationale dans le Nord. On estimait généralement que le Nord n’était plus menacé et qu’aucune mesure de protection n’était donc nécessaire.

La marine a cessé de se déployer dans le Nord en 1989. Depuis 1971, elle envoyait entre un et trois navires dans l’Arctique de l’Est. Au début, elle déployait des destroyers et des navires ravitailleurs, mais, à partir de 1986, elle a seulement envoyé des navires logistiques ou auxiliaires plus petits.

Les Forces canadiennes auraient aussi pu acheter aux États-Unis des systèmes d’écoute sous-marine pour l’Arctique. Le Canada a envisagé l’achat de trois dispositifs qui auraient fourni une couverture complète des points de passage obligés menant à l’archipel Arctique. Alors qu’il préparait un protocole d’entente qui aurait donné accès à cette technologie très avancée, le gouvernement a finalement considéré que les coûts prévus de 100 millions de dollars canadiens étaient trop élevés. Selon des documents déclassifiés, la décision d’abandonner le projet d’acquisition aurait été prise au début des années 1990. Si ce projet s’était réalisé, le Canada aurait eu son premier dispositif indépendant de détection de sous-marins étrangers dans ses eaux arctiques.

La force aérienne a également réduit la portée de ses engagements dans le Nord. Durant les années 1990, le 440e escadron a continué d’utiliser les véhicules de transport léger Twin Otter dans son théâtre d’opérations, sans que se profile un projet de remplacement de ces appareils vieillissants. Le nombre de patrouilles effectuées dans le Nord par les CP-140 Aurora et les trois appareils CF-140A Arcturus est passé d’un record de 22 en 1990 à une seule en 1995. Après 1995, il y a rarement eu plus d’un ou deux vols par an. De même, les CF-18 Hornet étaient rarement déployés aux quatre emplacements avancés d’opérations.

Au milieu des années 1980, on a modernisé le réseau d’alerte avancé, qui est devenu le Système d’alerte du Nord. Il s’agissait notamment de mettre à niveau certains systèmes radars, mais l’automatisation d’un grand nombre de stations plus petites a permis une réduction substantielle du personnel. Cependant, au cours des années 1990, on a porté moins d’attention à l’entretien de ces installations. À la même époque, on a modernisé le poste canadien à Alert, ce qui a aussi permis de réduire les effectifs, lesquels sont passés de 200 à environ 7511.

Les Rangers sont la seule composante des dispositifs de sécurité de l’Arctique qui a connu une croissance juste après la guerre froide. Le nombre total de leurs patrouilles est passé de 25 durant les années 1980 à 58 en 2000. Toutefois, en raison des contraintes budgétaires, seulement 30 des 58 unités ont pu effectuer des patrouilles en 2000.

Manifestement, la sécurité dans l’Arctique ne représentait plus pour le gouvernement une préoccupation majeure durant les années 1990. Lorsque le gouvernement s’est intéressé au rôle du nord du Canada dans le nouvel ordre mondial, il l’a fait dans le cadre des nouvelles institutions multilatérales, dont la plus importante était le Conseil de l’Arctique. Or, si le Conseil s’est résolument employé à cerner les menaces environnementales et sociales dans l’Arctique, ses documents constitutifs lui interdisent formellement d’aborder les questions de sécurité. Cette clause a été introduite à la demande instante des Américains, qui considéraient toujours la sécurité dans l’Arctique comme une de leurs priorités et ne voulaient pas qu’une organisation internationale entrave leur liberté d’action dans la région12.

Dans les années 1990, en raison de la fin de la guerre froide, le budget et le personnel des forces canadiennes ont subi des compressions considérables. Cela a obligé les forces à prendre des décisions difficiles qui, finalement, ont mis en lumière leurs priorités. La sécurité de l’Arctique n’en faisait manifestement pas partie, mais, au cours de la dernière décennie du XXe siècle, elle a suscité un léger regain d’intérêt.

Des glaces

POC 003_2001 www.mar.dfo-mpo.gc.ca

Mer prise dans les glaces.

Le début d’un regain d’intérêt pour la sécurité de l’Arctique canadien?

Il faudra attendre la fin des années 1990 pour que le gouvernement recommence à s’intéresser à la sécurité de l’Arctique canadien. S’inquiétant de l’inaction du Canada dans ce domaine, un petit groupe de fonctionnaires a formulé un nouveau cadre stratégique. Dans une large mesure, ce cadre découle de mesures prises par certains représentants gouvernementaux, notamment des membres des forces armées. Une grande partie de cette réévaluation initiale de la sécurité de l’Arctique canadien est l’œuvre du Groupe de travail interministériel sur la sécurité dans l’Arctique.

Le Groupe de travail interministériel sur la sécurité dans l’Arctique

Le Groupe de travail interministériel sur la sécurité dans l’Arctique est maintenant l’un des principaux moyens dont dispose le gouvernement pour examiner et coordonner sa politique en matière de sécurité dans l’Arctique. Créé au printemps 1999, ce groupe de représentants des gouvernements fédéral et territoriaux se réunit deux fois par an pour discuter des mesures à prendre et pour les coordonner. Il est formé d’universitaires et de représentants de divers groupes autochtones du Nord; ses réunions se tiennent en rotation dans les trois territoires. Il permet aux représentants de chaque ministère de faire part à leurs homologues de leur expérience en matière de sécurité, ce qui facilite la coordination des politiques et la planification des activités.

