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Afghanistan

Une patrouille

Photo YA3I0188, de Sylvia Pecota

Une patrouille dans la province de Kandahar, au sud de l’Afghanistan. 

Hors de l’enceinte : quelques défis du leadership en Afghanistan

par le colonel Bernd Horn

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Le convoi de trois véhicules quitte le bâtiment du quartier général de la Force opérationnelle en Afghanistan, presque invisible dans le tourbillon habituel des gens, des voitures et des camions qui se pressent dans le périmètre de l’aéroport de Kandahar. Les membres du convoi, pourtant, sont tendus – ils doivent sortir de l’enceinte. Peu avant, le commandant du convoi a donné à sa section et aux passagers des ordres sur la manœuvre d’action immédiate en cas de contact ainsi que des instructions sur l’emplacement des munitions et des armes supplémentaires. L’atmosphère chargée et le sérieux de ce qui va se produire ne font aucun doute : ces soldats savent qu’ils sont en guerre.

Le convoi, formé d’un véhicule blindé léger VBL III de 17 tonnes pour le transport des troupes, d’une jeep G-Wagen de contre-mesures électroniques et d’un véhicule blindé polyvalent Bison, passe la barrière bien gardée pour s’engager dans une zone relativement peu protégée, sous le contrôle de l’armée nationale afghane. Tandis que les véhicules longent une grande berme, les passagers chargent leurs armes. Ici, le manque de vigilance, ne serait-ce que quelques secondes, peut, littéralement, être une question de vie ou de mort.

Dans un rugissement, les véhicules filent sur le chemin de terre, et le nuage de poussière soulevé par les véhicules de tête fouette la peau exposée. Par le poste émetteur, le commandant prépare ses soldats à l’étape suivante : « OK, restez sur vos gardes quand on va s’engager sur la route principale. Surveillez vos angles, gardez l’œil sur nos arrières. » Le convoi passe lentement le poste de contrôle de l’armée nationale afghane et s’engage sur la fameuse route 4, qui mène à la ville de Kandahar. Une fois encore, il devra traverser la périlleuse « allée des explosifs improvisés ».

En face de l’intersection, dans un stationnement en terre battue, de nombreux Afghans observent les véhicules qui empruntent la route pavée. Certains sont seuls; d’autres, en petits groupes. D’autres encore sont assis dans leur auto. Aucun ne semble être là pour une raison particulière. Aucun ne semble menaçant. Au moins un d’entre eux parle au téléphone cellulaire. Au premier abord, tout semble indiquer qu’il s’agit simplement d’un lieu de rencontre local. Mais hors de l’enceinte, les apparences sont souvent trompeuses.

Dès que les pneus touchent l’asphalte, le convoi se met à filer à vive allure. Les véhicules militaires, l’énorme VBL III en tête, roulent dans un grondement sourd au milieu de la chaussée, acculant sur l’accotement les véhicules qui arrivent en sens inverse. Cette conduite agressive s’impose devant la menace d’une attaque à l’engin explosif improvisé. Ce type d’engin est plus meurtrier quand les véhicules roulent près de l’accotement. La distance compte, et quelques pieds à peine peuvent faire toute la différence. 

Les sentinelles, attentives à tout ce qui les entoure, sont littéralement bombardées par un kaléidoscope de contrastes. C’est une contrée dénudée, désolée et aride mais d’une étrange beauté. Ce même contraste s’observe également dans l’attitude de la population locale. Les vieillards jettent à peine un coup d’œil sur le convoi ou l’ignorent complètement, comme s’il n’existait pas. Ils semblent incarner un stoïcisme fait de douce résistance et de patience, qui donne l’impression que tout cela finira aussi par passer. Les enfants, comme toujours, ajoutent une touche d’insouciante exubérance et accourent en groupes vers la route pour saluer les troupes. En revanche, les jeunes et les hommes d’âge moyen observent le convoi avec une hostilité et un ressentiment à peine dissimulés. 

Le regard des soldats, néanmoins, continue de balayer la population locale. Pendant que le convoi roule à toute vitesse, les soldats en alerte scrutent attentivement le paysage, et le bord de la route, pour détecter toute menace potentielle. Leur tâche est énorme. La région est montagneuse, rude et ponctuée de villages et de huttes en boue séchée qui peuvent abriter des centaines d’agresseurs. Dans les champs, des paysans s’activent sur des petits lopins d’une terre qui semble bien trop aride pour soutenir toute forme de culture, et pourtant ils y travaillent. Ailleurs, des bergers gardent des troupeaux de moutons, des hommes s’occupent de leurs chameaux et presque partout des gens sont simplement là, immobiles à regarder ou marchant sur la route. Il est très difficile pour les troupes de repérer un attaquant potentiel quand le convoi passe en trombe. 

Des soldats montant la garde

Photo YA3I0004, de Sylvia Pecota

Toujours vigilant. Une équipe de sécurité surveille le voisinage d’un œil alerté pendant qu’elle fait un arrêt dans la province de Kandahar, au sud de l’Afghanistan. 

