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La Presse Canadienne/Adrian Wyld

Le premier ministre Justin Trudeau.

La défense et les élections de 2015

par Martin Shadwick

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La campagne électorale fédérale de 2015 – assurément l’une des plus divertissante et stimulante de l’histoire politique du Canada – s’est soldée par une forte majorité pour les libéraux en plein essor de Justin Trudeau et la rétrogradation des conservateurs de Stephen Harper – qui auront besoin d’un nouveau chef – à l’opposition officielle (tout de même avec un nombre considérable de 99 sièges) et des néodémocrates de Thomas Mulcair (qui avaient, à leur propre étonnement, accédé à l’opposition officielle sous Jack Layton aux élections de 2011) au statut de tiers parti. Si la campagne a couvert un nombre d’enjeux inhabituellement éclectiques – des styles de leadership et scandales du Sénat au projet de loi C-51, en passant par la crise des réfugiés du Moyen-Orient et le débat sur le niqab – elle a également été façonnée, selon l’article de Michael Coates de Hill & Knowlton Strategies paru dans le Globe and Mail, par un ensemble également éclectique d’erreurs de la part des conservateurs : les publicités qui ont diminué les attentes envers Justin Trudeau en annonçant qu’il n’était tout simplement pas prêt à gouverner; la longueur historique de la campagne, dont une partie a chevauché le procès du sénateur Duffy; une stratégie de débat conçue pour faire passer M. Trudeau pour un homme faible et inefficace; et l’utilisation du niqab pour détourner l’attention. Il semble que ces stratégies aient toutes échoué.

Bien que la question de la politique étrangère n’ait en aucun cas été un facteur déterminant dans la prise de décision des électeurs canadiens, elle a, fait encourageant, joui d’une visibilité accrue pendant la campagne de 2015; les enjeux commerciaux, la participation du Canada dans la coalition contre le groupe EIIS en Irak et en Syrie, l’admission des réfugiés provenant du Moyen-Orient et la critique des libéraux et des néo-démocrates concernant le fait que les conservateurs se sont vraiment écartés (de façon plutôt imprudente) des fondements établis après la Seconde Guerre mondiale en matière de politique étrangère au Canada ont notamment été abordés. Un excellent débat Munk sur les affaires étrangères a notamment contribué à cette visibilité. La politique de défense en tant que telle n’a pas autant retenu l’attention – ce qui n’est guère surprenant étant donné la pléthore d’enjeux nationaux et d’autres ordres – mais il en a tout de même été davantage question que dans les récentes campagnes électorales fédérales.

Photo du MDN GD2015-0100-04

Des membres de la Force opérationnelle aérienne – Irak de l’Aviation royale canadienne et plusieurs membres de la coalition participent à l’exercice de recherche et de sauvetage de combat Shamal Serials organisé – dans le secteur d’entraînement du Koweït, le 16 mars 2015 – pour le personnel de la Force de stabilisation Moyen-Orient qui menait à ce moment des opérations contre l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL).

Au cours de la campagne de 2015, le Parti libéral a articulé sa politique de défense autour de la grande conviction selon laquelle « la présence et l’influence de notre pays sur la scène internationale ont graduellement diminué » pendant l’ère Harper. « Plutôt que de collaborer avec les autres pays au sein des Nations Unies, le gouvernement Harper a tourné le dos aux institutions multilatérales et a affaibli notre armée, nos services diplomatiques et nos programmes de développement. Que ce soit au chapitre des changements climatiques, du terrorisme, de la radicalisation ou des conflits internationaux, il est plus que jamais essentiel d’exercer une diplomatie efficace. Grâce à notre plan, nous rétablirons le leadership du Canada à l’échelle mondiale, non seulement pour apporter sécurité et croissance à notre pays, mais aussi pour contribuer de façon concrète et positive à ce que le monde devienne un endroit plus paisible et plus prospère. »

