Le coin du rédacteur en chef

Un équipage canadien d’Halifax heureux à la fin de la guerre.

Gracieuseté du Projet de restauration d’Halifax, à Trenton

Un équipage canadien d’Halifax heureux à la fin de la guerre.

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Voici, comme un vent de fraîcheur, le 53e numéro de la Revue militaire canadienne, laquelle entame sa 14e année de publication. Le contenu de ce numéro est plutôt éclectique, et nous espérons y avoir mis de quoi susciter l’intérêt de chacun d’entre vous.

Comme je couche ces mots sur papier pendant la période annuelle des cérémonies nationales du jour du Souvenir, je me permets d’attirer votre attention sur l’illustration de la page couverture. Elle reproduit l’œuvre The First of the Ten Thousand de l’artiste britanno-colombien John Rutherford, qui lui a été commandée par le Bomber Command Museum of Canada, situé à Nanton, en Alberta. L’artiste et le musée ont gracieusement autorisé la Revue à en faire sa couverture.

Le 4 septembre 1939, au lendemain de la déclaration de guerre de la Grande-Bretagne à l’Allemagne, le sergent Albert Stanley Prince, natif de Montréal mais expatrié et membre de la Royal Air Force depuis 1935, pilotait l’un des 15 bombardiers Bristol Blenheim chargés de pilonner les navires de guerre amarrés au port de Wilhelmshaven, sur la mer du Nord. Il s’agissait en fait du cuirassé de poche Admiral Scheer et du croiseur Emden. Les premières vagues de bombardements individuels à hauteur des têtes de mât ont pris les Allemands par surprise, mais ces dernies s’étaient déjà ressaisis quand le sergent Prince s’est approché, plus loin dans la formation d’attaque et parmi les derniers à fondre sur l’Admiral Scheer :
Le sergent Prince ne disposait plus d’aucun élément de surprise à son arrivée sur l’objectif. Les tirs allemands étaient nourris et précis. Ils ont abattu trois des quatre bombardiers pendant leur passe d’attaque à basse altitude. Un témoin allemand a décrit ainsi le sort du quatrième : « L’un des Blenheim de la RAF a mené son attaque à si basse altitude qu’il a été détruit par la déflagration de la bombe qu’il avait lui-même larguée sur le navire ». Il semblerait que la fusée à retardement ait mal fonctionné… L’avion du sergent Prince est l’un des trois qui auraient été abattus. Aux dires du sergent G.F. Booth, observateur [navigateur] posté dans le nez du Blenheim, à qui un journaliste allemand a plus tard demandé en entrevue s’il avait remarqué comment l’avion s’était abîmé : « Nous avons frappé quelque chose…Je regardais droit devant. J’ai simplement vu venir l’eau et entendu le bruit de l’impact ». L’appareil se serait abîmé rapidement, mais le sergent Prince a dû en garder une certaine maîtrise puisqu’il s’est écrasé dans les eaux du port. Les trois membres d’équipage ont pu s’en extirper et ont été secourus par un bateau pilote, mais le sergent Prince est mort à l’hôpital des suites des blessures subies à l’amerrissage1. [TCO]

C’est ainsi qu’est revenu à Albert Stanley Prince le triste honneur d’être le premier Canadien à tomber au combat lors de la Seconde Guerre mondiale, toutes forces de combat confondues, cinq jours après la déclaration de guerre officielle du Canada. Il a aussi été le premier des plus de 10 000 membres d’équipage canadiens du Bomber Command à perdre la vie pendant cette guerre. Le Bomber Command ayant eu un effectif canadien d’environ 40 000 hommes, le taux de mortalité de ce dernier s’élève donc à plus de 25 pour 100. Nous nous souviendrons d’eux.

Le présent numéro ne contient pas de rubrique « Vaillance militaire », comme c’est parfois le cas lorsqu’il n’y a eu aucune annonce ou remise officielle de décorations de la vaillance militaire depuis la parution du dernier numéro. L’équipe de la Revue maintient toutefois son engagement à souligner la vaillance dont nos soldats, marins et aviateurs font preuve au combat, et nous continuerons de vous informer de toute annonce publique en la matière.

