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Un F35A pendant un vol de nuit au-dessus de la base aérienne Edwards, en Californie, le 25 avril 2013.

Photo de Lockheed Martin, site Flickr.

Un F35A pendant un vol de nuit au-dessus de la base aérienne Edwards, en Californie, le 25 avril 2013.

La tempête parfaite dans l’océan des acquisitions

par Martin Shadwick

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Martin Shadwick enseigne la politique de défense canadienne à l’Université York. Il est un ancien éditeur de la Revue canadienne de défense et le commentateur de défense en résidence auprès de la Revue militaire canadienne.

Il est déprimant, mais raisonnable de penser que les multiples controverses associées aux projets d’acquisition de Défense dans les dernières années (p. ex., le EH101, le Cyclone et le F-35, le patrouilleur hauturier pour l’Arctique [AOPS] et le sous-marin de la classe Victoria, le véhicule de combat rapproché [VCR] et divers autres programmes d’acquisition de camions) ont convaincu un public de plus en plus sceptique, sinon cynique, qu’il est pratiquement impossible de réaliser de grands – et beaucoup de pas si grands – projets d’acquisition de Défense dans les délais en respectant le budget et le devis. Le malaise du public est aussi attisé par des débats litigieux et souvent inélégants, mais clairement nécessaires, sur l’utilité perçue et la rentabilité des acquisitions proposées (ou abandonnées), du processus d’appel d’offres par opposition à l’acquisition auprès d’une source unique, du niveau pertinent de bénéfices industriels pour le Canada et de la place des acquisitions de Défense dans une stratégie industrielle canadienne plus globale, ainsi que sur la politisation du système d’acquisition de Défense, l’utilité et le bien-fondé d’un calcul d’un coût du cycle de vie qui s’étend sur plusieurs décennies et, finalement, sur la meilleure manière de réformer ce qui, à l’évidence, est un système d’acquisition de Défense dysfonctionnel. La seule vraie certitude dans cet environnement dérangeant est que l’analyse des acquisitions de Défense devrait continuer d’assurer la sécurité d’emploi du personnel du bureau du vérificateur général et du bureau du responsable du budget du Parlement, ainsi que des groupes de réflexion, journalistes et spécialistes de tous acabits.

Je ne prétends pas ici que les flammèches entourant les acquisitions de Défense sont un fait nouveau dans l’univers politique et militaire canadien. Bien au contraire, les controverses et les scandales entourant ces acquisitions sont aussi vieux que le pays lui-même. Il ne faudrait pas non plus croire qu’il ne se trouve pas quelques belles réussites dans le dépotoir des épaves des projets d’acquisition échoués ou morts-nés. L’annulation du projet Arrow par le gouvernement Diefenbaker était d’une incompétence spectaculaire, mais ce même gouvernement est celui qui a pris les décisions éminemment raisonnables et rentables d’acquérir le Hercules et le Sea King. Le gouvernement Trudeau a mis au garage des CF-5 tous neufs, a fait les beaux yeux au petit véhicule d’appui-feu direct Scorpion et a connu des phases décidément malencontreuses durant le programme de l’aéronef à long rayon d’action (ALRA), même s’il a mieux réussi avec le programme des frégates de patrouille canadiennes et, en particulier, avec le CF-18 Hornet. Les succès de l’aire Mulroney incluent, selon le point de vue, le véhicule de reconnaissance Coyote et le ADATS, mais ce même gouvernement s’est tout à fait gouré dans le programme des sous-marins nucléaires (SSN) et a finalement été forcé, pour des raisons financières, de saborder presque tous les projets d’acquisition proposés dans son livre blanc dont l’encre était à peine sèche. Le gouvernement financièrement coincé de Jean Chrétien a coûteusement mis fin, dans la controverse, au projet d’hélicoptères EH101 hérité des conservateurs, tandis que son rendement dans le programme d’acquisition à quatre volets mentionné dans le livre blanc de 1994 (le véhicule blindé léger VBL III, l’hélicoptère de recherche et sauvetage Cormorant, le sous-marin de la classe Victoria et le nouvel hélicoptère de remplacement du Sea King) va de très bon à piètre, à totalement gênant dans le cas du remplacement du Sea King. Essentiellement, ce dernier projet a été légué au gouvernement Martin par le gouvernement précédent, mais l’acquisition du Cyclone proposée par ce dernier est elle aussi atteinte de la fièvre de l’hélicoptère maritime (une fièvre vicieuse, peut-être même fatale, qui ne le limite pas qu’aux hélicoptères choisis par le Canada). Le gouvernement Harper a obtenu du succès avec le C-17A, le C-130J et le Leopard 2, mais n’a pas fait aussi bien avec d’autres projets (p. ex., le patrouilleur hauturier pour l’Arctique [AOPS], le navire de soutien interarmées (NSI), le VCR et le projet de l’avion de recherche et de sauvetage [ASAR]). En toute honnêteté, certains de ces derniers projets étaient des projets plus ou moins mal ficelés hérités des gouvernements libéraux antérieurs.