La surveillance de la route elle-même est tout aussi ardue. Les débris et les déchets jonchent la chaussée. Morceaux de métal, épaves de voiture, tas de briques, de pierres ou de terre, ordures diverses – tout peut cacher un engin explosif improvisé meurtrier. De plus, des voitures sont stationnées le long de la route. Certaines sont en réparation, d’autres sont simplement abandonnées. Et puis, il y a la circulation. Des autos et des camions de toute taille et plus ou moins déglingués roulent dans les deux directions. Dans ce grouillement dense, il est presque impossible de distinguer les ennemis des alliés. Bref, la menace est à la fois extrême et inexistante. Qu’est-ce qu’une menace et qu’est-ce que la simple réalité de la vie dans un pays démuni du tiers-monde?

Le convoi continue de progresser dans ce décor ambigu, incertain et meurtrier. « OK, attention », crie le commandant du véhicule sur le poste émetteur. « C’est ici qu’on a été attaqués l’autre soir. » Il fait référence à une embuscade manquée survenue l’avant-veille : un convoi semblable a été la cible d’un engin explosif improvisé, qui, heureusement, a raté les véhicules en détonant trop tôt. Cependant, les rebelles ont poursuivi leur attaque par des tirs de grenades propulsées par fusée et des tirs d’armes automatiques, ratant de près les véhicules. 

Le convoi traverse le site dans un silence absolu, et pourtant le sentiment collectif de soulagement est palpable. Il passe ensuite à travers un défilement, deux affleurements montagneux qui dominent la route et offrent à d’éventuels assaillants abri et protection. La région compte plusieurs villages où les insurgés en retraite peuvent facilement se cacher dans l’anonymat le plus complet. Une lueur d’espoir pointe cependant dans cette contrée grise et morne. À la porte d’une hutte en boue séchée, une femme complètement dissimulée sous sa burka salue le convoi avec enthousiasme. Les vétérans qui ont effectué des patrouilles à pied à Kaboul lors de missions antérieures racontent souvent des histoires de femmes qui, sans s’arrêter, tourner la tête ni attirer autrement l’attention, remercient les soldats sur leur passage. Ce simple geste fait sourire pour un instant quelques membres du convoi. C’est une humble confirmation de l’importance de l’opération dans la vie de ces gens. 

Devant le convoi s’étale une contrée chargée de menaces. Des « camions à clochettes1 » peinent dans une montée, tandis qu’un gros camion de dix tonnes est arrêté sur la route. Ses occupants tentent apparemment d’arrimer une cargaison chancelante. De nouveau, le paysage se peuple de villages, de maisons et d’activité. Au moment où le convoi s’engage à gauche pour dépasser les véhicules trop lents, le monde bascule dans le surréalisme. Une grosse boule de feu orange fait soudainement éruption et s’élève dans les airs, engloutissant presque toute la route. L’explosion est étrangement assourdie, marquée d’un « krrummpp » à peine audible. La boule de feu cède rapidement la place à une épaisse fumée noire et à une onde de choc. Saisissant l’occasion qui s’est présentée lorsque le VBL III a tenté de dépasser les véhicules trop lents, un kamikaze, au volant d’une berline Toyota chargée de munitions d’artillerie héritées de l’ancien bloc soviétique et branchées à un détonateur, a débouché derrière le camion. Une fois arrivé à la hauteur du véhicule blindé, le kamikaze a fait sauter sa funeste cargaison. 

Engloutis dans la fumée et les débris, les conducteurs du G-Wagen et du Bison, qui se trouvaient alors à une distance de 30 à 60 mètres du point d’impact, ont réagi instinctivement. Les deux véhicules ont fait une embardée vers la gauche pour éviter le cratère puis ont repris la ligne droite dans l’épaisse fumée. Une fois les véhicules hors de la zone d’embuscade, un cordon est rapidement établi. Moins d’une minute aura suffi pour évaluer la situation. Le véhicule de l’attentat suicide gît en deux tas distincts de très petits morceaux de métal tordu dispersés sur la route. L’explosion a frappé le VBL presque de plein fouet, mais le conducteur est parvenu à manœuvrer le véhicule hors du site d’embuscade. Tous attendent, inquiets, le SITREP (compte rendu de situation) pour savoir si l’explosion a fait des victimes. Par miracle, un seul blessé, mais grièvement touché.

Le VBL III a bien fait son travail. Malgré les dommages importants qu’il a essuyés, il a protégé ses passagers. C’est le chef d’équipage qui a subi des blessures graves, plus précisément à son bras, qui émergeait de la tourelle la plus exposée à la déflagration. 

Une fois le périmètre de sécurité établi, l’équipage du Bison vient en aide à la victime. Ses membres débarquent, transportent rapidement le soldat blessé à l’arrière du véhicule et lui prodiguent les premiers soins. On le ramène ensuite d’urgence au terrain d’aviation. Plusieurs sont encore saisis : c’est la première fois qu’ils assistent vraiment au carnage de la guerre, qu’ils voient un camarade mutilé gisant dans son sang, hideusement blessé et geignant de douleur. Tous réagissent comme ils ont été entraînés à le faire. Tous les doutes qu’ils auraient pu avoir quant à leur engagement dans un conflit se dissipent rapidement. En fait, ce n’est là qu’un incident grave de combat parmi tant d’autres qui ont fait des victimes, morts et blessés au cours d’une période de trois jours.