Des représentants des Forces canadiennes, de la Gendarmerie royale, de la Garde côtière, de Revenu Canada, de Citoyenneté et Immigration, du Service du renseignement de sécurité, des Affaires étrangères et du Commerce international ont participé à la première réunion, qui s’est tenue à Yellowknife en mai 1999. Dans son allocution d’ouverture, le colonel Pierre Leblanc, alors commandant du Secteur du Nord des Forces canadiennes, a expliqué la raison d’être de cette rencontre :

« Comme vous le savez sans doute, la situation géostratégique de l’Arctique s’est considérablement transformée au cours des cinq à dix dernières années, et le rythme de ce changement semble s’accélérer. »

« Manifestement, la plupart des ministères, et les compagnies aériennes, si l’on en juge par les ventes de billets, conçoivent le Canada comme un corridor reliant St. John’s à Victoria. Le Nord est trop souvent oublié, et on ne lui accorde pas la place qu’il mérite. »

« Le Nord est une belle et vaste région de notre pays. Il abonde en richesses naturelles, mais son écosystème est très fragile. Il nous incombe à tous d’en prendre soin. C’est là en fait le but de ce congrès : offrir une meilleure couverture du nord du Canada, du point de vue de la sécurité13. »

À la suite d’une série d’exposés sur les menaces potentielles et les problèmes que soulève la sécurité dans la région (questions de souveraineté, incidence du réchauffement de la planète, gestion des ressources naturelles, etc.), les participants ont déclaré que ces rencontres étaient très utiles et devraient être périodiques. À la troisième réunion, qui a eu lieu à Iqaluit en octobre 2000, il y avait des représentants des ministères des Richesses naturelles, de l’Environnement, des Affaires indiennes et du Nord, des Transports et de la Santé. Des représentants du Yukon, des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut assistaient déjà régulièrement aux réunions. En 2005, le Groupe de travail comptait tellement de membres que les organisateurs envisagent d’en restreindre la taille.

La force du groupe de travail s’est aussi manifestée dans le ferme soutien que lui ont continuellement accordé les trois commandants successifs du Secteur du Nord des Forces canadiennes. Comme il n’est pas possible de faire ici un examen complet des questions abordées par ce groupe, rappelons simplement qu’il s’est penché, entre autres, sur le problème du crime organisé dans l’industrie du diamant, sur la sécurité des oléoducs et des gazoducs, sur les problèmes de sécurité liés au retrait de la calotte glaciaire et sur les pandémies.

Ces rencontres ont eu trois conséquences majeures sur la renaissance de la politique en matière de sécurité dans l’Arctique canadien. Premièrement, elles ont permis aux membres du Groupe d’établir des relations de travail : beaucoup de représentants connaissaient mal les fonctions et les préoccupations de leurs collègues. Deuxièmement, elles ont permis d’améliorer la coordination entre les acteurs. Le Service du renseignement de sécurité s’est servi du Groupe de travail pour coordonner des exercices avec d’autres ministères. Lorsque le ministère de la Défense a repris les manœuvres interarmées dans le Nord (par exemple, les exercices de l’opération Narwhal), il y a intégré la Gendarmerie royale du Canada, la Garde côtière et l’Agence spatiale canadienne. Une telle coordination aurait pu se réaliser sans le Groupe de travail certes, mais c’est tout de même lors des réunions habituelles que les autres ministères ont été invités à se joindre au groupe. Le modèle de collaboration interministérielle à différents échelons que suit le Groupe de travail a précédé les efforts de coordination de la politique de sécurité déployés par le gouvernement. Les événements du 11 septembre 2001 ont obligé les gouvernements nord-américains à réévaluer sérieusement leur façon d’assurer la sécurité de leurs citoyens. La création de plusieurs groupes de travail intergouvernementaux sur la sécurité représente l’une des « nouvelles » importantes. Cependant, dans la mesure où la création du Groupe de travail interministériel sur la sécurité dans l’Arctique (GTISA) remonte à l’automne 1999, avant la naissance de tous ces groupes, il n’est pas surprenant que nombre des personnes qui avaient pris part aux travaux du GTISA dès ses débuts jouent maintenant un rôle de premier plan au sein des nouveaux organes de sécurité. Même les gouvernements territoriaux ont fait de ce groupe de travail un mécanisme de coordination de leurs politiques en matière de sécurité et de souveraineté. Les représentants territoriaux participant aux séances du groupe n’ont pas tardé à collaborer pour préparer une politique territoriale commune sur la sécurité et la souveraineté dans l’Arctique canadien14.

Les rencontres ont également donné aux ministères la possibilité de discuter des différences de leurs politiques. Même si les comptes rendus des réunions du Groupe de travail ne sont pas classifiés, les participants n’hésitent pas à défendre et à critiquer ouvertement les politiques de leur administration. Par exemple, le système de trafic dans l’Arctique canadien fait régulièrement l’objet de discussions. À l’heure actuelle, les navires étrangers circulant dans les eaux de l’Arctique canadien ne sont pas tenus de signaler leur présence. Certains ministères défendent cette politique, d’autres voudraient instaurer un système de signalement obligatoire. Ces débats ont forcé les ministères concernés à examiner soigneusement leurs positions.

