LE CANADA DANS LE MONDE

Photo de Reuters RTR1RDEY prise par Andy Clark

Le port de Vancouver, porte canadienne vers l’Asie.

Retour vers le futur : le Canada établit de nouvelles relations avec les pays de la région de l’Asie-Pacifique

par Bernard J. Brister

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Le major Bernard J. Brister, CD, Ph.D., est un pilote d’hélicoptère tactique chevronné de l’Aviation royale canadienne (ARC). Il est titulaire d’un doctorat en études de la conduite de la guerre et occupe actuellement un poste de professeur adjoint au département des sciences politiques du Collège militaire royal du Canada. Le présent article est un sommaire actualisé des réflexions et points de vue qu’il a présentés en 2012 au cours de la conférence Haycock, tenue annuellement. Étant donné qu’il rend compte d’un exposé oral, l’article ne comporte pas de notes bibliographiques, contrairement aux articles qui suivent le modèle de présentation habituel de la Revue militaire canadienne. Toutefois, les personnes qui souhaiteraient consulter le major Brister ou discuter de son article peuvent communiquer avec lui par courriel à l’adresse Bernard.Brister@rmc.ca.

Changement fondamental

L’actualité et les progrès accomplis dans la région de l’Asie-Pacifique ont longtemps influé sur les intérêts du Canada. Voilà plus d’un siècle que le Canada intervient périodiquement dans les divers États et les diverses sous-régions de l’Asie-Pacifique, et qu’il entretient des relations directes avec eux. Dans certains cas, la nature de ces relations contraste de façon étonnante avec la perception de bon nombre de Canadiens, qui se voient comme des icônes du multiculturalisme.

L’approche moderne adoptée par les pays occidentaux après la Deuxième Guerre mondiale dans les relations internationales était unique et novatrice, en matière de rapports avec la région, du moins jusqu’à ce que la détérioration de leur situation financière les force à réduire les dépenses liées à la mise en œuvre de leur politique sans tenir compte de leurs besoins à long terme. Par la suite, les pays occidentaux ont dû composer avec la rareté des ressources et l’obligation d’en allouer à la mission internationale menée pour stabiliser l’Afghanistan après les attentats du 11 septembre 2001.

Toutefois, à l’heure où le Canada se prépare à mettre fin à ses activités en Asie du Sud, le gouvernement et les gens d’affaires semblent manifester un regain d’intérêt pour la région, où ils souhaiteraient établir des relations qui serviraient les besoins et les intérêts des Canadiens du XXIe siècle. Le désir d’établir de nouvelles relations a été constaté tant au Canada que dans la région de l’Asie-Pacifique (dont il fait partie), et il peut s’expliquer tant du point de vue de l’économie que de celui de la sécurité.

Mises à part les activités exercées en vertu de l’Accord économique et commercial global (AECG) signé avec l’Union européenne, qui a pris fin récemment, les activités commerciales et économiques du Canada ne sont plus centrées sur l’Europe depuis longtemps. Comme les États-Unis sont au centre des activités commerciales du Canada depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, le commerce avec l’Europe connaît un déclin depuis quelques décennies. En ce qui concerne les liens économiques que le Canada a établis avec les pays étrangers, l’Europe occupe actuellement le deuxième rang, après les États-Unis, et elle reculera bientôt au troisième rang, supplantée par l’Asie. Le déclin du commerce avec l’Europe s’accentue, tandis que le commerce avec l’Asie continue de croître. Selon les prévisions, parmi les trois grands centres économiques du monde, c’est l’Asie qui devrait connaître la croissance la plus rapide, suivie de l’Amérique du Nord, qui occupera le deuxième rang, et de l’Europe, qui devrait arriver au troisième rang, loin derrière les autres. De toute évidence, les pays se tournent de plus en plus vers l’Asie pour leurs échanges commerciaux, et les activités commerciales du Canada suivent le courant mondial.

L’approche des Canadiens, qui comptent depuis toujours sur leur relation économique avec les États-Unis pour assurer leur prospérité et leur sécurité, pourrait aussi changer profondément. Un certain nombre d’observateurs ont remarqué que le Canada avait déjà tiré tous les avantages possibles de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA). Ils soutiennent que la croissance potentielle de la part du Canada sur le marché américain fléchit, et que le temps est probablement venu de chercher la « prochaine idée géniale » qui réorienterait la stratégie économique du Canada et permettrait aux Canadiens de tirer des avantages aussi grands que ceux dont ils profitent depuis quelques décennies grâce à l’ALENA.

Photo de Reuters RTX12N3X prise par Todd Korol

Ouvriers de plancher de forage sur le site du projet de Cenovus Energy, à Christina Lake, au sud de Fort McMurray, en Alberta.

Même les échanges liés aux besoins énergétiques, qui constituent depuis des décennies une composante essentielle de la relation économique entre le Canada et les États-Unis dans un contexte où l’Amérique cherche à obtenir de sources sûres un volume toujours plus grand de produits énergétiques, entre dans une nouvelle ère. Grâce aux progrès accomplis dans le domaine de la technologie de récupération, les États-Unis disposent d’une plus grande quantité de ressources pétrolières et gazières récupérables qu’auparavant, de sorte que l’Amérique pourrait être en mesure de subvenir à ses besoins en matière d’énergie d’ici 2015.