Cet incident, à sa mesure, illustre la complexité de la situation à laquelle font face quotidiennement nos troupes en Afghanistan. Chaque jour, ces soldats doivent s’armer de courage pour composer avec un milieu complexe, chaotique, ambigu et meurtrier. Comme en témoigneront bon nombre de ceux qui ont servi en Afghanistan, quiconque se hasarde hors de l’enceinte court le risque de ne pas y revenir. De toute évidence, la campagne afghane présente de nombreux défis et enjeux d’ordre tactique, opérationnel et stratégique sur le plan du leadership. Nous ne prétendons pas faire ici une analyse complète de la situation, mais plutôt engager le dialogue et une démarche intellectuelle pour trouver tous les moyens possibles d’aider nos soldats qui sont déployés là-bas.

Des soldats

Photo YA3I0079, de Sylvia Pecota

Gagner la confiance du peuple. Des soldats canadiens s’entretiennent avec des civils afghans. 

Les défis d’ordre tactique

Au point de vue tactique, l’Afghanistan pose un certain nombre de défis sur le plan du leadership. Les commandants de première ligne doivent soutenir le moral des troupes, motiver leurs soldats sans relâche et maintenir leur esprit combatif dans un contexte à la fois complexe et meurtrier. Comme dans la plupart des conflits, et tout particulièrement dans une guerre de quatrième génération (G4G)2, l’« action » se caractérise souvent par de longues périodes de solitude et d’ennui, entrecoupées par l’exécution de tâches fastidieuses et répétitives. Par ailleurs, le milieu hostile ainsi que les obstacles culturels et linguistiques empêchent les troupes d’avoir des interactions ouvertes et quotidiennes avec la population locale. Par conséquent, mis à part les opérations elles-mêmes, les soldats demeurent retranchés, confinés dans un campement bien clos.

Pour exacerber la situation, l’action, quand elle se produit, prend généralement la forme d’offensives fugaces : engin explosif improvisé, attentat suicide ou embuscade éclair. L’attaque survient, fait des ravages et laisse dans son sillage destruction, morts et blessés, souvent sans que quiconque n’ait aperçu l’ennemi ou tiré un coup de riposte. L’initiative semble être entièrement du ressort des attaquants. Ce sont eux qui décident du lieu, du moment, de la méthode et de la cible de leurs actes. Dans ces circonstances, la réponse de la coalition s’avère souvent d’un caractère strictement réactif. L’incapacité de riposter peut entraîner un sentiment d’impuissance chez les soldats – de frustration aussi, de peur, de vacuité, voire de désespoir. Le défi du leadership, qui consiste à garder le cap sur l’objectif et la mission et à conserver l’initiative générale durant la campagne, est immense et d’une importance critique.

En plus de stimuler le moral des troupes, le leader doit s’assurer que les soldats maintiennent une image propre et un comportement sain à l’égard de la population locale. On admet depuis longtemps que la culture est à la sédition ce que le terrain est à la guerre classique motorisée. Cependant, comme nous l’avons déjà indiqué, dans le contexte actuel, il est parfois difficile de surmonter l’obstacle de la culture. En outre, la colère et le sentiment d’avoir été trahis ne sont pas inhabituels chez les soldats qui subissent des attaques. Ces soldats croient profondément que leur présence en Afghanistan a pour but d’aider les Afghans à créer une société meilleure. Et pourtant ils sont continuellement attaqués par des adversaires invisibles qui semblent circuler aisément dans cette société même que les soldats cherchent à améliorer et à protéger.

La nature du conflit alimente une spirale d’antagonisme. Il s’agit essentiellement d’un cercle vicieux. Les forces de la coalition, sans cesse la cible d’engins explosifs improvisés et d’attentats suicides, n’ont d’autre choix que d’assurer leur propre protection en prenant les mesures qui s’imposent. Mais cela a un prix. Les convois qui roulent à toute vitesse au milieu de la route forcent les véhicules des Afghans sur l’accotement. En repoussant physiquement la circulation hors de leur chemin ou en menaçant par des armes les conducteurs de véhicules qui suivent de trop près le convoi, en faisant des dommages collatéraux pendant les ripostes aux attaques dont ils sont la cible ou pendant les opérations défensives ou offensives, les troupes risquent d’aliéner la population afghane. Par conséquent, il y a un coût à payer pour chaque geste posé contre la population, peu importe la justification. Les actions des forces coalisées pourraient amener les Afghans à soutenir les talibans, ou du moins à fermer les yeux sur les activités de ces derniers. Toutefois, ne rien faire et continuer de subir des attaques sans riposter peut nourrir la désillusion des troupes. De plus, l’appui populaire de ce conflit pourrait s’éroder si les Canadiens ont l’impression que leurs soldats sont exposés à des dangers sans avoir la capacité de prendre les mesures nécessaires pour se défendre. Enfin, le soutien du nouveau gouvernement national afghan est tributaire de la capacité de créer un milieu de vie sûr pour la population locale.

Au bout du compte, il s’agit d’établir un équilibre délicat. On doit agir sous une forme ou une autre pour ne pas laisser l’initiative aux rebelles. Les Afghans, nos soldats et tout particulièrement le public canadien doivent tous être convaincus des succès qui se remportent sur les lignes de front. Tous veulent – et doivent – voir les progrès qui justifient les sacrifices et les dépenses, en vies humaines et en argent, que le pays engage.