Troisièmement, ces rencontres constituent un forum d’information pour les participants. Des experts du milieu universitaire, du secteur privé, de pays étrangers, d’organisations non gouvernementales et d’autres ministères font souvent des exposés sur les nouvelles menaces et sur les problèmes posés par la sécurité dans le Nord. Tous les membres du Groupe de travail ont ainsi l’occasion de discuter de ces questions et sont aussi de mieux en mieux informés des menaces découlant des changements climatiques, de l’exploitation des ressources, etc.

Outre les avantages directs qu’il présente, le Groupe de travail offre aux commandants du Secteur du Nord un forum leur permettant de faire valoir auprès des dirigeants de la Défense nationale la nécessité d’accroître la sécurité dans l’Arctique. Leurs efforts ont donné lieu à plusieurs mesures importantes, dont une étude sur les capacités dans l’Arctique15 et la reprise des exercices interarmées dans le Nord.

L’étude sur les capacités dans l’Arctique

L’étude sur les capacités dans l’Arctique visait « à fournir des renseignements et des analyses et à formuler des recommandations sur la nécessité d’accroître l’effectif des forces armées dans l’Arctique et la surveillance de cette région ainsi que sur la faisabilité d’un tel projet16 ». Selon le rapport, cette étude a été entreprise parce qu’on pensait que la situation stratégique se transformait; en particulier, le colonel Leblanc, commandant du Secteur du Nord, avait fait état de la transformation du contexte de sécurité dans l’Arctique :

« Depuis la fin de la guerre froide, la nature des questions de sécurité ne cesse d’évoluer et on se penche de plus en plus sur leurs dimensions environnementales, sociales et économiques. Dans l’Arctique, ces questions gagnent en importance. Au cours des prochaines décennies, la protection de l’environnement, l’expansion du transport maritime pouvant résulter des changements climatiques, l’intensification du trafic aérien et les éventuelles activités criminelles transnationales seront au nombre des nouveaux défis que les forces canadiennes pourraient être appelées à relever dans l’Arctique. »

« Le commandant du Secteur du Nord estime que ces changements accroissent la vulnérabilité du Nord aux défis asymétriques au moment où les forces armées réduisent leurs activités dans la région. C’est pourquoi le sous-ministre a commandé une étude afin de déterminer l’opportunité d’intensifier les efforts des forces armées dans le Nord et d’en évaluer la faisabilité dans un proche avenir17. »

Le rapport de l’étude comporte quatre sections. La première donne un aperçu de la politique dans l’Arctique; la deuxième fait état des activités des autres ministères en ce qui a trait à la sécurité dans l’Arctique; la troisième présente les activités générales du ministère de la Défense nationale dans l’Arctique; la dernière examine diverses options permettant d’accroître les capacités de la Défense nationale et des forces armées dans l’Arctique.

Dans la première section, les auteurs observent que les documents stratégiques du gouvernement fédéral sur la sécurité ne mentionnent le Nord qu’à quelques reprises. Le livre blanc de 1994 ne comprend qu’une référence directe à la sécurité de l’Arctique, lorsqu’il est dit que les forces canadiennes seront en mesure de « réagir efficacement aux nouvelles situations dans les zones maritimes relevant de notre compétence, dans notre espace aérien et sur notre territoire, notamment dans le Nord18 ». En outre, dans la troisième section, qui porte sur les activités et les capacités du ministère de la Défense nationale dans le Nord, on signale que « les activités des forces canadiennes dans le Nord ont diminué au fil des ans, et notre capacité de surveillance et d’intervention appropriée reste limitée. Ces lacunes prendront vraisemblablement plus d’importance à mesure que les activités dans l’Arctique s’intensifieront19. »

Les auteurs du rapport notent donc la capacité réduite du ministère de la Défense nationale d’assurer la sécurité dans l’Arctique. Ils proposent ensuite des recommandations à court, à moyen et à long termes.

Les recommandations à court et à moyen termes

  1. 1) Renforcer la collaboration interministérielle grâce à :

    1. la participation soutenue du ministère de la Défense au Groupe de travail interministériel sur la sécurité dans l’Arctique;

    2. la participation du Conseil privé et du Secrétariat de l’évaluation du renseignement au Groupe de travail en vue d’une évaluation du renseignement dans l’Arctique20;

    3. la participation soutenue du ministère de la Défense au Comité des sciences et de la technologie du Nord;

    4. l’échange continuel de renseignement avec les autres ministères.

  2. Resserrer les liens entre le Secteur du Nord et les opérations et systèmes de renseignement pertinents de la Défense nationale et des forces armées.

  3. Accroître les capacités d’analyse et de planification du Secteur du Nord des Forces canadiennes.

  4. Accroître les capacités et les activités des Rangers.

  5. Mener des exercices faisant appel aux capacités de réaction des forces terrestres dans le Nord.

  6. Évaluer les options permettant de fournir au Secteur du Nord des Forces canadiennes un appui aérien adéquat.

