Relations entre le Canada et les États-Unis

Le World Trade Center en ruines, le 11 septembre 2001.

Photo de Peter Morgan, Reuters RTRMKX4

Le World Trade Center en ruines, le 11 septembre 2001.

Menace à la sécurité à la frontière canado-américaine : une quête vers l’impossible perfection

par François Gaudreault

Imprimer PDF

Pour plus d'information sur comment accéder ce fichier, veuillez consulter notre page d'aide.

Le lieutenant de vaisseau François Gaudreault est membre des Forces armées canadiennes depuis 2003. Officier du renseignement depuis 2008, il occupe actuellement le poste de gestionnaire de la collecte du renseignement au Commandement des opérations interarmées du Canada à Ottawa. Le lieutenant Gaudreault termine actuellement une maîtrise en études sur le renseignement à la American Military University.

Introduction

Les Américains et leurs alliés ont été profondément ébranlés par les attaques du 11 septembre 2001 aux États-Unis. Ces attaques ont complètement modifié la dynamique mondiale et ont eu une incidence profonde sur la politique en Amérique du Nord. Le gouvernement américain, pris par surprise, a depuis adopté des mesures majeures pour assurer la sécurité de la population.

La nouvelle réalité politique aux États-Unis se résume aisément par « la sécurité nationale avant tout ». Des investissements massifs, une profonde réorganisation des institutions et des changements politiques considérables sont autant de mesures mises de l’avant dans cette quête de « sécurité absolue ». Ce qui aurait autrefois fait l’objet de partenariats multilatéraux, fondés sur la négociation et les bénéfices mutuels, correspond désormais à ce que Frank P. Harvey, professeur à l’Université Dalhousie, appelle des décisions unilatérales, fondées sur les impératifs de la « sécurité intérieure »1.

Le meilleur exemple est probablement la frontière entre le Canada et les États-Unis, qui, depuis des décennies, est connue comme étant la « plus grande frontière non défendue » au monde. Selon Deborah Waller Meyers du Migration Policy Institute, elle fait maintenant l’objet d’une certaine « militarisation2 ». Le premier objectif de cette nouvelle politique frontalière est de maintenir les menaces, principalement le terrorisme, à l’extérieur du pays et d’empêcher qu’elles n’y pénètrent.

Le Canada a aussi emboité le pas et adapté sa politique frontalière pour accroître la sécurité et contrer le terrorisme, en sa qualité de voisin responsable, d’important partenaire commercial et de proche allié3. Mais aux yeux de plusieurs aux États-Unis, et même au Canada, Ottawa n’en fait pas assez pour lutter contre le terrorisme. Certains observateurs estiment encore que les mesures prises par le Canada pour lutter contre le terrorisme sont trop molles et accusent ce dernier de ne pas prendre cette menace suffisamment au sérieux4.

Le Canada est le principal partenaire commercial des États-Unis, avec lesquels il partage une frontière de 8 895 kilomètres qui compte 133 points d’entrée, franchis par plus de 200 millions de personnes par année, sans oublier que les deux pays réalisent des échanges commerciaux d’une valeur de 1,4 milliard de dollars chaque jour5. En raison de cette circulation massive de personnes et de marchandises, et de l’impossibilité de contrôler totalement l’ensemble de la frontière, le Department of Homeland Security (DHS) considère la frontière canado-américaine comme un maillon faible de la sécurité nationale des États-Unis. Washington s’attend à ce que le Canada déploie plus d’efforts en termes de sécurité, de façon à égaler les mesures de sécurité et de lutte contre le terrorisme déjà mises en œuvre par les Américains.

Le dilemme d’Ottawa est donc le suivant : continuer à accroître les efforts et le budget de la sécurité et de la lutte contre le terrorisme, même si cela est une mesure impopulaire au sein de la population canadienne et peu importe si cela va à l’encontre des priorités nationales; ou consacrer moins de fonds à la sécurité et être prêt à accepter la possible réduction des échanges commerciaux avec notre voisin du sud. Comme la clé de ce dilemme réside dans le niveau de menace terroriste perçu au Canada, la question principale devrait être : la menace terroriste connue à la frontière canadoaméricaine justifie-t-elle que les gouvernements des deux pays investissent davantage dans les mesures de sécurité?

Ce qu’il manque dans la politique de sécurité canadienne et son pendant américain, c’est l’état final recherché. Quand la sécurité à la frontière sera-t-elle satisfaisante, et quand les coûts dépasseront-ils les avantages? L’hypothèse sur laquelle repose le présent article est que des progrès importants ont été faits depuis le 11 Septembre en ce qui a trait à la sécurité de la frontière, et que tout nouvel investissement devrait être approuvé en fonction d’un processus décisionnel bien établi qui tient compte de la myriade de facteurs en jeu et non seulement de l’urgence d’agir que ressent la sphère politique.

Dans cette optique, le but du présent article est de déterminer si les améliorations apportées en termes de sécurité à la frontière depuis le 11 Septembre suffisent pour atteindre le niveau de sécurité raisonnable auquel s’attendent les Canadiens, de même que de déterminer comment planifier les nouveaux investissements et engagements. L’article ne porte que sur la menace posée par le terrorisme et non sur les autres types de menace, qui sont principalement liés aux activités criminelles. L’expression « niveau de sécurité raisonnable » renvoie ici aux outils et aux mesures nécessaires pour prévenir ou intercepter les menaces terroristes avant qu’elles n’atteignent les États-Unis, tout en maintenant une frontière ouverte, qui rend possible le commerce et les déplacements entre les deux pays.