Cette réalité met en relief un autre grand défi sur le plan du leadership : la démonstration de l’efficacité d’un champ de bataille intégré. Les ripostes anti-insurrectionnelles réussies relèvent tout autant de la situation et des questions politiques et économiques que de l’intervention militaire. La sécurité est fondamentalement et incontestablement la clé de la réussite. Cependant, l’action militaire permettant d’assurer la sécurité sera un combat difficile sans les progrès politiques et économiques associés. Cela signifie que les leaders tactiques et leurs subordonnés doivent apprendre à communiquer, à coopérer et à travailler au quotidien avec les effectifs non militaires, notamment les représentants de divers ministères, dont Affaires étrangères Canada, l’Agence canadienne de développement international, la Gendarmerie royale du Canada, de même qu’avec des organisations non gouvernementales. 

C’est quelquefois un défi plus grand qu’il n’y paraît de prime abord. Ces organismes ont des motivations et des missions bien distinctes, des cultures contradictoires et des principes opérationnels différents. Ils ne sont généralement pas habitués aux manières directes ou à la structure de commandement des militaires. De plus, ironiquement, ils sont souvent moins souples et tendent à être plus bureaucratiques et plus prudents vis-à-vis du risque que ne le sont les forces armées. Les mécanismes d’approbation, les communications et les méthodes organisationnelles varient d’un organisme à l’autre, et on doit faire preuve de patience et de tolérance dans les rapports avec ces organisations. La méthode intégrée peut, sans aucun doute, poser des défis sur le plan du leadership, défis qu’on ne doit pas négliger. L’ensemble du personnel militaire et civil doit rapidement prendre conscience que, dans l’effort anti-insurrectionnel, le succès dépend d’une approche militaire-civile intégrée.

L’un des éléments fondamentaux de cette approche intégrée du leadership tactique consiste à améliorer les relations de travail avec les forces du pays hôte. Après tout, les opérations anti-insurrectionnelles sont des interventions locales et elles dépendent à ce titre de l’exercice des pouvoirs policiers et d’une gouvernance efficace3. Ces conditions préalables peuvent présenter des défis de taille. Tout d’abord, les différences linguistiques et culturelles peuvent constituer des obstacles. S’ajoute à ce problème considérable la question de la fiabilité. L’armée et les forces policières du pays hôte sont-elles fidèles au gouvernement et à la coalition? Peut-on leur faire confiance? Par ailleurs, leur entraînement et leur équipement souvent inadéquats compromettent leur efficacité, encore plus lorsque leur loyauté est douteuse. Enfin, le tribalisme afghan est étranger aux Canadiens et peut même paraître choquant.

Malgré toutes ces observations critiques, les efforts considérables qui doivent être déployés pour former un appareil de sécurité afghan professionnel nécessiteront la collaboration efficace de toutes les parties intéressées, et cela, sur une longue période de temps. La participation des forces du pays hôte à ces efforts est évidemment essentielle au succès de toute campagne anti-insurrectionnelle. C’est pourquoi l’établissement de rapports étroits, interactifs et utiles avec l’ensemble des acteurs dans le nouveau contexte de sécurité constitue une initiative importante que devront mettre en œuvre les leaders tactiques s’ils veulent assurer le succès de l’approche 3D (défense, diplomatie et développement) dont dépend la réussite ultime de la mission. 

Les commandants tactiques doivent également relever un autre défi en matière de leadership, celui de veiller à ce que toutes les troupes maintiennent une attitude appropriée vis-à-vis du combat. Ce défi comporte plusieurs dimensions. Tout d’abord, les soldats doivent être capables d’intervenir dans un champ de bataille ambigu, chaotique, instable et en évolution rapide. De plus, ils doivent pouvoir adopter un mode de pensée non traditionnel et non occidental et envisager les choses du point de vue de l’ennemi. Les leaders et leurs subalternes doivent aussi être capables de confronter sans discontinuité toutes les situations de conflit; essentiellement, ils doivent pouvoir mener la « guerre à trois volets », c’est-à-dire être capables de passer des opérations humanitaires, de soutien de la paix ou de stabilisation à des combats de haute intensité et de moyenne envergure, potentiellement au cours d’une même journée et dans une même zone d’opérations4.

Autre dimension de l’attitude vis-à-vis du combat : avoir connaissance des « leviers » qui peuvent conditionner les objectifs militaires, économiques et politiques et en faciliter la réalisation. Dans les G4G, la puissance de combat cinétique ne représente pas toujours l’arme ou l’outil le plus efficace. Les leaders doivent s’assurer que leurs effectifs comprennent que l’argent, les médicaments, le carburant, la nourriture, l’accès à l’éducation, les possibilités d’emploi, les travaux publics, le respect et, surtout, l’information sont autant de facteurs importants dans la réalisation de la mission. Ces outils non cinétiques et non militaires constituent des multiplicateurs de force qui peuvent radicalement changer le contexte de menace et l’efficacité des rebelles.