Les recommandations à long terme

  1. Tenir compte de l’Arctique dans l’élaboration des prochains cadres de planification des forces canadiennes.

  2. Tenir compte des besoins du Nord dans l’expansion et l’amélioration des capacités de déploiement général des forces canadiennes21.

Le rapport examine également les options permettant d’accroître la surveillance : utilisation de capteurs spatiaux, de drones à haute altitude et à grande autonomie ainsi que de radars haute fréquence à ondes de surface, et établissement d’un système conjoint du renseignement maritime fondé sur les capacités de surveillance de surface en réseau de même que de dispositifs de détection sous-marine déployables à distance22.

Dans l’ensemble, le rapport fournit un excellent résumé des efforts consentis par le Canada pour assurer la sécurité dans l’Arctique jusqu’à l’an 2000. Il indique également que, même si certains signes laissent entrevoir de nouvelles menaces, celles-ci demeurent imprécises.

Selon les auteurs du rapport, il est souhaitable de tirer un meilleur parti des forces terrestres et aériennes dans le Nord. Au reste, les commandants de ce secteur ont lancé une série d’exercices interarmées, connue sous le nom d’opération Narwhal, réunissant les forces terrestres (y compris les Rangers), maritimes et aériennes. Deux exercices ont été effectués en 2002 et 2004, et les préparatifs d’un troisième sont en cours. On a également mené un exercice supplémentaire, l’opération Hudson Sentinel, axé sur le retour des forces dans la baie d’Hudson.

Les opérations Narwhal et Hudson Sentinel

En août 2002, au cours de l’opération Narwhal I, deux navires de défense côtière se sont déployés dans l’Arctique de l’Est dans le cadre d’un exercice des unités terrestres et aériennes. C’était la première fois que la marine déployait dans la région un navire de guerre depuis 1989 et qu’un exercice interarmées de cette envergure avait lieu dans le Nord depuis la fin des années 1970. Deux ans plus tard, en août 2004, un exercice encore plus important (Narwhal II) s’est déroulé dans la région de Pangnirtung. Cette fois-là, une frégate, le NCSM Montréal, était déployée avec d’autres éléments aériens et terrestres, dont les Rangers. C’était la première fois depuis le déploiement du NCSM Saguenay en 1982 qu’une frégate ou un destroyer canadien naviguait dans les eaux de l’Arctique canadien. La Garde côtière et la Gendarmerie royale du Canada ont pris part à l’exercice. Narwhal III, qui se tiendra en 2007 à Tuktoyaktuk, dans le delta du Mackenzie, sera le premier exercice interarmées des forces canadiennes dans l’Arctique de l’Ouest.

Au cours de l’été 2005, deux navires de défense côtière, le NCSM Glace Bay et le NCSM Shawinigan, ont fait le tour de la baie d’Hudson dans le cadre de l’opération Hudson Sentinel23. Trente ans s’étaient écoulés depuis qu’un navire de guerre canadien, le NCSM Protecteur, avait circulé dans ces eaux. Au moment même où les navires de défense côtière naviguaient dans la baie d’Hudson, la frégate NCSM Fredericton effectuait une patrouille de surveillance de la pêche au large de la côte est de l’île de Baffin. Les forces canadiennes ont donc redoublé d’efforts afin d’acquérir de nouveau les compétences requises pour mener des opérations dans le Nord. Cependant, malgré l’importance de ces efforts, les opérations n’ont été exécutées que dans de très bonnes conditions environnementales. On n’a pas encore tenté de mener des exercices de grande envergure en hiver, exception faite de plusieurs grandes patrouilles de Rangers. Les forces armées réapprennent que les opérations dans le Nord sont tout aussi exigeantes, sinon plus, que les déploiements dans des régions comme l’Afghanistan ou le Timor-Oriental.

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carte de la RMC, tracée par Monica Muller

Les quatre emplacements d’opérations avancés qui assurent aux chasseurs canadiens la maîtrise du ciel dans le Nord.

L’Énoncé de politique internationale du Canada

L’Énoncé de politique internationale du Canada montre que les hauts dirigeants politiques et militaires ont reconnu la nécessité de réévaluer la sécurité dans l’Arctique canadien. Publié au printemps 2005, ce document regroupe les politiques canadiennes en matière d’affaires étrangères, de défense, d’aide internationale et de commerce extérieur. Dans la présentation et dans les sections consacrées à la défense et à la diplomatie, le gouvernement admet qu’il a négligé la sécurité dans l’Arctique et doit se concentrer sur cette question, compte tenu d’un certain nombre de changements prévus au cours des 20 prochaines années.