Le pont Ambassador, qui relie Detroit, au Michigan à Windsor, en Ontario. D’après une étude de Partenariat 
de transport frontalier de 2004, 150 000 emplois régionaux et 13 milliards de dollars américains de production annuelle dépendent de ce passage frontalier.

Photo d’iStockphoto 17897275

Le pont Ambassador, qui relie Detroit, au Michigan à Windsor, en Ontario. D’après une étude de Partenariat de transport frontalier de 2004, 150 000 emplois régionaux et 13 milliards de dollars américains de production annuelle dépendent de ce passage frontalier.

Discussion

Dans des études antérieures, plusieurs auteurs ont fourni des informations sur l’état des choses à la frontière avant le 11 Septembre, et ces études constituent un bon point de départ pour évaluer les changements qui ont eu lieu depuis 2001. Jason Ackleson de la New Mexico State University, dans son essai, From Thin to Thick, dit de la frontière canado-américaine avant le 11 Septembre qu’elle est : « … au mieux une mince frontière légale, relativement faible6 [TCO]. » L’économie et le commerce entre les deux pays étaient alors le seul point de mire. L’auteur présente une liste d’accords économiques, ayant tous pour but « […] de faciliter le commerce, de coordonner les politiques et de gérer efficacement la frontière7 [TCO]. » Ces accords ont permis une augmentation majeure des échanges commerciaux, comme le mentionne le Colonel américain C.P. Stacey (à la retraite) dans son article intitulé Undefended no More. Selon les statistiques, les exportations canadiennes aux États-Unis ont augmenté pour atteindre 80 % des exportations du Canada et les importations se sont chiffrées à 250 milliards de dollars par année. Le nombre de personnes franchissant la frontière a également augmenté, passant à plus de 200 millions par année, le poste frontalier de WindsorDetroit ayant le volume le plus élevé de passages au monde8.

En ce qui concerne la sécurité de la frontière avant le 11 Septembre, un aperçu précis nous en est donné par Brigit Matthiesen, conseillère senior auprès du gouvernement américain, et les experts de la conférence Safe and Secure Canada-United States Border qu’elle a présentée en 20099. À cette époque, les agents du service frontalier canadien n’étaient pas armés et étaient souvent seuls à leur poste de travail. La communication entre les services frontaliers des deux pays était aussi à cette époque fort minime et il y avait peu de partage de renseignement, non seulement entre les services frontaliers des deux pays, mais aussi avec les autres organisations canadiennes chargées de faire respecter la loi.

Certains observateurs soutiennent que l’engagement du Canada est insuffisant pour assurer la sécurité. Dans Borders Matter: Homeland Security & the Search for North America, Daniel Drache, professeur à la York University, soutient que le gouvernement du Canada considère encore les questions relatives aux frontières comme étant d’ordre économique10. Le Colonel C.P. Stacey cite également un rapport de 2004 du DHS qui indique que la frontière avec le Canada « […] est trop poreuse et représente une menace pour la sécurité des États-Unis11[TCO]. »

Au niveau politique, certains considèrent que le Canada adopte une attitude trop libérale. Paul Rosenzweig, ex-secrétaire adjoint délégué aux Affaires internationales pour le DHS, a écrit un article intitulé Why the US doesn’t Trust Canada12. Dans cet article, il dénonce plusieurs politiques canadiennes comme étant trop libérales par rapport à la menace terroriste. Il donne en exemple les politiques canadiennes d’asile qui, à son avis, permettent à des citoyens d’un trop grand nombre de pays de voyager en sol canadien sans visa. Kent Roach, de l’Université de Toronto, souligne également les différences majeures entre les politiques canadiennes et américaines de lutte contre le terrorisme. Selon lui, « [L]a Loi antiterroriste canadienne respecte davantage les droits de la personne; les dispositions sur les droits de la personne, sur l’arrestation préventive, sur les investigations et sur les modalités relatives s au secret font en sorte que l’application de la loi est plus restreinte que dans d’autres démocraties13[TCO]. »

D’autres essais traitent du manque de sécurité sous l’angle de l’opinion populaire. Deborah Waller Meyers, dans son essai Does ‘Smarter’ Lead to Safer? se penche sur la perception du Canada qu’ont les États-Unis, soit que : « les Canadiens estiment que les questions relatives à la sécurité et à la frontière sont un problème purement américain et que les Canadiens ne prennent pas les questions de sécurité suffisamment au sérieux14[TCO]. ». Frank P. Harvey cite également un sondage de IpsosReid de 2005 qui indique que près de la moitié des populations américaine et canadienne estime que les mesures prises par le Canada pour assurer la sécurité de la frontière ne sont pas suffisantes15.

En revanche, certains auteurs estiment que la contribution du Canada à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme est suffisante. Ackleson donne comme exemple la création des équipes intégrées de la police des frontières (EIPF) qui ont pour mission de patrouiller la frontière. Les EIPF fournissent « […] une approche intégrée du renseignement et de la tactique qui combine l’application de la loi et la lutte contre le terrorisme16[TCO]. » Grâce à ces équipes, la coopération et l’efficacité à la frontière ont été grandement améliorées, notamment entre les points d’entrée. Deborah Waller Meyers mentionne également l’existence des systèmes NEXUS et US-VISIT et indique qu’il s’agit de mesures efficaces pour faciliter les déplacements tout en assurant la sécurité17.