« Alors que le monde devient de plus en plus complexe et interconnecté, les événements qui ont lieu à l’extérieur de nos frontières sont devenus de plus en plus importants dans la vie des Canadiennes et des Canadiens », énonçait le Parti libéral dans son programme électoral. « Notre sécurité, notre prospérité et notre bien-être dépendent de la manière dont nous traverserons cette période de changements à l’échelle planétaire. Un élément important de l’histoire du Canada et de notre engagement continu dans le monde réside dans nos capacités militaires et nos contributions à la défense du Canada, à la défense de l’Amérique du Nord, aux missions de maintien de la paix des Nations Unies, au secours aux sinistrés et, selon les besoins, aux missions de combat. » « Après toutes ces années de négligence par Stephen Harper, les Forces se trouvent dans un état de stagnation. Après un engagement héroïque de dix ans en Afghanistan, très peu de mesures ont été prises pour préparer l’avenir post-Afghanistan des Forces. Les conservateurs de M. Harper ont fourni très peu de visions, de plans ou de changements culturels pourtant bien nécessaires. Le financement a été irrégulier. Les hausses promises aux militaires ont été réduites. Et plus de dix milliards de dollars en financement – alloués à nos militaires par le Parlement – n’ont pas été dépensés. » L’approvisionnement militaire a été « paralysé », ce qui a engendré de nombreux retards, la dégradation des matériels, de plus grands risques pour les membres du personnel militaire et « une omission de créer des emplois et de stimuler l’économie » dans l’industrie canadienne. De plus, « la formation et la disponibilité opérationnelle ont été considérablement réduites dans tous les types de services. On manque de pièces de rechange. Et peu d’initiatives de transformation ont été prises pour réduire les frais généraux de sorte que de nouveaux investissements puissent être faits dans la disponibilité opérationnelle ». Un gouvernement libéral entamerait « immédiatement un processus d’examen transparent et ouvert pour créer un nouveau «Livre blanc sur la défense» » et maintiendrait « les niveaux actuels de dépense de la Défense nationale », y compris « les hausses déjà prévues ».

Les grandes priorités d’un gouvernement libéral seraient notamment les suivantes : (a) « perfectionner les Forces armées canadiennes pour en faire des forces militaires bien équipées, adaptées, agiles et efficaces qui peuvent réagir de façon appropriée à toute une gamme d’opérations dans un contexte gouvernemental, qu’il soit question de défense du Canada ou de l’Amérique du Nord, de soutien à apporter pendant les catastrophes naturelles, de dissuasion internationale, de missions d’aide humanitaire, de mission de paix et de capacité de combat »; (b) « collaborer avec les États-Unis pour défendre l’Amérique du Nord en vertu du Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD) et contribuer à la défense collective régionale dans les limites de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) »; (c) « veiller à ce que toutes les acquisitions d’équipement soient réalisées dans des délais grandement améliorés et sous surveillance parlementaire rigoureuse, tout en fournissant le leadership décisif, engagé et responsable nécessaire pour mener des programmes majeurs à une conclusion fructueuse en temps utile »; (d) « accorder de nouveau la priorité à la surveillance et au contrôle du territoire canadien et de ses approches, surtout dans nos régions arctiques, ce qui comprendra une augmentation du nombre de Rangers canadiens » et (e) « appuyer les opérations de paix et de sécurité internationales ainsi que les missions de soutien humanitaire avec les Nations Unies ou des partenaires régionaux… ». Dans la composante Promotion de la paix et de la sécurité mondiales de la plate-forme du parti libéral, il est indiqué : « Nous réaffirmerons l’engagement du Canada de participer aux opérations de maintien de la paix des Nations Unies et mettrons à sa disposition, sur une base de cas par cas, des moyens spécialisés [italique ajouté], que ce soit des équipes médicales mobiles, des avions de transport ou un soutien en matière d’ingénierie », « nous enverrons du personnel qualifié pouvant être déployé rapidement, dont des chefs de mission, des officiers d’état-major et des unités de quartiers généraux » et « mènerons une initiative internationale pour améliorer et élargir la formation du personnel civil et militaire déployé lors des opérations de maintien de la paix ».

Les autres priorités énoncées sont notamment : « apporter une assistance à la sécurité nationale et intervenir à la suite de catastrophes naturelles nationales et internationales », « augmenter les capacités des partenaires régionaux et locaux pour prévenir la propagation du terrorisme et de la radicalisation en augmentant grandement le nombre de missions d’aide à la formation » et « mener un examen approfondi des mesures existantes pour protéger la population canadienne et l’infrastructure essentielle des cybermenaces ». Pour répondre au besoin d’avoir « plus de moyens de combat et moins de démocratie », les libéraux se sont également engagés à mettre en place les recommandations formulées dans le « Rapport sur la transformation » des Forces armées canadiennes.