« En plus de l’activité économique croissante dans l’Arctique, les changements climatiques devraient avoir pour effet d’ouvrir nos eaux arctiques au trafic commercial [dès 2015]. Le Canada devra donc surveiller d’autant mieux ce qui se passe sur son territoire afin d’y affirmer sa souveraineté, ce qui nécessitera de nouveaux fonds et de nouveaux outils24. »

Les sections sur la défense et la diplomatie traitent cette question de manière encore plus explicite, l’impératif de la sécurité dans l’Arctique figurant en bonne place dans les chapitres sur la protection de l’Amérique du Nord. On lit dans la section sur la défense que « les besoins en matière de souveraineté et de sécurité et de souveraineté auxquels doivent répondre les Forces canadiennes pourraient s’intensifier avec l’accroissement de l’activité dans le Grand Nord25. » Rejoignant les conclusions de l’étude sur les capacités dans l’Arctique, l’Énoncé de politique internationale indique que les nouvelles menaces se démarqueront des modèles habituels. Le gouvernement devra réagir en utilisant les capacités que seul le ministère de la Défense nationale est en mesure d’offrir.

« Bien que la responsabilité principale à l’égard, notamment, de la protection de la souveraineté et de l’environnement, de la lutte contre le crime organisé, ainsi que de la répression du trafic d’immigrants clandestins et de stupéfiants incombe à d’autres ministères, les Forces canadiennes seront touchées à plusieurs égards. Il faudra, par exemple, intensifier les activités de surveillance et de contrôle, de même que les opérations de recherche et sauvetage. Des adversaires pourraient être tentés de profiter de nouvelles occasions s’offrant à eux si nous négligeons de nous préparer à composer avec des menaces asymétriques partout dans le Nord26. »

La nécessité d’agir est manifeste dans le document sur la défense, qui énumère les mesures que doivent prendre les trois services. Les forces maritimes devront « renforcer leur surveillance et leur présence dans les zones de compétence maritimes du Canada, y compris dans les eaux quasi glacées ou exemptes de glace de l’Arctique27 ». Les forces aériennes devront « accroître les activités de surveillance et de contrôle dans les eaux canadiennes et dans l’Arctique, à l’aide de patrouilleurs à long rayon d’action Aurora modernisés, de véhicules aériens sans pilote et de satellites28 ». En outre, elles devront remplacer les Twin Otter et envisager la possibilité d’affecter des appareils de recherche et de sauvetage dans le Nord. Les forces terrestres devront améliorer les capacités de communication des Rangers et augmenter les patrouilles de la force régulière chargées de faire respecter la souveraineté29.

L’engagement du gouvernement envers l’amélioration de la sécurité et l’affirmation de la souveraineté dans l’Arctique apparaît également dans les politiques nationales. La plus importante d’entre elles, la Stratégie pour le Nord, relève actuellement du ministère des Affaires indiennes et du Nord du Canada et regroupe des représentants de divers ministères fédéraux et des trois gouvernements territoriaux qui, pour la plupart, sont associés au Groupe de travail interministériel sur la sécurité dans l’Arctique30. La stratégie, encore en préparation, vise six grands objectifs, dont le renforcement de la sécurité nationale, de la souveraineté et de la coopération circumpolaire. S’il est trop tôt pour connaître le contenu précis de cette politique, il est frappant de constater que l’Énoncé de politique internationale et la Stratégie pour le Nord reconnaissent la nécessité de réévaluer la sécurité dans l’Arctique canadien.

Le Canada

POC www.mar-dfo-mpo.gc.ca

La beauté saisissante du détroit de Lancaster.

La mise en œuvre des nouvelles capacités en matière de sécurité

Lorsque le gouvernement déclare que le Canada doit assurer plus efficacement la sécurité de l’Arctique, faut-il le prendre au sérieux? Malheureusement, il est difficile de déterminer s’il s’agit uniquement de mots creux ou si le pays est effectivement résolu à affecter les ressources nécessaires pour répondre aux nouveaux besoins. Comme ces documents viennent tout juste de paraître, le gouvernement n’a pas encore eu le temps de consacrer des fonds à ces nouvelles mesures. Néanmoins, des programmes antérieurs à ces deux publications attestent la volonté d’améliorer la sécurité dans le Nord.

RadarSat II, un satellite conçu et construit au Canada, utilise un système radar pour la surveillance de la Terre. Son radar à ouverture synthétique lui permet de « voir » à travers les nuages et dans l’obscurité; cette technologie est donc idéale pour l’observation de l’Arctique31. Ce dispositif servira, entre autres, à surveiller les navires de surface dans l’Arctique dans le cadre du projet Epsilon. Si ce satellite est mis en orbite, le Canada pourra, pour la première fois, surveiller les navires dans les eaux de l’Arctique tous les jours, 24 heures sur 24, presque en temps réel32.

La volonté d’améliorer les capacités dans le Nord transparaît également dans les nouvelles spécifications de construction navale. Les navires de soutien interarmées destinés à remplacer les pétroliers ravitailleurs d’escadre de même que les bâtiments devant succéder aux destroyers et aux frégates devraient pouvoir naviguer dans des glaces partielles. Sans être des brise-glace, ces navires permettraient à la marine d’effectuer des patrouilles dans l’Arctique plus tôt et plus tard dans l’année que maintenant. Il ne faut toutefois pas se réjouir trop vite : la décision définitive quant à la conception de ces types de navire n’a pas encore été prise, et il n’est donc pas certain qu’ils pourront naviguer dans des glaces partielles.