Je ne veux pas non plus laisser entendre que le Canada exerce un genre de monopole malsain des programmes d’acquisition de Défense mal conçus, surbudgétés, retardés à outrance, surpolitisés ou mal gérés. Nous avons peut-être un don particulier pour transformer nos bourdes d’acquisition – ou bourdes perçues – en un genre de sport de salon, mais un rapide coup d’œil suffit à révéler que nous sommes en bonne compagnie internationale dans ce domaine lorsqu’on regarde la liste des choix d’acquisition de Défense moins que spectaculaires faits par d’autres pays. N’importe quel pays qui a fait l’acquisition ne serait-ce que d’un fusil automatique a des histoires d’horreur à raconter. Pour chaque programme d’acquisition réussi, il y a tout un éventail de F-111B, de Sergeant York ou d’aéronefs d’alerte lointaine Nimrod.

Ce que je veux cependant dire, c’est que si les Canadiens ont fondamentalement perdu confiance dans le processus d’acquisition de Défense – et, plus largement, dans les choix de matériel faits pour les Forces armées canadiennes – cette perte de confiance ne pourrait pas tomber à un plus mauvais moment, compte tenu du besoin de recapitalisation graduelle de presque toute la Marine royale canadienne, d’éléments très importants de l’Aviation royale canadienne et d’éléments substantiels de l’Armée canadienne. Les défis à la survie d’un établissement de défense polyvalent, apte au combat et interarmées se multiplient lorsqu’on constate l’absence d’un consensus national large sur les futures priorités de défense du Canada. Sur quoi les Forces armées canadiennes doivent-elles se concentrer à une époque où les piliers traditionnels de notre défense, par exemple nos liens avec l’OTAN et les Nations Unies, sont gravement érodés, ou lorsque nos rôles quasi militaires et non militaires de longue date, dans le domaine de la surveillance des pêches et de la recherche et sauvetage, ont été privatisés ou semi-privatisés? Est-ce qu’une économie dont la solidité fondamentale est incertaine pourra financer le coût d’un établissement de Défense polyvalent, apte au combat et interarmées, ou devrons-nous inévitablement accepter des compromis exceptionnellement douloureux en matière de politique militaire et de défense? La « néozélandisation » de la Défense nationale, ou quelque variante canadienne de ce processus, n’est pas à écarter d’emblée. La perte de confiance dans un système d’acquisition de Défense dysfonctionnel, des niveaux accrus de stupéfaction face aux coûts, l’incertitude ou le manque de consensus touchant les grandes priorités de la Défense nationale et la réduction des ressources fiscales dans une économie affaiblie convergent tous vers une période difficile pour la défense du Canada. Si toutes ces tendances convergentes se combinent en une tempête parfaite, le défi sera d’autant plus grand.