La production énergétique augmente tant du côté nord que du côté sud de la frontière, mais l’infrastructure, soit les raffineries et les pipelines, n’a pas été développée en conséquence en Amérique du Nord. L’industrie énergétique du Canada a toujours été exclusivement centrée sur son client le plus important, les États-Unis. Un système de pipelines reliant le nord et le sud sert à acheminer vers ce client la majeure partie des sources d’énergie que le Canada exporte, de même que vers les raffineries qui les transforment de la façon la plus économique possible, lesquelles sont situées aux États-Unis. Étant donné que la production énergétique des États-Unis sature de plus en plus le marché et que l’infrastructure du Canada n’assure la commercialisation que dans un sens, c’est-à-dire vers les États-Unis, les entreprises canadiennes sont forcées de vendre leurs produits à un prix qui a descendu jusqu’à près de 30 $ le baril pour rester concurrentielles sur le marché. Selon certaines estimations, cette baisse importante des prix pourrait représenter une perte de revenus d’environ 20 milliards de dollars par année pour l’économie canadienne.

Les États-Unis ayant résolu la question de leur sécurité énergétique, du moins temporairement, la population et l’administration du président Obama sont désormais beaucoup plus préoccupées par les répercussions relatives qu’auront les diverses sources d’énergie sur l’environnement. Étrangement, ils ont décidé de s’attarder aux répercussions environnementales de l’exploitation des sables bitumineux du Canada, même s’ils continuent d’employer le charbon, qui est beaucoup plus polluant que les autres sources d’énergie, pour répondre à 40 pour 100 environ de leurs besoins en énergie électrique. Une telle politisation de la production énergétique aura pour effet net de perpétuer le phénomène de la baisse importante des prix que subit l’industrie de l’énergie canadienne. L’établissement de mesures permettant aux industries des États-Unis d’acheminer en priorité leurs produits vers des raffineries des États-Unis, puis de les vendre au pays ou à l’étranger, risque de marginaliser le Canada en tant que « superpuissance » énergétique en devenir et de limiter sa capacité de protéger ses intérêts à l’échelle nationale et internationale, étant donné qu’il restera dépendant de l’infrastructure du secteur aval de l’industrie des États-Unis. Il est peut-être temps que le Canada change sa stratégie…

En ce qui concerne la sécurité géostratégique des Canadiens, l’histoire qui s’écrit actuellement n’est guère différente de l’histoire de la situation économique. Pendant presque tout le siècle dernier, les préoccupations des Canadiens en matière de sécurité étaient liées à la stabilité politique et à l’équilibre des pouvoirs sur le continent européen. Après deux guerres mondiales, sans oublier la Guerre froide, qui a duré presque un demi-siècle, il semble que l’Europe soit enfin presque parvenue à atteindre une certaine stabilité. L’URSS ne pose plus une menace militaire, et l’Union européenne (UE) semble être en mesure de maîtriser la situation politique en Europe, même si la Russie se sert des sources d’énergie comme d’un outil coercitif. L’Europe, du moins pour le moment, donne l’impression d’être dans une situation telle que les États-Unis ne sont pas obligés de prendre la direction des affaires liées à la sécurité et que le Canada ne se sent pas tenu d’y prendre part au nom du rôle qu’il a joué dans l’histoire et des traditions. Ayant une vision internationaliste, le Canada contribuera probablement dans une certaine mesure aux activités de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) à l’avenir, mais il semble qu’en tant que défenseur du multiculturalisme stratégique, il aura désormais tendance à privilégier les opérations coalisées axées sur des intérêts communs menées en collaboration avec un ou plusieurs des partenaires du groupe connu sous le nom de Groupe des cinq (Canada, États-Unis, Royaume-Uni, Australie et Nouvelle-Zélande).

À l’instar des Européens, les Nord-Américains semblent vivre une situation stable par rapport à la sécurité, qui pourrait être représentative de l’avenir à long terme. Le réalignement et la réorganisation des relations établies à l’intérieur du Canada et des États-Unis et entre les deux pays pour assurer la défense et la sécurité, qui font suite à la Guerre froide et aux attentats du 11 septembre 2001, semblent répondre de manière satisfaisante aux préoccupations des deux pays sur les plans de la sécurité et des affaires politiques. L’infrastructure de sécurité établie durant la Guerre froide, dans le cadre de l’entente visant la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD), a été adaptée de façon à ce qu’elle répondre aux exigences d’une mission de protection de la sécurité globale, même si les changements s’inscrivent désormais dans un processus élargi de transformation et d’intégration.

Les changements amorcés dans le cadre de l’entente visant la NORAD à la suite des événements qui ont compromis la sécurité au cours des deux dernières décennies ont été apportés parallèlement à l’établissement du Commandement Canada (COM Canada) et du Commandement de l’Amérique du Nord (NORTHCOM). Ces deux organisations ont pour mission d’améliorer la sécurité nationale au Canada et aux États-Unis, et d’harmoniser les mesures prises par les deux pays pour assurer la sécurité sur le continent nord-américain. Les responsables poursuivent leur débat pour décider qui, du Commandement de la NORAD ou du COM Canada, doit avoir la primauté en ce qui concerne la gestion de la relation que les deux pays entretiennent pour assurer la protection de la sécurité des deux côtés de la frontière, mais il semble que l’approche globale exhaustive adoptée à cet égard, qui repose sur l’infrastructure existante, soit relativement bien établie et adéquate pour résoudre les problèmes qui surgiront à l’avenir relativement à la protection du continent.