On cherche actuellement à déterminer le type d’aéronef qui remplacera les Twin Otter. De même, la modernisation de la flotte des CP-140 Aurora CP-140 se poursuit, mais on est en train de retirer du service les trois appareils CP-140A Arcturus. Par conséquent, les avions à long rayon d’action qui restent seront dotés de capacités accrues, mais la flotte sera plus petite, ce qui laisse supposer qu’il sera difficile d’accroître le nombre de survols de la région.

Si un certain optimisme règne au sein du ministère de la Défense nationale, il n’en va pas de même dans d’autres ministères clés. En particulier, la Garde côtière ne parvient toujours pas à moderniser sa flotte de brise-glace. Elle dispose d’un brise-glace lourd, le Louis Saint-Laurent, entré en service en 1969, et de cinq navires de taille moyenne, le Pierre Radisson (1978), le Sir John Franklin (1979), rebaptisé le Amundsen, le Des Groseillers (1982), le Terry Fox (1983) et le Henry Larsen (1987)33. La plupart de ces navires, on le voit, ont de 22 à 36 ans de service, hormis le Larsen, qui en a 17. La Garde côtière tente bien d’obtenir l’approbation du Cabinet pour commencer à examiner la possibilité d’un nouveau programme de construction navale, mais rien n’indique qu’une décision sera prise dans un proche avenir. Comment le gouvernement peut-il prendre au sérieux l’amélioration de la sécurité dans le Nord s’il ne fait pas plus d’efforts pour combler cette lacune particulière? Ce n’est pas facile à comprendre.

Quoi qu’il en soit, le gouvernement a indiqué à l’été 2005 qu’il était disposé à intensifier ses interventions symboliques. La décision du ministre de la Défense, Bill Graham, d’envoyer une patrouille de Rangers dans l’île Hans avant de s’y rendre lui-même, montre clairement que le Canada est déterminé à prendre des mesures vigoureuses, voire controversées, pour protéger et promouvoir ses intérêts dans le Nord. Le but de cette visite était de faire comprendre aux Canadiens et à la communauté internationale que le gouvernement veut se pencher sérieusement sur la sécurité et la souveraineté dans l’Arctique34.

La viabilité des nouvelles mesures de sécurité

Il est donc clair que le gouvernement entend remédier aux décennies de négligence à l’égard de la sécurité dans l’Arctique. La dernière question qu’il faut aborder est la suivante : dans quelle mesure le gouvernement maintiendra-t-il sa résolution et allouera-t-il les ressources nécessaires à la surveillance et à la protection de la région? La réponse dépend finalement des facteurs qui ont amené le gouvernement à reconnaître la nécessité d’agir et de la volonté politique de fournir les ressources qui seront requises à long terme.

Quatre facteurs sont à l’origine du regain d’intérêt pour la sécurité dans l’Arctique canadien.

  1. Les attaques du 11 septembre 2001 ont mis en évidence la vulnérabilité de l’Amérique du Nord face au terrorisme.

  2. Il est de plus en plus probable que les changements climatiques entraîneront une fonte des glaces, ce qui rendra l’Arctique plus accessible aux étrangers.

  3. La demande en ressources naturelles, notamment en sources d’énergie, entraînera vraisemblablement une intensification de l’exploration et de l’exploitation des ressources dans le nord du Canada.

  4. Une série d’incidents internationaux très médiatisés a ravivé l’intérêt de la population et des élites politiques pour la sécurité et la défense de la souveraineté du Canada dans l’Arctique.

Les attentats du 11 septembre 2001 ont radicalement transformé la façon dont les Nord-Américains conçoivent la sécurité. Ils ont révélé l’existence de nouvelles menaces qui remplacent celles qu’étaient censés poser l’ancienne Union soviétique et les pays signataires du pacte de Varsovie. S’il n’y a pas de consensus sur la nature de ces nouvelles menaces et sur les meilleurs moyens de les contrer, ces attentats ont démontré qu’il existe vraiment des menaces inédites, sérieuses et imprévues et qu’une protection adéquate de l’Amérique du Nord passe par la protection de toutes ses frontières. Bien que personne ne s’attende à ce que Al-Qaïda lance une attaque terroriste à partir d’Inuvik, les risques à long terme sont pourtant réels. Si l’on renforce les mesures de sécurité au sud mais pas au nord, il va de soi que les frontières septentrionales seront vulnérables. Les terroristes pourraient exploiter de tels défauts. Par exemple, il est troublant de constater que, dans beaucoup d’aéroports du Nord, hormis ceux des capitales des territoires, il n’y a aucun contrôle de sécurité lors de l’embarquement des passagers. Les attaques terroristes ont démontré qu’il faut faire preuve de vigilance face aux nouvelles menaces.

Un loup

collection de la RMC

Notre sentinelle dans le Grand Nord.