L’une des grandes « priorités en matière d’approvisionnement » des libéraux consisterait « à accélérer et à accroître le renouvellement des immobilisations de la Marine royale canadienne ». « L’achat des nouveaux bateaux que nous jugerons nécessaires de se procurer lors de notre examen sera financé en choisissant de remplacer les [chasseurs] CF18  actuels par des aéronefs plus abordables que les F35. » L’engagement au sujet de la revitalisation de la Marine – qui porte entre autres sur les navires de combat de surface, les navires ravitailleurs et les navires de patrouille extracôtiers et de l’Arctique (NPEA) (la construction d’un sixième NPEA a également été promise pendant la campagne) – permettrait de « nous assurer que la [MRC] est en mesure de fonctionner comme une flotte de haute mer à long terme ». D’autres priorités en matière d’approvisionnement comprennent les nouveaux aéronefs de recherche et de sauvetage, les drones de surveillance de longue portée et une « variété » de projets de l’Armée. « Le Parti libéral n’achètera pas de chasseurs-bombardiers furtifs F35. La mission principale de nos avions de chasse demeurera de défendre l’Amérique du Nord. Nous lancerons un appel d’offres ouvert et transparent pour remplacer les CF18 qui ne comprendra pas d’exigences qui ne reflètent pas les intérêts des Canadiennes et des Canadiens, comme des capacités furtives de première frappe. Nous réduirons l’enveloppe financière en matière d’approvisionnement pour remplacer les CF18. Plutôt que de préparer un budget pour faire l’acquisition de 65 F35, nous planifierons l’achat d’un nombre équivalent ou plus élevé d’aéronefs de remplacement dont le coût sera moins élevé, mais qui seront tout aussi efficaces ». Dans une affirmation qui a fermement placé le Parti libéral à mi-chemin entre le Parti conservateur et le Nouveau Parti démocratique sur la question, le document de la campagne réaffirme la décision déjà annoncée de mettre fin à « la mission de combat en Irak » et de recentrer les efforts sur la « contribution militaire canadienne dans la région en formant les forces locales ».

Affaires publiques de la Marine royale du Canada

Le plus récent rendu d’image du modèle du navire de patrouille extracôtier (NPE).

À l’instar des libéraux, les néo-démocrates ont déploré la direction que la politique étrangère canadienne a prise pendant l’ère Harper, soutenant que « Sous les conservateurs, l’image de notre pays a changé au point de devenir méconnaissable pour bon nombre de pays avec lesquels nous avons collaboré étroitement pendant des décennies ainsi que pour les Canadiens eux-mêmes. Au cours des dix dernières années, le rôle du Canada dans le monde s’est limité à réprimander les gouvernements étrangers aux Nations Unies et à étouffer les progrès effectués dans la lutte aux changements climatiques. Un gouvernement néo-démocrate adoptera un rôle d’agent impartial et juste à l’étranger, et il mettra à nouveau l’accent sur le rôle des Nations Unies et d’autres institutions internationales. » En accord avec l’observation précédente, le NPD avait pris l’engagement de faire « de nouveau du Canada le leader mondial de la paix. Le NPD fera participer le Canada à un plus grand nombre de missions de maintien de la paix des Nations Unies afin que nous retrouvions notre rôle de chef de file du monde occidental en maintien de la paix. Le NPD enverra davantage de personnes qualifiées sur le terrain dans les situations qui exigent une expertise linguistique, logistique ou interculturelle particulière ».

« Après une décennie au pouvoir, il est clair que les conservateurs n’ont pas pu gérer efficacement le ministère de la Défense nationale (MDN). Ils ont laissé les Forces armées canadiennes (FAC) se débrouiller avec du matériel désuet, ont bousillé les processus d’approvisionnement et continuent de mépriser honteusement les membres des FAC lorsqu’ils sont dans le besoin », a suggéré le NPD. Il est donc nécessaire « d’adopter une nouvelle vision pour que nos militaires puissent défendre le Canada, protéger les Canadiens, et contribuer à la paix et à la sécurité internationales avec un effectif bien outillé et de classe mondiale. À la suite des compressions imposées par les conservateurs, l’achat de matériel neuf, tant attendu, est reporté de plusieurs années. La tentative d’accorder le contrat d’approvisionnement des appareils F35 à un fournisseur unique tout en dissimulant le coût intégral ne constitue que l’un des nombreux échecs importants des conservateurs sur le plan de l’approvisionnement ». Pour pallier les lacunes précédentes, notamment, les néo-démocrates s’engageaient à : (a) « préparer un nouveau Livre blanc sur la défense d’ici 2016 afin d’énoncer une vision stratégique précise pour les Forces armées canadiennes et pour les politiques en matière de défense du Canada au XXIe siècle »; (b) fournir aux Forces armées canadiennes les ressources humaines, le matériel et la formation nécessaires pour défendre le Canada et protéger les Canadiens » et (c) « respecter nos engagements militaires en maintenant les enveloppes budgétaires du ministère de la Défense nationale ».