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CDGFG caporal D.G.O. Sergerie

Carte d’Asie

Pourquoi l’Asie?

Pour comprendre ce qui pousse les intéressés dans la région de l’Asie-Pacifique, à l’instar des Canadiens, à souhaiter que le Canada modifie sa politique par rapport à l’économie et à la sécurité, il suffit d’envisager cette possibilité tant du point de vue de l’économie que de celui de la sécurité.

La transformation de la région, qui est devenue un centre mondial en pleine croissance démographique et économique au cours du XXIe siècle, alors qu’elle était une source de matières premières et de main-d’œuvre bon marché du tiers monde à l’ère coloniale, a été à tout le moins révolutionnaire. Parmi les trois centres économiques du monde (Amérique du Nord, Europe et Asie), l’Asie occupera bientôt le deuxième rang après l’Amérique du Nord, et elle a déjà tout le potentiel voulu pour croître plus fortement que les autres.

Des pays asiatiques, soit la Chine, la Corée du Sud, le Japon, l’Indonésie et l’Inde, exercent déjà leur empire sur des secteurs importants du commerce international. Compte tenu de leur taux de croissance, qui se situait dans les deux chiffres jusqu’à récemment, avant de descendre un peu sous les 10 pour 100, ces pays offriront à l’avenir le plus grand potentiel économique du monde. L’Europe peut être considérée comme une concurrente par rapport à la place que le Canada voudrait occuper sur le marché, mais l’Asie doit être vue comme une cliente. C’est l’Asie qui offre les plus grandes possibilités de croissance pour les marchés du Canada et l’économie nationale, avant l’Amérique du Nord et bien avant l’Europe.

La triade des pays de l’Asie du Nord-Est, soit la Chine, le Japon et la Corée du Sud, est d’un intérêt particulier à cet égard. Selon certains, la Chine pourrait surpasser les États-Unis et devenir la plus grande puissance économique du monde d’ici 2017. Malgré les différences historiques et politiques, l’intégration des trois puissances économiques de l’Asie du Nord-Est au système économique mondial se fait rapidement. En fait, celles-ci comptent déjà parmi les plus grandes puissances économiques de la planète, et elles pourraient devenir le centre mondial des affaires et du commerce et, par conséquent, le centre mondial d’approvisionnement en matières premières et en services.

Il a beaucoup été question de la mesure dans laquelle les industries manufacturières semblent se concentrer en Asie aux dépens du secteur manufacturier de pays comme le Canada, mais le fait que les pays industrialisés (dont le Canada) se soient tournés vers le secteur des services, qui est plus lucratif, est passé presque inaperçu. Depuis quelques décennies, le secteur manufacturier occupe une place de moins en moins importante dans l’économie du Canada, et peu de gens savent ou comprennent que celle-ci repose de plus en plus sur la prestation de services et la vente de matières premières, y compris celles qui sont liées à la production d’énergie.

Le potentiel de croissance économique qu’offre le commerce avec l’Asie, particulièrement dans les secteurs des services et des ressources, est la meilleure occasion qui soit pour le Canada d’atteindre ses objectifs de croissance économique dans le paysage qui s’est dessiné après la Deuxième Guerre mondiale. Le Canada doit faire concurrence à l’Union européenne et aux États-Unis pour se tailler une place en Asie dans le monde des affaires.

Photo de Reuters RTX14E1K prise par Andy Clark

Un activiste de Greenpeace suspendu à un réservoir de stockage de pétrole au terminal du pipeline de Kinder Morgan Energy, à Burnaby, en C.-B., le 16 octobre 2013.

Les Canadiens peuvent soutenir la concurrence avec les Étatsuniens et les Européens dans le secteur des services, et ils le font effectivement, mais pour ce qui est du commerce avec l’Asie, le secteur des ressources est probablement celui qui offre le plus grand potentiel de croissance. La stabilité sociale et politique ne peut être maintenue dans la région que si la croissance économique est constante et assurée par une source stable. Pour maintenir une telle croissance, il faut pouvoir disposer d’une source suffisante et sûre d’énergie. Le Canada est particulièrement bien placé (particulièrement doué?) pour jouer un rôle majeur dans le maintien de la croissance économique et de la stabilité politique dans la région, car il dispose d’une quantité abondante de ressources énergétiques stratégiques essentielles, comme le pétrole et le gaz.

L’accès aux acheteurs d’énergie de l’Asie constitue le principal obstacle à la mise à profit de ces ressources pour assurer la croissance de l’économie canadienne. Comme l’infrastructure de transport des ressources énergétiques du Canada a surtout servi à répondre aux besoins en pétrole et en gaz des États-Unis dans le passé, les possibilités que le Canada aurait d’ouvrir de nouveaux marchés en Asie sont limitées et même contrôlées par les États-Unis. Étant donné que les États-Unis parviennent presque à subvenir à leurs besoins énergétiques, ils devront bientôt trouver de nouveaux marchés pour exporter leurs excédents, ce qui signifie que les entreprises des États-Unis et du Canada seront directement en concurrence. L’accès du Canada aux marchés étrangers est actuellement limité par la présence des pipelines et des raffineries qui se trouvent aux États-Unis. La tournure des événements aux États-Unis par rapport aux ressources et aux questions politiques et environnementales indique que la prise de mesures décisives pour remédier à ce problème du Canada n’irait pas dans le sens des intérêts politiques du président et des groupes de défense de l’environnement, ni des intérêts commerciaux des entreprises de l’industrie des ressources.

