CRITIQUES DE LIVRES

Couverture de l’ouvrage « Flying to Victory: Raymond Collishaw and the Western Desert Campaign 1940-1941 »

Flying to Victory: Raymond Collishaw and the Western Desert Campaign 1940-1941

par Mike Bechthold
Norman, OK: University of Oklahoma Press, 2017
296 pages, 34,95 $ US
ISBN 978-0-8061-5596-8 (reliure en toile)

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Critique de David L. Bashow

L’as de l’air canadien Raymond « Collie » Collishaw (1893-1976) sert pendant 28 ans dans l’armée britannique, d’abord dans le Royal Naval Air Service (RNAS), puis dans la Royal Air Force (RAF). Au cours de la Première Guerre mondiale, il remporte 61 victoires air-air confirmées. Cela lui vaut une deuxième place ex æquo dans la liste du classement global de l’Empire britannique avec le célèbre as de l’air irlandais Edward « Mick » Mannock (Croix de Victoria [VC]); tous deux arrivent derrière le Canadien William Avery « Billy » Bishop, VC. Deux des victoires de Collishaw, toutefois, sont remportées en 1919 au cours de l’intervention des forces alliées menée en Russie contre les bolcheviks. Pendant son service en temps de guerre, il se voit décerner de nombreuses récompenses et distinctions honorifiques : l’Ordre du service distingué (à deux reprises), le titre d’officier de l’Ordre de l’Empire britannique, la Croix du service distingué, la Croix du service distingué dans l’Aviation, deux citations à l’ordre du jour, des décorations de la France et de l’Empire russe. Pilote de chasse exceptionnel et commandant tactique hors pair pendant la guerre, il est aussi un leader charismatique et une source d’inspiration pour autrui. Notamment, il se fait un devoir de voler avec les nouveaux pilotes : les laissant tirer quelques rafales en direction d’un biplace ennemi relativement inoffensif, il se glissera après coup doucement en position de tir pour abattre l’avion ennemi. Ensuite, gentiment, il ira donner une tape dans le dos amicale à l’un des nouveaux pilotes et le félicitera de sa première victoire.

Malgré tout, cet excellent livre écrit par l’historien et éducateur canadien Mike Bechthold, Ph. D., ne porte pas principalement sur la fulgurante carrière de Collishaw pendant la Première Guerre mondiale. Il porte plutôt sur le leadership exceptionnel et non reconnu (ou, à tout le moins, à peine évoqué jusqu’à maintenant) dont il fait preuve en 1940 et 1941, au début de la Seconde Guerre mondiale dans le désert occidental de l’Afrique du Nord.

Après la Première Guerre mondiale et avant la Seconde, notre aviateur décidera de rester dans la RAF et servira avec distinction dans le cours de nombreuses aventures impériales britanniques. Il gravira progressivement les échelons de la RAF et assumera des responsabilités grandissantes. En 1919, il combat avec courage dans le sud de la Russie pour aider les Russes blancs (les monarchistes) à faire échec à la révolution bolchevique, en bombardant des objectifs bolcheviques et en abattant deux avions de reconnaissance Albatros de l’Aviation rouge. D’autres aventures l’attendent ensuite en Mésopotamie et, en 1939, Raymond est air commodore (l’équivalent d’un brigadier-général) et Air Officer Commanding du 202 Egypt Group, à la tête des unités aériennes de la RAF en Afrique du Nord. Dans le récit qui s’ensuivra, Bechthold tisse habilement une fascinante histoire où le lecteur apprend comment, en faisant preuve d’innovation et de détermination obstinée, Collishaw et ses unités ont tenu en échec les forces italiennes ennemies très supérieures en nombre. L’auteur écrit ce qui suit : « [Collishaw] a été le premier commandant de la RAF à réussir une campagne en utilisant la puissance aérienne pour acquérir la supériorité aérienne, pour bloquer les lignes de communication ennemies et pour appuyer l’armée de terre sur le champ de bataille. Churchill allait plus tard épouser ces mêmes stratégies qui allaient devenir les piliers de la doctrine alliée en matière d’appui aérien. Il conviendrait de reconnaître le rôle que Collishaw a joué dans l’élaboration et la validation opérationnelle de la doctrine subséquente. Il était fier de ses réalisations dans le désert, mais le souvenir de celles-ci a été terni par l’opinion selon laquelle sa victoire avait été remportée aux dépens d’un ennemi de moindre envergure [les forces italiennes] et par les ruminations d’un commandant [l’Air Marchal Sir Arthur Tedder] qui le jugeait peu apte à combattre les Allemands. Il ne faut pas laisser ces points de vue diminuer la valeur de la fructueuse période de service de Collishaw dans le désert occidental. » [TCO]