John A. Winterdyk de la Mount Royal University et Kelly W. Sundberg, président et PDG de l’International Institute of Criminal Justice Research, présentent la majorité des mesures prises par les deux pays pour assurer la sécurité de la frontière et lutter contre le terrorisme. Ils en viennent à la conclusion que tous les investissements et les changements apportés aux politiques n’ont pas permis de créer l’environnement sécuritaire promis, ont entraîné de multiples violations des droits de la personne et ont porté de sérieux coups à la politique et à la démocratie nord-américaines. Selon eux, « le Canada et les États-Unis ont pris des mesures drastiques afin d’assurer la sécurité de leur frontière contre des menaces extérieures potentielles. Quel en sera le coût à long terme18?[TCO] » Warren Coons, directeur des EIPF du Canada, confirme que « […] la sécurité nationale est la priorité de l’ensemble des organismes d’application de la loi des deux pays19 [TCO]. » Mais à ses yeux, même si la sécurité nationale figure en tête de liste des priorités, la principale menace aux frontières est la criminalité. Harvey donne également son avis sur la politique de sécurité nationale canadienne. La priorité du gouvernement est étroitement liée à celle des États-Unis : lutter contre le terrorisme international et empêcher la prolifération des armes de destruction massive (ADM)20. Selon Harvey, ces priorités n’ont aucun sens, car la plupart des Canadiens ne les considèrent pas comme étant les principales menaces à la sécurité du Canada.

Le poste frontalier de Peace Arch, à Surrey, en Colombie-Britannique.

Photo de Chuck Stoody, La Presse canadienne 1488450

Le poste frontalier de Peace Arch, à Surrey, en Colombie-Britannique.

Un autre élément qui ressort des différentes recherches est qu’atteindre une sécurité absolue est impossible. Quels que soient les montants d’argent investis pour la sécurité, il demeurera toujours un risque d’échec. Comme l’affirme Meyers : « […] il n’existe pas une seule mesure réaliste qui peut être prise aux frontières et qui permettrait de prévenir avec une certitude totale un autre incident terroriste21[TCO]. ». Harvey soutient que le gouvernement américain ne sera satisfait que lorsqu’une sécurité absolue sera établie, ce qui est impossible. Pour cette raison, il estime que les dépenses continueront de croître, même si le but ne sera jamais atteint. Il pousse la réflexion encore plus loin, indiquant que malgré toutes les ressources investies dans la sécurité depuis le 11 Septembre, si une autre attaque survenait, ce qui est selon lui inévitable, la population accuserait automatiquement les autorités de ne pas avoir pris suffisamment de mesures, pavant de ce fait le chemin à des investissements supplémentaires. Essentiellement, cela créerait un tourbillon où des sommes colossales seraient englouties, encore une fois, et ne donnerait lieu qu’à des gains minimaux. De l’avis d’Harvey, à ce jeu, les terroristes sont avantagés, puisque de petites actions auraient d’énormes conséquences22.

Winterdyk et Sundberg présentent aussi un autre concept intéressant, soutenant que la politique frontalière, les investissements majeurs dans le domaine de la sécurité et le martelage auprès de la population de l’existence d’une importante menace terroriste à la frontière pourraient, en entraînant une « panique psychologique », donner naissance à une menace réelle de plus grande importance23. Ce concept, mentionné à l’origine par le criminologue britannique Jock Young, renvoie à une réaction sociologique à une intense couverture médiatique d’un problème populaire. Même si le problème n’est pas vraiment réel, avec le temps, les gens commencent à se fier à ce qu’ils voient ou entendent et, tôt ou tard, cela crée un problème là où il n’y en avait pas auparavant24.

Finalement, un des aspects fondamentaux du problème semble ne pas avoir été examiné dans la plupart des recherches : existe-t-il une menace terroriste au Canada? Quelques auteurs en font mention, soutenant qu’il existe peu de preuves de la présence de terroristes au Canada. Rosenzweig laisse entendre que comme les politiques du Canada relatives à l’immigration et aux visas sont très libérales, il serait très facile pour les membres de groupes terroristes d’entrer au Canada et d’y vivre25. Il ne fournit cependant aucune preuve à l’appui de cette affirmation. Le cas le plus médiatisé est celui d’Ahmed Ressam, terroriste connu, qui a tenté d’entrer aux États-Unis en 1999 à bord d’une voiture remplie de matériaux explosifs26. Il s’agit, en fait, du seul cas connu du public où un terroriste a tenté de franchir la frontière canado-américaine.

La référence la plus directe à une menace terroriste se trouve dans un livre intitulé Cold Terror: How Canada Nurtures and Exports Terrorism around the World, écrit par Stuart Bell, un journaliste torontois spécialiste du terrorisme et de la sécurité27. Dans son livre, Bell qualifie le Canada de terreau fertile pour les terroristes. Il croit que des membres de la plupart des organisations terroristes les plus dangereuses au monde se trouvent au Canada et que des liens peuvent être établis entre la majorité des attaques les plus meurtrières du XXe siècle et le Canada.

Il existe de nombreux ouvrages sur les politiques frontalières et la sécurité, qui couvrent une vaste gamme d’opinions et de concepts. Il n’existe pas de consensus clair sur le sujet, et aucune tendance ne se dégage qui pourrait démontrer que les dépenses publiques sont suffisantes, ou même que la menace terroriste est bien réelle. Cela est probablement dû au fait qu’il est très difficile de définir clairement ce qui constitue une sécurité suffisante. Il est très peu fait mention de la question fondamentale, au niveau politique, qu’est l’absence d’une définition claire de l’état final recherché ou du niveau de sécurité optimal où tous les objectifs seraient atteints. Cela est essentiel, car sans une telle orientation, les dépenses continueront de monter en flèche, pour tenter de combler le gouffre imaginaire d’une « sécurité absolue ».

Le 6 octobre 2011, des agents de la patrouille frontalière inspectent un train de marchandises venant du Canada au International Railway Bridge, à Buffalo, dans l’État de New York.

Photo de David Duprey, AP 03916423

Le 6 octobre 2011, des agents de la patrouille frontalière inspectent un train de marchandises venant du Canada au International Railway Bridge, à Buffalo, dans l’État de New York.