Il semble que pour résoudre ce dilemme économique, le Canada devrait pouvoir avoir accès à un système de transport maritime desservant des industries extracôtières qui seraient gérées par des Canadiens servant des intérêts canadiens. Malheureusement, la conciliation des intérêts des divers groupes concernés (gouvernements fédéral et provinciaux, Premières Nations, entreprises et groupes de défense environnementale) ne semble pas être envisageable dans un avenir rapproché. D’ici à ce que les intéressés puissent parvenir à une entente, le Canada ne pourra pas protéger ses intérêts économiques et assurer sa prospérité de façon optimale, ni réaliser son plein potentiel en tant que pays capable d’influer sur les affaires régionales et mondiales et d’y participer.

Il est vrai que les questions économiques sont complexes dans le contexte de l’établissement par le Canada de nouvelles relations avec l’Asie, mais les questions liées à la sécurité et les raisons justifiant la présence du Canada en Asie sont au contraire relativement simples.

Les objectifs qui s’inscrivent dans la vision internationaliste du Canada ont toujours été liés au maintien de la paix et de la stabilité dans le monde. La paix et la stabilité dans le monde favorisent la sécurité et la prospérité du Canada, car elles lui permettent d’entretenir des relations politiques, économiques et de sécurité partout dans le monde. L’importance grandissante que revêt l’Asie-Pacifique par rapport aux autres régions, tant pour le Canada que pour les autres pays, sur les plans du commerce, de la protection de l’environnement et du développement humain, montre que le Canada doit prioritairement concentrer sur cette région les maigres ressources dont il dispose pour s’occuper des affaires politiques, des relations internationales et des questions liées à la sécurité, afin de promouvoir ses intérêts autant que possible.

Photo de Reuters RTR37OFO prise par Aly Song

Le Bund, sur les rives du fleuve Huangpu, un jour de brume, à Shanghai, en Chine.

Un certain nombre de problèmes régionaux pourraient perturber le climat de paix et de sécurité en Asie et, par conséquent, empêcher le Canada de promouvoir ses intérêts. Le climat d’hostilité qui s’est installé en Asie du Nord-Est durant la Guerre froide, relativement à la Corée du Nord, fait partie des problèmes à résoudre. Source d’irritation constante qui nuit aux intérêts des États-Unis depuis des décennies, la comédie que joue le régime des Kim en Corée du Nord a jusqu’à tout récemment servi les intérêts véritables de la Chine, principal partenaire et protecteur de la Corée du Nord. La Chine, qui cherche actuellement à se tailler une place dans le système économique occidental, a de moins en moins besoin du régime nord-coréen pour atteindre ses objectifs. Il faut donc trouver un moyen d’empêcher le régime nord-coréen de freiner l’essor des pays de la région, même s’il a entrepris de développer des armes nucléaires.

Photo de Reuters RTR383IC prise par Jason Lee

À Chengdu, des manifestants portent des drapeaux nationaux chinois ainsi qu’une affiche montrant des îles dont la souveraineté est contestée, appelées Senkaku par le Japon, et Diaoyo par la Chine, le jour du 81e anniversaire de l’invasion japonaise de la Chine, le 18 septembre 2012.

Un autre problème important touche la résolution des conflits territoriaux qui opposent actuellement des pays ennemis depuis longtemps dans la région. Les conflits portent sur des rochers situés dans un endroit relativement isolé, dans cette partie de l’océan que la Chine appelle la mer de Chine orientale, qui n’avaient jusqu’ici été d’aucun intérêt particulier, et que la Chine, le Japon et la Corée du Sud revendiquent maintenant. Les conflits qui opposent la Chine et la Corée du Sud, de même que la Corée du Sud et le Japon, sont de relativement faible intensité et n’ont d’autre incidence que celle de faire ressortir les tensions politiques et sociales historiques qui divisent de vieux empires depuis des milliers d’années.

La situation est tout autre en ce qui concerne le conflit qui oppose la Chine et le Japon, qui se disputent les îles Senkaku/Diaoyu, situées dans la mer de Chine orientale, et celui qui oppose certains États de la région de l’Asie du Sud-Est (Vietnam, Philippines, Malaisie, Indonésie) et la Chine, à propos des eaux territoriales de la mer de Chine méridionale, car ces conflits posent une menace réelle et immédiate au climat de paix et de stabilité dans la région. Jusqu’à récemment, les États concernés avaient mis de côté leurs différends de longue date afin d’établir des relations pacifiques qui leur permettraient de protéger leurs intérêts mutuels.

Photo de Reuters RTXYWQI prise par Kyodo

Le navire de la Garde côtière japonaise Awagumo s’approche d’un bateau de pêche japonais dans la mer de Chine orientale pour l’informer de ne pas entrer dans les eaux près des îles dont la souveraineté est contestée par la Chine, le 23 avril 2013.