Le NPD a également formulé les promesses suivantes : « lancer un vaste examen, dans le cadre du Livre blanc sur la défense, afin de déterminer la meilleure façon de satisfaire aux besoins du Canada au chapitre du remplacement de la flotte aérienne vieillissante d’appareils CF18, et veiller à ce que tout nouveau programme soit assujetti à un processus d’appel d’offres »; « mettre en œuvre un processus juste et ouvert pour l’achat de matériel militaire; cette démarche garantira que les Canadiens obtiennent le prix le plus concurrentiel et que le personnel militaire reçoive ce dont il a besoin »; « améliorer les systèmes de recherche et de sauvetage afin de respecter les normes internationales relatives aux délais d’intervention, et garantir que notre capacité de réponse soit adaptée aux besoins dans le Nord » et « accroître la transparence au sein du ministère de la Défense nationale en mettant sur pied un bureau de l’Inspecteur général ». De plus, les néo-démocrates ont également réaffirmé leur intention de « mettre fin aux missions de combat inefficaces en Irak et en Syrie et réaffecter les ressources canadiennes pour venir en aide aux civils déplacés par le conflit ».

Le Parti conservateur – comme le fait normalement tout parti au pouvoir – a essentiellement défini les questions de la politique étrangère et la politique de la défense de son programme électoral en réaffirmant vigoureusement ses politiques existantes, y compris le maintien des missions de combat et d’entraînement en Irak et le rétablissement de la « capacité militaire de base des Forces armées canadiennes après une décennie de noirceur sous les Libéraux ». Selon la plate-forme des conservateurs, « la capacité de transport aérien, de surveillance de la souveraineté et de combat des FAC a été renforcée ». Le document précise également que le gouvernement Harper a pris « les mesures requises pour rebâtir la Marine royale canadienne (MRC) et la Garde côtière canadienne par l’intermédiaire de la Stratégie nationale d’approvisionnement en matière de construction navale, exhaustive, d’une valeur d’environ 35 milliards de dollars ». Il ajoute également que le soutien à la défense du gouvernement Harper comprend également une hausse de 11,8 milliards de dollars sur 10 ans au ministère de la Défense nationale. « Le Canada pourra ainsi continuer de compter sur une puissance militaire apte au combat et prête à servir au pays et à l’étranger ».

Le programme de la défense comprend les engagements d’augmenter d’environ 35 p. 100 l’effectif des Forces d’opérations spéciales du Canada d’ici 2022, d’accroître « le nombre de réservistes de 15 p. 100, pour une Force de réserve totale de 30 000 membres au cours des quatre prochaines années » et de refaire du « Collège militaire royal (CMR) de Saint-Jean une institution postsecondaire à part entière, pouvant décerner des diplômes, similaire au CMR de Kingston ». Le Parti conservateur s’engageait également à bâtir sur les récentes décisions d’améliorer la capacité « de la Marine et de la Garde côtière de mener des opérations de recherche et de sauvetage, et de superviser l’intervention en cas de pollution marine dans la région du Port de Vancouver » en « rétablissant et élargissant la base de réserve de la Marine royale canadienne NCSM Discovery à Vancouver, en faisant un centre d’opérations [maritimes] conjointes majeur pour la Marine royale canadienne et la Garde côtière canadienne ». Dans un geste peu orthodoxe, les conservateurs ont également accordé une attention particulière aux Grands Lacs et à la Voie maritime du Saint-Laurent en soutenant qu’il était « impératif que la Marine royale canadienne soit présente dans ces eaux » compte tenu « de l’importance vitale de ce réseau maritime pour notre économie nationale, et de l’accès qu’il offre à nos régions les plus populeuses et au cœur industriel du Canada ». Un gouvernement conservateur réélu tiendrait par conséquent « son engagement envers notre sécurité nationale en commandant quatre navires de patrouille pour la Marine royale canadienne, pour les Grands Lacs et la Voie maritime du Saint-Laurent ». Ces navires seraient également disponibles pour l’instruction de la Réserve navale.

Photo du MDN PA02-2015-0213-069

Des réservistes de l’Armée canadienne provenant des unités médicales de la 4e Division du Canada sortent une pseudo-victime d’un hélicoptère CH146 Griffon au cours de l’exercice Stalwart Guardian, le 21 août 2015.