En attendant, certains progrès importants ont quand même été accomplis sur le front des acquisitions. En juin 2013, Ottawa annonçait le choix d’une version canadienne du navire de soutien de la classe Berlin fabriqué par ThyssenKrupp Marine Systems pour remplacer les pétroliers ravitailleurs d’escadre vieillissants que sont le Protecteur et le Preserver. Dans la compétition pour le navire de soutien interarmées (NSI), les navires bien éprouvés et à faible risque de la classe Berlin, le Berlin et le Frankfurt am Main, mis en service en 2001 et 2002 respectivement, et le beaucoup plus récent Bonn, mis en service en 2013, l’ont emporté devant un nouveau concept proposé par BMT Fleet Technology. Le Bonn intègre les leçons retenues par ses navires-sœurs après une dizaine d’années d’expérience, notamment un nouveau groupe propulseur, et sera à la base de la variante canadienne. Les dessins publiés de la variante canadienne montrent tout un éventail de modifications, notamment des systèmes d’armes rapprochées Phalanx à la proue et à la poupe, mais, curieusement, ne montrent pas une des caractéristiques distinctives de la classe Berlin, à savoir une deuxième grue lourde et des modules polyvalents amovibles (p. ex., pour un hôpital) immédiatement devant le pont. L’absence de ces caractéristiques découle peut-être d’un besoin énoncé du Canada (ou d’un manque de financement), mais il semblerait extrêmement prudent d’installer le nécessaire (c.-à-d. CVCA, infrastructure de plomberie et électrique) ou, au moins, de prévoir l’installation du nécessaire pour accueillir des modules amovibles pour un hôpital ou une autre fonction (p. ex., les communications interarmées). Ces mesures ne transformeraient pas le navire en un vrai navire de soutien interarmées – une désignation qui reste trompeuse –, mais le rapprocheraient du statut d’AOR+ plutôt que de le confiner au strict statut d’AOR. Certains ont critiqué le fait que les navires de la classe Berlin, par comparaison à la classe Protecteur, ne comptent que deux mâts (pour le ravitaillement en mer), moins de postes d’hélicoptères (deux plutôt que trois hélicoptères moyens) et un moins grand réservoir de combustible pour le ravitaillement. En réponse à cette dernière critique, les fonctionnaires d’Ottawa affirment que la quantité de combustible transférable est « semblable », puisque les navires de la classe Protecteur ne peuvent transférer toute leur charge de combustible sans créer d’instabilité pour le navire.

Wasserbild – Navire de soutien interarmées canadien – soumission de Thyssen Canada.

©ThyssenKrupp Marine Systems GmbH

Wasserbild – Navire de soutien interarmées canadien – soumission de Thyssen Canada.

La décision tardive de faire construire deux navires de la classe Berlin est la bienvenue (un troisième navire de cette classe est théoriquement possible, mais peu probable à ce stade-ci), mais deux points sont à souligner. Premièrement, le temps écoulé entre les premiers reflets projetés par les programmes ALSC (capacité de soutien logistique en mer) et NSI au début des années 1990 et la livraison du deuxième navire canadien par les chantiers maritimes de Vancouver signifient qu’il aura fallu presque 30 ans pour remplacer deux AOR par deux AOR. La quantité de temps, d’énergie et d’argent gaspillée dépasse l’entendement. Deuxièmement, en décidant d’acheter essentiellement encore des AOR et de ne pas leur adjoindre un ou des navires mieux adaptés au transport par mer et à diverses formes de soutien crédibles aux forces interarmées à terre, le Canada continuera d’être considérablement et dangereusement déphasé par rapport aux tendances bien établies au sein des marines étrangères.

La phase définition du contrat pour la flotte de patrouilleurs hauturiers pour l’Arctique (AOPS) progresse, mais non sans attirer de plus en plus l’attention des médias et d’autres critiques sur ce qui est décrit comme un coût indûment élevé pour des navires relativement modestes. J’ai depuis longtemps des réserves face aux compromis complexes qu’exige un concept hybride, par exemple le AOPS, mais je maintiens un appui prudent au projet pour le motif qu’une marine équipée pour deux océans est franchement ridicule dans un pays bordé par trois océans. Chaque réduction de capacité dans le concept du AOPS, pour des raisons financières ou autres, érode cependant mon appui. Il est difficile d’être en désaccord avec la récente plainte exprimée par Ken Hansen au sujet de la perte progressive du volume d’espace et de la capacité de transport de combustible du AOPS. Dans un article publié dans le volume 9, no 1 (2013) de la Canadian Naval Review, Hansen reconnaît que : « … il est compréhensible que les planificateurs de la Marine cherchent à maximiser le nombre de [patrouilleurs hauturiers pour l’Arctique] acquis à même une enveloppe budgétaire fixe en réduisant les capacités du concept. En effet, le nombre de navires offre une plus grande souplesse pour la programmation des opérations et réduit le risque de ne pas avoir de navire disponible lorsque des tâches imprévues vont se présenter. Cependant, l’austérité et la sévérité de l’environnement maritime nordique confèrent beaucoup d’importance à la taille, à la capacité et à l’autonomie des capacités de soutien, et ce, dans une mesure qui n’est comparable à rien que la Marine a connu depuis que le [NCSN Labrador] a quitté la flotte [en 1957]. Il est évident que les leçons de cette époque n’ont pas été retenues et intégrées à la doctrine par la génération actuelle des chefs de la Marine ». [TCO] Dans son analyse candide et réfléchie, Hansen conclut que : « … la Marine voit son rôle dans l’Arctique comme un rôle secondaire qui menace d’enlever des ressources à ses capacités traditionnelles ». [TCO]