La croissance de la demande énergétique nécessaire à l’essor économique qui favorisera la stabilité politique nationale a mis les conflits à l’avant-scène des relations entre les pays de la région. La montée d’un nationalisme virulent dans un certain nombre des États concernés complique la situation, car elle nuit à la résolution des conflits par la voie diplomatique et par la recherche d’un compromis, ou l’empêche même complètement. Les tensions de plus en plus fortes entre les États menacent le climat de paix et de stabilité qui règne dans la région, ce qui a pour effet d’entraver l’essor économique des pays qui s’y trouvent et leur intégration au système économique occidental, sur lesquels le Canada compte pour atteindre ses objectifs de croissance.

La stabilité sociale et politique nationale à l’intérieur même des États concernés est sans doute aussi essentielle au maintien d’un climat de paix et de sécurité dans la région que l’établissement de bonnes relations internationales. La Chine en est bon exemple. Le rendement économique incroyable que ce pays a obtenu au cours des deux dernières décennies fait oublier la fragilité et les lacunes de l’infrastructure sociale, économique et politique qui l’a assuré. L’abandon de la politique économique maoïste au profit d’une approche expérimentale favorisant une économie de marché libre soumise à un contrôle central a permis à la Chine d’accomplir des progrès remarquables relativement à la santé et au bien-être de la population. Du même coup, le régime en place a dû répondre aux pressions croissantes de la population chinoise, qui s’est mise à exiger qu’il établisse des programmes sociaux et politiques, de même que des mécanismes de soutien économique, comme ceux qui existent dans les pays développés dont l’économie repose sur le marché libre.

Le Parti communiste chinois doit trouver le moyen d’établir de nouvelles structures et approches économiques et financières qui ne lui sont pas familières de façon à assurer une croissance financière ininterrompue tout en conservant les mécanismes de contrôle dont il a besoin pour rester au pouvoir. Il doit aussi simultanément créer et mettre en œuvre les programmes de bien-être social et de soutien politique indispensables dans tout pays industrialisé ayant une économie florissante. Il doit accomplir tout cela à toute allure pour la population la plus grande de la planète, afin que le peuple chinois ne retire pas au régime la permission sociale qu’il lui a donnée de diriger le pays. Le nombre et la complexité des problèmes inextricables liés à ces objectifs sont affolants, et la possibilité que le régime s’effondre et que le chaos s’installe est une menace bien réelle. La Chine aura absolument besoin du soutien et de la participation de ses partenaires de la région pendant qu’elle établit les mécanismes de gouvernance sociale, politique et financière essentiels à sa survie, de même qu’à la prospérité et à la sécurité de la région en général, si ce n’est pas de tous les pays du monde.

Finalement, il y a le problème de la sécurité dans la région, qui touche le fameux « pivot », soit la réorientation des efforts des États-Unis vers l’Asie. Il est difficile de déterminer clairement quelle orientation les États-Unis donneront à leur politique par rapport à ce problème. Cette politique semble être axée sur une combinaison vague de mesures, comme l’imposition de restrictions s’apparentant à celles qui ont été appliquées durant la Guerre froide pour exclure la Chine du système économique et politique occidental et l’établissement de relations avec la Chine, une solution plus éclairée, pour faciliter son intégration dans ce système. Compliquée par des manœuvres politiques et les restrictions financières imposées dans un contexte de redressement économique, l’approche des États-Unis par rapport à leurs relations avec la région de l’Asie-Pacifique sème l’inquiétude dans la région, tant chez les alliés des États-Unis et ceux qui en approuvent les politiques que chez ceux qui leur font concurrence. Les dirigeants chinois soutiennent que si les politiques des États-Unis ne visent pas la Chine, elles sont décidément à propos de la Chine, et ils s’irritent de ce qu’ils perçoivent comme l’ingérence des États-Unis dans les affaires et les relations des pays de la région. Parmi ces pays, ceux qui sont alliés aux États-Unis cherchent un moyen de profiter tant du soutien des États-Unis dans la région à l’égard de leur souveraineté que des avantages que l’établissement de relations avec la Chine pourrait leur procurer. La Chine et les États-Unis essaient tous les deux de l’emporter sur l’autre pour exercer leur pouvoir et leur influence dans la région. Les pays voisins hésitent à prendre parti et, remarquablement, ils ont refusé de le faire jusqu’ici.

Vancouver Public Library, Acc. No. 1746

Des immigrants chinois installant la voie ferrée du Canadien Pacifique près de Glenogle, en Colombie-Britannique, en 1924.

Les relations passées du Canada avec l’Asie

L’influence que peuvent exercer les Canadiens sur les questions liées à l’économie et à la sécurité de même que sur le maintien d’un climat de paix et de stabilité dans la région dans l’exercice des activités liées à leurs intérêts dépend en grande partie du rôle qu’ils ont joué par rapport à l’Asie dans le passé.