L’incidence des changements climatiques fait actuellement l’objet de nombreux débats dont il n’est pas possible de rendre compte ici. Toutefois, les études publiées par des sommités internationales montrent clairement que la transformation de l’Arctique est déjà amorcée. En outre, l’Arctique continuera d’être la région de la planète qui subira les bouleversements les plus intenses provoqués par les changements climatiques. Le Conseil de l’Arctique a commandé une étude pluriannuelle qui a recueilli un très large consensus. L’évaluation de l’impact du changement climatique dans l’Arctique montre que cette région se réchauffe et continuera de se réchauffer à un rythme alarmant35. Pour le Canada et les autres pays de l’Arctique, cela signifie que les territoires du Grand Nord seront plus accessibles à mesure que les conditions environnementales se tempéreront. Toutefois, on cerne moins bien les effets particuliers à l’échelle locale. Si bien des inquiétudes naissent du fait que des navires internationaux pourront emprunter un passage du Nord-Ouest de plus en plus libre de glaces, on ne sait pas encore si les sociétés de transport maritime seront plus enclines à emprunter la voie de la Russie par la route maritime du Nord ou à traverser le pôle Nord qu’à choisir le passage du Nord-Ouest36. Tout cela dépendra de la façon dont les glaces fondront à mesure que les changements climatiques s’opéreront dans la région. En tout cas, l’Arctique subit réellement une transformation physique.

Le Nord canadien représente un énorme bassin de ressources. Après la découverte de diamants dans les Territoires du Nord-Ouest, le Canada, qui était un pays non producteur, est devenu le troisième pays producteur de diamants bruts, derrière le Botswana et la Russie. Cependant, c’est la mise en valeur des ressources pétrolières et gazières qui suscite le plus d’attention. On observe un regain d’intérêt pour l’exploration dans la région du delta du Macenzie37. Au cours des années 1970, cette région avait été intensément explorée, mais, compte tenu de l’effondrement des cours du pétrole et du gaz à la fin des années 1970 et au début des années 1980 et de la décision de ne pas construire de pipeline le long de la vallée du MacKenzie, la plupart des projets avaient été reportés. Vu la hausse des prix de l’énergie durant les années 1990 et leur montée en flèche au cours des années 2000, sans compter l’intérêt renouvelé pour la construction d’un gazoduc le long du Mackenzie, on s’attend maintenant à une mise en valeur considérable des ressources pétrolières et gazières du delta du Mackenzie et de la mer de Beaufort. Si on ne sait pas précisément quand ces ressources seront exploitées et mises sur le marché, il semble que cela ne saurait tarder compte tenu de la flambée des prix mondiaux de l’énergie.

Enfin, les médias nationaux s’intéressent de plus en plus à la sécurité et à la souveraineté dans l’Arctique. Plus particulièrement, ils ont abondamment couvert les questions liées aux changements climatiques, à la souveraineté et au passage du Nord-Ouest. Cependant, comme en témoigne le traitement de la question de l’île Hans par le National Post et le Globe and Mail, ils se montrent de plus en plus disposés à analyser dans le détail les questions relatives à la sécurité dans l’Arctique. Il est donc probable que toutes les questions de sécurité et de souveraineté dans le Nord continueront de jouir d’une couverture médiatique considérable.

Conclusion

En résumé, les facteurs qui ont incité les décideurs canadiens à réévaluer la question de la sécurité dans l’Arctique ne sont pas transitoires. Le terrorisme continuera d’être une menace en Amérique du Nord; la tendance des changements climatiques ne se renversera pas; un jour ou l’autre, les ressources pétrolières et gazières du Nord canadien seront exploitées; et l’attention que les médias portent à la sécurité et à la souveraineté dans l’Arctique ne se dissipera pas de sitôt. Toutes les menaces qui pèsent sur la sécurité des régions arctiques du Canada et dont font état l’étude sur les capacités dans l’Arctique et l’Énoncé de politique internationale du Canada persisteront.

La sécurité dans l’Arctique canadien fait l’objet d’un regain d’intérêt. Le gouvernement a reconnu le coût de sa négligence passée et semble résolu à mettre au point les outils nécessaires pour relever les défis dans une région qui est déjà en voie de transformation. Bien entendu, rien n’est jamais sûr lorsqu’il s’agit d’intervention gouvernementale, mais le Canada restera sans doute, et doit rester, déterminé à prendre les mesures nécessaires pour être le vrai Nord, fort et libre.

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Rob Huebert, spécialiste des questions de souveraineté, enseigne au Centre d’études militaires et stratégiques de l’université de Calgary.