Le dernier élément d’une bonne attitude à l’égard du combat consiste à comprendre la portée de la mission et des responsabilités du soldat quant à l’exécution de l’opération. Les commandants sur le terrain s’acharnent à répéter que ce n’est pas tout le monde, dans le théâtre d’opérations ou au pays, qui saisit pleinement la portée du conflit. Il ne s’agit pas d’une opération de soutien de la paix mais bien d’une zone de combat mortelle. Quelques simples anecdotes illustrent l’attitude « puritaine » des Canadiens et l’esprit de confiance de la population. Ainsi, lorsqu’un Afghan a été surpris en train de prendre des photos à l’aéroport de Kandahar, un militaire canadien a insisté pour que l’homme récupère son appareil, fort coûteux. L’idée que le photographe puisse espionner, peu importe le motif, et transmettre des renseignements à l’ennemi n’a pas effleuré l’esprit de ce militaire. Lors d’un incident plus grave, une patrouille canadienne de coopération civilo-militaire ne s’est pas aperçue que les hôtes avaient évacué les enfants du lieu de rencontre. Après quoi, elle a été attaquée. Les membres de la patrouille ont par la suite avoué qu’ils n’avaient rien vu venir. Pourtant, s’ils n’avaient pas été aussi confiants, ils auraient été plus sensibles au changement d’atmosphère – le malaise des aînés, les mouvements de foule, les changements de position ou de composition du groupe (par exemple, le départ des femmes et des enfants). À l’autre extrémité du spectre, on trouve la manifestation d’une mentalité de garnison. Au moment d’un changement de quart, un soldat américain de garde depuis 2 h a refusé de quitter son poste avant l’arrivée de la relève. Il semblait comprendre l’importance et l’ampleur de ses responsabilités. Le militaire canadien en poste, quant à lui, s’en inquiétait peu; il a simplement annoncé : « Je pars, mon quart est terminé. » Ce militaire semble être resté dans l’esprit d’une campagne en temps de paix, ce qui l’a empêché de saisir la pleine mesure des responsabilités et des conséquences rattachées aux tours de garde.

Une attitude et un état d’esprit appropriés sont cruciaux si l’on veut réduire les pertes et réussir la mission. Les leaders et les soldats peuvent ainsi se concentrer sur les opérations et les mener efficacement, réduire les risques quand cela est possible, sans toutefois compromettre la mission. Bref, une bonne disposition éclaire tout ce que les troupes font; toutes les actions sont dirigées sur un objectif, vers un but précis qui conduit à l’exécution du plan de campagne. Souvent, la fin poursuivie n’est pas d’ordre militaire; elle est plutôt politique : la création d’un milieu sûr, l’établissement de liens de confiance ou l’appui au nouveau gouvernement national. Les leaders tactiques jouent donc un rôle essentiel au succès de la mission. C’est à eux qu’incombe la tâche herculéenne d’assurer l’équilibre des défis que nous avons énoncés et d’accomplir le travail qui leur a été confié.

Une voiture démolie

MDN, photo VBIED 009, prise le 15 janvier 2006 par le sergent G.G. Kean, Service d’imagerie du Groupe opérationnel interarmées Afghanistan

Les suites d’un geste de kamikaze.

Les défis d’ordre opérationnel 

Les défis du leadership ne s’arrêtent pas là. Pour réussir, les leaders tactiques doivent pouvoir compter sur l’orientation et le soutien des échelons opérationnels. De fait, c’est à l’échelon opérationnel que se réalisent les objectifs stratégiques, ou les fins visées, grâce à une utilisation tactique judicieuse des forces, conformément à un plan de campagne soigneusement conçu et planifié. Les leaders opérationnels sont conscients du fait que le plan de campagne s’étendra, dans le temps comme dans l’espace, bien au-delà de ce qui se vit au point de vue tactique. Ces commandants doivent faire preuve de tolérance devant l’ambiguïté et concentrer tous les efforts sur l’état opérationnel final. Fondamentalement, le plan de campagne énonce les concepts opérationnels (c’est-à-dire les « voies »), qui sont ensuite traduits en interventions tactiques (c’est-à-dire les « moyens ») permettant d’atteindre les objectifs fixés. L’un des principaux défis qui se posent au leader opérationnel consiste donc à faire en sorte que les actions des commandants subordonnés contribuent au règlement du conflit. Au bout du compte, il serait futile d’effectuer des patrouilles, des raids ou des opérations de ratissage sans tenir compte d’un plan plus vaste, du contexte politique ou d’un but précis. En fait, les solutions cinétiques que privilégient de nombreux commandants ne sont pas toujours bien adaptées à la G4G.

Le leader opérationnel doit, avant tout, veiller à ce que l’ensemble des effectifs comprennent bien la nature de la G4G et, plus précisément, la nature de la rébellion qui sévit actuellement en Afghanistan. En règle générale, la résolution des questions politiques et économiques est nettement plus importante pour l’atteinte des objectifs que ne le sont les interventions strictement militaires. Les patrouilles et les opérations de ratissage dans les montagnes, peu importe le nombre, ne permettront jamais à elles seules de trouver des emplois utiles aux jeunes chômeurs désillusionnés du pays, qui constituent un bassin illimité d’insurgés potentiels.