Comme nous l’avons vu, les relations que le Canada a entretenues avec les pays de la région n’ont pas toujours correspondu à l’image que bon nombre de Canadiens se font d’eux-mêmes en tant que défenseurs des principes d’une société égalitaire et multiculturelle. Le gouvernement du Canada a établi des politiques visant à freiner l’immigration et dénotant une idéologie explicitement raciste envers les Asiatiques depuis les premiers jours où il est officiellement devenu une nation, et jusqu’au XXe siècle. Au début, les seuls Asiatiques à être autorisés à entrer au Canada étaient les hommes qui avaient été recrutés pour la construction du chemin de fer. Il était entendu qu’ils allaient être renvoyés dans leur pays à la fin de leur contrat. Plus tard, certains étrangers ont été autorisés à immigrer à condition qu’ils paient une taxe d’entrée et, dans le cas des Asiatiques, à condition aussi qu’ils ne sortent pas de leur communauté. Durant la Deuxième Guerre mondiale, les Canadiens d’origine japonaise ont été forcés d’abandonner leur maison et leur commerce en Colombie-Britannique, et ont été envoyés dans divers camps d’internement. Cette mesure a été prise même si la Gendarmerie royale du Canada avait à l’époque conclu qu’ils ne représentaient pas une menace à la sécurité nationale. Au moment de leur libération, ils ont été laissés à eux-mêmes, sans soutien pour reconstruire leur vie et reprendre leur destin en main.

En ce qui concerne la protection de la sécurité en Asie, le Canada a d’abord mené des opérations limitées à Hong Kong, en Birmanie et dans le Pacifique durant la Deuxième Guerre mondiale, de même que des opérations de maintien de la paix dans la région de l’Inde et du Pakistan de 1949 à 1989, et il a participé à la guerre de Corée de 1950 à 1953.

Politiquement, le Canada a parfois joué un rôle de premier plan dans l’établissement de relations avec la Chine, une fois la révolution communiste accomplie. Conscient de l’influence que pourrait exercer le nouveau régime politique chinois en Asie, Lester B. Pearson a entrepris dès 1949 de convaincre son cabinet qu’il était important que le Canada reconnaisse la Chine. Il a obtenu de son cabinet qu’il adopte une résolution dans ce sens, mais finalement, sa démarche a échoué. Plus tard, dans les années 1960, pendant la famine générale qui a sévi en Chine à la suite de la réforme agraire de Mao, le Canada a fourni des millions de tonnes de blé au pays – à crédit. En 1970, le Canada a finalement reconnu officiellement la Chine, même si les États-Unis ont exercé des pressions pour l’en empêcher. L’année suivante, soit en 1971, le Canada a appuyé la demande d’adhésion de la Chine à l’Organisation des Nations Unies.

Dans d’autres secteurs de l’Asie, le Canada a participé à des discussions visant à amener, par voie de diplomatie alternative, la Corée du Nord à prendre part au processus diplomatique engagé dans la région. Ces discussions s’inscrivaient dans un projet appelé « Dialogue sur la sécurité coopérative dans le Pacifique Nord », mis en œuvre de 1989 à 1993. Le Canada a aussi collaboré à un autre projet diplomatique reposant sur un partenariat avec l’Indonésie au milieu des années 1990, en participant à un atelier sur la mer de Chine méridionale, dont l’objet était de trouver des solutions aux conflits territoriaux qui secouaient la région. Au milieu des années 1990, le Canada a été admis au forum régional de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE), qui a pour mission d’instaurer un climat de paix et de stabilité et de promouvoir une saine gouvernance dans cette région du monde.

Même s’il y a joué un rôle politique et contribué à sa sécurité après la Deuxième Guerre mondiale, comme en témoignent les exemples présentés, le Canada n’a jamais établi de stratégie de coopération cohérente dans la région. La politique officielle du gouvernement a surtout été centrée sur les aspects économiques. Les missions commerciales entreprises par l’Équipe Canada dans les années 1990 en sont la manifestation la plus visible.

Les stratégies, politiques et programmes mis sur pied pour l’établissement de relations avec l’Asie ont tous été mis de côté au milieu des années 1990, lorsque les dirigeants politiques ont dû diriger les fonds et leur attention vers la recherche de solutions visant à redresser la situation économique qui se dégradait au pays. Plus tard, lorsque sa situation économique s’est améliorée, le Canada a tourné son attention vers l’Afghanistan et a affecté des ressources aux missions de protection de la sécurité après les attaques du 11 septembre 2001.

Plus récemment, le gouvernement, dont aucun membre n’avait vécu l’expérience de la collaboration du Canada avec l’Asie ou la Chine, hésitait à établir de nouvelles relations avec les pays de la région, même si le contexte économique et de sécurité était déjà en train de changer. Le temps a passé, toutefois, et le gouvernement fédéral en est graduellement venu à comprendre qu’une telle collaboration pourrait être avantageuse. Il semble que les dirigeants fassent maintenant preuve, quelque peu tardivement, d’un grand enthousiasme à l’idée d’établir des relations politiques et économiques avec les pays de la région en général, mais plus particulièrement avec la Chine.

Les dirigeants reconnaissent non seulement que l’Asie est la région la plus prometteuse pour ce qui est de la coopération économique, mais aussi qu’elle offre au Canada l’une des occasions les plus lucratives d’acquérir les 660 milliards de dollars en investissements directs étrangers dont il aura besoin durant les dix prochaines années pour développer son infrastructure économique et énergétique. En ce qui concerne la politique nationale, non seulement la diaspora asiatique est-elle en pleine croissance au Canada, mais elle devient plus aisée et plus active sur la scène politique et, à ce titre, elle presse le gouvernement de régler les problèmes préoccupants qui affectent l’Asie et pourraient influer sur la capacité du Canada de protéger ses intérêts dans les domaines des affaires politiques, de l’économie et de la sécurité. Compte tenu de tous les facteurs susmentionnés et du développement social, politique et économique amorcé ou éventuel en Asie, il semble que nous en soyons à nous demander non plus si le Canada établira de nouvelles relations avec les pays asiatiques, mais de quelle manière il s’y prendra pour le faire.