Qu’est-ce qui a changé depuis le 11 Septembre?

Plusieurs nouvelles lois et politiques ont été promulguées à la suite des attaques du 11 Septembre, bien souvent dans une mouvance plutôt « unilatéraliste » de la part des États-Unis. Plusieurs de ces lois et politiques ont eu une incidence directe sur la frontière canado-américaine. La première et plus importante a été, en 2001, la création du DHS, une organisation formée par l’amalgame de toutes les agences responsables de la sécurité aux États-Unis, « intérieure, continentale et globale28 ». Son objectif demeure d’assurer la protection des États-Unis, et elle dispose de l’autorité requise pour prendre toute mesure nécessaire afin d’assurer cette protection. Le DHS est une organisation massive comptant plus de 216 000 employés et disposant d’un budget grandissant, qui est passé de 20 milliards de dollars en 2001 à 57 milliards de dollars aujourd’hui29. Le DHS a ni plus ni moins annulé la majorité des accords frontaliers en vigueur et a mis en place de nouvelles règles, auxquelles le Canada et le Mexique doivent se plier. Ces règles ont été instaurées sans que le Canada ou le Mexique ne soient consultés. Cet unilatéralisme a eu une profonde incidence sur l’économie, car toute l’industrie d’importation/exportation des trois pays a dû s’adapter à de nouveaux coûts et à de nouveaux règlements. Après la création du DHS, le nombre d’agents à la frontière avec le Canada a triplé. Cet accroissement a été accompagné d’une hausse importante du nombre d’inspections, faisant appel à des technologies de surveillance sophistiquées et de nouveaux motifs d’interdiction d’accès aux États-Unis30. Conformément aux nouvelles règles des services frontaliers, les visiteurs de plus de 50 pays ont maintenant besoin d’un visa pour entrer aux États-Unis31, et les Canadiens, depuis 2009, doivent avoir avec eux un passeport valide pour franchir la frontière. La politique relative aux passeports a même été raffinée pour exiger des Canadiens nés à l’extérieur du pays qu’ils possèdent un visa pour entrer aux États-Unis32. En 2002, le Canadien d’origine syrienne Maher Arar a été arrêté pendant qu’il était en voyage aux États-Unis. Arar a été déporté en Syrie, sans que les autorités canadiennes n’en soient avisées33.

Les nouveaux règlements affectent également le transport transfrontalier de marchandises. Comme le réseau routier nord-américain est intégré, « sans guère de consultations et en l’absence de toute négociation, les États-Unis firent savoir au Canada et au Mexique que la totalité du système de transport continental avait été une nouvelle fois réglementée34. ». Toutes les compagnies de transport ont dû s’adapter à de nouvelles normes de sécurité rigoureuses, y compris à des préautorisations et à des préinspections par du personnel américain, à de nouveaux frais et à de nouveaux délais à la frontière. Les chauffeurs de camion eux-mêmes doivent obtenir une autorisation avant d’entrer sur le territoire américain.

Les mesures de sécurité en vigueur à la frontière obéissent à une logique progressive, où le partage du renseignement entre le Canada et les États-Unis permet d’intercepter des menaces avant qu’elles n’atteignent la frontière. Dans plusieurs cas, le DHS a également déployé du personnel des douanes et de la sécurité ailleurs qu’à la frontière afin d’empêcher des tentatives illégales d’immigration. On procède à des barrages routiers, à des fouilles et à des interrogatoires aussi loin que 100 miles au sud de la frontière. Comme l’indique le journaliste américain Colin Woodard, dans certaines régions de l’État de New York sans accès à la frontière, le nombre d’agents de douanes et d’immigration a été augmenté, ce qui donne souvent lieu à une présence très importante et dynamique près des universités où les étudiants étrangers font l’objet d’un suivi serré35.

Le Canada a emboité le pas en ce qui concerne la réforme de la sécurité post 11 Septembre. Certaines ententes bilatérales ont été signées, la plus importante étant la Déclaration sur la frontière intelligente de 2001, mais la plupart des mesures qui ont été prises reproduisaient celles adoptées par les États-Unis. Les lois C-11 (Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés), et C-36 (Loi antiterroriste) ressemblent énormément à certaines lois américaines, soit l’American Patriot Act et la National Security Act en ce qui a trait à leur intention, même si leur application est plus limitée au Canada36. En 2003, le Canada a créé l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), qui est le pendant canadien du DHS. En regroupant différentes organisations en une seule entité, le Canada voulait « […] créer d’importantes synergies entre la sécurité nationale et la gestion des urgences, les services correctionnels et la prévention des crimes, les réseaux d’information de la justice et les organismes d’application de la loi37 » pour améliorer l’efficacité ainsi que le partage du renseignement et de données, et pour faciliter la coopération avec le DHS.

Le Canada avait également déjà affecté des ressources additionnelles aux équipes intégrées de la police des frontières (EIPF) formées conjointement par le Canada et les États-Unis en 1996. Ces équipes rendent possible la surveillance, par des spécialistes de l’application de la loi des deux pays, des vastes et problématiques parties de la frontière qui s’étendent entre les points d’entrée officiels. Le Canada s’est également joint à la US Foreign Terrorist Tracking Task Force. Après avoir constaté les succès de cette organisation, le Canada a accepté de revoir sa politique sur l’immigration et les visas, et a également augmenté le nombre d’agents d’immigration affectés à l’étranger38.