La « première salve » vient de James Moore, Ph. D., scientifique de la Défense. Il examine la multitude d’acteurs non classiques qui sont présents dans l’espace de bataille contemporain. « Différents adversaires irréguliers sont présents dans l’espace de bataille complexe où des membres des Forces armées canadiennes (FAC) pourraient exécuter des opérations au cours de futures campagnes » dit-il. Il estime que devant le « buffet » de termes servant à décrire ces adversaires, en l’occurrence seigneurs de guerre, narcotrafiquants, insurgés ou terroristes, ce qu’il nous faut, « c’est un terme commun et global qui aide à générer et à communiquer les connaissances concernant les intentions, les capacités et les comportements de la foule d’adversaires irréguliers réels ou en puissance que nous pourrions trouver sur notre chemin au cours des opérations postérieures à la mission en Afghanistan ». Il propose donc le terme « acteur non-étatique armé, ou ANEA ».

Vient ensuite la question de pure forme « Le jeu en valait-il la chandelle? » de Sean Maloney, Ph. D., conseiller en histoire de la guerre en Afghanistan auprès de l’Armée canadienne, relativement à la participation du Canada à cette guerre. M. Maloney avance beaucoup d’arguments convaincants, puis soutient que oui, le jeu en a valu la chandelle, et que de nombreux efforts ont été déployés, avec l’aide du Canada, pour mettre les Afghans sur la voie de la réussite. Il précise cependant que « Ce que les Afghans choisiront de faire (et ils sont parfaitement capables de prendre les décisions de cette nature) avec tout le soutien offert est une autre question. Leur capacité en tant que société de continuer sur cette trajectoire ou de retomber dans le chaos est entre leurs mains, pas les nôtres ».

L’article suivant consiste en l’appréciation que fait François Gaudreault de la menace à la sécurité qui plane le long de la frontière canado-américaine. M. Gaudreault, officier de la Marine en service actif et actuellement gestionnaire de la recherche du renseignement au Commandement des opérations interarmées du Canada, en vient à la conclusion que, malgré les grands progrès réalisés pour améliorer la sécurité frontalière dans la foulée des attaques terroristes du 11 septembre, l’essentiel maintenant est d’en arriver à bien mieux cerner en quoi consiste précisément la menace et à déterminer ce qui constitue un niveau de risque acceptable.

Puis, dans un article qui jette un pont entre les questions de science politique et d’économie contemporaines et les leçons tirées du passé, le major Garrett Lawless et le professeur A.G. Dizboni se penchent de plus près sur le discours d’adieu du président Dwight David Eisenhower au peuple américain la veille de son départ à la retraite en 1961. Eisenhower y lançait un appel à l’équilibre à bien des égards, mais avant tout à « la mobilisation d’une population vigilante et avertie ». Comme le disent les auteurs, « D’ailleurs, l’utilité contemporaine de ce discours réside dans notre interprétation consciencieuse des réalités contradictoires qui ont suscité cet appel à l’équilibre à l’époque. Ainsi, nous prendrons conscience du peu de connaissance que nous avons aujourd’hui de ces grands sujets… ». Enfin, nos articles de fond se terminent sur une note historique. Le lieutenant de vaisseau Jean-François LeBeau analyse pour nous les motifs pour lesquels la lutte amphibie a été si généralisée pendant la guerre de 1812. Il en attribue la raison d’être aux contraintes géographiques, aux effets psychologiques, à l’initiative et aux plans d’action désavantageux ainsi qu’à la mobilité et à la souplesse opérationnelles accrues.

Vous trouverez dans ce numéro deux articles d’opinion fort différents. Dans le premier, le capitaine de frégate Jacques Olivier traite des enseignements de Sun Tzu, de Machiavelli et de Clausewitz et déclare « nous sommes en droit de nous demander si la nature de l’art opérationnel de la guerre a véritablement connu des changements fondamentaux au fil des deux derniers millénaires ». Ensuite, la professeure Pascale Marcotte, de l’Université de Moncton, présente un plaidoyer convaincant en faveur de l’aménagement, pour le centenaire de la Première Guerre mondiale, d’un chemin de mémoire canadien qui passerait par différentes villes et différents villages de la France et de la Belgique que des soldats canadiens ont libérés pendant la Grande Guerre.

Martin Shadwick, dont les opinions sur l’acquisition de matériel de défense au Canada ne manquent jamais de susciter la réflexion, nous entretient cette fois des besoins d’approvisionnement propres à chacune des trois armées ainsi que des enjeux et problèmes connexes. Pour conclure, quelques critiques de livres viendront éclairer vos choix de lectures hivernales.

Bon divertissement!