Par conséquent, une approche efficace intégrée représente un défi clé qu’il importe de relever. Comment un leader peut-il réussir à fondre une force multinationale diversifiée en une organisation cohérente dont toutes les composantes ont une vision claire de l’état opérationnel final souhaité? Et comment peut-il réussir à intégrer les civils à l’équipe et au processus décisionnel dans un geste d’acceptation et d’égalité? Nous oublions souvent que les barrières culturelles invisibles, par exemple les différences d’attitudes, de croyances et de valeurs, de même que les méthodes et pratiques organisationnelles empêchent une véritable collaboration. Souvent, nous ne sommes pas conscients de notre ignorance et nous présumons que notre perception de la situation est exacte et partagée alors que, dans les faits, la réalité sur le terrain peut être entièrement différente. Les commandants opérationnels font donc face à l’énorme défi qui consiste à créer un cadre propice à l’intégration de sorte que la planification, la prise de décision et l’exécution d’activités favorisent la promotion des réformes et des mesures politiques et économiques, dans un environnement sûr et sécuritaire.

Plus facile à dire qu’à faire. Néanmoins, gagner la confiance de la population est un processus à la fois long et difficile. Il faut toujours du temps pour établir des liens de confiance et une crédibilité. Cela exige beaucoup de travail et de temps, et pourtant un seul geste imprudent peut détruire tous les progrès accomplis. Le succès, toutefois, repose sur une approche intégrée, et le commandant opérationnel reste le principal acteur capable de fournir le soutien requis aux autres ministères et aux organismes civils pour y parvenir. En fin de compte, la population du pays hôte accordera son appui au nouveau gouvernement si des améliorations du niveau de vie sont perceptibles, notamment aux points de vue de l’emploi, de l’accès à la nourriture, à l’eau, à l’électricité et à l’éducation et de la formation d’un gouvernement réceptif et responsable.

Le commandant opérationnel doit, pour ce faire, réussir à isoler les insurgés des autres membres de la population. Et ce n’est pas là une tâche facile. Premièrement, les forces de la coalition doivent se montrer capables de créer un environnement sécuritaire, alors qu’il est presque impossible d’empêcher tous les actes de violence, particulièrement ceux qui sont perpétrés par de petits groupes de fanatiques résolus, imbriqués dans une population de culture étrangère et très fermée. Deuxièmement, dans le cas de l’Afghanistan, les forces de la coalition sont déterminées à éliminer les champs de pavot, une culture malheureusement viable et rentable sur une terre aussi stérile et hostile. Troisièmement, les forces de la coalition, particulièrement en raison des interventions défensives qu’elles ont dû effectuer, sont souvent perçues comme une force d’occupation ou, à tout le moins, comme une force insensible aux besoins des Afghans ordinaires.

Par conséquent, le défi consistera à créer un milieu dans lequel la population aura voix au chapitre et pourra s’investir. Une composante essentielle de la création d’un environnement sûr et sécuritaire – dont nous avons déjà discuté – consiste à stimuler la croissance économique et à favoriser la mise en place d’un gouvernement national fort et compétent. L’aide financière et l’assistance fournies par les administrations publiques, canadiennes et étrangères, sont d’une grande importance, mais elles ne suffiront jamais à la tâche. La croissance et les incitatifs économiques sont tributaires d’une infrastructure politique solide et crédible dans le pays hôte. Mais comment intégrer des forces policières ou armées mal entraînées, mal équipées et, quelquefois, d’une loyauté douteuse? Comment fonctionner dans un environnement où l’on tolère le tribalisme et où l’on pratique encore la corruption? Comment établir des liens de confiance et de coopération entre une multitude d’acteurs caractérisés par leur grande diversité sur les plans de la culture, de l’organisation et des valeurs et qui sont tous essentiels au règlement du conflit?

Les défis opérationnels, cependant, transcendent l’impératif de l’approche générale qui lie l’action militaire aux progrès et aux réformes politiques et économiques. Les attentats suicides apparemment aveugles et les embuscades plus délibérées, comme nous l’avons mentionné plus tôt, peuvent facilement donner l’impression que l’initiative est du ressort des insurgés. Le commandant opérationnel doit donc élaborer un plan afin de séparer les belligérants du reste de la population, isolant ainsi l’adversaire de ses sources potentielles de soutien. En outre, il doit déstabiliser et détruire l’infrastructure et le système de commandement, de contrôle et de communication de l’ennemi. Mais surtout, le commandant opérationnel doit veiller à ce que l’initiative demeure entre les mains des forces de la coalition, ce qui constitue un facteur clé des opérations anti-insurrectionnelles. Lorsque les belligérants doivent réagir aux actions des forces coalisées, alors ils ne contrôlent plus le champ de bataille.

Le commandant opérationnel doit donc assurer l’exécution du plan de campagne, lequel conduit vers l’atteinte des objectifs stratégiques. Souvent, il peut s’avérer difficile de concilier l’élément opérationnel et l’élément stratégique. Le caractère arbitraire et asymétrique d’une G4G oblige à montrer une grande souplesse dans la réflexion, à faire preuve de rapidité et d’adaptation dans la conduite des opérations, à favoriser la décentralisation et à avoir confiance dans l’esprit novateur des échelons tactiques les plus bas. La G4G fait généralement intervenir de petites unités. Les commandants subordonnés doivent donc avoir les coudées franches pour mener les opérations au gré des circonstances. La faculté d’adaptation et la souplesse d’esprit sont alors indispensables. Pourtant, comme nous l’avons indiqué précédemment, le commandant opérationnel doit aussi veiller à ce que le recours aux forces tactiques permette d’atteindre des objectifs précis, conformément au plan de campagne opérationnel.