On est douloureusement tenté de suggérer de recommencer à zéro le processus du AOPS, peut-être en séparant les besoins dans l’Arctique et les besoins hauturiers en deux classes, mais cela entraînerait tout un éventail de ramifications politiques, industrielles, opérationnelles et financières. Accorder la priorité à la qualité plutôt qu’à la quantité en proposant un maximum de quatre AOPS corrigerait certaines lacunes, mais en créerait d’autres, particulièrement du côté hauturier. L’abandon de l’Arctique par la Marine ferait plaisir à certains, au sein de la Marine royale canadienne (MRC), et aussi à l’extérieur, mais manquerait gravement de vision, ne libérerait pas automatiquement des budgets pour d’autres priorités de la Marine et ne rapprocherait certainement pas la MRC du gouvernement Harper. Il reste peut-être seulement deux certitudes concernant ce programme d’acquisition : la première, que l’approche actuelle du AOPS est déficiente à divers égards, et la deuxième, qu’il n’y a pas de correctif rapide et sans douleur à ces déficiences.

La page du grand livre des acquisitions pour l’Aviation royale canadienne (ARC) est relativement sans tache depuis quelque temps, peut-être en partie à cause d’une certaine fatigue au combat de la part des médias face au dossier du F-35 – juste se tenir au courant des derniers développements globaux touchant le F-35 est une occupation à temps plein aujourd’hui –, mais surtout parce que la décision du gouvernement Harper d’examiner d’autres options de remplacement des chasseurs a, au moins temporairement, émoussé la critique du F-35. La controverse sans cesse croissante concernant la Stratégie nationale d’approvisionnement en matière de construction navale (SNACN) a également détourné l’attention des médias et d’autres critiques du programme des chasseurs. Les problèmes originaux entourant l’acquisition proposée du F-35 – le besoin ou l’absence perçue d’un besoin de cet aéronef, son coût unitaire et le coût de son cycle de vie (un facteur inévitablement important dans les concepts furtifs) – ne sont certainement pas disparus. Il ne fait aucun doute que le CF-18 devra un jour être remplacé, mais il est difficile de ne pas rester convaincu que les Américains se seraient fait une grande faveur opérationnelle et financière, ainsi qu’à leurs alliés, s’ils n’avaient pas essayé de développer des variantes disparates pour la USAF, la USN et le USMC à partir d’une plate-forme commune. Au minimum, les besoins spéciaux du USMC auraient dû faire l’objet d’un aéronef distinct. Le Canada et d’autres pays font maintenant face à un choix difficile entre un F-35 de cinquième génération – un aéronef coûteux et monomoteur possédant cependant des capacités très intrigantes de RSR et autres – qui est moins furtif et moins à l’épreuve du futur, et d’autres aéronefs quand même très puissants de la génération 4.5, par exemple les versions évoluées du F/A-18E/F Super Hornet. Je soupçonne que le F-35 sera éventuellement le choix du Canada, mais que le nombre d’aéronefs sera moins élevé que souhaité, ce qui concédera à ses partisans un genre de victoire à la Pyrrhus.

Un CH147F Chinook des Forces armées canadiennes.

Photo du MDN, FA2013-2001-01

Un CH147F Chinook des Forces armées canadiennes.