Le rédacteur en chef de la Revue militaire canadienne

David L. Bashow

 

Addenda au coin du rédacteur en chef

Un monument commémorant la tragique perte de 55 573 hommes du Bomber Command provenant du Commonwealth et de pays alliés pendant la Deuxième Guerre mondiale a été inauguré dans Green Park, à Londres, le 28 juin 2012. Sa Majesté la Reine Elizabeth II a dévoilé une statue de bronze représentant sept membres d’équipage du Bomber Command debout au milieu d’une structure. Le toit est fabriqué d’aluminium récupéré d’un bombardier Handley Page Halifax III canadien du 426e</sup> Escadron abattu au-dessus de la Belgique le 12 mai 1944. Ses huit membres d’équipage y ont perdu la vie et figurent parmi les 10 659 aviateurs canadiens qui ont péri en servant au sein du Bomber Command pendant la guerre. Le monument rend également hommage aux gens de tous les pays qui ont succombé pendant les campagnes de bombardement de 1939 à 1945.

Photo du sergent Alain Martineau, MDN, FA2012-1038-002

Un monument commémorant la tragique perte de 55 573 hommes du Bomber Command provenant du Commonwealth et de pays alliés pendant la Deuxième Guerre mondiale a été inauguré dans Green Park, à Londres, le 28 juin 2012. Sa Majesté la Reine Elizabeth II a dévoilé une statue de bronze représentant sept membres d’équipage du Bomber Command debout au milieu d’une structure. Le toit est fabriqué d’aluminium récupéré d’un bombardier Handley Page Halifax III canadien du 426e Escadron abattu au-dessus de la Belgique le 12 mai 1944. Ses huit membres d’équipage y ont perdu la vie et figurent parmi les 10 659 aviateurs canadiens qui ont péri en servant au sein du Bomber Command pendant la guerre. Le monument rend également hommage aux gens de tous les pays qui ont succombé pendant les campagnes de bombardement de 1939 à 1945.

Hommage au Bomber Command

Le Bomber Command a joué un rôle crucial dans la victoire des Alliés pendant la Seconde Guerre mondiale. Il leur a procuré leur seul outil offensif qui déplaçait le combat en territoire ennemi, suscitant de ce fait l’espoir et la fierté chez les citoyens des pays alliés. Par ses interventions, il a conféré à la Grande-Bretagne et à ses dominions une dimension politique qui leur a permis d’influer sur le déroulement de la guerre. Il a obligé les Allemands à détourner des ressources considérables destinées au front de l’Est, aidant ainsi l’USSR dans son apport à l’effort interalliés. Il a miné considérablement et sans répit le moral de l’ennemi. Il a semé le désarroi chez les grands stratèges de guerre allemands, les poussant à adopter une position réactive, plutôt que proactive, et à décentraliser la production industrielle, ce qui a fait peser un fardeau insupportable sur un réseau de transport déjà à la limite de ses capacités. Ce réseau imposant, diversifié et complexe a d’ailleurs lui-même encaissé nombre de coups durs. La campagne de bombardement a également mis fin à la supériorité aérienne allemande, a indubitablement fragilisé la base industrielle du Reich et a fini par tarir l’approvisionnement du pays en produits pétroliers. Elle a dans les faits paralysé la mobilisation économique et le développement technologique à bien des égards et a amené les Nazis à se lancer dans des campagnes de représailles inefficaces. Elle a coûté le prix fort en vie humaines, mais a donné de formidables résultats.

Représentation extraordinairement réaliste d’un équipage de bombardier de sept hommes épuisés, de retour sur la terre ferme après une sortie de combat, mais scrutant l’horizon avec inquiétude pour voir poindre les appareils de leurs compagnons d’armes.

Photos du sergent Alain Martineau, MDN, FA2012-1038-007-01 et FA2012-1038-014

Représentation extraordinairement réaliste d’un équipage de bombardier de sept hommes épuisés, de retour sur la terre ferme après une sortie de combat, mais scrutant l’horizon avec inquiétude pour voir poindre les appareils de leurs compagnons d’armes.

Représentation extraordinairement réaliste d’un équipage de bombardier de sept hommes épuisés, de retour sur la terre ferme après une sortie de combat, mais scrutant l’horizon avec inquiétude pour voir poindre les appareils de leurs compagnons d’armes.

Photos du sergent Alain Martineau, MDN, FA2012-1038-007-01 et FA2012-1038-014

Représentation extraordinairement réaliste d’un équipage de bombardier de sept hommes épuisés, de retour sur la terre ferme après une sortie de combat, mais scrutant l’horizon avec inquiétude pour voir poindre les appareils de leurs compagnons d’armes.

Note

  1. Dave Birrell, « Sergeant Pilot Albert Stanley Prince: The First of the 10,000 », dans Airforce, Vol. 23, No 2 (été 1999), p. 54.