La doctrine actuelle du commandement de mission des Forces canadiennes, qui favorise la prise de décision décentralisée, la liberté d’action, la rapidité d’intervention et l’initiative, contribue à la réalisation de ces objectifs. Elle s’appuie sur trois principes fondamentaux : l’importance de comprendre l’intention du commandant supérieur, des responsabilités claires permettant de concrétiser cette intention5 et une prise de décision rapide. Cependant, le contexte extrêmement politisé et les risques inhérents associés au commandement de mission posent un défi de leadership considérable pour les commandants6. La théorie est simple; c’est son application pratique « sur le terrain » dans un milieu ambigu, complexe et meurtrier qui pose problème.

Des agents de police afghans

MDN, photo VBIED 246, prise le 15 janvier 2006 par le sergent G.G. Kean, Service d’imagerie du Groupe opérationnel interarmées Afghanistan

Des agents de la police locale collaborent avec des représentants canadiens à la suite d’un attentat suicide survenu à Kandahar. 

Les défis d’ordre stratégique 

L’impératif d’un leadership fort au point de vue opérationnel est indiscutable. Après tout, comme nous l’avons déjà dit, c’est à ce niveau que les orientations stratégiques se traduisent en interventions opérationnelles et tactiques. Mais les défis sur le plan du leadership se posent également au point de vue stratégique. Les leaders stratégiques doivent être en mesure de traduire les objectifs d’ordre politique en objectifs stratégiques sensés. De plus, ils doivent travailler sans difficulté avec un vaste éventail d’organismes étrangers, notamment avec d’autres autorités militaires et organisations internationales telles que l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, les Nations Unies et l’Union européenne. 

Il n’est pas plus grand défi que celui d’obtenir et de conserver l’appui de la population à une intervention militaire à l’étranger, surtout lorsque celle-ci est perçue comme étant dangereuse et d’une valeur douteuse pour l’intérêt national. Malheureusement, ce problème est exacerbé à la fois par un public mal informé qui s’accroche à des perceptions erronées du rôle et de la capacité des forces armées du pays et par une évaluation émotive et naïve de ce qui constitue l’intérêt national. Les perceptions, sinon les attentes, traditionnelles du gouvernement à l’effet que les officiers supérieurs ne devraient pas prendre part aux débats publics imposent un défi colossal au leadership : celui d’éduquer les Canadiens sur l’engagement des Forces canadiennes à l’étranger.

Le défi que représente la popularité de la mission est étroitement lié à celui de soutenir l’effort de guerre, surtout dans la mesure où les campagnes anti-insurrectionnelles exigent un engagement à long terme. Ces défis ont des conséquences internes pour les Forces canadiennes et des répercussions sociales externes. Le rythme opérationnel épuisera les effectifs, en particulier les spécialistes et groupes de soutien et les spécialistes des armes de combat, qui devront faire des rotations dans le théâtre des opérations à une fréquence peu souhaitable. En outre, l’incidence budgétaire d’une opération soutenue, surtout lorsque des équipements rares et coûteux sont détruits, pourrait créer d’autres tensions et soulever d’autres problèmes. Les demandes répétées de fonds destinés à l’effort de guerre outre-mer pourraient aliéner les contribuables, en particulier si les mesures mentionnées plus tôt n’ont pas été mises en œuvre ou si elles se sont révélées inefficaces. Cependant, le défi le plus imposant sera de maintenir l’appui de la population advenant que le nombre de pertes humaines serait jugé inacceptable aux yeux du public, les Canadiens ayant, dans l’ensemble, déjà démontré un niveau d’acceptation peu élevé à l’égard de la mission7. De façon générale, la capacité de maintenir l’appui du public et de soutenir l’effort de guerre constitue un défi de taille pour les leaders stratégiques.

Malheureusement, ce n’est pas là le seul défi qui se pose au point de vue stratégique. L’adoption intégrale de l’approche 3D à l’échelle nationale impose des exigences tout aussi formidables. Souvent, la force des personnalités sur le terrain et la nécessité font en sorte que les dispositifs mis en place localement sont d’une efficacité variable. Sur le plan stratégique, la bureaucratie, l’aversion pour le risque, la dynamique et les procédures opérationnelles de même que la difficulté à trouver des effectifs prêts à se déployer dans les théâtres dangereux, la rotation du personnel, les divergences d’opinions quant aux méthodes et aux résultats, les attitudes, les stéréotypes, la mauvaise communication sont autant de facteurs qui aggravent le problème. Comme nous l’avons déjà souligné, le succès des opérations repose sur une approche intégrée. La Défense nationale n’est qu’un des ministères responsables de la mise en œuvre des politiques publiques. Toutefois, en raison de leur présence physique sur le terrain et des risques auxquels les troupes s’exposent, les leaders stratégiques doivent obtenir, cultiver et consolider l’adhésion et l’appui d’autres ministères et organismes, notamment Affaires étrangères Canada et l’Agence canadienne de développement international, pour assurer le succès des opérations en Afghanistan. En outre, ces organismes doivent chercher à favoriser et à nourrir un dynamisme bureaucratique à l’interne afin d’avoir la même souplesse et la même capacité de déploiement et d’intervention rapides que les militaires. C’est l’unique façon de planifier et d’exécuter des opérations pleinement intégrées, tant au point de vue stratégique qu’au point de vue tactique.