Sur les autres fronts, le CH-147F Chinook continue d’être livré au 450e Escadron, ce qui rétablit une capacité qui n’aurait jamais dû être perdue au départ, tandis que d’autres rapports laissent entendre que d’autres Aurora, peut-être quatre, seront mis à niveau et prolongés. Ce développement des plus favorables prolongerait la vie active de la flotte d’aéronefs de patrouille maritime/RSR et repousserait le besoin de choisir rapidement un remplaçant (ou des remplaçants, puisque les UAV vont certainement faire partie de l’équation, jusqu’à un certain point). Beaucoup verront le P-8 Poseidon comme le choix évident, mais on peut aussi penser qu’un appel d’offres compétitif pour le remplacement du Aurora pourrait bien ressembler à l’appel d’offres compétitif pour les aéronefs de patrouille à long rayon d’action APLRA des années 1970, où on se demandait quelle capacité de lutte anti-sous-marine (LASM) était nécessaire (et même si cette capacité était nécessaire) et où des pressions s’exerçaient pour choisir un aéronef fabriqué au Canada. Pensons par exemple aux aéronefs des séries Q et C de Bombardier. Des progrès visibles et quantifiables sont urgemment requis dans le choix du successeur ASAR des aéronefs Buffalo et Hercules – surtout pour rétablir une mesure de crédibilité dans le système de SAR canadien, mais également pour rétablir un minimum de crédibilité dans le système d’acquisition de Défense du Canada. Dans une proportion beaucoup plus importante, le rétablissement d’un minimum de crédibilité exige également des décisions rapides et définitives concernant l’hélicoptère maritime Cyclone. Si on parvient à corriger le tir de manière satisfaisante dans le programme du Cyclone, dans un délai acceptable, tant mieux, mais s’il faut un troisième programme de remplacement du Sea King, la crédibilité de la stratégie d’acquisition nationale sera gravement minée.

Les acquisitions de l’Armée canadienne ont tendance à attirer moins l’attention que les programmes de l’Aviation royale et de la Marine royale, en partie à cause du coût généralement moins élevé du matériel de l’Armée de terre, en partie à cause du fait que ce matériel est moins spectaculaire que les aéronefs et navires, à cause aussi du fait que certains équipements de l’Armée de terre sont, par définition, plus polyvalents que nécessaire, que l’on souhaite une Armée de terre apte combat ou une armée constabulaire de gardiens de la paix (par exemple les camions), et en partie aussi parce que l’Armée de terre a réussi à gérer discrètement et avec compétence des projets comme celui de l’obusier M777 (une acquisition qui a chevauché le gouvernement Martin et le gouvernement Harper). La fin des opérations de combat du Canada en Afghanistan a également réduit l’attention des médias dans ce domaine. Cela ne veut pas dire qu’il manque de programmes d’acquisition douteux, torturés et souvent retardés au sein de l’Armée de terre. Les retards répétés dans l’acquisition de camions logistiques de modèle militaire standard, une importante partie de l’objectif de mobilité du gouvernement Harper en 2006, sont difficiles à croire.

Des retards et d’autres controverses ont également accablé le projet du véhicule de combat rapproché plus récent. Dévoilé au public en 2009, le programme du VCR cherche à fournir aux forces terrestres canadiennes « un véhicule blindé de poids moyen, à la fois hautement protégé et mobile sur le plan tactique. Le VCR comblera une lacune entre les parcs de véhicules blindés légers (5 à 25 tonnes) et de véhicules blindés lourds (plus de 45 tonnes) actuels, ce qui apportera à l’Armée canadienne une capacité opérationnelle qui peut fonctionner en étroite symbiose avec le char de combat principal ou indépendamment dans un environnement très actif » [TCO]. Dans un rapport de septembre 2013 au Canadian Centre for Policy Alternatives et au Rideau Institute, les auteurs Michael Byers et Stephen Webb demandaient que le projet du VCR soit annulé « … parce qu’il est fondé sur une doctrine la guerre des blindés dépassée qui remonte à la guerre froide » et « … qu’il procurerait en double une capacité que le Canada possède déjà par suite de la récente mise à niveau des VBL III » [TCO]. Les épargnes réalisées, environ 2 milliards de dollars, serviraient à atténuer les effets des réductions budgétaires sur l’instruction. Même si les raisons invoquées ne sont pas nécessairement les mêmes – certaines conclusions techniques et tactiques du rapport sont certainement contestables – l’annulation du programme VCR est également recommandée par certains officiers retraités et, supposément, par l’Armée de terre elle-même. Le gouvernement Harper pourrait bien faire la sourde oreille à ces conseils pour le motif qu’une telle annulation, comme le souligne le journaliste David Pugliese « … donnerait un autre œil au beurre noir au processus d’acquisition militaire » [TCO]. C’est possible, mais les économies découlant de cette annulation – ou du report de ce projet – pourraient probablement être mieux utilisées ailleurs.

Le ministère de la Défense nationale a reçu le premier VBL III modernisé de London, en Ontario, le 24 janvier 2013.

Photo du caporal-chef Dan Pop, MDN LX2013-002-050

Le ministère de la Défense nationale a reçu le premier VBL III modernisé de London, en Ontario, le 24 janvier 2013.