Parmi les autres initiatives de sécurité et de lutte contre le terrorisme du Canada, on compte le plan antiterroriste, qui a prévu un montant additionnel de 5 milliards de dollars pour « […] augmenter l’effectif de la GRC, des douanes et de l’immigration, améliorer la sélection des immigrants, des demandeurs du statut de réfugié et des visiteurs, améliorer l’infrastructure de protection et de préparation aux situations d’urgence, prendre des mesures pour régler les problèmes de sécurité aux frontières et augmenter le recours à la détention39 [TCO]. » Le Canada a aussi mis sur pied le Fonds pour l’infrastructure frontalière, allouant 600 millions de dollars pour l’amélioration de la sécurité physique des postes frontaliers. L’effectif des postes frontaliers a aussi été augmenté, et les agents sont maintenant armés40.

Stephen Harper, premier ministre du Canada, salue des gardes-frontière canadiens, à son arrivée au poste frontalier canado-américain de Cloverdale, le 31 août 2006. Il venait juste d’annoncer qu’à partir de septembre 2007, les gardes frontière canadiens seraient armés, comme leurs homologues américains.

Photo d’Andy Clark, Reuters RTR1GV56

Stephen Harper, premier ministre du Canada, salue des gardes-frontière canadiens, à son arrivée au poste frontalier canado-américain de Cloverdale, le 31 août 2006. Il venait juste d’annoncer qu’à partir de septembre 2007, les gardes frontière canadiens seraient armés, comme leurs homologues américains.

Réussites et échecs

Plus d’une décennie d’investissements et de nouveaux règlements à la frontière ont donné lieu tant à des réussites qu’à des échecs. Du côté des Américains, l’approche adoptée pour les vérifications est maintenant progressive, des inspections et des vérifications étant possibles ailleurs qu’à la frontière, habituellement avant que le chargement ne quitte le pays. Cette approche augmente grandement la sécurité de la frontière, car elle permet d’éviter les surprises de dernière minute et elle facilite une utilisation maximale du renseignement par les différentes organisations impliquées41. Des deux côtés de la frontière, le renseignement est maintenant mieux utilisé grâce au partage de données entre les deux pays et les différentes organisations liées à la sécurité de la frontière. La création des organisations centralisées que sont le DHS et l’ASFC a favorisé ce résultat en éliminant la duplication de personnel et de responsabilités, et en prônant le recours (voulu) à des bases de données normalisées. Ces initiatives facilitent l’interception de menaces avant qu’elles n’atteignent la frontière, ce qui était presque impossible auparavant42.

Plusieurs initiatives ont été mises en place afin de réduire le plus possible l’incidence des mesures de sécurité supplémentaires sur l’économie. Des programmes tels que NEXUS (canadien) et US-VISIT sont maintenant en place, permettant aux voyageurs qui franchissent souvent la frontière d’obtenir une carte de pré-autorisation et d’ainsi sauver du temps lors du passage de la frontière43. Des programmes semblables ont été mis sur pied par les États-Unis pour le transport terrestre de marchandises commerciales, sous l’égide du Programme de partenariat douanes-commerce contre le terrorisme (CTPAT). Ce programme permet à des entreprises d’expédition d’être certifiées par les agents des douanes américaines, et d’ainsi éviter des inspections et des délais supplémentaires à la frontière44. Cela permet une plus grande stabilité des importations/exportations entre le Canada et les États-Unis, car la plupart des chaînes d’avitaillement sont basées sur le principe de la livraison « juste à temps » des produits, qui fait en sorte que tout délai additionnel à la frontière peut devenir fort coûteux45.

Un agent frontalier américain regarde des écrans vidéo diffusant les images de caméras placées le long de la frontière américano-canadienne au poste frontalier américain de Sweetgrass, au Montana, le 28 mai 2009.

Photo de Todd Korol, Reuters RTXOWFO

Un agent frontalier américain regarde des écrans vidéo diffusant les images de caméras placées le long de la frontière américano-canadienne au poste frontalier américain de Sweetgrass, au Montana, le 28 mai 2009.

Les EIPF constituent également une importante amélioration de la sécurité à la frontière, notamment aux endroits les plus vulnérables entre les postes frontaliers. Ces unités rendent possible la coopération entre les nombreuses organisations nationales des deux côtés de la clôture. Le partage du renseignement par l’entremise des EIPF permet maintenant d’intercepter des milliers de personnes qui autrefois auraient franchi la frontière ni vu ni connu. Selon Warren Coons, directeur canadien des EIPF, les équipes ont réussi à contrecarrer plusieurs attaques terroristes qui étaient encore à l’étape de la planification46.

Malheureusement, un certain nombre d’initiatives se sont soldées par des échecs. Chez les Américains, le DHS a été accusé à de nombreuses reprises de gaspiller les fonds publics, de manquer d’efficacité et même de faire preuve de corruption. En 2008, la radio américaine a indiqué que le moral des membres de l’organisation était bas, que les délais n’étaient pas respectés et que les succès remportés étaient douteux47. Plus tôt, en 2005, un rapport du DHS avait indiqué que des millions de dollars avaient été mal dépensés par l’organisation et que 146 membres de son personnel avaient été arrêtés pour avoir accepté des pots-de-vin48. L’un des programmes les plus discutables mis de l’avant par le DHS a été le programme de « clôture virtuelle » SBINet. Développé par Boeing, le programme a finalement été annulé après un dépassement de coûts de 400 millions de dollars49.