Des soldats

Photo YA3I0038, de Sylvia Pecota

Des efforts pour briser les barrières. Des soldats canadiens tentent de nouer des rapports de confiance avec la population locale. 

Conclusion

Comme nous l’avons indiqué dès le départ, nous ne prétendons pas dresser une analyse complète des défis de leadership qui se posent en Afghanistan. Nous avons plutôt proposé un premier examen de certains des enjeux complexes et interdépendants auxquels nos dirigeants doivent faire face aux points de vue tactique, opérationnel et stratégique. Le présent article devrait servir de fondement à la poursuite des discussions et des travaux de recherche.

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Bernd Horn, Ph. D., officier d’infanterie, est actuellement directeur de l’Institut de leadership des Forces canadiennes, qui relève de l’Académie canadienne de la Défense à Kingston, en Ontario.

Notes

  1. Terme désignant les camions de transport commercial à plateforme, d’une capacité de 5 à 10 tonnes, qui sont ornés de multiples images, dessins et petites clochettes, d’où le nom camions à clochettes.
  2. La guerre de quatrième génération (G4G) s’entend de l’approche non linéaire et asymétrique de la guerre dont les principes fondamentaux sont la souplesse, la décentralisation et l’initiative. De plus, la G4G se démarque radicalement du modèle classique selon lequel la conduite de la guerre est l’apanage des États. Dans la G4G, des acteurs non étatiques, comme le Hamas, Al-Qaïda et les talibans, s’imposent comme des adversaires de taille, capables d’intervenir hors de leurs zones d’opération traditionnelles. Par ailleurs, leur définition des combattants s’écarte considérablement des lois traditionnelles qui régissent les conflits armés. Selon le stratège militaire William S. Lind, « la guerre de quatrième génération semble largement dispersée et indéfinie [...]. Elle sera non linéaire, peut-être au point d’effacer les limites des champs de bataille et des fronts. La distinction entre le “civil” et le “militaire” pourrait disparaître. » (« The Changing Face of War: Into the Fourth Generation », Marine Corps Gazette, octobre 1989, p. 22-26)
  3. Il importe de rappeler que la légitimité politique se mesure selon des critères locaux et non en fonction de concepts occidentaux.
  4. Le concept de la « guerre à trois volets » a d’abord été proposé par l’ancien commandant de la marine, le général Charles Krulak, qui l’explique ainsi : il s’agit d’une contingence opérationnelle dans le cadre de laquelle les soldats auraient à mener des opérations allant du soutien à la paix au combat d’intensité moyenne, au cours d’une même journée et dans un espace de trois pâtés de maisons.
  5. L’intention du commandant s’entend des raisons de la conduite d’une opération et des résultats escomptés, tels qu’ils sont définis par le commandant. Il s’agit d’un énoncé clair et concis de l’état final souhaité et des risques acceptables. Sa force tient à ce que cette intention permet aux subordonnés de faire preuve d’initiative en l’absence d’ordres précis, lorsque des occasions imprévues se présentent ou lorsque le concept initial de l’opération ne s’applique plus.
  6. Cela est exacerbé par l’« effet CNN », une couverture médiatique omniprésente en temps réel, 24 heures sur 24, sept jours par semaine, qui bombarde de l’information instantanée à des millions de téléspectateurs partout dans le monde. Cet effet CNN pose un défi énorme au personnel militaire. Il a conduit au phénomène du « caporal stratégique » : les décisions ou les erreurs tactiques de subalternes deviennent des enjeux stratégiques dans la mesure où elles sont diffusées partout dans le monde en temps réel, conditionnant ainsi l’opinion et suscitant des réactions négatives et souvent violentes. 
  7. Selon un sondage mené par Decima Research en avril 2006, 46 % des Canadiens estiment que la mission en Afghanistan n’est pas opportune. (CTV News, « Afghan Mission in Canada’s Interest: O’Connor », le 11 avril 2006, [en ligne]. [http://www.ctv.ca/servlet/articlenews/story/CTVNews/20060410/
    afghanistan_debate_060410/20060410?hub=TopStories
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Des soldats surveillant la scène

MDN, photo AR2006-P007-0005 du sergent Lou Penney, Services d’imagerie du Groupe opérationnel Afghanistan

Kolk, Afghanistan, le 15 septembre 2006 – On voit, dans un champ de maïs et de marihuana, un véhicule blindé léger LAV III, la caisse rabaissée. Son équipage surveille des soldats canadiens au cours d’une patrouille à pied, dans le cadre de l’opération Medusa. Il s’agit d’une vaste opération de l’OTAN, dont l’objectif est d’enrayer la présence d’insurgés dans le district de Panjwaii.