Notes

  1. James Delgado, Across the Top of the World: The Quest for the Northwest Passage, Checkmark Books, New York, 1999, p. 19 et p. 40.
  2. L’opération Sandcrab a permis de reprendre Attu. Ce fut un combat coûteux qui, dans le camp des alliés, n’a été livré que par les Américains. L’opération Cottage menée pour reprendre Kiska a été une intervention conjointe du Canada et des États-Unis regroupant des effectifs au sol de 5 500 Canadiens et 30 000 Américains. Toutefois, les Japonais avaient évacué leurs troupes, à l’insu des alliés, trois semaines avant l’invasion.
  3. Bell’s Travel Guide, Alaska Highway, 2001, [en ligne]. [www.bellsalaska.com/alaska_highway.html]
  4. The Milepost, History of Alaska Highway, 1998, [en ligne]. [www.themilepost.com/history.html]
  5. Pour l’historique de l’élaboration des premières politiques canadiennes en matière de souveraineté et de sécurité, voir Shelagh Grant, Sovereignty or Security: Government Policy in the Canadian North 1936-1950, University of British C Press, Vancouver, 1988, p. 1-385.
  6. Pour une analyse détaillée du rôle des Rangers, voir l’article de P. W. Lackenbauer dans le présent numéro.
  7. Pour l’historique de la base Alert, voir David Gray, Alert: Beyond the Inuit Lands: The Story of Canadian Forces Station Alert, Borealis Press, Nepean, 2000, p. 1-97.
  8. Marc Milner, Canada’s Navy: the First Century, University of Toronto Press, Toronto, 1999, p. 230.
  9. Défense nationale, Défis et engagements : une politique de défense pour le Canada, Approvisionnements et Services Canada, Ottawa, 1987.
  10. Rob Huebert, Steel, Ice and Decision-Making: The Voyage of the Polar Sea and its Aftermath: The Making of Canadian Northern Foreign Policy, thèse de doctorat non publiée, université de Dalhousie, Halifax, 1993, p. 366.
  11. Alex Urosevic, « High Alert From Atop the World: Canada’s Cold Warrior Spies Now Fight Terror at 82.30 North Latitude », Toronto Sun, le 14 novembre 2004.
  12. Rob Huebert, « New Directions in Circumpolar Cooperation: Canada, The Arctic Environmental Protection Strategy, the Arctic Council and Canada », Foreign Affairs, vol. 5, no 2, hiver 1998.
  13. Quartier général du Secteur du Nord des Forces canadiennes, Introductory Remarks by Colonel Leblanc, Congrès sur les questions de sécurité dans l’Arctique, les 25 et 26 mai 1999. [TCO]
  14. Gouvernements du Yukon, des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut, Developing a New Framework for Sovereignty and Security in the North, avril 2005, [en ligne]. [http://www.gov.nt.ca/research/publications/ pdfs/sovereignty_and_security_in_the_north.pdf]
  15. Défense nationale, Arctic Capabilities Study 2000, 1948-3-CC4C (DGSP), juin 2000.
  16. Ibid., p. 3. [TCO]
  17. Ibid., p. 2. [TCO]
  18. Ibid., p. 3. [TCO]
  19. Ibid., p. 11. [TCO]
  20. Ces travaux ont été effectués, mais le rapport reste classifié.
  21. Défense nationale (2000), op. cit., p. 16-17.
  22. Ibid., p. 14.
  23. Leah Jansen, « Canadian Naval Warships Make Historic Churchill Visit », Winnipeg Free Press, le 18 août 2005, p. A5.
  24. Gouvernement du Canada, Énoncé de politique internationale du Canada. Fierté et influence : notre rôle dans le monde. Aperçu, Ottawa, 2005, p. 7.
  25. Gouvernement du Canada, op. cit., section « Défense », Ottawa, 2005, p. 17.
  26. Ibid., p. 17.
  27. Ibid., p. 19.
  28. Ibid., p. 19-20.
  29. Ibid., p. 20.
  30. Gouvernements du Canada, La Stratégie pour le Nord, mai 2005, [en ligne]. [www.northernstrategy.ca]
  31. Rob Huebert, « Canadian Foreign Policy and Commercial Satellite Imagery », dans The Need to Know: The Use of Satellite Imagery and Canadian Security Needs, Rob Huebert et Jim Keeley, Ashgate Publishers, Londres, 2004, p. 193-206.
  32. Le téléchargement de l’imagerie exige un certain délai, mais, si nécessaire, ce délai peut être très court (moins d’une heure entre l’enregistrement des images par le satellite et leur réception.)
  33. Charles Maginley et Bernard Collin, The Ships of Canada’s Marine Services, Vanwell Publishing, Saint Catharines, 2001, p. 152-158.
  34. Pour une analyse de la question de l’île Hans, y compris des circonstances entourant la visite d’un ministre danois dans l’île, voir Rob Huebert, « Return of the ‘Vikings.’: The Canadian-Danish Dispute over Hans Island. New Challenges for the Control of the Canadian North », dans Breaking Ice: Renewable Resource and Ocean Management in the Canadian North, sous la direction de Fikret Berkes, Rob Huebert, Helen Fast, Micheline Manseau et Alan Diduk, University of Calgary Press, Calgary, 2005, p. 337-362.
  35. Conseil de l’Arctique et Comité international pour les sciences arctiques, Arctic Climate Impact Assessment., Impacts, Cambridge University Press, Cambridge, 2005.
  36. Pour le débat, voir Franklyn Griffiths, « The Shipping News: Canada’s Arctic Sovereignty Not on Thinning Ice », International Journal, vol. 58, no 2, printemps 2003; Rob Huebert, « The Shipping News Part II: How Canada’s Arctic Sovereignty is on Thinning Ice », International Journal, vol. 58, no 3, été 2003; Franklyn Griffiths, « Is Canada’s rctic Sovereignty Threatened? », Arctic Bulletin – World Wildlife Federation, no 1, mars 2004; et Rob Huebert, « The Coming arctic Maritime Sovereignty Crisis », Arctic Bulletin – World Wildlife Federation, no 2, juillet 2004.
  37. Canadian Business Association, Canadian Info Point: Oil, 2002, [en ligne]. [www.Canada-business.ro/info-point/overview/oil.htm]

Hommage aux anciens combattants autochtones