Du côté canadien, l’ASFC a également connu son lot d’échecs. En 2007, 1 200 stagiaires ont été embauchés en vertu d’un programme d’emploi d’été afin de travailler à différents postes frontaliers. Cependant, ces employés temporaires n’avaient pas l’expérience et la maturité requises pour bien accomplir les tâches qui leur étaient assignées. Plusieurs incidents sont survenus, causés par des actes irresponsables ou inappropriés posés par ces jeunes employés. La crédibilité des employés réguliers de l’ASFC a également été atteinte en 2007, lorsque les médias ont publié l’information selon laquelle un agent frontalier sur cinq avait échoué à son test de tir.50 Le magazine Maclean’s a également accusé l’AFSC d’utiliser la majorité de ses ressources pour maximiser les revenus générés à la frontière plutôt que pour assurer un maximum de sécurité51. Pour donner un exemple de cas survenu en 2007, le US Accountability Office a procédé à une vérification de sécurité, au cours de laquelle deux de ses agents ont franchi la frontière avec « un sac qui semblait contenir des matériaux radioactifs52 [TCO] » sans que les agents frontaliers canadiens ne s’en aperçoivent.

Deux échecs majeurs sont également survenus en ce qui a trait au partage du renseignement entre l’ASFC et le DHS. Le premier est lié à l’incompatibilité des différentes bases de données utilisées par les organisations, qui rend le partage d’informations très difficile et inefficace. Le deuxième réside dans le conflit apparent entre la nécessité de partager du renseignement et celle de protéger la vie privée des personnes. Le DHS demande des informations personnelles sur les citoyens canadiens pour des raisons de vérification et de sécurité, mais il n’existe pas d’entente sur ce qui advient de ces informations une fois qu’elles sont entre les mains des Américains. Essentiellement, il n’existe pas de consensus clair sur quelle information peut être partagée et quelle information doit être protégée en vertu des lois sur la protection des renseignements personnels.

Finalement, un rapport de 2004 du vérificateur général du Canada critique le gouvernement canadien sur la façon dont ce dernier a géré ses dépenses en matière de sécurité immédiatement après le 11 Septembre. Le rapport indique qu’aucune évaluation de la menace n’avait été faite après le 11 Septembre, et que les politiques instaurées et les investissements consentis à la suite des attaques de 2001 n’étaient pas fondés sur des besoins connus, mais plutôt motivés par un sentiment qu’il y avait urgence d’agir. Le rapport indiquait également que les fonds ainsi que les efforts étaient souvent mal ciblés, et ne donnaient donc lieu qu’à peu de progrès en ce qui concerne la sécurité53.

Le 5 avril 2012, des officiers de renvoi et d’application de la loi, avec l’aide de leurs homologues des administrations fédérales, locales et de l’État, ont arrêté plus de 3 100 étrangers criminels reconnus coupables et immigrants fugitifs, pendant une opération de vérification à l’échelle nationale de six jours organisée par les forces de l’ordre.

U.S. Department of Homeland Security, U.S. Immigration and Customs Enforcement

Le 5 avril 2012, des officiers de renvoi et d’application de la loi, avec l’aide de leurs homologues des administrations fédérales, locales et de l’État, ont arrêté plus de 3 100 étrangers criminels reconnus coupables et immigrants fugitifs, pendant une opération de vérification à l’échelle nationale de six jours organisée par les forces de l’ordre.

Que savonsnous au sujet d’une possible menace terroriste au Canada?

On entend souvent dire que des groupes terroristes seraient présents au Canada, mais dans l’ensemble, il est difficile de le prouver. Bien que certaines personnes qualifient la situation de très critique, la plupart des experts estiment que les menaces peuvent être remises en question54. Quelques exemples concrets, comme le cas d’Ahmed Ressam, ne suffisent pas à établir une tendance convaincante, considérant que plus de 200 millions de personnes par année franchissent la frontière. Le DHS a affirmé qu’entre 2004 et 2007, 1 160 étrangers ayant déjà été condamnés au criminel ou qui « constituaient une menace » pour les États-Unis ont été interceptés55. Il n’est toutefois pas fait mention du nombre de présumés terroristes parmi ces 1 160 personnes. Sans cette statistique, il est impossible d’évaluer l’efficacité des mesures de sécurité à la frontière. L’expression « menace à la sécurité » est un terme très générique qui n’est pas nécessairement lié au terrorisme.

Les autorités nous assurent qu’elles sont en mesure d’intercepter les terroristes avant qu’ils ne passent à l’acte, mais peu d’informations à ce sujet sont transmises au public, ce qui complique l’évaluation de l’efficacité des mesures prises. La US Custom Agency signale que lors d’une journée normale, les agents saisissent plus de 7 000 livres de drogues. De plus, chaque jour, 800 personnes se voient interdire l’accès aux États-Unis, mais les raisons de ces interdictions ne sont pas rendues publiques56. Il s’agit là de réussites, majoritairement à l’encontre d’activités criminelles, mais le nombre d’interceptions et d’interdictions d’accès est également lié aux nouvelles règles concernant les passeports et les visas, qui ont augmenté le nombre de raisons d’interdire l’accès à une personne. Ainsi, ces statistiques, hors contexte, ne peuvent être considérées comme de bons indicateurs de l’existence d’une menace terroriste.

La frontière en soi constitue une source d’inquiétude légitime. Ses caractéristiques géographiques la rendent très difficile à surveiller, et malgré la présence des EIPF, d’importantes parties de la frontière demeurent vulnérables aux activités illégales57. L’infrastructure en place aux points d’entrée, qui est « considérablement désuète58 [TCO] », aggrave le problème. Les autorités des deux pays s’interrogent sur leur capacité à assurer parfaitement la sécurité de la frontière. Cependant, on accepte également qu’il va de soi qu’assurer parfaitement la sécurité de la plus longue frontière non défendue au monde est simplement impossible.

Le navire MV South Sea, avec à son bord environ 490 réfugiés probablement d’origine tamoule, arrive à Colwood, en Colombie-Britannique, le 13 août 2010. Les autorités ont intercepté le navire et sont montées à bord après son entrée dans les eaux canadiennes.