Photo du site Shutterstock no 173807102, de hxdbzxy

Port Victoria, à Hong Kong et paysage urbain.

Les relations futures du Canada avec l’Asie

Le facteur social/culturel est le premier à considérer pour déterminer la « manière ». Les peuples et les gouvernements asiatiques accordent de l’importance à la constance dans le temps et à l’établissement de relations personnelles. Le Canada fait piètre figure par rapport à la constance de ses relations avec l’Asie, et il lui faudra donc du temps pour bâtir sa crédibilité auprès des pays asiatiques et pour pouvoir profiter des avantages des relations qu’il aura établies. Pour réussir, il devra faire preuve de patience et de persévérance, des qualités que les dirigeants politiques et les gens d’affaires du monde occidental ne possèdent pas toujours.

Cela dit, les partenaires asiatiques pourront tirer des avantages économiques de l’établissement relativement rapide de liens économiques avec le Canada. Ils auraient, entre autres, la possibilité d’obtenir une grande quantité de sources énergétiques auprès d’un partenaire politiquement stable et économiquement fiable. Si le Canada parvient à surmonter les obstacles qui l’empêchent d’établir une infrastructure énergétique axée sur le marché asiatique, il pourra vraisemblablement attirer plus de capitaux asiatiques qu’il en faut pour financer la construction rapide de cette infrastructure, grâce à des contrats d’approvisionnement à long terme. Tous y trouveraient leur compte, tant le Canada que ses partenaires.

Il faut néanmoins considérer que la relation ne pourra véritablement servir tous les intérêts des Canadiens, y compris ceux des membres de la diaspora asiatique, de plus en plus nombreux et influents sur la scène politique canadienne, que si sa portée dépasse les aspects purement économiques de la stratégie de coopération. Elle doit permettre l’utilisation des leviers diplomatiques et de sécurité que sont le pouvoir et l’influence au sein de la communauté internationale.

Sur le plan des relations diplomatiques, le Canada peut compter sur la réputation qu’il s’est bâtie en tant que médiateur impartial pour aider les États de la région qui prennent part à un conflit à trouver des solutions à leurs différends, à long ou à court terme. Étant donné ce qu’il lui reste de sa bonne réputation dans la sphère des relations internationales et la réalité que, peu importe la solution envisagée pour résoudre un problème, il n’a rien à perdre ou à gagner (le Canada pourra promouvoir ses intérêts si les parties en conflit trouvent des solutions pacifiques, et non pas si la solution tourne à l’avantage de l’une ou de l’autre de ces parties), le Canada serait une ressource valable pour la préservation de la paix et de la stabilité dans une région qui vit depuis longtemps dans un climat de suspicion et d’animosité.

En ce qui concerne la mise en œuvre de sa stratégie actuelle d’établissement de nouvelles relations avec les pays asiatiques, le Canada éprouve une difficulté particulière : étrangement, il n’est parvenu à établir aucun lien avec les organismes de gouvernance les plus utiles et efficaces dans la région. Plus précisément, il s’est fait refuser l’admission à la Réunion élargie des ministres de la Défense des pays membres de l’ANASE et au Sommet de l’Asie de l’Est, du moins jusqu’ici. Ce refus est sans aucun doute la conséquence du manque de constance du Canada dans ses relations avec l’Asie et de sa longue absence dans les affaires de la région. Le Canada ne pourra surmonter cet obstacle et être admis dans la sphère politique des organismes de gouvernance les plus influents de la région que s’il fait preuve de persévérance et s’il cherche constamment des moyens de jouer un rôle à titre de négociateur dans la région.

Pour accroître son influence, le Canada pourrait prendre un autre moyen qui relève aussi du domaine des relations diplomatiques. Il s’agirait de contribuer à établir ce que seraient les pratiques exemplaires et les règles d’une saine gouvernance dans l’infrastructure économique et politique de la région, qui est en pleine évolution. L’aide fournie en vue de stabiliser l’infrastructure sociale, politique et économique qui se développe rapidement dans des pays comme la Chine est un élément essentiel du maintien d’un climat de paix et de stabilité dans la région. Le Canada peut offrir son expertise pour aider les pays de la région à développer l’infrastructure dont ils ont besoin. Ces pays peuvent bénéficier de l’expérience et du savoir du Canada dans ce domaine sans avoir à composer avec le « bagage politique » qui viendrait avec l’aide des États-Unis, s’ils l’acceptaient.

Photo de Reuters RTR2JOV9 prise par Lee Jae Won

Immeubles de Séoul, en République de Corée.

En ce qui concerne les avantages recherchés par les États-Unis dans la région, ils sont de la même nature que ceux que recherche le Canada, ce qui signifie que les relations fructueuses établies par le Canada avec les pays de la région serviraient aussi les intérêts des États-Unis. En outre, le Canada et les diplomates canadiens peuvent parfois, comme cela s’est produit à d’autres moments et dans d’autres régions, agir à titre d’interlocuteurs lorsqu’un problème ne peut pas être résolu dans un contexte de communication directe pour des raisons politiques d’ordre national ou international. Finalement, il serait souhaitable pour les États-Unis que le Canada, un ami et allié de longue date ayant avec lui des intérêts communs, participe à un ou à plusieurs forums régionaux. Ce moyen nuancé de contribuer aux affaires des pays de la région pourrait en soi avoir un effet bénéfique sur les relations entre le Canada et les États-Unis.