Dès le début des hostilités, Collishaw a tiré le meilleur parti de ses ressources limitées en recourant à des tactiques novatrices et en déplaçant souvent ses ressources aériennes pour neutraliser l’Aviation italienne (Regia Aeronautica) et acquérir la supériorité aérienne en Afrique du Nord. En outre, en menant contre ports, concentrations de troupes et navires ennemis des attaques qui visaient à empêcher le renforcement de l’Axe en Afrique du Nord, en déclenchant des attaques de harcèlement novatrices et en coopérant de près avec les forces terrestres, les Britanniques ont finalement réussi à capturer Benghazi, après que la campagne aérienne de Collishaw eut complètement brisé le moral de l’Aviation italienne et permis ainsi aux forces terrestres alliées d’annihiler dix divisions italiennes, de faire prisonniers 130 000 soldats et de détruire ou de capturer plus de 1 200 avions ennemis. Cependant, après l’arrivée massive de renforts allemands dans le théâtre sous le commandement d’un général « plein d’avenir » appelé Rommel, qui avait dirigé une longue série d’avancées fructueuses, Collishaw a tenté en faisant preuve de bravoure et d’innovation d’enrayer et de retarder la progression des forces allemandes avec ses ressources très limitées. Il a dirigé son commandement avec beaucoup d’adresse, d’enthousiasme et de courage, mais ses unités, disposant de moyens insuffisants, ont subi des déceptions et essuyé des critiques. « Tedder, en sa qualité de commandant en chef de la Force aérienne du désert, admirait grandement Collishaw, mais il estimait [sans doute avec un certain préjudice anticolonial] que le Canadien se comportait “ comme un éléphant dans un magasin de porcelaine ”, qu’il était trop impatient d’essayer de tout faire lui-même dans le cadre des opérations quotidiennes (attitude qui contrariait ses officiers d’état-major et leur gâchait la vie), et trop souvent bêtement optimiste quant à ce qu’il était possible de faire avec les hommes et les avions dont il disposait » [TCO]. En raison des vigoureuses frictions qu’il y avait entre lui et les commandants des forces terrestres quant à la meilleure façon d’utiliser l’appui aérien par rapport à la mentalité de l’Armée, et bien que ces commandants eussent ensuite accepté la façon dont Collishaw voyait les choses, ce dernier a été rappelé en Grande-Bretagne en juillet 1942, promu air vice-marshal (grade équivalent à celui de major-général) et chargé de commander le 14e Groupe du Fighter Command auquel il incombait de défendre l’Écosse et Scapa Flow. Bien qu’il eût été fait compagnon de l’Ordre du bain par suite de ses remarquables services, la RAF l’a mis à la retraite sans cérémonie moins d’un an plus tard; il a ensuite sombré dans un oubli relatif jusqu’à la fin de la guerre, après quoi il est rentré au Canada.

Écoutons ici les paroles de Collishaw : « Je pense que j’ai fourni ma plus belle contribution quand j’étais commandant en Afrique du Nord; nous devions alors miser sur notre stratégie supérieure, sur la déception et sur notre esprit combatif contre un ennemi supérieur en nombre. Pourtant, si mon nom est connu un tant soit peu de mes compatriotes canadiens, c’est en raison de l’époque plus insouciante où, comme pilote d’avion de chasse assumant les responsabilités limitées d’un commandant d’escadrille en France, j’ai eu la chance d’abattre un certain nombre d’appareils ennemis sans être tué moi-même. » [TCO]. Étant donné sa propre évaluation laconique de ses contributions aux combats aériens de la Grande Guerre, personne ne pourra jamais accuser Collishaw d’avoir été un maître de l’exagération …

Bref, Mike Bechthold a, après avoir fait des recherches approfondies et méticuleuses, rendu un hommage remarquable à un héros de guerre canadien vraiment formidable dans cet ouvrage dont je recommande fortement la lecture.

Le lieutenant-colonel (à la retraite) David L. Bashow, OMM, CD, a jadis été pilote de guerre, et il ne l’est plus aujourd’hui qu’en rêve. Il est actuellement professeur agrégé au Collège militaire royal du Canada et rédacteur en chef de la Revue militaire canadienne.