Le volet sur la défense de la plate-forme libérale présente certaines initiatives des plus intrigantes, en particulier la promesse de réaffecter au rajeunissement de la Marine certaines sommes prévues pour l’acquisition d’avions de chasse. Cependant, dans l’ensemble, les dépenses liées à la défense nationale seront toujours en vive concurrence (c’est compréhensible) avec celles des autres engagements et priorités du Parti libéral à un moment où l’économie est moins que saine. La décision d’exclure les F35 afin de favoriser une option de rechange à moindre coût ne sera pas sans controverse pour le gouvernement Trudeau, en partie parce que les gens informés et de bonne volonté ne sont pas tous du même avis quant aux coûts (tant d’acquisition que de fonctionnement); à l’utilité, à la viabilité et à la rentabilité des technologies de furtivité (on semble croire dans certains quartiers de l’ARC et du MDN que les technologies de furtivité seront nécessaires en temps opportun pour la défense aérienne du territoire canadien ainsi que les opérations de souveraineté aérienne, sans parler des opérations expéditionnaires); au rendement global des F35; à l’absence d’un second moteur dans les appareils des pilotes de chasse canadiens qui doivent mener des opérations dans l’Arctique et les environnements opérationnels; au degré d’interopérabilité requis avec les forces alliées; ainsi qu’aux retombées industrielles et régionales à court, à moyen et à long terme (c.-à-d. celles qui pourraient être perdues si la commande canadienne de F35 est annulée et celles qui pourraient être engendrées par l’acquisition d’un autre chasseur). Il est également pertinent de souligner que le F35 sera en production pendant encore bien des années et que, pour cette raison, les coûts liés à la livraison et à l’acquisition seront répartis sur une longue période de temps. Les autres appareils envisagés, comme le Super Hornet, le Typhoon et le Rafale pourraient être produits beaucoup plus tôt. Le gouvernement du Canada aurait donc à prendre des décisions plus rapidement et à injecter hâtivement des sommes substantielles. La question de la mesure dans laquelle les versions mises à niveau moins chères (mais tout de même très chères) qui font concurrence au F35 doivent faire partie des calculs du gouvernement du Canada pourrait aussi être épineuse. Par exemple, le Canada devrait-il opter pour l’appareil de base F/A-18E/F Super Hornet ou chercher à se procurer la version évoluée (bien que plus chère) du Super Hornet? Dans un même ordre d’idée, serait-il prudent de procéder à un achat parallèle d’un nombre modeste de EA18G Growlers?

© Boeing/B142162

Une vue d’artiste du Super Hornet de pointe de Boeing, le F/A 18F Super Hornet, et du EA-18G Growler, qui volent en formation.

Les répercussions de la renonciation au F35 sur l’ensemble de la politique de la défense sont tout aussi intrigantes. Certains analystes, comme James Drew de Flightglobal, ont interprété les plans des libéraux d’abandonner le F35, de retirer le CF18 des opérations de combat en Irak et en Syrie, d’insister sur la défense de l’Amérique du Nord en tant que « mission principale » des chasseurs canadiens et, de façon générale, de remettre l’accent sur la surveillance et le contrôle du territoire canadien et des voies d’approche, particulièrement en Arctique, comme étant une façon délibérée d’accorder moins d’importance au rôle de soutien au combat expéditionnaire de l’ARC au profit des opérations de défense du territoire du Canada. Selon M. Drew, cela pourrait s’accompagner de la nécessité d’acquérir une capacité de type AWACS (c.-à-d. le Boeing E7), des UAV à grande portée, de nouveaux ravitailleurs et de remplacer les appareils CP140 Aurora.

L’interprétation que fera le Livre blanc à venir des « opérations de sécurité et de paix à l’échelle internationale », des « missions de paix internationales », des « missions de soutien humanitaire », du secours aux sinistrés ainsi que de la place de la « spécialisation » dans ces domaines d’activité est attendue avec grand intérêt. Les analyses et les définitions énoncées dans le Livre blanc auront des répercussions évidentes et possiblement lourdes de conséquences pour la politique de défense du Canada, mais elles influeront aussi sur l’approvisionnement de la défense. Le nouveau gouvernement pourrait, par exemple, juger prudent d’examiner la question de l’utilité – et des améliorations possibles à apporter pour améliorer l’utilité – des navires de soutien interarmées de la classe Queenston prévus à ces fins. De plus, il pourrait trouver avantageux d’envisager à cet égard de conserver à long terme l’ancien navire Asterix ou l’acquisition d’un véritable navire de soutien interarmées pour la MRC.

Martin Shadwick a enseigné la politique de défense canadienne à l’Université York de Toronto pendant bon nombre d’années. Il a été rédacteur en chef de la Revue canadienne de défense et il est actuellement commentateur attitré en matière de défense auprès de la Revue militaire canadienne.

Project Resolve Inc., © Chantier Davie Canada Inc.

Vue d’artiste du pétrolier ravitailleur d’escadre de la classe Resolve.

© ThyssenKrupp Marine Systems GmbH

Wasserbild – soumission de Thyssen Canada pour le navire de soutien interarmées canadien.