Photo d’Andy Clark, Reuters RTR2HBEE

Le navire MV South Sea, avec à son bord environ 490 réfugiés probablement d’origine tamoule, arrive à Colwood, en Colombie-Britannique, le 13 août 2010. Les autorités ont intercepté le navire et sont montées à bord après son entrée dans les eaux canadiennes.

Conclusion

Des recherches dans les documents officiels et la documentation universitaire permettent de mieux comprendre les enjeux liés à la sécurité de la frontière. Des progrès importants ont eu lieu en ce qui concerne la sécurité des déplacements et des activités économiques. Les processus sont maintenant davantage progressifs et coordonnés, et les membres de l’effectif sont plus nombreux. Le partage du renseignement n’a jamais été aussi efficace qu’actuellement. Cependant, il existe malheureusement encore des lacunes. Des organisations colossales telles que le DHS et l’ASFC seront toujours sujettes aux problèmes bureaucratiques, et l’élément humain fera toujours partie de l’équation. La longueur de la frontière est également un enjeu de taille, mais cela a toujours été le cas, et tous sont bien conscients qu’une surveillance complète de la frontière est en fait impossible.

Le plus difficile demeure d’évaluer l’efficacité des fonds alloués à la sécurité globale de la frontière. Des milliards de dollars ont été investis par les gouvernements des deux pays pour améliorer la sécurité, qui était manifestement déficiente avant les attaques du 11 Septembre. Malheureusement, la menace terroriste étant à cette époque si ardue à cerner, il était difficile de déterminer quelles mesures de sécurité étaient requises pour « corriger » les présumés points faibles à la frontière. C’est aussi pour cette raison qu’il est toujours extrêmement difficile d’évaluer quelles mesures seront nécessaires à l’avenir, ainsi que l’ampleur des fonds à allouer pour atteindre un niveau de sécurité optimal.

Comme le mentionne Deborah Waller Meyers : « Nous devons tenir compte du fait que d’autres attaques pourraient survenir et prendre toutes les mesures raisonnables pour empêcher que cela ne se produise et pour intervenir si nos efforts sont vains, mais nous devons également conserver une ouverture face aux visiteurs et au commerce et rester fidèle à notre tradition démocratique59 [TCO]. » Compte tenu du nombre de personnes qui franchit la frontière, il est inévitable qu’un échec des mesures de sécurité survienne à un moment ou à un autre. Il est impossible d’obtenir un système de sécurité parfait qui empêcherait toutes les attaques terroristes. En gardant cela à l’esprit, on doit avec une extrême vigilance mettre en œuvre les nouvelles mesures de sécurité, mais on ne peut continuer à investir aveuglément à la frontière simplement parce que prévaut un sentiment omniprésent qu’il est urgent d’agir. Si des sommes trop élevées sont investies sans but clair, une future attaque, même de faible portée, minera grandement la confiance de la population, et la pression populaire incitera à encore plus d’investissements dans les mesures de sécurité afin de regagner la confiance perdue.

Un chien détecteur de l’Agence des services frontaliers du Canada et un maître chien inspectent la remorque d’un véhicule commercial.

Photo de la galerie d’images de l’ASFC <cbsa-asfc.gc.ca>

Un chien détecteur de l’Agence des services frontaliers du Canada et un maître chien inspectent la remorque d’un véhicule commercial.

Il ne fait aucun doute qu’on doit continuer de contrer la menace terroriste vigoureusement et avec ingéniosité, pas nécessairement avec d’autres mesures de sécurité seulement, mais aussi par une meilleure compréhension des menaces actuelles et par une communication objective et exacte des enjeux auprès des citoyens des deux pays. Si les médias continuent de clamer haut et fort que le Canada est un terreau fertile pour les terroristes et que ces derniers peuvent y circuler librement sans être dérangés, cela pourrait fort bien encourager lesdits terroristes à venir au Canada, faisant ainsi de cette affirmation une « prophétie qui se réalise ».

Finalement, il existe plusieurs exemples desquels on peut tirer des conclusions sur la façon de lutter contre le terrorisme. La plupart des attaques récentes dirigées contre des pays occidentaux (Madrid en 2004, Londres en 2005 et Moscou en 2011) ont toutes été commises par des terroristes originaires des pays où se sont déroulées les attaques. Même si une meilleure sécurité avait été en place à la frontière, cela n’aurait probablement pas eu d’incidence sur le résultat final. La situation en Israël constitue un autre bon exemple. Peu importe les mesures de sécurité qui ont été instaurées, y compris la construction d’un mur entre les Israéliens et les Palestiniens, les attaques se poursuivent. Pire encore, les mesures de sécurité en vigueur en Israël seraient en partie responsables de la poursuite des attaques60.

Malheureusement, le présent article n’offre pas de réponse satisfaisante à la question : la menace terroriste connue à la frontière canado-américaine justifie-t-elle que les gouvernements des deux pays investissent davantage dans les mesures de sécurité? Des investissements ont effectivement été faits, des améliorations ont été apportées, la frontière est beaucoup plus sécuritaire qu’elle ne l’était avant les attaques du 11 Septembre, mais l’économie des deux pays en a souffert. Sans une meilleure compréhension de la menace comme telle, et une conception claire de ce qui constitue un « niveau de sécurité raisonnable », une augmentation sans restriction des dépenses ne serait ni rationnelle, ni constructive. À moins que les gouvernements des deux pays ne s’entendent sur ce qui constitue un niveau de risque acceptable, les investissements en matière de sécurité ne cesseront jamais de croître, car la sécurité absolue est un idéal impossible à atteindre.