Des trois principales voies que le Canada pourrait emprunter pour établir de nouvelles relations avec l’Asie, la sécurité est sans doute le volet pour lequel sa contribution serait le plus limitée, compte tenu des ressources dont le pays dispose pour réaliser ses projets internationalistes dans région. La force armée du Canada est relativement petite et, en règle générale, elle doit réserver ses ressources aux activités qui sont directement liées à la protection de la sécurité nationale, conformément à la stratégie Le Canada d’abord. Par contre, les Forces armées canadiennes ont plus d’un moyen de contribuer à l’atteinte des objectifs qui s’inscrivent dans la stratégie que le Canada compte mettre de l’avant pour établir de nouvelles relations avec les pays de la région de l’Asie-Pacifique.

L’un de ces moyens serait d’employer les ressources dont dispose l’armée pour fournir de l’aide humanitaire ou intervenir en cas de catastrophe. L’intervention opportune et efficace d’une force pour assurer la stabilité d’un pays à la suite d’une catastrophe est une contribution qui ne s’oublie pas facilement. La participation à de telles interventions est une façon pour le Canada de montrer qu’il est à la hauteur de certains idéaux, et elle peut servir les intérêts des Canadiens à long terme.

Les militaires peuvent aussi contribuer à l’atteinte des objectifs en participant à ce que l’on appelle des « mesures propres à renforcer la confiance ». Ces mesures seraient initialement basées sur la participation à des opérations reposant sur l’emploi de ressources militaires pour le bien commun, par exemple pour des activités de recherche et de sauvetage ou la lutte contre la piraterie. Une partie des maigres ressources dont les militaires canadiens disposent pourrait être allouée à la mise en œuvre de mesures propres à renforcer la confiance, au cas par cas, ce qui devrait permettre d’amorcer ou de favoriser les relations entre les forces militaires respectives d’États qui pourraient devenir des adversaires à un moment donné. Si jamais un différend opposait ces États, les leaders de chaque partie auraient l’avantage de connaître leurs homologues et de comprendre leurs tactiques, techniques et procédures, et, par conséquent, de savoir comment s’y prendre pour désamorcer la situation avant qu’une guerre éclate.

Les militaires pourraient jouer un troisième rôle relativement à l’élaboration de la stratégie du Canada par rapport à l’établissement de nouvelles relations avec l’Asie : ils pourraient mettre leur système d’éducation et d’instruction au service des mesures propres à renforcer la confiance. Les représentants de l’appareil gouvernemental et les militaires ne peuvent établir de bonnes relations avec les pays de l’Asie que s’ils connaissent la région, de même que les politiques et les préoccupations relatives à la sécurité des pays qui s’y trouvent. Les établissements d’enseignement et d’instruction militaires du Canada, à tous les échelons et dans tous les services, pourraient donc prévoir des moments où ils pourraient accueillir des clients et des alliés sélectionnés de la région. Les militaires étrangers qui doivent apprendre à travailler en étroite collaboration avec les militaires de pays amis ou comprendre leurs adversaires éventuels pourraient mettre à profit la possibilité qui leur serait offerte de fréquenter un établissement d’enseignement ou d’instruction militaire d’un pays occidental, et les militaires canadiens auraient du coup l’occasion de prendre connaissance des rouages des gouvernements des pays asiatiques et du mode de fonctionnement de leurs forces armées.

La voie à suivre

Le Canada vit une période de changement fondamental par rapport à ses intérêts en matière d’économie et de sécurité, et il devra donc s’éloigner du cercle des relations qu’il a établies au cours de l’histoire avec les pays de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, et même des relations traditionnelles qu’il entretient depuis la fin de la Deuxième Guerre avec les États-Unis. La détérioration de ses relations en Europe, la stagnation de ses relations en Amérique du Nord et les nouvelles occasions que lui offre la région de l’Asie-Pacifique de promouvoir ses intérêts sont autant de raisons qui ont poussé le Canada à réorienter son approche.

Dans le passé, le Canada a manqué de constance dans les relations qu’il a entretenues avec les pays de l’Asie. Il lui faudra donc du temps pour établir sa crédibilité auprès de ces pays et pour les convaincre qu’il peut véritablement contribuer à leur essor économique, de même qu’à l’instauration d’un climat de paix et de stabilité dans la région. Pour atteindre cet objectif tout en protégeant ses intérêts tant sur le plan économique que sur le plan de la sécurité, le Canada peut choisir, entre autres stratégies, de mener une politique économique qui favorise son développement comme fournisseur d’une source d’énergie sûre et stable à long terme propre à assurer la prospérité dans la région de l’Asie-Pacifique. Pour favoriser l’atteinte de l’objectif économique central d’une telle stratégie, il faudra mettre en place des politiques diplomatiques et de sécurité qui feront fond sur l’image du Canada dans la région et contribueront au maintien d’un climat de paix et de stabilité.

Photo du site Shutterstock no 133531652 de Sean Pavone

Ville de Yokohama et mont Fuji, au Japon.