Des employés de l’Agence des services frontaliers du Canada se préparent à inspecter un navire de haute mer.

Photo de la galerie d’images de l’ASFC <cbsa-asfc.gc.ca>

Des employés de l’Agence des services frontaliers du Canada se préparent à inspecter un navire de haute mer.

Notes

  1. Frank P. Harvey, « Canadas Addiction to American Security: The Illusion of Choice in the War on Terrorism », dans American Review of Canadian Studies, vol. 35, no 2 (été 2005), p. 265 à 294.
  2. Deborah Waller Meyers, « Does “Smarter” Lead to Safer? » dans International Migration, vol. 41, no 4, 2003.
  3. Harvey, p. 265 à 294.
  4. Paul Rosenzweig, « Why the U.S. doesn’t Trust Canada », dans Maclean’s, vol. 122, no 39 (12 octobre 2009), p. 33 à 35.
  5. Jason Ackleson, « From ‘Thin’ to ‘Thick’ (and Back Again?): The Politics and Policies of the Contemporary US-Canada Border », dans American Review of Canadian Studies, vol. 39, no 4, 2009, p. 336 à 351.
  6. Ibid., p.337.
  7. Ibid., p.338.
  8. C.P. Stacey, « Undefended No More », dans Canada & The World Backgrounder, vol. 72, no 4 (janvier 2007), p. 26 à 29.
  9. Brigit Matthiesen, « A Safe and Secure Canada-United States Border », dans Canada-United States Law Journal, vol. 34, no 1 (janvier 2009), p. 91 à 125.
  10. Daniel Drache, L’illusion continentale : sécurité et nord-américanité, Outremont, Québec, Athéna éditions, 2006.
  11. Stacey, p. 27.
  12. Rosenzweig, p. 33 à 35.
  13. Kent Roach, « Counter-Terrorism In and Outside Canada and In and Outside the Anti-Terrorism Act », dans Review of Constitutional Studies, vol. 16, no 2 (février 2012), p. 243.
  14. Meyers, p. 27.
  15. Harvey, p. 265 à 294.
  16. Ackleson, p. 340
  17. Meyers.
  18. John A. Winterdyk et Kelly W. Sundberg, « Assessing Public Confidence in Canada’s New Approach to Border Security », dans Journal Of Borderlands Studies, vol. 25, no 3/4 (décembre 2010), p. 1 à 18. (p.14).
  19. Matthiesen, p. 97.
  20. Harvey, p. 265 à 294.
  21. Meyers, p. 27.
  22. Harvey, p. 265 à 294.
  23. Winterdyk et Sundberg, p. 1 à 18.
  24. M. Young, The Drugtakers: the Social Meaning of Drug Use, Londres, Edition Paladin, 1971, p. 240.
  25. Rosenzweig, p. 33 à 35.
  26. Stacey, p. 26 à 29.
  27. Stewart Bell, Terreur froide : la filière canadienne du terrorisme international, Montréal, Éditions de l’Homme, 2004.
  28. Drache, p. 30.
  29. Department of Homeland Security (DHS). Fiscal Year 2012 Budget Request, à http://www.dhs.gov/dhs-budget.
  30. Meyers.
  31. Drache.
  32. Ackleson, p. 336 à 351.
  33. Drache.
  34. Ibid., p. 33.
  35. Colin Woodard, « Far From Canada, Aggressive U.S. Border Patrols Snag Foreign Students », dans Chronicle of Higher Education, vol. 57, no 19 (janvier 2011), p. A1 à A21.
  36. Drache.
  37. Sécurité publique Canada, Rôle de l’organisation en matière de sécurité publique, à http://www.safecanada.ca/role_f.asp?deptid=35, site Web consulté le 30 janvier 2009.
  38. Meyers.
  39. Ibid., p.11.
  40. Conseil du Trésor du Canada (CTC). Fonds sur l’infrastructure frontalière, à http://www.tbs-sct.gc.ca/hidb-bdih/initiative-fra.aspx?Hi=54, site Web consulté en avril 2013.
  41. Meyers.
  42. Matthiesen, p. 91 à 125.
  43. Ackleson, p. 336 à 351.
  44. US Custom and Border Protection (CBP), C-TPAT: Program Overview à http://www.cbp.gov/xp/cgov/trade/cargo_security/ctpat/ctpat_program_information/what_is_ctpat/, juin 2001.
  45. Meyers.
  46. Matthiesen, p. 91 à 125.
  47. Winterdyk et Sundberg, p. 1 et 18.
  48. USA Today, « Homeland Security misspent $18M, probe finds; 146 arrested » 3 juin 2005, à http://www.usatoday.com/news/washington/2005-06-03-homeland-fraud_x.htm?csp=36.
  49. Ackleson, p. 336 à 351.
  50. Doug Williamson, « Border guards flunking shooting lessons » dans The Windsor Star, 25 septembre 2007, à http://www.canada.com/windsorstar/story.html?id=fc21bd3f-a8e9-4c89-94d1-6df130e24918&k=67478.
  51. John Geddes et Charlie Gillis, « How safe are we? » dans Maclean’s Magazine, 12 juillet 2005, à http://www.macleans.ca/canada/national/article.jsp?content=20050718_109096_109096.
  52. Ackleson, p. 341.
  53. Vérificateur général du Canada, Rapport 2004, à http://www.oag-bvg.gc.ca/internet/Francais/parl_oag_200411_f_1124.html.
  54. Matthiesen, p. 91 à 125.
  55. Stacey, p. 26 à 29.
  56. Matthiesen, p. 91 à 125.
  57. Meyers.
  58. Matthiesen, p. 119.
  59. Meyers, p. 29
  60. Harvey, p. 265 à 294.